Éducation juridique
Toutes les provinces, à l'exception du Québec, ayant hérité laCOMMON LAWanglaise, l'éducation juridique au Canada (formation menant à la pratique du droit) était calquée à l'origine sur le modèle anglais. Cependant, en Angleterre, la profession était et est divisée en deux branches mutuellement exclusives : lesBARRISTERS et les SOLICITORS. Les solicitors traitent directement avec les clients, mais, dès lors qu'il doit y avoir un procès devant la Haute Cour, un barrister doit être retenu pour agir comme conseiller juridique. Les barristers, qui ont le droit exclusif d'occuper pour une partie dans un procès ou en appel, forment la branche « principale » de la profession, mais, jusqu'à très récemment, la scolarité requise était très peu élevée. Bien que la plupart des barristers soient titulaires d'un diplôme universitaire (pas nécessairement en droit), ce diplôme n'est pas obligatoire, les étudiants pouvant toujours devenir barristers sans jamais avoir été en cour. En revanche, les solicitors doivent avoir suivi un stage auprès d'un avocat en exercice et doivent subir des examens. La durée de base a été récemment ramenée de cinq à quatre ans, laquelle peut encore être réduite jusqu'à deux ans si le candidat réussit certains examens d'admissibilité et s'il est titulaire d'un diplôme universitaire.
Au Canada (sauf au Québec), la profession ne s'est pas divisée en deux branches mutuellement exclusives. Aujourd'hui, un praticien dans les provinces de common law est invariablement à la fois solicitor et barrister, même si, en pratique, plusieurs n'occupent qu'en l'une ou l'autre qualité.
Avant la création des facultés de droit modernes, la loi provinciale type régissant la profession juridique prévoyait que les candidats devaient suivre un stage de cinq ans et subir des examens périodiques, le stage pouvant être réduit à trois ans pour les candidats titulaires d'un diplôme universitaire. Après l'établissement des facultés de droit modernes, la période de stage a été généralement réduite à un an après l'obtention du diplôme. En Ontario et au Manitoba, il était possible à une certaine époque de combiner les études juridiques à temps partiel avec un stage à temps partiel, mais cette pratique est depuis abolie, et toutes les provinces disposent d'un système uniforme.
Au Canada comme aux États-Unis, par opposition à l'Angleterre, les étudiants ne passent pas directement de l'école secondaire à la faculté de droit. Généralement, ils doivent posséder deux ans d'études universitaires, et la plupart sont titulaires d'un diplôme universitaire.
Facultés de droit
L'histoire des facultés de droit de common law peut se diviser en deux périodes : à compter de la création de la faculté de droit de Dalhousie en 1883 jusqu'à 1945, puis de 1945 à aujourd'hui. Dalhousie a établi un programme à plein temps de trois ans peu de temps après sa création. Elle avait toujours eu des liens avec la faculté de droit de Harvard et, à la fin de la Première Guerre mondiale, son programme d'enseignement ressemblait à celui de Harvard. À la suite des recommandations de l'ASSOCIATION DU BARREAU CANADIEN en 1920, ce programme d'études a été largement accepté par les autres facultés de droit de common law.
En Ontario, le Barreau du Haut-Canada a créé sa propre école de droit,OSGOODE HALL, en 1862, bien qu'elle ait fermé ses portes et qu'elle les ait rouvertes deux fois avant de devenir une école permanente en 1889. Plus tard, les universités du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont établi des facultés de droit.
Peu de temps après la Deuxième Guerre mondiale, le Barreau du Haut-Canada a transformé Osgoode en une faculté de droit à plein temps. L'U. de Toronto décernait depuis longtemps des diplômes en droit. En 1949, la faculté a été réorganisée sous l'égide du doyen C.A. Wright et BoraLASKINde façon à transformer le programme de baccalauréat en droit en un programme professionnel qui mènerait à l'admission au barreau. Cependant, le Barreau du Haut-Canada attendra jusqu'en 1957 pour reconnaître pleinement les autres facultés de droit de l'Ontario. En 1968, le Barreau du Haut-Canada a abandonné sa faculté, et Osgoode Hall est devenue une composante de l'U. York. Il existait alors six facultés de droit en Ontario, aux universités d'Ottawa, de Toronto, de Western Ontario, de Windsor, de Queen's et de York. Dans d'autres provinces, des facultés de droit ont également été établies aux universités de Victoria, de Calgary et de Moncton (où l'enseignement se fait en français), et un programme de common law a été mis sur pied à McGill. En 1987, le nombre d'enseignants à plein temps était passé de 20 à environ 450, et le nombre d'étudiants atteint aujourd'hui les milliers. L'admission dans la plupart des facultés de droit est contingentée. Une tendance remarquable depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale a été l'augmentation marquée du nombre d'étudiantes et du nombre de professeures de droit.
