David Paul Cronenberg, C.C., O. Ont., MSRC, cinéaste (né le 15 mars 1943 à Toronto, en Ontario). David Cronenberg est le cinéaste canadien le plus influent et le plus réputé sur la scène internationale. Surnommé le « baron du sang » et le « roi de l’horreur vénérienne », il initie le Canada à un nouveau genre cinématique commercial grâce à ses films d’horreur parfois controversés. Ses films signature, ancrés dans « l’horreur biologique », confrontent le public à une exploration provocante, voire prémonitoire, de la relation unissant le sexe, la technologie et la violence. Parmi ces films, on retrouve notamment Shivers (1975; v.f. Frissons), The Brood (1979; v.f. La clinique de la terreur), Scanners (1981), Videodrome (1983; v.f. Vidéodrome), The Fly (1986; v.f. La mouche), Dead Ringers (1988; v.f. Faux-semblants), Naked Lunch (1991; v.f. Le festin nu) et Crash (1996). David Cronenberg est Compagnon de l’Ordre du Canada, chevalier de l’Ordre des arts et lettres de France et intronisé à l’Allée des célébrités canadiennes. Il remporte 10 prix Génie et plusieurs autres prix dans presque tous les festivals internationaux de film importants. Il se voit également décerner des prix pour l’ensemble de son œuvre par les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, les Prix Écrans canadiens, le Festival de Cannes et la Mostra de Venise.
Jeunesse et éducation
Élevé à Toronto dans une famille juive de la classe moyenne, David Cronenberg montre un intérêt précoce pour la littérature et la science. Son père Milton, journaliste d’enquêtes criminelles et propriétaire d’une librairie, et sa mère Esther, musicienne, l’élèvent dans un environnement intellectuel et culturel. David Cronenberg entame en 1963 des études en sciences à l’Université de Toronto puis, l’année suivante, se réoriente vers la littérature anglaise. Ses nouvelles remportent des prix.
Premiers films
David Cronenberg n’étudie jamais formellement le cinéma. Il commence à s’y intéresser lorsque son camarade de classe, David Secter, lui présente son premier film, Winter Kept Us Warm, qu’il considère depuis comme l’œuvre la plus influente de sa carrière. « Il est difficile de reproduire le choc que j’ai ressenti quand j’ai vu mes collègues de classe à l’écran, jouant dans un vrai film, raconte-t-il au Guardian en 2014. C’était surnaturel. »
Le projet inspire alors David Cronenberg à réaliser les courts métrages Transfer (1966) et From the Drain (1967). Bien que de calibre amateur, ces œuvres demeurent des reliques d’un courant cinématographique naissant. En 1967, le réalisateur participe à la fondation du Canadian Filmmakers Distribution Centre (CFMDC) avec des acteurs du milieu cinématographique local, notamment Ivan Reitman (qui plus tard agit à titre de producteur pour Frissons et Rabid [v.f. Rage]). L’organisme, créé sur le modèle d’une coopérative de cinéastes à New York, est encore en fonction aujourd’hui.
David Cronenberg perfectionne son art en réalisant les courts métrages Stereo (1969) et Crimes of the Future (1970), qui proposent une réflexion sur des expériences scientifiques se déroulant dans un univers légèrement futuriste. Tous deux sont considérés comme des œuvres avant-gardistes, tant en matière de forme qu’à l’égard de la structure. Le cinéaste s’oriente ensuite vers les projets populaires commerciaux. Ses réalisations suivantes allient les conventions de l’horreur et celles de la science-fiction pour former une critique ironique et particulière du monde contemporain.
Shivers (1975; v.f. Frissons)
Shivers (1975; v.f. Frissons) est financé grâce à la nouvelle déduction pour amortissement, qui permet aux investisseurs de déduire la valeur totale de leur contribution dans le but de stimuler la production de films commerciaux (voir Films de l’ère des abris fiscaux). Film d’horreur de mauvais goût traitant de parasites éveillant les désirs sexuels des résidents d’un appartement de Montréal, Frissons chamboule la communauté culturelle canadienne à une époque où les films présentés sont plutôt limités aux documentaires de l’Office national du film du Canada et aux films d’art intimes. Le long métrage est dénigré par les critiques canadiens, et surtout par Robert Fulford du journal Saturday Night, qui décrit Frissons comme « une abomination, une honte pour tous ceux qui y sont liés, y compris les contribuables. [...] Si la seule manière d’avoir une industrie du film particulière au Canada anglais est de puiser dans les fonds publics pour produire des films comme celui-ci, une telle industrie n’est peut-être pas nécessaire. » Le long métrage stimule un vif débat dans la Chambre des Communes à propos des types de films auxquels devrait être octroyé un financement public.
