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Éducation artistique

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William Berczy, vers 1781-1782, aquarelle (avec la permission du Musée des beaux-arts du Canada).

Éducation artistique

Au cours de l'histoire, le terme « éducation artistique » s'est rapporté à la formation intensive donnée aux artistes à des fins professionnelles ou personnelles. Cette formation s'inscrivait dans trois contextes principaux, soit dans le système d'apprentissage, dans les institutions spécialisées comme les académies ou les écoles des beaux-arts et, plus récemment, en tant qu'élément d'un programme plus large offert dans les collèges, les écoles d'arts et métiers, les universités et les établissements d'enseignement privés.

Au XXe siècle, grâce à un plus grand accès du public aux procédés artistiques et à l'évolution de la définition de ce qu'est une oeuvre d'art, deux autres changements sont survenus dans le domaine de l'éducation artistique : d'abord l'instauration de spécialisations pédagogiques et de diplômes professionnels dans la pratique, l'histoire et la théorie de l'art, et la formation des enseignants par les universités; puis l'évolution des programmes mis en place par les établissements à vocation artistique comme les musées et les galeries, et ayant pour but d'éduquer le public et de l'aider à comprendre et à apprécier les changements survenus dans le domaine artistique.

Au Canada, pendant la colonisation, l'éducation artistique reposait largement sur le système d'apprentissage. La première école d'arts et métiers connue est celle de Saint-Joachim, fondée en Nouvelle-France vers 1668. L'apprentissage a été introduit dans les colonies dans les domaines des arts décoratifs et des métiers du bois (comme l'ébénisterie), la ferblanterie, la ferronnerie et l'orfèvrerie. Ces métiers étaient en grande demande dans les communautés nouvellement établies, entre autres pour la réparation des objets importés d'Europe. On enseignait aussi dans ces premiers ateliers la hucherie de même que la sculpture sur bois destinée à la décoration des églises.

L'apprentissage, formule selon laquelle un maître artisan veille à la formation d'un jeune élève en échange de son aide, est par définition un système conservateur. En effet, le savoir, les traditions, les techniques et les procédés y sont transmis à l'apprenti par des méthodes ayant peu varié au fil des générations. Bien que ces artistes-artisans aient rarement été innovateurs, ils présentaient parfois de nouvelles techniques et des variations stylistiques par rapport aux oeuvres européennes.

Le système d'apprentissage poursuivait un objectif : il établissait les traditions et les conventions de la pratique locale tout en préservant les valeurs culturelles et esthétiques transmises aux colonies par l'Europe. Certains des premiers centres de création les plus importants ont dû leur existence au système d'apprentissage. Au Québec, des membres de dynasties familiales comme les Levasseur et les Baillairgé ont dominé pendant plus d'un siècle la production de sculptures, la conception et la construction de projets architecturaux. En orfèvrerie, métier essentiel à la décoration des églises au Québec, on peut voir chez François Sasseville et Pierre Lespérance l'influence de Laurent Amyot. Dans les Maritimes, la référence culturelle était les pièces d'argenterie produites en Angleterre et dans les colonies américaines.

On peut percevoir cette influence dans les oeuvres de Peter Norbeck, de Michael Septimus Brown et de Thomas Brown. En peinture, dans le Québec du XIXe siècle, on trouve une prestigieuse lignée de maîtres à apprentis de Joseph Légaré à Antoine Plamondon et à Louis-Philippe Hébert qui se poursuit avec Théophile Hamel et ses élèves Napoléon Bourassa et Eugène Hamel. En photographie, le studio de William Notman a assuré la formation de plusieurs des photographes importants du milieu du XIXe siècle, dont John Fraser, qui a ouvert plus tard une filiale à Toronto. Ces premiers photographes ont appris les techniques de la photographie, mais aussi celles du coloriage de clichés, et plusieurs d'entre eux ont poursuivi une carrière en peinture. Le studio montréalais de Notman est un exemple du système maître-apprenti qui a conduit à un commerce où non seulement les élèves obtenaient une formation en photographie, mais également acquéraient des compétences qui leur permettaient de gagner leur vie.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, nombreux étaient les premiers peintres travaillant au Canada qui avaient été formés en Europe ou en Angleterre et qui ont apporté avec eux des traditions établies depuis longtemps (voir Peinture) : le Frère Luc, Louis Dulongpré, William von Moll Berczy, Thomas Davies et George Heriot. Certains des artistes formés en Europe ont voyagé dans différentes parties des colonies et souvent en ont profité pour prodiguer aux colons des conseils sur le dessin et la peinture. Cependant, au XIXe siècle, avec la croissance des villes, les artistes qui avaient immigré dans les colonies ont été en mesure de mettre sur pied des systèmes d'éducation artistique ouverts au public et d'annoncer dans les journaux leurs cours et leurs compétences en tant qu'instructeurs d'art.