Programme d'études
Le programme d'études type de 1920 est demeuré virtuellement inchangé jusqu'en 1945. En 1957, le Barreau du Haut-Canada a déterminé les cours qu'il exigerait des facultés « agréées ». La liste sera modifiée en 1969. Toutes les facultés de droit étant agréées, il est clair que les exigences de l'Ontario ont influencé le programme d'études dans toutes les facultés de droit de common law. Le programme se divise en 25 matières, dont 6 cours « fondamentaux » obligatoires. L'objet est d'offrir une éducation générale qui permet d'acquérir un certain degré de spécialisation. Certaines facultés de droit mettent un accent particulier sur certains sujets, par exemple la fiscalité ou le droit du pétrole et du gaz.
La méthode d'enseignement dans les facultés de droit de common law s'inspirait à l'origine de l'« étude de cas » , méthode créée dans les années 1870 par le doyen Langdell, de la faculté de droit de Harvard, qui estimait que le droit était une science composée de principes que l'on pouvait apprendre en lisant les arrêts des cours d'appel. Les cours magistraux ont été remplacés par des discussions en classe d'arrêts choisis ainsi que par la vérification des connaissances suivant la méthode socratique. Dès les années 20, toutes les facultés de droit de common law au Canada employaient l'une ou l'autre variante de la méthode d'étude de cas.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, l'utilisation de l'étude de cas, du moins après la première année en droit, a été critiquée parce qu'elle n'est pas efficace et donne une fausse idée du droit en action. On tend à ignorer la loi dans la lecture des arrêts, bien qu'on reconnaisse maintenant sa place prépondérante. On a également mis l'accent sur la résolution de problèmes et la rédaction juridique ainsi que sur le droit public par rapport au droit privé. Depuis le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, une attention plus grande est accordée à la jurisprudence croissante portant sur la Charte canadienne des droits et libertés. Les cours de droit criminel et de preuve, deDROIT ADMINISTRATIF et de DROIT CONSTITUTIONNELont tous été considérablement modifiés et transformés pour permettre l'examen des arrêts fondamentaux portant sur la Charte. Une autre tendance est l'établissement de liens entre le droit et d'autres disciplines (par exemple l'économie, l'histoire, la psychologie et la sociologie) et, pour répondre à la critique voulant que les études dans les facultés de droit ne tiennent pas compte des problèmes sociaux pressants, il se donne des cours sur le droit de la pauvreté, sur les femmes et le droit (voirFEMMES ET LOI) et sur lesLIBERTÉS CIVILES. Des efforts ont été faits pour renforcer les cours portant sur la théorie juridique, la philosophie du droit et la sociologie du droit, généralement sous le nom deJURISPRUDENCE. Deux perspectives dominantes sur la théorie juridique traditionnelle, les études du féminisme et les études critiques du droit sont apparues ces dernières années et ont animé les débats dans les facultés de droit. Des efforts ont également été faits pour enseigner la déontologie et la responsabilité professionnelle.
Formation clinique pratique
Le développement de ces nouveaux sujets n'est pas toujours vigoureux et doit faire face à la concurrence que leur font d'autres sujets. Par suite de la critique reprochant aux facultés de droit de ne pas enseigner les aptitudes nécessaires à la pratique du droit (la rédaction de documents et d'avis juridiques, la préparation en vue du procès et du contre-interrogatoire, l'entrevue et la négociation) on met de plus en plus l'accent sur la formation clinique. De nombreuses facultés de droit mettent à leur programme des cours qui feront connaître aux étudiants de nouvelles méthodes de résolution des différends, telles que la médiation et l'arbitrage. Cette tendance traduit le recours de plus en plus grand aux méthodes de résolution des différends dans la pratique. Des efforts considérables ont été faits pour répondre à cette demande, généralement avec l'aide de praticiens et de juges. Cependant, comme pour toute innovation, sa place dans les facultés de droit fait toujours l'objet de débats.
La production de revues juridiques a ostensiblement augmenté. Elles offrent de façon utile des articles de doctrine et un forum pour la critique et les propositions de réforme. L'informatique est devenue indispensable pour l'avocat moderne, et de nombreuses facultés ont établi des laboratoires d'informatique à l'intention des étudiants et les forment à l'acquisition d'aptitudes à la recherche assistée par ordinateur. Certains cours sont maintenant offerts sur l'Internet, et les bibliothèques électroniques d'information juridique deviendront vite des ressources vitales pour l'étude et la pratique du droit.
