Article

Le Canada et la deuxième bataille d’Ypres

La deuxième bataille d’Ypres se déroule du 22 avril au 25 mai 1915, pendant la Première Guerre mondiale. C’est la première grande bataille menée par les soldats canadiens durant le conflit.La bataille a lieu sur le saillant d’Ypres, sur le front occidental, à l’extérieur de la ville belge d’Ypres (aujourd’hui connue par son nom flamand, Ieper). Les Canadiens sont couverts d’éloges pour leur bravoure et leur ténacité au combat, tandis qu’ils font face à une effroyable attaque au gaz toxique, la première de l’histoire moderne. Les soldats canadiens maintiennent une section stratégiquement critique de la ligne de front jusqu’à l’arrivée des renforts. Les pertes sont lourdes : plus de 6 500 Canadiens sont tués, blessés ou capturés lors de la deuxième bataille d’Ypres.

Deuxième bataille d'Ypres, du 22 avril au 25 mai 1915
À la deuxième bataille d'Ypres, en Belgique, 1915. Peinture réalisée par Richard Jack (avec la permission du Musée canadien de la guerre/8179).

Deuxième bataille d’Ypres

Date

Du 22 avril au 25 mai 1915

Emplacement

Ypres (aujourd’hui Ieper), Flandre-Occidentale, Belgique


Nations participantes

Royaume-Uni (Canada, Inde), France (Algérie et Maroc), Belgique; Empire allemand

Pertes subies

59 000 soldats britanniques (dont 6 500 Canadiens)

22 000 soldats français*

35 000 soldats allemands

*estimation

Saillant d’Ypres

Les hommes de la 1reDivision d’infanterie canadienne (agriculteurs, bûcherons, avocats, ouvriers des usines, entrepreneurs, enseignants et médecins) sont parmi les premiers Canadiens à se porter bénévoles pour le service de guerre. Plus de 31 000 hommes se rendent en Angleterre, faisant partie du Corps expéditionnaire canadien, en octobre 1914. Après une période de formation en Angleterre, ils arrivent en France en février de l’année suivante. À ce moment-là, le combat sur le front occidental s’est stabilisé en une guerre d’attrition entre les grandes armées de l’Allemagne, d’un côté, et de la France et de la Grande-Bretagne, et de l’empire de cette dernière, de l’autre, tous retranchés dans un vaste réseau de tranchées entre la mer du Nord et la Suisse.

En avril 1915, après avoir brièvement goûté à la vie dans les tranchées dans un secteur relativement tranquille du front, la 1re Division d’infanterie canadienne reçoit l’ordre de se rendre au saillant d’Ypres, une énorme ligne protubérante du front, sur les plaines de Flandre, à l’est de l’ancienne ville belge d’Ypres. Les Forces alliées veulent protéger Ypres en partie parce qu’elle offre des liens ferroviaires et terrestres aux ports sur la côte, qu’ils sont déterminés à garder hors de la portée des Allemands. La défense du peuple belge est également une puissante justification du rôle de la Grande-Bretagne dans la guerre, et l’abandon d’Ypres (le dernier grand centre belge qui n’est pas occupé par les Forces allemandes) signalerait une victoire importante pour les Allemands.

Le saillant est un endroit dangereux pour les défenseurs alliés. Il est entouré sur trois côtés par les soldats et l’artillerie ennemis. De plus, les tranchées que les Canadiens occupent en avril sont terriblement inadéquates. Elles sont peu profondes, mal construites, et remplies d’excréments humains, de flaques d’eau et des cadavres non enterrés de soldats tués dans les combats précédents.

Deuxième bataille d'Ypres, 1915.

Première attaque au gaz de la Première Guerre mondiale

Les armes chimiques sont interdites par les traités internationaux avant la Première Guerre mondiale. Néanmoins, au printemps 1915, l’Allemagne décide de tester une nouvelle arme, le chlore gazeux, sur le saillant d’Ypres. Le 22 avril, les Allemands libèrent plus de 160 tonnes de gaz depuis des milliers de contenants disposés le long des lignes allemandes. Les Canadiens et les troupes franco-algériennes, qui occupent alors les tranchées à leur gauche, observent un nuage jaune-vert qui apparaît au-dessus du no man’s land, entre les armées ennemies, et qui dérive sur le vent vers le sud, au-dessus des lignes des Forces alliées.

La partie la plus dense du nuage atteint les Algériens. Le chlore leur brûle la gorge, et leurs poumons se remplissent de mousse et de mucus. Ils se noient dans leurs fluides corporels. Les Canadiens, choqués et horrifiés, voient les Algériens qui s’étouffent et se sauvent en panique, créant un trou de6 km dans les lignes de front de leur flanc gauche.

Alors que les Forces allemandes s’avancent derrière le nuage dérivant vers les tranchées vidées des Algériens, les bataillons canadiens et britanniques, y compris des soldats qui souffrent des effets du gaz, s’avancent pour boucher le trou. Pendant des heures de combat désespéré ce jour-là, ils arrivent, à l’aide de groupes isolés de Français et d’Algériens, à empêcher que l’ennemi entoure la 1reDivision d’infanterie canadienne à l’intérieur du saillant, et ils atteignent la ville d’Ypres.

Deuxième attaque au gaz

Au cours des prochains jours, les Forces canadiennes et britanniques lancent des contre-attaques, entrent dans une série d’engagements chaotiques aux crêtes de Mauser et de Gravenstafel, et combattent corps à corps à Kitchener’s Wood, afin de brusquer l’assaut allemand et de maintenir les lignes à l’extérieur d’Ypres.

