De façon générale, l’éducation spécialisée se définit comme une approche destinée aux élèves en difficulté qui ont une déficience physique, un trouble de développement ou de comportement, un problème d’apprentissage, ou bien qui sont doués. Dans les provinces et territoires du Canada, on emploie indifféremment divers termes pour référer aux élèves en difficulté. Par exemple, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick parlent d’« élèves ayant des anomalies », tandis que d’autres provinces emploient l’expression « élèves ayant des besoins particuliers ».
Histoire de l’éducation spécialisée
Traditionnellement, dans les années 1700–1800, les personnes handicapées sont exclues de la société et grandement ignorées. Le mouvement eugéniste du début du XXe siècle influence le domaine des déficiences intellectuelles, auquel on associe un taux élevé d’institutionnalisme. Le début de l’histoire de l’éducation spécialisée est largement marqué par l’imposition de tests d’intelligence qui empêchent beaucoup d’étudiants handicapés d’intégrer le système d’éducation ordinaire. Des années 1950 aux années 1990, le système canadien d’éducation tend vers une inclusion progressive (de la ségrégation à la catégorisation des élèves, à l’intégration et l’inclusion scolaire). Ainsi, avec le temps, la notion de l’enfant en difficulté a été élargie et la compréhension collective des provinces et territoires reconnaît que ces enfants ont souvent besoin de plus que ce que leurs pairs non en difficulté reçoivent des professeurs, c’est-à-dire que les enfants en difficulté devraient bénéficier d’un enseignement différentiel dans le cadre du système d’éducation ordinaire. Durant la période d’intégration scolaire des années 1970 et 1980, l’éducation spécialisée suit habituellement un processus de cinq étapes, commençant par l’identification des élèves en difficulté et aboutissant à une programmation individualisé dans des classes d’enseignement spécialisé ou avec une aide individualisée à temps partiel avec ou sans accommodements à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle de classe ordinaire. Par exemple, étiqueter l’élève ou l’orienter vers des tests, vers un placement ou vers des programmes spéciaux. Au cours des années 1980 et 1990, beaucoup d’éducateurs canadiens reconnaissent les problèmes de fond inhérents à l’approche de l’éducation spécialisée, comme les grandes structures organisationnelles statiques, les procédures compliquées de déploiement des professionnels, les délais de la mise en œuvre des programmes, les conflits entre les parents et les éducateurs concernant l’identification des difficultés d’apprentissage et les décisions de placement, les services coûteux et exigeants en main-d’œuvre, et les problèmes reliés aux exigences pour l’admissibilité aux services. Pour aborder ces défis, les arrondissements scolaires des provinces et territoires du Canada adoptent comme cadre un système général d’éducation favorisant l’intégration, c’est-à-dire la fusion de l’éducation spécialisée et de l’éducation régulière en un système d’éducation unifiée qui répond aux besoins d’apprentissage de tous les élèves, y compris ceux qui sont en difficulté.
Incidence élevée d’élèves en difficulté
La majorité des élèves en difficulté (à peu près 80 % à 90 %) sont ceux qui sont identifiés comme étant doués ou ayant un talent exceptionnel, et ceux qui présentent une déficience intellectuelle ou développementale légère ou moyenne, un trouble d’apprentissage, un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, un trouble de comportement, un problème affectif ou un problème de communication. Ces élèves bénéficient d’habitude d’un enseignement différentiel et de l’apprentissage coopératif dans un environnement d’apprentissage bien structuré.
Les élèves doués ou talentueux démontrent une capacité élevée dans un ou plusieurs domaines, y compris le fonctionnement intellectuel, les connaissances abstraites, le leadership, la créativité et les arts du spectacle. Une minorité d’entre eux affiche aussi des problèmes de comportement difficiles à gérer dans certains environnements. Les élèves atteints d’une déficience intellectuelle ou développementale légère ou moyenne tendent à développer leur habileté intellectuelle et leurs comportements adaptatifs ou sociaux plus lentement que leurs pairs, ce qui entraîne des difficultés quant à leur développement académique, social et professionnel. Les élèves ayant un trouble d’apprentissage ont des problèmes à percevoir et à traiter l’information et ont de grandes difficultés avec la lecture, l’écriture, les mathématiques ou avec une combinaison des trois. Les élèves ayant un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention se caractérisent par l’inattention chronique et mésadaptée, par l’impulsivité liée à l’hyperactivité, ou bien par chacun de ces traits, qui impactent tous sur leur succès académique, social, professionnel, ou bien sur tous les trois. Les élèves ayant des difficultés comportementaux ou émotifs agissent autrement de ce qui est attendu par les normes sociales et culturelles, ce qui influe sur leur capacité à apprendre et à créer et maintenir des relations avec les pairs et les enseignants. De plus, ces étudiants ont une humeur triste ou dépressive. Ils développent des phobies reliées à leurs difficultés personnelles ou scolaires, et affichent des émotions ou des comportements inappropriés en de circonstances normales. Les enfants souffrant de troubles d’apprentissage font face à des défis dans les domaines de la lecture et des mathématiques.