Rabid (1977; v.f. Rage)
Pour son film suivant, Rabid (1977; v.f. Rage), David Cronenberg suscite une controverse encore plus grande lorsqu’il choisit la vedette du porno Marilyn Chambers pour incarner le rôle d’une jeune femme qui se délecte du sang de Montréalais. Malgré la controverse provoquée, Rage et Frissons prouvent que le cinéma canadien peut réaliser un profit. Rage génère 7 millions de dollars avec un budget de 700 000 dollars. (En 2018, les sœurs Jen et Sylvia Soska annoncent qu’elles réaliseront une nouvelle version du film.)
The Brood (1979; v.f. La clinique de la terreur) et Scanners (1981)
The Brood (1979; v.f. La clinique de la terreur), Fast Company (1979) et Scanners (1981) font de David Cronenberg un réalisateur susceptible de rapporter de l’argent et lui gagnent plusieurs adeptes, surtout en Europe et aux États-Unis. Scanners scandalise le public avec sa célèbre scène où une tête explose, et devient un film culte. Il marque également une avancée lorsque David Cronenberg est reconnu par la communauté cinématographique canadienne : le film reçoit huit nominations aux prix Génie, notamment pour les catégories du meilleur film et du meilleur réalisateur. Malgré sa popularité grandissante, le réalisateur est toujours confronté à la critique, surtout à celle de Robin Wood, un érudit du film américain. Ce dernier participe à la rédaction de l’anthologie The Shape of Rage, dans laquelle il décrit l’œuvre du réalisateur comme réactionnaire, conservatrice et misogyne.
Videodrome (1983; v.f. Vidéodrome)
Videodrome (1983; v.f. Vidéodrome) raconte une histoire sombre perturbante (et perverse, selon David Cronenberg) à propos des effets de la technologie. Ce long métrage marque le début de l’accès du réalisateur à des cercles importants et lui permet d’être vu comme un artiste à ne pas sous-estimer par plusieurs critiques. Le film met en vedette James Woods dans le rôle d’un programmateur de câblodistribution victime de mutations physiques lorsqu’il est absorbé par des images explicites de sexualité et de violence. Acclamé par Andy Warhol, qui le qualifie d’« Orange mécanique des années 1980 », le film fait écho aux théories de Marshall McLuhan à propos du pouvoir des images et des médias de masse et se veut une prémonition des effets de la pornographie et d’Internet (à un certain moment, le personnage principal interagit avec une vidéo pornographique en passant la tête à travers l’écran du téléviseur).
En 2017, pour le Festival international du film de Toronto (TIFF), le critique Geoff Pevere écrit que Vidéodrome « a sans aucun doute modifié la façon de définir les films et d’en discuter. Après Vidéodrome, il nous est devenu impossible de retourner à la nostalgie des prairies. » Greg Evans, du British Film Institute, écrit que « la philosophie dangereuse de Vidéodrome est la vraie vedette du film. Elle remet constamment en question la relation qu’entretient la société avec le divertissement et la technologie. » On peut lire dans IndieWire en 2015 que « Vidéodrome exploite presque parfaitement les préoccupations qui surgissent fréquemment chez le réalisateur : la dualité entre le corps et l’esprit, l’opposition entre l’illusion et la réalité ainsi que le pouvoir séducteur et érotique de la technologie. Pour cette raison, le film contient la clé à l’ensemble de sa filmographie : c’est probablement le film de Cronenberg le plus cronenbergien. »
Vidéodrome vaut à David Cronenberg son premier prix Génie en tant que meilleur réalisateur. Pour ses films suivants, il commence à explorer une gamme de questions métaphysiques à propos de la relation entre le corps et l’esprit ainsi que des questions éthiques par rapport au rôle de la technologie et de la science dans le monde contemporain.
