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Droit de la Famille au Canada

Le droit de la famille est crucial pour la population canadienne en ce sens qu’il régit les relations entre les époux et entre les parents et leurs enfants. En droit de la famille, le mariage et divorce sont de compétence fédérale, tandis que la plupart des autres enjeux, comme l’adoption et la répartition des biens matrimoniaux, sont régis par des lois provinciales qui varient considérablement d’une province à l’autre. Les structures familiales traditionnelles ont énormément évolué au fil du temps : on observe de plus en plus de mariages entre conjoints de même sexe et d’unions de fait, et le taux de divorce au pays est à la hausse. Ces changements suscitent de vifs débats sur l’avenir du droit de la famille, sur les contestations judiciaires et sur les législations provinciales.

Droit de la famille dans les provinces et les territoires (sauf le Québec)

Mariage

Les cérémonies de mariage sont régies par les provinces, mais le Parlement a aussi compétence à l’égard du mariage (concernant par exemple l’âge auquel les gens peuvent se marier, les empêchements dirimants, c’est-à-dire entre certaines personnes, et le divorce).

Annulation

Un mariage peut être annulé si une partie est mineure, ou pour cause de bigamie (lorsque quelqu’un est marié à plus d’une personne), de cérémonie de mariage incomplète, de contrainte, d’incapacité mentale, ou de non-consommation du mariage par suite de l’incapacité physique ou mentale de l’une des parties.

Séparation et divorce

Il y a séparation au regard du droit lorsque les deux époux cessent de cohabiter. Elle peut être invoquée comme motif de divorce. Jusqu’à l’adoption par le gouvernement fédéral de la Loi sur le divorce en 1968, le divorce est régi par les lois provinciales antérieures à la Confédération et héritées d’Angleterre. À Terre-Neuve et au Québec, où il n’existe alors aucune loi en la matière, le divorce ne peut être obtenu qu’au moyen d’une loi fédérale d’intérêt privé. La Loi sur le divorce de 1968 est la première loi sur le divorce établissant un régime complet pour l’ensemble du pays. Elle est abrogée et remplacée par la Loi de 1985 sur le divorce.

La Loi de 1985 sur le divorce prévoit que le seul motif de divorce est l’échec du mariage. Cet échec ne peut être établi qu’en prouvant que l’époux intimé est coupable de cruauté ou d’adultère, ou que les parties vivent séparément pendant au moins un an avant le prononcé de la décision sur l’action en divorce et qu’elles vivent séparément à la date du dépôt de la requête en divorce. (Il n’est pas nécessaire que les parties aient vécu séparément pendant un an avant que la requête ne soit déposée, mais une année doit s’écouler avant le prononcé du jugement de divorce.)

Entretien

La pension alimentaire d’un enfant ou d’un conjoint relève de la loi fédérale dans le cadre d’un divorce et toute autre forme d’entretien relève des lois provinciales. Les conjoints, les parents, les enfants (qui peuvent avoir une obligation alimentaire à l’égard de leurs parents) et les tuteurs des enfants ont tous l’obligation légale d’assurer le soutien des personnes à leur charge. Les ressources des parties constituent un facteur important dans l’établissement du montant de la pension. La Loi de 1985 sur le divorce (tout comme certaines lois provinciales) énonce d’autres facteurs concernant le droit à une pension au profit des enfants et du conjoint ainsi que le montant de celle-ci. Les femmes mariées peuvent devoir assumer l’entretien de leur mari et de leurs enfants et, dans toutes les provinces excepté le Québec, l’union de fait donne lieu à des obligations alimentaires.

Biens matrimoniaux

Sous le régime de l’ancienne common law, le mari acquiert le droit d’être propriétaire des biens de sa femme et de les gérer. Toutefois, la femme a droit à son « douaire », soit un intérêt viager dans les biens de tenure franche de son mari au décès de ce dernier (voir Droit des biens). Dans les années 1890, les lois sur les biens de la femme mariée introduisent la notion de séparation des biens. Les femmes obtiennent ainsi des droits et des responsabilités en matière de contrat et de délit civil, même si dans plusieurs provinces, les actions entre mari et femme sont toujours interdites.