Faible incidence d’élèves en difficulté
La faible incidence d’élèves en difficulté représente une minorité parmi ceux-ci (à peu près de 10 % à 20 %). Généralement, il s’agit d’élèves ayant une déficience visuelle, auditive, ou physique; une détérioration de la santé; un trouble envahissant du développement, comme l’autisme; un traumatisme cérébral; une incapacité grave, comme une déficience intellectuelle ou développementale moyenne ou grave; ou une combinaison de ces problèmes. Ces élèves nécessitent souvent une aide spécialisée (spécialistes ou aides-éducateurs) ainsi que des accommodations particulières d’enseignement et des interventions modifiées. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que la prévalence de certains de ces troubles semble s’augmenter, par exemple, l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale et le trouble du spectre de l’autisme, qui sont souvent associés à des difficultés comportementales.
Les élèves ayant une déficience visuelle et ceux qui sont aveugles ont une perte partielle ou complète de la vision et ont besoin qu’on leur fournisse les informations par les sens qui ne sont pas associés à la vue — par exemple, des sources d’information auditives ou tactiles — tout en leur offrant toute une gamme d’expériences pédagogiques. Les élèves malentendants ou sourds ont une perte auditive partielle ou complète qui cause des difficultés et des limites par rapport au développement de la parole et du langage parlé. Ils ont besoin d’aide pour communiquer avec autrui par le biais de diverses formes de communication, par exemple, la communication orale et le langage des signes. Les élèves ayant une déficience physique ont souvent des difficultés associées à leurs articulations, leur squelette et leurs muscles. Ces difficultés créent des problèmes lorsqu’ils veulent utiliser leur corps. Les élèves souffrant d’une détérioration de la santé ont une maladie ou un état sous-jacent qui les empêche de mener une vie normale. Comparés à d’autres qui sont au même niveau développemental, certains élèves ayant le trouble du spectre de l’autisme ont un ensemble de troubles affectifs, sociaux, communicatifs et comportementaux. Les élèves souffrant d’un traumatisme cérébral ont tendance à avoir des problèmes d’attention ou de concentration, de mémoire et de la fonction exécutive qui résultent en des troubles d’apprentissage et des difficultés sociales. Les élèves présentant des déficiences sévères ont des difficultés importantes au plan du fonctionnement cognitif et adaptatif. Ils ont généralement des capacités langagières réduites, ont de la difficulté à développer l’habileté à se prendre en charge, manquent d’aptitudes sociales et professionnelles, et ont une mobilité physique réduite due au développement physique ou moteur perturbé. Par contre, plusieurs d’entre eux peuvent faire de grands progrès grâce à un soutien et à l’éducation adaptée.
Planification et enseignement
Les élèves en difficulté qui ont de graves problèmes émotifs, cognitifs ou physiques ont besoin de pratiques éducatives qui répondent à leurs besoins, ce qui peut nécessiter des supports et des services spécialisés. À l’heure actuelle, les processus et procédures les plus utilisés dans les écoles sont (1) la conception universelle de l’apprentissage, (2) l’enseignement différentiel, (3) le modèle participatif, (4) la collaboration et la consultation et (5) la Réponse à l’intervention.
Pour maximiser l’apprentissage, la conception universelle de l’apprentissage implique un ensemble de principes pour assurer que les élèves reçoivent une chance égale à apprendre en créant des environnements, des matériels et des systèmes pédagogiques qui offrent des options multimodales, par exemple, visuelles, verbales et tactiles, ainsi que des environnements d’apprentissage à multiples aspects. L’enseignement différentiel reconnaît que les élèves ont des habiletés, forces, faiblesses, intérêts, modalités d’apprentissage et styles d’apprentissages variés. De plus, l’enseignement différentiel s’adapte et s’accommode aux divergences dans l’apprentissage et le développement des élèves en offrant l’enseignement direct et médiatisé (le modelage, la pratique guidée, la rétroaction et la prise de contrôle de l’apprentissage par l’élève) ou l’enseignement cognitif (activer les apprentissages antérieurs; organiser la matière; développer le savoir, par exemple, par le biais de la visualisation du résultat et de la planification bien pensée; la facilitation mnésique; la résolution de problèmes et l’apprentissage coopératif). Le modèle participatif vise à accroître la participation académique et sociale des élèves ainsi que leur niveau d’indépendance en évaluant leurs habiletés de suppléance à la communication et de communication alternative, et en concevant des interventions qui répondent mieux à leurs besoins. La collaboration et la consultation permettent aux personnes impliquées dans l’enseignement des élèves en difficulté, comme les enseignants, les parents, les aides-éducateurs, les aides pédagogiques individuelles, les psychologues, les ergothérapeutes et les orthophonistes de collaborer, d'apprendre les uns des autres et de se soutenir pour répondre aux besoins des élèves. Le progrès réalisé par les élèves est suivi de près pour déterminer s’ils ont besoin ou non d’une approche pédagogique plus spécialisée et intensifiée, ou bien d’un traitement thérapeutique plus individualisé.