The Dead Zone (1983) et The Fly (1986; v.f. La mouche)
Après avoir refusé l’offre de George Lucas de réaliser Return of the Jedi (1983; v.f. Le retour du Jedi), David Cronenberg devient un important cinéaste commercial grâce à ses films The Dead Zone (1983) et The Fly (1986; v.f. La mouche), tous deux produits pour Hollywood. Le succès de La mouche lui permet par la suite d’explorer certaines de ses préoccupations plus sombres et personnelles. Sa première adaptation, The Dead Zone, est basée sur un roman de Stephen King et produite par Dino De Laurentiis. Elle met en vedette Christopher Walken, qui incarne le rôle d’un homme qui, sortant du coma, découvre qu’il peut voir le futur. Variety qualifie l’œuvre de « thriller psychologique réussi » tandis que Roger Ebert affirme qu’« aucun autre roman de King n’a mieux été adapté au cinéma. »
La mouche est une nouvelle version d’un film de science-fiction américain classique et met en vedette Jeff Goldblum en tant que scientifique qui se transforme en hybride mi-homme, mi-mouche. « Tout comme pour The Dead Zone, raconte Greg Evans du British Film Institute, La mouche est une tragédie dans laquelle une vie et une relation se détériorent en raison d’une expérience scientifique ayant tourné au vinaigre. » La dégradation physique et psychologique du personnage confirme la réputation de David Cronenberg comme roi de l’horreur biologique. Plusieurs critiques y voient également une analogie avec la crise du sida, ce que le réalisateur dément. « Pour moi, le film est une métaphore du vieillissement, déclare-t-il lors d’une entrevue avec le New York Times. C’est la représentation de toute aventure romantique qui se termine à la mort de l’un des partenaires. Nous sommes tous atteints par la maladie. La maladie d’être mortel. La mort est à la base de toute horreur. »
Vraisemblablement le film de David Cronenberg ayant connu le plus de succès, tant sur le plan de l’exécution artistique que sur le plan commercial, La mouche remporte l’Oscar du meilleur maquillage et génère plus de 60 millions de dollars dans le monde entier.
Dead Ringers (1988; v.f. Faux-semblants)
Après ces films plutôt conventionnels, David Cronenberg poursuit son œuvre avec un film d’art audacieux, Dead Ringers (1988; v.f. Faux-semblants). Ce thriller psychologique angoissant et perturbant, à propos de jumeaux gynécologues (tous deux incarnés par Jeremy Irons) plongeant graduellement vers la démence, est généralement considéré comme étant le meilleur film du cinéaste. Il est également estimé par plusieurs comme l’un des meilleurs films d’horreur jamais réalisés. Mettant en scène Geneviève Bujold dans des scènes sexuelles perverses, Faux-semblants conjugue l’horreur biologique et le sadomasochisme pour former le long métrage de David Cronenberg le plus captivant visuellement et le mieux reçu par la critique. Splendide, mais émotionnellement froid, Faux-semblants pose des questions troublantes sur la nature de l’identité individuelle et explore des thèmes comme l’érotisme, le narcissisme, la misogynie et les dichotomies opposant les hommes et les femmes.
En 1988, Faux-semblants fait l’ouverture du TIFF. Les opinions divergent et le film crée de la controverse, mais il gagne la faveur de la critique. Le quotidien Chicago Tribune le décrit comme « une œuvre saisissante, magnétique, bouleversante », tandis que USA Today le qualifie de « classique instantané ». Janet Maslin, du New York Times, le présente comme un « récit frappant de désintégration physique et psychologique axé sur l’interdépendance désespérée de jumeaux. L’œuvre trouble la perception de la réalité du spectateur. C’est un accomplissement envoûtant, mais effroyablement perturbant. » En 2005, Michael Atkinson du journal Village Voice déclare le film « projet clé » de la « vision déconcertante » de David Cronenberg.
Faux-semblants remporte 11 prix Génie, y compris celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, et permet au cinéaste de décrocher le prix du meilleur réalisateur de la Los Angeles Film Critics Association. Pour plusieurs, le film est l’une des meilleures œuvres de David Cronenberg. En 2004 et en 2015, à la suite de sondages menés par le TIFF, le film est nommé parmi les dix meilleurs films canadiens de tous les temps. Il se classe également au 95e rang de la liste des 100 films les moins conformistes créée par Rolling Stone en 1999, à la 20e place du classement des 25 films les plus effrayants de tous les temps publié par Entertainment Weekly, également en 1999, et 34e du palmarès des 50 meilleurs films d’horreur de Total Film. En 2016, il est sacré l’une des 150 œuvres cultes de l’histoire du cinéma canadien après un sondage mené auprès de 200 professionnels des médias par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et The Cinematheque, à Vancouver.