Le rapport Legal Education, Law and Learning présenté en 1983 par le comité Arthurs déclare que les facultés de droit sont « éclectiques » et continuent à mettre beaucoup trop l'accent sur la formation professionnelle plutôt que sur la formation académique. Il favorise la recherche à un niveau élevé pour aider au développement d'une discipline « scientifique » qui ne sera pas exclue de la formation professionnelle. Il recommande expressément l'expansion et l'intensification des études de deuxième cycle (plusieurs facultés offrent un programme de maîtrise et quelques-unes, un programme de doctorat) en vue de former de futurs professeurs de droit et des chercheurs en droit et ajoute que ces programmes devraient se concentrer sur les matières qui font la force de la faculté. Malheureusement, l'appui à la recherche du niveau maîtrise et doctorat est freiné par le manque de fonds consacrés aux bourses d'études.
Stages en droit
L'avènement de la faculté de droit n'a pas mis fin au système des stages en droit. L'objet du stage est d'offrir une formation « pratique » , c'est-à-dire une introduction à la pratique que la faculté de droit n'a pas fournie. Le succès du stage dépend du « directeur » du stage et de l'étudiant. Le directeur du stage a l'obligation de s'assurer que l'étudiant reçoit une instruction sur les fondements de la pratique, mais la supervision est pratiquement inexistante. Pendant de nombreuses années après la Deuxième Guerre mondiale, l'expansion du commerce a créé une demande d'étudiants et il était relativement facile d'obtenir un bon stage. Ces dernières années, le nombre des diplômés a dépassé la capacité d'absorption de la profession et l'efficacité du système de stage a été mise en question. Pour compléter le stage, la plupart des barreaux ont créé un cours d'admission au barreau, le plus remarquable étant celui de l'Ontario, créé en 1957. À la fin de leur stage, les étudiants doivent suivre un cours de six mois sur des questions tels que les règles de procédure, la constitution de compagnies, les successions et les transactions immobilières. Ce cours est décrit dans une brochure publiée par le Barreau du Haut-Canada. Dans les autres provinces, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard, la loi prévoit la création d'un cours d'admission au barreau. Cependant, ces cours sont moins ambitieux que ceux de l'Ontario et varient beaucoup. Certains sont enseignés pendant toute la période de stage, alors que d'autres sont offerts vers la fin de la période de stage, la durée du cours variant d'une à six semaines.
Au milieu des années 80, la Colombie-Britannique a remplacé son programme d'admission au barreau par un cours de formation juridique professionnelle. Il s'agit d'un cours de 10 semaines offert 3 fois par année aux stagiaires en droit. Ceux-ci participent à des opérations simulées qu'ils effectueront probablement dans leur pratique et reçoivent une formation sur l'acquisition des aptitudes principales. Ce programme pourrait fort bien représenter une amélioration par rapport au cours d'admission au barreau typique, et d'autres provinces étudient la possibilité d'adopter ce genre de programme.
Aux États-Unis, le stage en droit n'est pratiquement pas exigé. En théorie, l'admission au barreau relève de la Cour suprême de l'État. En fait, la Cour délègue ses fonctions aux examinateurs du barreau, qui organisent des examens généraux à l'intention des candidats au barreau et qui effectuent des vérifications de moralité. Une autre différence entre les deux pays est que l'Association du Barreau américain publie une liste de facultés de droit agréées, bien que certaines facultés non agréées existent toujours. L'Association du Barreau canadien ne joue pas ce rôle, et il n'existe pas de catégorie de facultés de droit non autorisées. Enfin, le système canadien de barreaux provinciaux, à qui la loi accorde le contrôle sur l'admission et la discipline, est très différent du système de barreau aux États-Unis.
Éducation juridique permanente
Après l'admission au barreau, il importe de se tenir à jour. Les revues juridiques de même que les conférences et les rencontres spéciales des associations du barreau sont utiles, mais ne couvrent pas tous les sujets et ne rejoignent pas toujours ceux qui en ont le plus besoin. Au cours des dernières années, on a demandé l'établissement d'un programme d'éducation juridique permanente beaucoup plus vaste et systématique. En 1978, la Fédération des barreaux du Canada a organisé une conférence sur la qualité des services juridiques et, en 1980, un atelier sur le même sujet. Elle a conclu que l'éducation juridique permanente devrait être encouragée, mais elle n'était pas prête à recommander qu'elle fût obligatoire. En fait, des efforts organisés visant à établir des programmes de formation juridique permanente s'intensifient dans la plupart des provinces.