Évaluation des enfants en difficulté
L’évaluation des enfants en difficulté entend un processus de collecte et d’interprétation d’informations provenant de sources variées pour informer les élèves et leurs parents ou leurs répondants des progrès relatifs à l’acquisition de connaissances, d’aptitudes, d’habiletés, d’attitudes et de comportements, et d’en informer ceux qui prennent les décisions éducatives relatives à la pédagogie, au diagnostic, au placement, à la promotion, à la planification des matières d’étude, de la conception des programmes et des politiques. Les tests d’intelligence sont encore utilisés, mais en de cas beaucoup plus rares, pour identifier des domaines spécifiques de difficulté.
L’évaluation des élèves en difficulté comprend typiquement une évaluation officielle, comme des tests standardisés, et une évaluation informelle, comme les techniques d’évaluation en classe qui jaugent les progrès des élèves, qui peuvent indiquer quelles modifications pédagogiques sont nécessaires, en plus de proposer d’autres évaluations selon l’environnement d’apprentissage. L’évaluation informelle comprend l’observation compétente et structurée du comportement et du travail des élèves; des entrevues avec les élèves afin de cerner les approches qu’ils utilisent pour résoudre des problèmes; des jeux-questionnaire en classe; des tests critériels pour comparer la performance des élèves par rapport à la matière enseignée; des listes de contrôle et des échelles d’évaluation; l’évaluation de portfolio (le travail des élèves avec le temps, relatif à leurs buts pédagogiques); l’évaluation basée sur le programme scolaire (les habiletés spécifiques enseignées en salle de classe); l’évaluation dynamique (des processus mentaux); et la mesure authentique (basée sur la performance, pour déterminer comment les élèves interprètent et appliquent leurs connaissances à des activités de la vraie vie.)
Évolution de l’éducation spécialisée
Au fil du temps, le nombre de « défis » qui sont considérés comme méritants d’une éducation spécialisée a augmenté de façon importante. Au début, l’éducation spécialisée visait un nombre relativement bas des individus de la société, c’est-à-dire ceux qui présentaient les incapacités les plus graves et les plus complexes. De nos jours, plus d’enfants sont identifiés dans les écoles et les salles de classe comme étant en difficulté qu’à tout autre moment de notre histoire. Parmi eux, on compte les élèves avec des déficiences légères ou moyennes, comme les enfants et les jeunes présentant des troubles d’apprentissage, le spectre de l’autisme et l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Avec le nombre croissant d’élèves en difficulté et d’enfants à travers le pays dont l’anglais est la langue seconde, en plus de la diversité grandissante en ce qui concerne le genre, la religion, la classe sociale, la race, la culture et l’ethnicité des enfants et des jeunes dans les écoles modernes, les enseignants doivent relever le défi de fournir un enseignement approprié qui réponde à tous les besoins individuels et collectifs de leurs élèves. Dans ce contexte, l’utilisation de l’Internet et du Web, en plus de toute une variété d’autres dispositifs d’assistance, présente une valeur considérable. Vu sous cet angle, l’éducation spécialisée a évolué de l’exclusion vers l’inclusion et, enfin, vers la diversité, c’est-à-dire, vers l’enseignement et l’apprentissage qui tiennent compte des élèves dans toute leur diversité.
Notre système d’éducation a subi de grands changements de paradigme pédagogique et une réorganisation et une restructuration en ce qui concerne notre façon de voir et d’éduquer une variété d’élèves. Dans le système actuel, la diversité étudiante n’est plus considérée comme un fardeau par les écoles et les enseignants, mais plutôt comme une normalité sur la scène éducative canadienne et un élément enrichissant pour les écoles et pour la société. Dans le contexte de cette évolution historique, nous nous sommes éloignés de l’exclusion, de la séparation et des accommodements accordés à des groupes particuliers d’enfants pour se diriger vers la compréhension et la reconnaissance du besoin et de l’importance de mieux comprendre, apprécier, respecter et répondre à la diversité des élèves dans les écoles et les salles de classe canadiennes. Toutefois, il reste des difficultés à résoudre. Beaucoup d’enseignants font valoir le manque de soutien dans des classes souvent trop nombreuses. Le rôle occupé par les aides-éducateurs, ainsi que leur formation professionnelle, est essentiel. L’importance d’une éducation diversifiée qui inclut les beaux-arts comme la musique et l’art dramatique devient de plus en plus évidente puisque, pour être efficace, l’éducation spécialisée doit exploiter les talents particuliers des enfants malgré les déficiences de ceux-ci. À mesure que ces enfants grandissent et s’épanouissent, davantage de formation et d’appui seront nécessaires pour qu’ils puissent intégrer un monde adulte diversifié. Enfin, l’éducation spécialisée peut beaucoup apprendre des approches holistes à la qualité de la vie dans le contexte de l’éducation tout au long du cycle de vie. C’est une approche qui se développe pour plusieurs domaines de déficience et dans une variété de contextes à l’international.