Naked Lunch (1991; v.f. Le festin nu)
David Cronenberg est choisi pour réaliser Total Recall (1990; v.f. Voyage au centre de la mémoire), une adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick. Il aurait, selon certaines sources, rédigé 12 versions différentes du scénario avant d’abandonner finalement le projet en raison d’une vision créative différant de celle des producteurs. Il entame alors une période lors de laquelle il tente de mettre à l’écran des textes variés difficiles à adapter. Naked Lunch (1991; v.f. Le festin nu), basé sur le roman éponyme de William S. Burroughs, est considéré par plusieurs comme impossible à filmer. Toutefois, le projet que caresse le cinéaste depuis longtemps connaît un grand succès cinématographique. Le festin nu ne représente pas une adaptation directe du roman, mais plutôt un savant mélange entre le roman et la vie de l’auteur : il imagine frénétiquement les circonstances entourant la création du livre.
« Paradoxalement cérébral et primitif, raisonnable et irrationnel, axé sur la vie et nihiliste, Le festin nu est un régal pour les sens et l’intellect », écrit Jay Scott, du Globe and Mail. Grâce à celui-ci, David Cronenberg remporte le prix du meilleur réalisateur de la National Society of Film Critics et celui du meilleur scénario du New York Film Critics Circle. Le film remporte huit prix Génie, y compris celui du meilleur film et celui du meilleur réalisateur.
M. Butterfly (1993)
Après Le festin nu, David Cronenberg poursuit son œuvre avec une autre adaptation littéraire, M. Butterfly (1993), basée sur la pièce de théâtre de David Henry Hwang. Le film fait l’ouverture du TIFF en 1993 et présente encore une fois une excellente performance de Jeremy Irons. Cependant, il est éclipsé par le très populaire The Crying Game (1992), dont le thème est semblable, et tombe rapidement aux oubliettes.
Crash (1996)
Le film le plus controversé de David Cronenberg, Crash (1996), est basé sur le roman de J.G. Ballard. Il met en vedette James Spader, Holly Hunter, Elias Koteas et Deborah Kara Unger dans un drame psychosexuel à propos de personnes ayant un fétiche pour les accidents d’auto. Explicite sexuellement, le film présente des scènes où il y a pénétration dans les plaies ouvertes des victimes. La première est présentée au Festival de Cannes. Le président, Gilles Jacob, prévoit sa diffusion au milieu du festival « pour que ça explose comme une bombe ». Crash devient immédiatement une œuvre controversée, mais remporte le Prix spécial du Jury pour « son audace, son sens du défi et son originalité ».
Ted Turner, le distributeur de Crash, est révolté par le film et tente d’empêcher sa sortie (voir aussi Controverse sur les films de David Cronenberg). Malgré des problèmes de censure dans certains pays, Crash réussit à connaître un certain succès et remporte cinq prix Génie, dont celui du meilleur réalisateur, ainsi que le prix de la Bobine d’or, attribué au plus grand succès commercial canadien.
eXistenZ (1999)
David Cronenberg revient à un scénario original de son cru avec eXistenZ (1999), un film qui examine les idées explorées dans Vidéodrome quant à la relation du corps à la technologie. Le cinéaste le considère comme une « sorte de vue d’ensemble » de ses films précédents. Jonathan Dee, du New York Times, décrit l’œuvre comme « un film particulièrement autoréférentiel où l’artiste représente une forme de danger. Il donne l’occasion à David Cronenberg – qui se qualifie de “fervent existentialiste” – de faire surgir des thèmes essentiels non seulement à sa carrière, mais aussi à l’ensemble de sa philosophie. »
eXistenz remporte l’Ours d’argent de la meilleure contribution artistique au Festival international du film de Berlin, mais manque son coup au box-office et génère moins de 3 millions avec un budget de 31 millions de dollars canadiens. Il est éclipsé par la méga production hollywoodienne The Matrix (v.f. Matrix). Plus tard au cours de l’année, David Cronenberg reçoit le grand honneur d’être le premier canadien à présider le jury du Festival de Cannes.
