Doer, Albert Gary
Albert Gary Doer, homme politique, premier ministre du Manitoba de 1999 à 2009 (Winnipeg, Man., 31 mars 1948). Il grandit à River Heights puis fréquente l'Université du Manitoba, mais la quitte avant d'avoir obtenu son diplôme.
Au début des années 1970, Doer, devenu conseiller auprès des jeunes, travaille à divers titres au Vaughan Street Detention Centre et au Manitoba Youth Treatment Centre, à Winnipeg. Il devient vite un membre influent de l'Association des employés du gouvernement du Manitoba (MGEA), qui devient plus tard le Syndicat des employés du gouvernement du Manitoba. En 1977, il en est le vice-président et, deux ans plus tard, le président, poste qu'il occupe jusqu'en 1986. À ce titre, il participe à un certain nombre d'initiatives de premier plan : coordination des stratégies de négociations provinciales et nationales, création d'une garderie pour les employés du gouvernement provincial et obtention d'une loi sur l'équité salariale dans la fonction publique provinciale.
Il est recruté par le Nouveau Parti démocratique en mars 1986 et se fait élire dans Concordia, une circonscription de Winnipeg. Il est immédiatement nommé ministre des Affaires urbaines dans le gouvernement d'Howard Pawley, qui vient d'être porté au pouvoir avec une faible majorité. En août 1988, consolidant ainsi ses liens avec le NPD, il épouse Ginny Devine, ancienne enseignante et membre du personnel politique du gouvernement d'Howard Pawley dans les années 1980.
En mars 1988, Pawley démissionne et, lors d'un congrès à la direction du parti convoqué à la hâte, Gary Doer est élu chef du parti. Cependant, il ne devient pas premier ministre bien que, théoriquement, cela aurait été possible.
Pour Doer et le NPD, l'élection n'est rien de moins qu'une question de survie face à un Parti libéral revigoré sous la direction de Sharon Carstairs et à un Parti conservateur plus populaire dirigé par Gary Filmon. C'est l'époque où l'Accord du Lac Meech et la présence d'un gouvernement Progressiste-Conservateur controversé à Ottawa modifient énormément le paysage politique traditionnel du Manitoba. À l'élection d'avril 1988, le NPD survit, mais de justesse. Doer conserve son siège et dirige un caucus réduit de 12 députés.
Il développe une alliance avec le Parti conservateur provincial de Filmon. Il aide à garantir que le gouvernement minoritaire de celui-ci ne sera pas mis en difficulté par le budget d'août 1988. Il prend quand même position haut et fort contre les décisions du Parti conservateur et, avec son leader adjoint, soutient l'opposition des libéraux au budget présenté par le gouvernement. Toutefois, il s'organise astucieusement pour que son propre caucus s'abstienne de voter. Dix néo-démocrates ne votent donc pas et Filmon survit. Cependant, cette stratégie aide le Parti conservateur à s'ancrer fermement au pouvoir jusqu'en 1999.
En août 1990, le premier ministre obtient du lieutenant-gouverneur, George Johnson, une dissolution de l'Assemblée législative à un moment favorable. Lors de l'élection suivante, le NPD améliore ses résultats : Doer devient le chef de l'opposition. Néanmoins, les conservateurs détiennent maintenant un gouvernement majoritaire. Tout au long des années 1990, il se bat pour que le régime d'assurance-maladie demeure un système public et accessible et critique avec véhémence toute réduction budgétaire du gouvernement. À l'élection de 1995, tout lui permet d'espérer accéder au pouvoir. Cependant, Filmon exploite habilement la campagne visant à sauver les Jets de Winnipeg et gagne l'appui écrasant des jeunes électeurs masculins.
En 1999, chef de l'opposition depuis neuf ans, Doer risque de paraître hors course s'il perd encore une fois. Il bricole alors un audacieux programme électoral en empruntant de nombreux thèmes à ce qui a été appelé le modèle de la « troisième voie » et a fait le succès de Tony Blair en Angleterre. Il insiste sur le fait que le NPD respectera les mesures législatives sur l'équilibre budgétaire et n'augmentera pas les impôts, mais défendra coûte que coûte le régime public d'assurance-maladie. Grâce à ce programme et à la perte de légitimité populaire des conservateurs, due au scandale de fraude électorale survenue dans la région des lacs à l'élection de 1995, le NPD remporte la victoire. Le parti de Doer gagne 44 p. 100 des voix et obtient 32 sièges, ce qui constitue une large majorité pour le Manitoba. Sa campagne est une réussite. Il a convaincu le public que, aux programmes sociaux traditionnellement défendus par le NPD, pouvaient s'ajouter des convictions fermes et sensées sur l'économie.
Son gouvernement est prudent et, à bien des égards, conservateur, faisant siennes nombre d'initiatives de la précédente administration. Favorisé par les abondants revenus d'une économie en expansion et de plus importants transferts du gouvernement fédéral, il n'a aucune difficulté, durant ses deux premières années au pouvoir, à accroître les dépenses dans le système de santé tout en accordant une légère diminution des impôts à la classe moyenne inférieure. Son gouvernement adopte un profil bas et cherche consciemment à éviter toute controverse. Jusqu'à ce jour, sa popularité demeure élevée. Il a survécu dans des circonstances difficiles en maintenant le NPD au pouvoir à un moment où sévit un néo-conservatisme exerçant d'énormes pressions sur la démocratie sociale.
Doer déclenche des élections une seconde fois en 2003. Les thèmes principaux de sa campagne sont la réduction des temps d'attente en soins de santé et l'augmentation du financement de l'éducation et du maintien de l'ordre dans la province dans un cadre budgétaire empreint de prudence. Le NPD est encore élu avec une majorité de voix et remporte cette fois 35 sièges. La victoire du NPD à l'élection de 2007 lui permet d'augmenter son nombre de sièges à 36 et, par la même occasion, d'être le premier parti du NPD de l'histoire à être élu majoritaire à trois élections consécutives.
En 2009, le populaire Doer quitte son poste de premier ministre. C'est l'ancien ministre des Finances Greg Selinger qui le remplace en octobre. Peu après son départ, Gary Doer succède à Michael Wilson au poste d'ambassadeur du Canada aux États-Unis.