Le 24 avril1915, une deuxième attaque est menée contre les Canadiens. Aucune des troupes ne porte de masque antigaz à cette étape de la guerre. Un certain nombre de Canadiens se sauvent, d’autres essaient de s’échapper au gaz en se couchant sur le ventre dans les tranchées, où le nuage vert et brumeux, plus dense que l’air, se dépose et les tue. Cependant, bon nombre de soldats survivent en suivant les consignes des officiers médicaux, qui identifient le chlore gazeux et leur disent de respirer dans des mouchoirs imbibés d’urine.

LE SAVIEZ-VOUS?
Les attaques au gaz de la Première Guerre mondiale font environ 1 million de victimes, dont 12 000 Canadiens. Selon le Musée canadien de la guerre , «bon nombre de soldats n’ont jamais signalé leurs expositions au gaz considérées comme mineures qui, dans l’immédiat, ne leur avaient causé aucun effet invalidant. Lorsqu’ils souffriront, bien des années plus tard, de maladies causées par des produits chimiques, ils tenteront en vain d’obtenir des prestations médicales, ayant négligé à l’époque de documenter leurs blessures de guerre.»

  

Soldat canadien portant un masque à gaz au camp militaire Shorncliffe, dans le comté de Kent (Royaume-Uni), en 1917. 

(avec la permission de Clifford M. Johnston/Bibliothèque et Archives Canada/PA-056171)

« Le gaz est monté et s’est étendu sur les tranchées, et il y est resté, moins haut qu’une personne, mais répandu partout, dit Lester Stevens, membre du 8ebataillon d’infanterie canadien de Winnipeg et témoin de la deuxième attaque au gaz. Deux camarades, un à ma droite et l’autre à ma gauche, sont tombés. On a fini par les emmener à l’hôpital, mais ils sont morts tous les deux… J’étais athlétique en ce temps-là, et j’étais bon nageur, j’ai pu retenir ma respiration… j’ai vu arriver les gaz, j’ai noué un mouchoir sur mon nez et ma bouche… Ce geste m’a sauvé la vie. »

L’attaque du 24 avril ouvre de sérieuses brèches dans les lignes canadiennes et contraint plusieurs bataillons de battre en retrait. Globalement, cependant, la 1reDivision d’infanterie canadienne, en piteux état, résiste à l’attaque à l’extérieur d’Ypres, permettant aux renforts français et britanniques d’arriver. Après quatre jours de combat intense, les Canadiens sont pour la plupart relevés le 25 avril.

LE SAVIEZ-VOUS?
Le Dr Cluny Macpherson , de St. John’s , à Terre-Neuve-et-Labrador , est connu pour son invention du masque antigaz PH après la deuxième bataille d’Ypres. Le «Tube Helmet», tel qu’on le surnomme, est un masque en toile traité au moyen de produits chimiques qui offre une protection contre le chlore et le phosgène. On distribue ce masque aux soldats de l’armée britannique en juillet 1915.

Exercice de masques à gaz, 92nd Highlanders, le 15 août 1916.

(avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/a022718)

Au champ d’honneur

Parmi ceux qui sont profondément affectés par l’horreur du combat se trouve le lieutenant-colonel John McCrae , un officier du corps médical militaire canadien, qui compose le célèbre poème «Au champ d’honneur» au milieu de la bataille. John McCrae subit des dommages aux poumons durant la bataille, ce qui vient aggraver son asthme préexistant. Qu’à cela ne tienne, il soigne ses camarades au poste de secours d’Essex Farm non loin d’Ypres. Dans ce bunker au sol de terre battue, la seule lumière est celle diffusée par des lanternes et celle provenant du peu de soleil qui parvient à filtrer par l’embrasure de la porte.

Manuscrit de In Flanders Fields
John McCrae a écrit ce poème en 20 minutes pendant la Bataille d'Ypres. Cela deviendra le plus célèbre poème de guerre.
(avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-128809)

Importance et héritage

La deuxième bataille d’Ypres se poursuit encore pendant un mois après le départ des Canadiens, menée en grande partie par des unités britanniques qui rétablissent le contrôle du saillant d’Ypres, ainsi que par un bataillon de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry .

Les Canadiens sont couverts d’éloges pour le courage et la ténacité qui leur ont permis de tenir la ligne malgré les attaques au gaz des quatre premiers jours critiques de la bataille. Ils acquièrent une réputation des plus enviables pendant la guerre. Par contre, le prix de cette réputation est élevé. Les Forces britanniques perdent 59 000 hommes (tués, blessés ou capturés) dans la bataille qui dure un mois. Plus de 6 500 de ces pertes sont des Canadiens, y compris 2 000 Canadiens qui y perdent la vie.

Le soldat ontarien Albert Roscoe écrit dans une lettre à sa mère, quelques semaines après la bataille : « Je ne sais pas comment il se fait que je sois en vie aujourd’hui. Je ne pourrais l’expliquer. »

Les forces canadiennes reviennent au saillant d’Ypres en 1917 pour participer à la bataille de Passchendaele , aussi connue sous le nom de «troisième bataille d’Ypres». Ce conflit sanglant fait 15 654 victimes canadiennes, dont plus de 4000 soldats qui mourront au combat.

En savoir plus

Collection: Première Guerre mondiale

Réserver la visite d’un orateur

Statistiques de la Première Guerre mondiale

Début :

4 août 1914

Fin :

11 novembre 1918

Population du Canada :

8 millions

Canadiens qui ont servi (hommes et femmes) :

630 000

Ceux qui sont allés outre-mer :

425 000

Canadiens tués :

60 661

Canadiens blessés :

172 000

Grandes batailles (auxquelles le Canada a participé) :

St. Eloi (1916)

Mont Sorrel (1916)

La Somme (1916)

Crête de Vimy (1917)

Côte 70 (1917)

Passchendaele (1917)

Amiens (1918)