Spider (2002)
Les films suivants de David Cronenberg s’éloignent de la science-fiction futuriste, s’orientent vers une réflexion psychologique plus personnelle et s’appuient moins fortement sur l’utilisation d’effets spéciaux. Le cinéaste est mandaté pour réaliser la suite du thriller érotique de Paul Verhoeven, Basic Instinct (1992), mais abandonne le projet moins d’un mois avant le début du tournage en raison de « conflits vicieux » avec la vedette du film, Sharon Stone. Il adapte plutôt l’un des premiers romans de Patrick McGrath, le maître anglais contemporain de l’histoire d’horreur gothique.
Spider (2002) met en vedette Ralph Fiennes et dresse le portrait captivant d’un schizophrène. L’œuvre reçoit des critiques plutôt positives à la suite d’une production houleuse lors de laquelle le réalisateur doit différer le versement de son salaire pour sauver le film. Spider est grandement applaudi par la critique et remporte le prix du meilleur film canadien de la part du TIFF et de la Toronto Film Critics Association, en plus du prix Génie du meilleur réalisateur. Cependant, Spider perd énormément d’argent au box-office.
A History of Violence (2005; v.f. Une histoire de violence)
Les échecs financiers consécutifs d’eXistenZ et de Spider mènent David Cronenberg à accepter un contrat et à réaliser A History of Violence (2005; v.f. Une histoire de violence), une adaptation d’une bande dessinée romanesque. Avant la diffusion de la première, à Cannes, le cinéaste annonce à la presse qu’il a créé le film parce qu’il « avait besoin d’argent ». Son interprétation de l’histoire d’un habitant d’une petite ville vivant une double vie en tant que gangster lui permet de prendre une production commerciale et d’y inclure des scènes de sexe sensationnel, de violence troublante, de réflexions existentielles et de menace psychologique. Son travail démontre à quel point l’originalité d’une vision peut rehausser un film de genre.
Les interprétations reflétant la double vie du personnage principal sont particulièrement intéressantes. Manohla Dargis, du New York Times, considère le film comme un « chef-d’œuvre » et écrit que « M. Cronenberg, un Canadien, vise sans aucun doute notre pays. [...] Voilà un film réalisé par un homme qui se présente comme un respectable cinéaste commercial américain, mais qui dissimule son passé particulièrement violent pour créer le film qu’il désire. […] Vu de cet angle, il semblerait que le film ne soit pas une réflexion sur les États-Unis ni sur la violence dans les films américains, mais plutôt sur l’indifférence du Canada par rapport à sa relation avec les États-Unis. »
Une histoire de violence est décoré plusieurs fois, notamment par le prix du meilleur réalisateur de la National Society of Film Critics, par ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur de la Online Film Critics Society et par ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur film canadien de la Toronto Film Critics Association. Le long métrage reçoit deux nominations pour un Golden Globe, dont celle du meilleur film, et deux nominations pour un Oscar, soit pour le scénario de Josh Olsen et pour la performance de William Hurt.
Eastern Promises (2007; v.f. Les promesses de l’ombre)
David Cronenberg fait à nouveau équipe avec la vedette d’Une histoire de violence, Viggo Mortensen, pour tourner Eastern Promises (2007; v.f. Les promesses de l’ombre), un drame se déroulant à Londres et traitant du trafic sexuel et de la mafia russe. La première du film est diffusée au TIFF, où il remporte le Prix du public. Dès lors, le nom du cinéaste réapparaît dans les discussions sur les remises de prix. Les promesses de l’ombre remporte sept prix Génie, est nommé pour trois Golden Globes, reçoit une nomination du BAFTA pour le meilleur film britannique et met Viggo Mortensen en lice pour recevoir l’Oscar du meilleur acteur.
A Dangerous Method (2011; v.f. Une méthode dangereuse)
La collaboration entre David Cronenberg et Viggo Mortensen se poursuit avec A Dangerous Method (2011; v.f. Une méthode dangereuse), qui met en relation le psychoanalyste Sigmund Freud (Viggo Mortensen), Carl Jung (Michael Fassbender) et une patiente, Sabina Spielrein (Keira Knightley). Le film est diffusé pour la première fois lors de la Mostra de Venise et reçoit des critiques mitigées. Alors que certains applaudissent sa retenue et ses performances, d’autres le considèrent comme dramatiquement inerte. Le film remporte cinq prix Génie, dont celui du meilleur acteur de soutien pour Viggo Mortensen.
