Enfance et début de carrière
Né dans la communauté acadienne de la Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, Phil Comeau est un enfant au tempérament curieux. À l’âge de neuf ans, alors qu’il assiste à une représentation du film La mélodie du bonheur, il est particulièrement marqué par la fuite contrainte de la famille von Trapp. Dans les années qui suivent, il réfléchit à cette scène et y trouve des similitudes avec l’expérience acadienne, un sujet qui devient au cœur de son œuvre (voir Histoire de l'Acadie; Déportation des Acadiens).
À 13 ans, son père lui offre une caméra de format 8 mm. Dès lors, il tourne ses premiers films amateurs avec ses camarades et, un peu plus tard, il fonde deux clubs, l’un en vidéo et l’autre en théâtre. Habité par le désir de devenir cinéaste mais n’ayant pas la possibilité d’étudier dans le domaine faute de programme universitaire en cinéma dans les provinces maritimes, il entreprend en 1974 un baccalauréat en arts dramatiques à l’Université de Moncton.
Premiers films : La cabane et Les gossipeuses
En 1974, l’Office national du film (ONF) ouvre un centre de production francophone à Moncton et invite les aspirants cinéastes acadiens à suivre la voie ouverte par leur prédécesseur Léonard Forest en 1953. Ayant déjà écrit un premier scénario, Phil Comeau décide donc de le soumettre. C’est ainsi qu’âgé d’à peine 20 ans, en 1976, il tourne dans le cadre du programme Régionalisation/Acadie de l’ONF un premier moyen métrage de fiction portant sur la jeunesse acadienne, intitulé La cabane (1977).
Quand il quitte le nid familial, il sait fort bien que ses parents espèrent pour lui une bonne situation professionnelle et considèrent que le théâtre et le cinéma ne sont pas des domaines qui assurent une sécurité financière. Après le tournage de son deuxième film (un moyen métrage populaire produit également par l’ONF), Les gossipeuses (1978), le père change toutefois d’avis : après tout, la passion de son fils pour le cinéma lui ouvre peut-être des avenues prometteuses. Chose certaine, sécurité ou pas, Phil Comeau n’a pas l’intention de renoncer à sa vocation. Lorsque La Production française de l’ONF menace de fermer ses portes en 1980, le jeune cinéaste décide de fonder une compagnie privée, la Ciné-Baie.
Formation en France et exil à Montréal
Nationaliste acadien, Comeau trouve important de rester proche de ses racines et de faire carrière en français. Au début des années 1980, la Société Nationale de l’Acadie et le gouvernement de la France lui octroient la bourse France-Acadie pour aller parfaire son art à Paris. Il y fait un stage avec le documentariste Jean Rouch et y participe à des ateliers du cinéaste François Truffaut. Il passe aussi du temps sur les plateaux de tournage de plusieurs réalisateurs d’expérience, comme Alain Corneau, Jean Becker, Claude Sautet et José Pinheiro, qui deviennent pour lui de véritables mentors.
En 1982, il est de retour au Canada. La situation de la production cinématographique à Moncton étant toujours dans une impasse, il décide de tenter sa chance à Montréal dans des coproductions avec l’Acadie. Pendant un an, les contrats se font rares. Il postule des rôles à la télévision et apparaît dans différentes séries, comme Le temps d’une paix, Entre chien et loup, Paul, Marie et les enfants, Monsieur le ministre et Street Legal, dans lesquelles il joue des personnages à l’accent acadien. Il prête aussi sa voix à un personnage acadien dans le court métrage Rendezvous Canada, 1606. Le jeune artiste apprend beaucoup en regardant les réalisateurs diriger les plateaux de tournage et vit une expérience formatrice.
Le tapis de Grand-Pré et Le secret de Jérôme
En 1986, Comeau tourne son premier film pour enfants, Le tapis de Grand-Pré. Puis, en 1994, il met en valeur Caraquet et Grande-Anse, dans la péninsule acadienne, dans Le secret de Jérôme. Avec un décor à couper le souffle et une distribution comprenant Germain Houde, Rémy Girard, Viola Léger (la célèbre interprète de La Sagouine d’Antonine Maillet) et Myriam Cyr, cette coproduction du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick devient le premier long métrage indépendant acadien. Inspiré d’une histoire vraie survenue en 1863, le film est par la suite projeté au Théâtre de l’UNESCO, à Paris. Il sera numérisé 20 ans plus tard par le projet Éléphant ‒ mémoire du cinéma québécois.
Documentaires
Phil Comeau aime réaliser différents projets, que ce soient des courts métrages, des longs métrages ou des films documentaires. En 2012, il tourne le long métrage Frédéric Back, grandeur nature, un documentaire portant sur Frédéric Back, un illustrateur environnementaliste qui l’inspire et à qui il voue un immense respect (voir Cinéma d'animation).
Il s’intéresse par la suite à Ron Turcotte, un jockey acadien de Drummond, Nouveau-Brunswick qui s’est distingué en illustré en 1973 en remportant la Triple Couronne américaine sur sa monture, le célèbre cheval de course Secretariat. Le long métrage Ron Turcotte, jockey légendaire vaut à son réalisateur trois prix d’importance dans le circuit des festivals de films internationaux, dont le Meilleur film long métrage au Festival international des films sur le sport, à Palerme, Italie.