Accorder aux femmes le pouvoir d’acquérir des biens ne change cependant pas le fait que les possibilités d’emploi pour elles sont restreintes et que la plupart des biens sont payés par le mari et achetés en son nom. La femme n’acquiert aucun droit de propriété par suite de son travail domestique ou pour avoir élevé les enfants, bien qu’elle obtienne une certaine protection quant à son occupation du foyer matrimonial en vertu des lois intitulées Dominion Lands Acts dans l’Ouest canadien et à un moindre degré, en vertu des lois sur le douaire dans l’Est canadien.

Selon les règles traditionnelles, une femme mariée ne peut être propriétaire de biens que s’ils sont achetés en son nom ou si elle fait une contribution directe à leur achat. De là découle l’affaire Murdoch où la femme n’a aucun droit de propriété sur ce qu’elle pense constituer l’actif familial. La dureté de cette règle incite toutes les provinces à modifier leurs lois et à accorder aux femmes mariées une part plus équitable dans la répartition de l’actif familial (voir Droits de la personne). Certaines lois provinciales sur les biens matrimoniaux distinguent l’actif familial de l’actif commercial; pour sa part, l’Alberta ne fait pas de distinction.

Garde

Il n’existe aucune règle de droit exigeant que la garde des jeunes enfants soit accordée à la mère. Dans les cas où les deux parents travaillent à plein temps, le nombre de pères qui obtiennent la garde ne cesse d’augmenter. Les tribunaux partent cependant de certaines prémisses fondées sur le bon sens, par exemple leur refus d’intervenir dans un statu quo satisfaisant et leur hésitation à séparer des frères et des sœurs. Les tiers, comme les tantes ou les oncles, peuvent également solliciter la garde d’un enfant ou le droit de visite. La Loi de 1985 sur le divorce prévoit que le contact entre l’enfant et ses deux parents doit être plus fréquent sans imposer expressément la garde conjointe.

Illégitimité

Historiquement, un enfant illégitime est filius nullius ou le « fils de personne ». La mention d’un enfant dans un testament est alors généralement considérée comme ayant trait aux enfants légitimes. Le statut d’enfant illégitime est maintenant aboli dans plusieurs provinces : les parents ont dorénavant une obligation alimentaire à l’égard de leurs enfants illégitimes. La procédure d’établissement de la paternité s’appelle établissement de la filiation.

Évolution du droit de la famille

La Colombie-Britannique a récemment entrepris une grande révision de sa législation et le 18 mars 2013, la Family Relations Act, adoptée il y a plus de trente ans, est remplacée par la Family Act, qui apporte beaucoup de changements en droit de la famille. La nouvelle loi précise notamment la division des biens lorsque des époux ou des conjoints de fait se séparent : en vertu de la loi, les conjoints de fait ont les mêmes droits et responsabilités que les couples mariés lorsqu’ils font vie commune pendant plus de deux ans, et les dettes et avoirs accumulés sur cette période sont divisés 50-50. La loi a été modifiée pour répondre à la situation en Colombie-Britannique, où le nombre d’unions de fait s’accroit trois fois plus rapidement que le nombre de couples mariés.

La plupart des provinces reconnaissent le statut de conjoints de fait aux couples qui vivent ensemble depuis deux ou trois ans, ou moins s’ils ont des enfants. La législation de certains autres territoires et provinces varie considérablement en ce qui a trait à l’entretien des époux et à la division des biens matrimoniaux. En règle générale toutefois, la loi exige aux conjoints de fait la cohabitation ou une entente légale pour décider de la division des avoirs.

Droit de la famille au Québec

Le droit québécois de la famille est en grande partie d’origine française, mais le mariage et le divorce relevant de la compétence fédérale, il est largement influencé par la Common Law. De plus, le droit québécois ayant été profondément révisé au cours des 20 dernières années, les différences entre le droit de la famille du Québec et celui du reste du Canada ne sont pas aussi marquées qu’elles l’étaient dans le passé. Traditionnellement, le Code civil consacre la notion de « puissance paternelle », qui fait du mari le chef de la famille et lui confère des pouvoirs considérables à l’égard de sa femme et de ses enfants. La notion est appliquée par la Cour d’appel dans l’affaire Cheyne c. Cheyne (1977), mais cette décision est ensuite abrogée et le Code civil du Québec révisé (1980) souligne clairement l’égalité absolue des époux.