La plupart des artistes comptaient sur les commandes pour assurer leur subsistance, mais d'autres comme William Eager, à Halifax, et George Theodore Berthon, à Toronto, sont devenus des professeurs de renom, bien qu'on trouve peu de renseignements sur le contenu de leurs cours de dessin et de peinture. Chacun des cours annoncés était désigné par le médium, le genre et le style, et tout enseignement exigeait au préalable un cours de dessin. Suivant l'approche utilisée dans les académies, les élèves devaient reproduire les oeuvres d'artistes connus. De cette façon, ils apprenaient les conventions picturales à partir de gravures d'oeuvres célèbres ou d'exemples fournis par le professeur. Dans la plupart des cas, l'éducation artistique n'était accessible qu'aux classes privilégiées qui pouvaient s'offrir une telle éducation, que ce soit sous forme de cours particuliers ou par les soins d'établissements d'enseignement.

Toutefois, vers le milieu du XIXe siècle, des programmes d'éducation artistique ont été implantés dans les écoles du Haut et du Bas-Canada, selon le principe qu'il était aussi essentiel de savoir dessiner que de savoir lire et écrire, qu'il fallait enseigner le dessin à tous les enfants afin d'élargir leur vocabulaire visuel. On utilisait alors les Dominion Drawing Books, qui systématisaient et normalisaient les méthodes d'enseignement et le matériel utilisé.

Au XIXe siècle, la révolution industrielle a entraîné une nouvelle prise de conscience de la relation entre la forme et la fonction des objets manufacturés. L'influence du mouvement Arts and Crafts, populaire en Angleterre et en Europe dès 1860, s'est traduite au Canada par la fondation d'un certain nombre d'écoles spécialisées dans les arts appliqués et la technologie comme le Conseil des arts et manufactures et l'Institution nationale Joseph-Chabert dans le Montréal des années 1870. De tels collèges visaient à intégrer les techniques artistiques et l'application des principes esthétiques à l'environnement de travail urbain et comportaient des cours de dessin à main levée, de dessin technique, de peinture décorative, de lithographie, de sculpture sur bois et de sculpture en céramique.

De façon générale, ces cours mettaient l'accent sur la précision et les qualités techniques plutôt que sur l'expression et l'imagination individuelles, ce qui a contribué à élargir le fossé entre les beaux-arts et les arts appliqués. Deux établissements, l'École du meuble, fondée en 1937 à Montréal, et le Provincial Institute of Technology and Art, fondé à Calgary en 1926, ont tous deux mis l'accent sur les liens entre le design et l'art, soutenus par le Conseil national de l'esthétique industrielle, établi en 1946, sous la direction de Donald Buchanan. Dans la plupart des écoles d'art professionnel qui ont vu le jour au cours du XXe siècle, des cours de design ont été intégrés au programme parallèlement aux cours d'art en atelier.

À la fin du XIXe siècle, une autre forme d'éducation artistique est apparue dans les écoles fondées et dirigées par des sociétés artistiques comme l'Ontario Society of Artists, l'Art Association of Montreal et l'Académie royale des arts du Canada. Les cours, dispensés tant aux artistes qu'aux amateurs, étaient conçus selon l'approche académique européenne, attachée au respect de la tradition, à la hiérarchie des différents genres et techniques et, surtout, à la suprématie du dessin comme fondement de toute pratique artistique.

Les chefs-d'oeuvre majeurs étant hors de leur portée, les écoles d'art appuyaient leur enseignement sur des moules de plâtre, des photographies et des gravures d'oeuvres européennes. Même la Toronto Normal School, dirigée par Egerton Ryerson, rassemblait des copies de ce genre pour instruire les futurs enseignants. Certains des professeurs formés en Europe comme William Brymner, de l'école de l'Art Association of Montréal; George Reid, du Collège des beaux-arts de l'Ontario; et John Hammond, du Owens Art Institute de Saint-Jean et de Sackville (Nouveau-Brunswick), étaient des maîtres reconnus et ont influencé plusieurs générations d'élèves. Dans l'espoir d'atteindre un statut professionnel, de nombreux aspirants artistes sont partis en Europe et aux États-Unis pour y étudier et fréquenter les grandes oeuvres d'art des musées et des collections privées.