Cosmopolis (2011)
Également en 2011, David Cronenberg termine la production de Cosmopolis. L’adaptation du roman de Don DeLillo met en vedette un jeune milliardaire (Robert Pattinson) qui fait le commerce du cyberargent tout en paradant dans sa limousine à travers New York, dont le rôle est tenu par Toronto. Le drame ne connaît qu’une sortie en salle locale limitée, mais attire un grand public à l’international. Il remporte deux Prix Écrans canadiens pour la collaboration musicale entre Howard Shore et le groupe indie rock Metric.
Maps to the Stars (2014; v.f. La carte des étoiles)
David Cronenberg collabore avec l’auteur Bruce Wagner, dont la bande dessinée romanesque était la base d’Une histoire de violence, pour créer la comédie noire Maps to the Stars (v.f. La carte des étoiles). Le film, le premier que le cinéaste tourne partiellement à Los Angeles, est une accusation cinglante qui présente l’« usine à rêves » comme un cauchemar. Bien que les critiques considèrent le film comme une satire, le réalisateur insiste sur le fait qu’il est plutôt une simple perversion de la réalité. Le long métrage met en vedette Julianne Moore dans le rôle impassible d’une ex-vedette du cinéma refusant de renoncer à la célébrité. La première de La carte des étoiles est diffusée au Festival de Cannes, où Julianne Moore remporte le prix de la meilleure actrice. Elle reçoit ensuite une nomination pour un Golden Globe. Parmi ses 11 nominations aux Prix Écrans canadiens, le film remporte deux prix. Tout comme Cosmopolis, La carte peine à être diffusé en salle aux États-Unis et est vendu presque immédiatement au format DVD.
Autres réalisations
David Cronenberg travaille occasionnellement à la télévision, notamment pour la création de la série Crimes Against Nature. Il interprète par ailleurs plusieurs rôles au cinéma, dont un dans Nightbreed (1990; v.f. Cabal), de Clive Barker, et un dans Last Night (1998; v.f. Minuit) de Don McKellar. Il fait une apparition éclair dans une adaptation de Barney’s Version (2010; v.f. Le monde de Barney) de Mordecai Richler, où il interprète le rôle d’un réalisateur amateur canadien. David Cronenberg incarne également un révérend dans l’adaptation que font Sarah Polley et Mary Harron du célèbre roman de Margaret Atwood, Alias Grace (2017; v.f. Captive).
En 2008, David Cronenberg met en scène un opéra adapté de La mouche et dont la musique est composée par Howard Shore, avec qui il collabore depuis longtemps. Présenté à Paris et à Los Angeles, le spectacle reçoit des critiques plutôt négatives. En 2014, le cinéaste publie son premier roman, Consumed (v.f. Consumés), qui approfondit ses réflexions sur la technologie, l’horreur biologique et la philosophie existentielle. Plusieurs des critiques, généralement favorables, affirment apprécier la continuité qui existe entre le livre et les films.
David Cronenberg et le Festival international du film de Toronto (TIFF)
David Cronenberg entretient une solide relation avec le Festival international du film de Toronto, qui l’a grandement aidé à se distinguer en tant qu’artiste. Le Toronto Star compare le cinéaste et le festival à des siamois qui grandissent côte à côte. En 1983, le TIFF présente une rétrospective de l’œuvre de Cronenberg, le premier cinéaste canadien à en recevoir une. Le PDG du festival, Piers Handling, écrit : « La rétrospective de 1983 l’a sans aucun doute aidé à se repositionner, à gagner une réputation favorable dans son pays d’origine ». Le TIFF commence à décerner des prix pour les films canadiens en 1984, après les débuts de David Cronenberg à Hollywood. Le cinéaste reçoit cependant le prix du meilleur long métrage canadien pour Spider, en 2002, ainsi que le convoité Prix du public pour Les promesses de l’ombre, en 2007.
En 2013, le TIFF lance sa première exposition originale, David Cronenberg : Evolution, qui présente des articles souvenirs des films du cinéaste et est présentée à l’international. L’exposition crée une collaboration avec le Musée d’art contemporain pour créer David Cronenberg : Transformation, qui illustre l’influence du réalisateur sur une génération entière de cinéastes. Un projet de réalité virtuelle annexe de l’exposition Evolution, BODY/MIND/CHANGE, permet au public de s’immiscer dans le monde de David Cronenberg d’une manière fidèle au style de ses premiers films.