La profession juridique (à l'extérieur du Québec) n'a jamais reconnu des spécialités, contrairement à la profession médicale, bien que dans certaines provinces les praticiens puissent maintenant annoncer leur domaine de pratique préféré. Fait important, la « profession juridique » n'est pas une profession homogène, et les variations vont bien au-delà des différences entre le barrister et le solicitor. En outre, les avocats travaillent non seulement en pratique privée, mais également dans le secteur public et dans les entreprises.
Au Québec, la profession juridique est divisée en deux branches : les avocats, qui constituent le Barreau du Québec, et les notaires, régis par leur propre loi, qui ressemblent quelque peu aux solicitors. On peut être à la fois notaire et avocat. Au Québec, le baccalauréat en droit s'obtient après 3 ans, et l'exigence préalable est l'obtention d'un diplôme équivalent à un baccalauréat ès arts. Les étudiants en droit qui désirent devenir notaires doivent le déclarer au plus tard le 1er décembre de leur troisième année. Jusque-là, tous les cours sont identiques pour les deux branches, l'accent étant mis sur leCODE CIVIL, qui renferme l'énoncé fondamental des relations juridiques entre les particuliers : obligations, biens, succession, etc. À plusieurs autres égards, les facultés de droit québécoises ont connu le même cheminement et les mêmes problèmes que les facultés de droit de common law. La première faculté de droit au Canada a été établie en 1853 à McGill, qui offre aujourd'hui un programme de common law ainsi qu'un programme de droit civil (tout comme l'U. d'Ottawa). La faculté de droit de l'U. Laval a été créée en 1854 et celle de l'U. de Montréal est plus que centenaire. D'autres facultés de droit existent à Sherbrooke et à l'U. du Québec à Montréal.
La formation pratique est dispensée après l'obtention du diplôme. Pour les avocats, il y a un programme de formation professionnelle de 8 mois (semblable au cours d'admission au barreau), suivi d'un stage (semblable maintenant au nouveau programme de formation aux aptitudes principales de la Colombie-Britannique) d'une durée de 6 mois et d'un examen final. Les diplômés qui désirent être notaires doivent suivre une année supplémentaire de pratique notariale à une faculté de droit civil, puis subir un examen d'études notariales.
W.F. BOWKER et TIMOTHY J. CHRISTIAN
Au Québec
Au Québec, seule province de juridiction de droit civil en matière de droit privé, six facultés de droit (en incluant la section de droit civil de l'U. d'Ottawa en Ontario) offrent une formation du meilleur niveau et de plus en plus diversifiée.
L'enseignement du droit s'est développé dans les universités, d'abord à McGill (1948) et ensuite à Laval (1852) à partir du milieu du XIXe siècle. La faculté de droit de l'U. de Montréal a ensuite été créée en 1878. Une deuxième vague de facultés est apparue au milieu du XXe siècle: Ottawa (1953), Sherbrooke (1954) et enfin l'U. du Québec à Montréal (1974).
Pendant plus d'un siècle, les enseignements ont été dispensés par des membres éminents du Barreau, de la Chambre des NOTAIRES ou de la magistrature. Depuis 1950 environ, les enseignements ont été assumés, à des rythmes différents pour chaque faculté, par des universitaires de carrière.
Si les facultés offrent en général un curriculum classique, McGill se distingue dès 1920 par un programme dit national abandonné puis rétabli et l'UQAM par une orientation plus sociale. Aujourd'hui l'ensemble des facultés offrent un programme 3 + 1 en collaboration avec d'autres institutions, et McGill offre depuis 1999 un programme national intégré de trois ou quatre ans.
Les études de deuxième cycle et de doctorat qui ont été développées dans toutes les facultés mettent l'accent sur le droit commercial, notamment international, et la recherche dans des secteurs spécialisés: droit et biotechnologie, droit des technologies de l'information, droit de la santé, droit aérien et spatial, et droit social et du travail, à titre d'exemple.
Plusieurs facultés offrent également des programmes conjoints en administration, en fiscalité ou en travail social. En 2000, les départements de sciences juridiques et de sciences politiques de l'UQAM ont mis sur pied un programme conjoint innovateur. Si les programmes des facultés répondent tous aux exigences du BARREAU DU QUÉBEC et, pour certains, à celles de la Chambre des notaires, on assiste à une déprofessionnalisation des programmes d'étude et à la reconnaissance du rôle des facultés de droit comme instrument de critique de l'organisation et du fonctionnement de la société, tant dans une perspective historique que comparatiste.