La première partie du XXe siècle a vu naître de nombreuses écoles d'art professionnel dans tout le pays, dont certaines offraient des programmes novateurs dans un effort pour encourager la croissance de la culture canadienne et cultiver l'intérêt du public. Le Collège des beaux-arts de l'Ontario (1912), le Nova Scotia College of Art (1925), devenu le Nova Scotia College of Art and Design, la Winnipeg School of Art (1913), la Banff School of Fine Arts (1933), maintenant appelée le Banff Centre, et la Vancouver School of Decorative and Applied Arts (1925), connue désormais sous le nom d'Emily Carr Institute of Art and Design, sont aujourd'hui quelques-uns des principaux centres qui offrent des cours en art, en design et en d'autres champs artistiques (p. ex. la photographie, la performance et l'animation par ordinateur) dans leurs programmes actuels.

Suivant les changements et les virages survenus dans les pratiques de l'art moderne après la Deuxième Guerre mondiale, qui favorisaient l'expression individuelle et subjective de l'artiste, la plupart des écoles d'art du pays ont eu tendance à accorder moins d'importance aux procédés traditionnels et davantage aux approches personnelles, novatrices et exploratoires. Des séminaires, des colloques et des ateliers ont rassemblé des artistes de tous les coins du pays afin qu'ils partagent leurs idées. Les Emma Lake Artists' Workshops, créés en 1955 par l'U. de la Saskatchewan, et le Banff Centre ont procuré aux artistes professionnels l'occasion de travailler avec d'autres artistes dans leur domaine.

Grâce à des subventions de la Carnegie Corporation dans les années 20 et pendant la Crise, les universités canadiennes ont pu se doter de départements offrant à la fois des cours d'art et d'histoire de l'art. Le premier baccalauréat en arts visuels a été décerné en 1941, par l'U. Mount Allison, de Sackville, au Nouveau-Brunswick. De nos jours, de nombreuses universités offrent des programmes d'études supérieures pour les artistes et les historiens d'art, dans une structure classique très riche, de tradition humaniste.

L'éducation artistique en tant que science sociale, un système fondé sur le développement psychologique de l'enfant, s'est aussi développée au cours des années 30 et 40. Les premières séances expérimentales d'éducation artistique auprès des enfants ont été réalisées par Arthur Lismer lors des cours du samedi matin à l'Art Gallery of Toronto dès 1919, et au Musée des beaux-arts de Montréal à partir de 1941. L'artiste montréalaise Anne Savage a intégré plusieurs de ces idées dans ses cours d'art à la Byng High School, au début des années 30. Recourant à des concepts développés par le pédagogue et philosophe John Dewey, ce système encourageait les enfants à définir leur propre approche de l'expression créative plutôt que de copier les techniques et les sujets des adultes. Cette spécialisation s'est érigée en un véritable domaine professionnel alimenté par une abondante recherche pédagogique menée dans les universités dont bénéficieront les professeurs qui enseigneront l'art aux enfants dans les écoles ou aux étudiants dans les collèges. On y étudie les aspects philosophique et psychologique de l'enseignement de l'art, autant que les pratiques et les procédés artistiques.

Les musées et les galeries d'art sont aussi devenus des centres d'éducation artistique. Lorsque Lismer a lancé ses cours du samedi matin pour les enfants dans le cadre des programmes de l'Art Gallery de Toronto, le mouvement a fait boule de neige au pays. À Montréal, Irène Sénécal a utilisé cette approche à l'École des beaux-arts, et la Vancouver Art Gallery que la Winnipeg Art Gallery ont donné des cours aux enfants après 1940. Des visites d'expositions dans les musées et les galeries de même que des conférences données par des artistes et des experts dans différents domaines de l'histoire de l'art sont devenues partie intégrante de tout établissement à vocation artistique d'importance et ont permis au grand public d'avoir accès aux concepts changeants de l'art. Aujourd'hui, l'éducation artistique dans les galeries et les musées a acquis un statut professionnel, avec d'importantes contributions à la recherche et aux études de pointe menées par des membres de départements d'éducation comme ceux du Musée des beaux-arts de l'Ontario, du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal et de la Vancouver Art Gallery.

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