Style caractéristique
La signature de David Cronenberg mélange la sexualité et la violence explicites, un style généralement connu sous le nom « d’horreur biologique ». Ses premières œuvres, utilisant les effets spéciaux, provoquent le public en lui présentant des insectes et des parasites qui envahissent les corps, des têtes qui explosent et des images d’organes génitaux interagissant violemment avec la technologie. Ses films plus récents se tournent davantage vers l’introspection et l’existentialisme, s’appuyant souvent sur les théories de Freud et sur des œuvres littéraires pour explorer la relation entre le corps, l’esprit et la technologie. Le cinéaste affirme franchement qu’il considère la « technologie comme une extension du corps humain ».
Malgré le fait que ses films sont généralement classés dans la catégorie horreur, il dément la perception qu’il est un artiste perturbé. « Mon imagination n’est pas du tout remplie de scènes d’horreur, raconte-t-il au Guardian en 2014. C’est mal comprendre ce que sont mes films. À priori, je trouve que mes films sont drôles. » Il raconte au New York Times en 2005 : « Je pense que tous mes films sont commerciaux. C’est une illusion que j’ai. Je considérais Le festin nu comme un film extrêmement divertissant, alors qu’en sais-je vraiment? »
David Cronenberg s’amuse souvent à utiliser des lieux canadiens pour illustrer des lieux américains, surtout à des fins allégoriques. Pour presque tous ses films, il collabore avec le directeur de la photographie Peter Suschitzky, le monteur Ronald Sanders, la chef décoratrice Carol Spier, le compositeur Howard Shore et la conceptrice de costumes Denise Cronenberg (sa sœur).
Vie personnelle
Même s’il a été élevé dans une famille juive, David Cronenberg se considère aujourd’hui comme athée. En 2005, il affirme au New York Times : « Je ne suis pas seulement un non-croyant, je suis un anti-croyant – selon moi, la religion est une philosophie destructrice. »
David Cronenberg provient d’une famille artistique : son père est écrivain, sa mère pianiste et sa sœur, Denise, est la conceptrice de costumes de presque tous ses films. Sa fille aînée, Cassandra, issue de son mariage avec Margaret Hindson, l’assiste dans la réalisation de plusieurs de ses films. Le cinéaste rencontre sa deuxième femme, Carolyn, alors qu’elle est assistante à la production pour Rage. Elle participe à plusieurs de ses productions et réalise le documentaire Acts of Violence, qui traite de la production d’Une histoire de violence. Ils restent unis jusqu’à sa mort en 2017. De leur union naissent deux enfants : Caitlin, qui deviendra photographe, et Brandon, un cinéaste. En 2012, Brandon réalise son premier film, Antiviral.
Distinctions
David Cronenberg remporte cinq prix Génie pour le meilleur réalisateur, soit plus que tout autre cinéaste, et trois autres pour le meilleur scénario. Il est Chevalier de l’Ordre des arts et lettres de France, intronisé à l’Allée des célébrités canadiennes, Compagnon de l’Ordre du Canada, membre de l’Ordre de l’Ontario, Fellow du British Film Institute et membre de la Société royale du Canada.
David Cronenberg reçoit des prix pour l’ensemble de son œuvre par les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision ainsi que les festivals de Cannes, de Stockholm, de Flandre-Gand, de Palm Springs et de Venise. En 2018, la Mostra de Venise lui décerne un Lion d’or pour la carrière et le caractérise comme « l’un des cinéastes les plus audacieux et stimulants de tous les temps, un créateur inlassable de formes et de langages. »
Héritage
Dans son livre Dark Dreams: A Psychological History of the Modern Horror Film (1977), Charles Derry, professeur de cinéma à l’Université d’État Wright, écrit qu’« aucune discussion sur le film d’horreur contemporain ne peut se conclure sans avoir fait référence aux œuvres de David Cronenberg. » J. Hoberman, de Village Voice, le nomme le « réalisateur nord-américain le plus provocant, original et constamment excellent de sa génération » et le « réalisateur narratif le plus audacieux et stimulant du monde anglophone ». Greg Evans, du British Film Institute, écrit quant à lui en 2007 que David Cronenberg possède « l’une des collections les plus riches et stimulantes du cinéma contemporain ».
Le cinéaste se trouve au 9e rang de la liste des meilleurs réalisateurs du monde selon le Guardian. HorrorNews.net le place au 3e rang de son Top 20 des réalisateurs de films cultes et le magazine de science-fiction Strange Horizons le considère comme le deuxième meilleur réalisateur de science-fiction, après Stanley Kubrick.