En 2015, Phil Comeau suit les traces de l’artiste acadien Zachary Richard, qui revisite le passé de ses ancêtres les Richard et les Boudreau en parcourant les trois provinces maritimes et la Louisiane et en questionnant ses proches sur leur sentiment d’appartenance. Avec le long métrage Zachary Richard, toujours batailleur (2016), le réalisateur remporte les prix La Vague Léonard-Forest pour la meilleure œuvre acadienne et Coup cœur du public à l’occasion du Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA). Le documentaire est présenté le 25 janvier 2017 en ouverture au festival du film Cinema on the Bayou tenu à Lafayette en Louisiane, et il y est consacré par le Grand Prix toutes catégories (documentaire, fiction et animation). Le 16 mars 2017, Zachary Richard, toujours batailleur devient le premier film acadien présenté aux Nations Unies à Genève.
Projets à venir
Avec ses 40 ans de carrière et une centaine de productions à son actif, Phil Comeau souhaite réaliser d’autres films sur l’Acadie. Les plateaux de tournage et les salles de montage étant pour lui des lieux de prédilection, il considère la réalisation comme un défi stimulant car, comme il le confie dans le journal Acadie Nouvelle, « tout est à recommencer à chaque fois ». En 2017, il participera à la réalisation d’une série documentaire en deux volets, Vague d’Acadie, consacrée au rayonnement des musiciens acadiens dans la francophonie.
Prix et récompenses (sélection)
- Prix d’excellence (La musique nous explique), Festival du film de l’Atlantique, Halifax (1984)
- Prix d’excellence (Le tapis de Grand-Pré), Festival de cinéma des premiers Jeux de la Francophonie (1986)
- Prix d’excellence (Le tapis de Grand-Pré), Festival du film de l’Atlantique (1986)
- Meilleure série (Archéologie), Cable Ace Awards, Los Angeles, Californie (1992)
- Meilleure série (Archéologie), WorldFest-Houston, Texas (1992)
- Prix du public (Le secret de Jérôme), Festival international du film francophone, Namur, Belgique (1994)
- Prix de la meilleure première œuvre (Le secret de Jérôme), Festival international du film francophone, Namur (1994)
- Prix Maverick (Le secret de Jérôme), Cinequest Film Festival, San José, Californie (1994)
- Prix Héritage Lapnappe (Le secret de Jérôme), Festival international de la Nouvelle-Orléans, Louisiane (1994)
- Prix La Vague (Le secret de Jérôme), Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA), Moncton (1994)
- Prix du public (Le secret de Jérôme), Festival du film de l’Atlantique (1994)
- Prix Champion, Fédération culturelle canadienne-française (1995)
- Prix Grand-Pré, ministère de la Culture de la Nouvelle-Écosse (aujourd’hui Arts Nova Scotia) (1997)
- Meilleure série (Émilie de la Nouvelle Lune), Alliance for Children and Television Awards, Toronto (1998)
- Prix Méritas, Fédération acadienne du Québec (1999)
- Meilleure série (Pit Pony), Young Artist Awards, Los Angeles (2000)
- Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres, ministère de la Culture de la France (2006)
- Ordre des francophones d’Amérique, Conseil supérieur de la langue française (2007)
- Doctorat honorifique (beaux-arts), Université Sainte-Anne (2007)
- Prix du public et Mention spéciale du jury (La nature avant tout), Festival de films de Portneuf sur l’environnement (2009)
- Sélection coup de cœur (La Sagouine), Festival des créations télévisuelles de Luchon, France (2010)
- Membre de l’Ordre du Canada (2011)
- Prix du public (Frédéric Back, grandeur nature), Festival International du Film sur l’Art (FIFA), Montréal (2013)
- Prix du public (Frédéric Back, grandeur nature), FICFA (2013)
- Prix du public (Frédéric Back, grandeur nature), Festival du film Cinema on the Bayou, Lafayette, Louisiane (2013)
- Doctorat honorifique (ès arts), Université de Moncton (2013)
- Prix du public (Ron Turcotte, jockey légendaire), Festival international des films Cinéfest, Sudbury (2013)
- Meilleur film long métrage (Ron Turcotte, jockey légendaire), Festival international des films sur le sport, Palerme, Italie (2014)
- Grand prix du jury (Ron Turcotte, jockey légendaire), Festival du film Cinema on the Bayou (2014)
- Certificat de mérite, Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (2014)
- Prix Acadie-Québec, Bureau du Québec et Société Nationale de l’Acadie (2014)
- Ordre du Nouveau-Brunswick (2016)
- Chevalier de l’Ordre de la Pléiade, Assemblée parlementaire de la Francophonie (2016)
- Prix La Vague Léonard-Forest pour la Meilleure œuvre acadienne moyen ou long métrage (Zachary Richard, toujours batailleur), FICFA (2016)
- Prix La Vague Uni Coopération financière pour la Meilleure œuvre acadienne court métrage (Belle-Île-en-Mer, île bretonne et acadienne), FICFA (2016)
- Prix La Vague Coup de cœur du public (Zachary Richard, toujours batailleur), FICFA (2016)
- Grand Prix toutes catégories (Zachary Richard, toujours batailleur), Festival du film Cinema on the Bayou (2017)
- Mention spéciale du jury (Belle-Île-en-Mer, île bretonne et acadienne), Festival du film Cinema on the Bayou (2017)