D’autres aspects du droit québécois de la famille sont aussi considérablement modifiés. Ce droit est traditionnellement très influencé par l’Église (voir Catholicisme). À l’origine, le divorce est absolument interdit, et la séparation ainsi que l’annulation du mariage, difficiles à obtenir. Les femmes peuvent se voir priver de leur part de la communauté des biens en guise de châtiment pour cause d’adultère. Les enfants illégitimes font l’objet de toute une série de règles discriminatoires et même les enfants adoptés se voient refuser la pleine égalité. Cette situation a désormais changé et fait place à des règles modernes et libérales. On s’interroge, toutefois, sur un aspect de la nouvelle loi québécoise, à savoir la tendance marquée à déléguer le pouvoir discrétionnaire aux tribunaux plutôt qu’aux individus eux-mêmes. Par exemple, le mineur qui désire se marier devra dorénavant saisir les tribunaux d’une demande en ce sens au lieu de demander la permission de ses parents.

Mariage

Les principes du droit québécois du mariage sont semblables à ceux du droit du mariage dans les autres provinces : le mariage est strictement monogame, il exige le consentement des deux parties et doit comprendre une cérémonie, civile ou religieuse. Le Québec se distingue toutefois des autres provinces quant aux unions de fait. C’est en effet la seule province qui n’accorde pas aux conjoints de fait de droits et responsabilités financières lorsqu’ils se séparent. Pourtant, son taux d’unions de fait est le plus élevé au monde : environ un tiers de la population québécoise est conjoint de fait. Le 25 janvier 2013, lors du très médiatisé procès Lola c. Éric, la Cour suprême du Canada tranche à 5 contre 4 que le Québec peut continuer de refuser la pension alimentaire aux conjoints de fait séparés. Le jugement est rendu après que la loi est contestée par l’ancienne conjointe d’un riche président d’entreprise, qui exige une pension de 50 millions de dollars. L’identité du couple n’est pas révélée au public afin de protéger les enfants.

Séparation et divorce

La séparation est maintenant obtenue au Québec avec un minimum de formalités. Le divorce relève toutefois des lois fédérales. Dans le Code civil du Québec de 1982, le Québec adopte des dispositions assez libérales en matière de divorce, mais elles ne sont pas en vigueur, puisqu’elles sont inconstitutionnelles (le divorce relève de la législation fédérale, et non provinciale).

Enfants

Le Code civil du Québec de 1982 abolit la notion d’illégitimité et inclut l’adoption. Il est illégal de faire le commerce des enfants et d’accepter un paiement dans le cadre d’une adoption privée. Les parents et les enfants se doivent mutuellement des obligations alimentaires, même après que les enfants ont atteint la majorité, bien que les deux parties doivent s’efforcer le plus possible d’être indépendantes.

Le Code civil du Québec et le Code de procédure civile ont été amendés ces dernières décennies. En décembre 1983, un nouvel ensemble de règles est entré en vigueur et rend l’adoption d’enfants étrangers fort difficile au Québec.

Biens matrimoniaux

Le droit québécois conserve la notion civiliste de régime matrimonial, soit le régime de séparation ou de communauté des biens entre conjoints. Sous le régime de la Loi sur le mariage, les couples sont libres de choisir l’un de trois régimes. Les régimes les plus communs sont ceux de la séparation des biens et de la société d’acquêts. Le couple qui ne choisit pas de régime dans son contrat de mariage est présumé avoir choisi le régime de la société d’acquêts. Selon ce système, chaque époux garde les biens dont il ou elle avait la propriété au moment du mariage. Cependant, lorsque le mariage ou le régime prend fin, les biens acquis après le mariage sont généralement divisés également entre les parties.