Article

Réjean Ducharme

Réjean Ducharme, O.Q., écrivain (né le 12 août 1941 à Saint-Félix-de-Valois, au Québec; décédé le 21 août 2017 à Montréal). Important romancier, dramaturge, scénariste et parolier québécois, Réjean Ducharme a gardé le voile sur sa vie privée depuis la publication de son premier ouvrage, L'Avalée des avalés, en 1966, et on ne l’a jamais vu en public. Il est admiré tant pour le caractère singulier de ses œuvres que pour le mythe qui l’entoure.


Popularité dans l’anonymat

Réjean Ducharme fait ses études chez les Clercs de Saint-Viateur, à Joliette, puis à l’École polytechnique de Montréal, qu’il quitte au bout d'un an. Il se serait engagé dans l’Aviation canadienne et aurait commencé à rédiger des manuscrits durant un séjour en Arctique. Seulement deux vieilles photos de lui circulent sur le Web, et une infime poignée d’artistes peuvent se vanter de l’avoir rencontré. En effet, Réjean Ducharme a choisi au tout début de sa carrière de ne pas se présenter aux lancements de ses livres, aux premières de ses pièces de théâtre, et encore moins aux remises de prix.

On dit qu’il habite le centre-ouest de Montréal. Son adresse a été publiée déjà, mais plusieurs journalistes et collègues écrivains ou artistes semblent s’entendre pour préserver l’anonymat du romancier. Au début de sa carrière, certains affirment qu’il ne paie pas de taxes, que personne ne l’a jamais vu, qu’il n’existait pas, et rapidement, des rumeurs d’arnaque littéraire naissent. D’autres vont même jusqu’à dire qu’il est, en fait, un autre auteur. Dans les années 1960, des entrevues sont publiées, mais aucune ne révèle d’importantes informations sur Ducharme; on sait seulement qu’il désire rester dans l’anonymat et qu’il mène une vie ordinaire. Sa conjointe joue le rôle d’agent et s’occupe de ses affaires en le protégeant de la vie publique.

Œuvres littéraires

Le premier roman de Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés (1966), publié à Paris, lui vaut le Prix du gouverneur général et cause un émoi que la détermination de l’auteur à conserver l’anonymat ne fera qu’intensifier. Il est totalement inconnu du grand public et du monde littéraire et il n’a que 24 ans lorsque Gallimard décide de publier son livre (le manuscrit avait été refusé au Québec). L’œuvre présente le monologue intérieur d'une jeune fille, Bérénice, qui rejette le monde des adultes et les valeurs traditionnelles et qui déteste ses parents qui se détestent eux-mêmes. Elle a tellement d’amour en elle qu’elle se sent trahie par la société et voit cet amour se changer en haine constante.

Dans ses livres, Réjean Ducharme invente plusieurs néologismes, dont l’« adulterie », qui désigne le comportement adulte en général tant méprisé par Bérénice. Selon la jeune fille, « tout ce qui isole délivre », et le passage de l’enfance à l’adolescence puis à la vie adulte n’est qu’un long processus de désillusion : « On aimerait avoir aussi soif qu’il y a d’eau dans le fleuve. Mais on boit un verre d’eau et on n’a plus soif. » Le roman est acclamé par les uns et détesté par les autres qui le trouvent incompréhensible, chaotique et même violent, vulgaire et raciste à certains égards. Le livre se retrouve néanmoins sur la liste de finalistes pour nul autre que le prix Goncourt.

Ducharme met souvent à l’avant-scène des personnages d’adolescents farouchement individualistes à la recherche de savoir et d’amour dans un monde qu’ils considèrent restrictif et hypocrite. Le nez qui voque (1967) est le journal d’un adolescent qui a conclu un pacte de suicide avec sa petite amie afin d'éviter les compromis de la vie adulte. Dans L'Océantume (1968), deux jeunes filles se détournent du monde adulte pour partir ensemble en voyage à la mer. L’auteur a également écrit L’hiver de force (1973), un constat nihiliste sur la société de consommation, et, plus récemment, Va savoir (1994) et Gros Mots (1999).

Bien que ses romans témoignent de l’inaptitude du langage à saisir la complexité de l’expérience humaine, son œuvre regorge de prouesses langagières exigeantes et savoureuses. Ses pièces Le Marquis qui perdit (1969) et Prenez-nous et aimez-nous (1968), reprise et publiée en 1976 sous le titre Inès Pérée et Inat Tendu, traitent de thèmes semblables à ceux des romans et, tout comme ces derniers, présentent des jeux de mots élaborés se prêtant à l’interprétation et produisant des sens déconcertants. HA ha!... (1982), une pièce mettant en scène quatre personnes qui partagent un appartement, lui vaut le prix du Gouverneur général (théâtre de langue française).

Autres réalisations

Réjean Ducharme a aussi écrit, à titre anonyme, les paroles de plusieurs chansons de Robert Charlebois lorsque ce dernier était à l’apogée de sa carrière; citons, entre autres, J’veux d’l’amour, J’t’haïs, et Mon pays.

À l’aube du référendum de 1980, devenu un habile portraitiste de la société québécoise et de sa douleur, Ducharme visionne Le temps d’une chasse (1972) de Francis Mankiewicz. Il décide alors de confier son scénario à ce réalisateur, et avec l’aide de la magnifique photographie de Michel Brault, le film Les bons débarras (1979), qui sera suivi par Les beaux souvenirs (1981),voit le jour. L’œuvre cinématographique marque le Québec grâce à la direction habile des acteurs et à l’écriture brute de Réjean Ducharme. La toute jeune Charlotte Laurier épate lorsqu’elle récite ses lignes si déconcertantes. Les bons débarras gagnera le cœur de la critique et est toujours considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma québécois, mais le deuxième opus recevra un accueil mitigé.

Ducharme connaît également du succès avec ses sculptures appelées « Trophoux » qu’il élabore à partir de déchets trouvés dans la rue. Bien qu’il utilise le pseudonyme de Roch Plante, il s’agit d’un secret de polichinelle et ses admirateurs s’arrachent les œuvres à chaque exposition à la galerie Pink Espace de Montréal. Bien sûr, Ducharme ne se présente pas à ces vernissages.

Honneurs

Guggenheim Fellowship (1968)

Prix du Gouveneur général (1973)

Prix litéraire Communauté française de Belqique (1974)

Prix Québec-Paris (1976)

Prix du Gouverneur général (1982)

Prix littéraires du Journal de Montréal (1983)

Prix Gilles-Corbeil (1990)

Prix Athanase-David (1994)

Prix du Gouverneur général (1994)

Grand prix national des lettres (1999)

Officier de l’Ordre national du Québec(2000)