Sélection de récompenses
- Prix de mérite pour l’ensemble de la carrière (2014)
- Meilleur réalisateur (Vidéodrome) (1984)
- Meilleur film (Faux-semblants) (1989)
- Meilleur réalisateur (Faux-semblants) (1989)
- Meilleur scénario adapté (Faux-semblants) (1989)
- Meilleur réalisateur (Le festin nu) (1992)
- Meilleur scénario adapté (Le festin nu) (1992)
- Meilleur réalisateur (Crash) (1996)
- Meilleur scénario adapté (Crash) (1996)
- Bobine d’or (Crash) (1996)
- Meilleur réalisateur (Spider) (2003)
Festival international du film de Toronto
- Prix du public (Les promesses de l’ombre) (2007)
- Meilleur film canadien (Spider) (2002)
Guilde canadienne des réalisateurs
- Contribution exceptionnelle à un long métrage (Spider) (2003)
- Contribution exceptionnelle à la réalisation d’un long métrage (Spider) (2003)
- Long métrage exceptionnel (Une histoire de violence) (2006)
- Réalisation exceptionnelle (Une histoire de violence) (2006)
- Meilleur long métrage (Les promesses de l’ombre) (2008)
- Meilleure réalisation — Long métrage (Les promesses de l’ombre) (2008)
- Meilleur long métrage (Une méthode dangereuse) (2012)
- Prix de la guilde pour l’ensemble de la carrière (2015)
Autres
- Meilleur film (Scanners), Fantasporto (1983)
- Meilleur film de science-fiction (Vidéodrome), Festival international du film fantastique de Bruxelles (1984)
- Meilleur réalisateur (Faux-semblants), Los Angeles Film Critics Association (1988)
- Chevalier, Ordre des arts et lettres, Gouvernement de la France (1990)
- Meilleur scénario (Le festin nu), New York Film Critics Circle (1991)
- Meilleur scénario (Le festin nu), Boston Society of Film Critics (1991)
- Meilleur réalisateur (Le festin nu), National Society of Film Critics (1992)
- Meilleur scénario (Le festin nu), National Society of Film Critics (1992)
- Prix spécial du Jury (Crash), Festival de Cannes (1996)
- Prix de la réalisation artistique (Cinéma), Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle (1999)
- Ours d’argent de la meilleure contribution artistique (eXistenz), Festival international du film de Berlin (1999)
- Intronisation, Allée des célébrités canadiennes (1999)
- Nomination comme officier de l’Ordre du Canada (2002)
- Médaille du Jubilé d’or de la Reine Elizabeth II (2002)
- Prix spécial du Jury (pour la carrière), Festival International du Film de Flandre-Gand (2002)
- Meilleur réalisateur (Une histoire de violence), Toronto Film Critics Association (2005)
- Meilleur réalisateur (Une histoire de violence), Online Film Critics Society (2005)
- Prix Billy Wilder pour l’excellence en réalisation, National Board of Review (2005)
- Prix pour l’ensemble de la carrière, Festival international du film de Stockholm (2005)
- Meilleur réalisateur (Une histoire de violence), National Society of Film Critics (2006)
- Carrosse d’Or pour l’ensemble de la carrière, Festival de Cannes (2006)
- Prix Sonny Bono Visionary, Festival international du film de Palm Springs (2006)
- Membre, Société royale du Canada (2006)
- Meilleur réalisateur pour un film canadien (Les promesses de l’ombre), Vancouver Film Critics Circle (2008)
- Prix Douglas Sirk, Festival du film de Hambourg (2007)
- Fellow, British Film Institute (2011)
- Prix Tribute, Gotham Awards (2011)
- Meilleur réalisateur – Film canadien (Une méthode dangereuse), Vancouver Film Critics Circle (2012)
- Médaille du Jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II (2012)
- Prix du cinéaste en marge, Festival international du film de Provincetown (2014)
- Compagnon, Ordre du Canada (2014)
- Membre, Ordre de l’Ontario (2014)
- Lion d’Or pour la carrière, Mostra de Venise (2018)
Diplômes honorifiques
- Université de Toronto (2001)
- Président d’honneur – University Philosophical Society, Trinity College (2010)
- Université de l’ÉADO (2018)