Erin Mouré (aussi connue sous Erín Moure, Eirin Moure et Elisa Sampedrín) est poète, traductrice et essayiste (née le 17 avril 1955 à Calgary, en Alberta). Erin Mouré est une des poètes expérimentales les plus prolifiques et les plus influentes du Canada. Elle est également une traductrice active de la poésie galicienne, française, espagnole et portugaise en anglais. Elle a remporté deux Prix littéraires du Gouverneur général – un pour la poésie et un pour la traduction – et le Prix Pat Lowther Memorial. Elle a également été sélectionnée à trois reprises pour le Prix Griffin pour la poésie.
Premières œuvres
Bien qu’Erin Mouré ait étudié à l’Université de Calgary et à l’Université de la Colombie-Britannique, elle ne termine pas ses diplômes. Cela ne l’empêchera toutefois pas d’obtenir un doctorat honorifique en littérature de la Brandon University.
Ses premières œuvres sont plutôt conventionnelles, en comparaison aux plus récentes, qui ont fait sa renommée. Néanmoins, elle promeut des politiques radicales et emprunte une approche féministe qui met à l’avant-plan le désir lesbien. Ainsi, Erin Mouré s’intéresse beaucoup aux travailleurs dans ses premières années d’écriture, se servant de ses expériences en usine, dans les trains et dans les autres emplois qu’elle a occupés. Les pochettes de ses publications reflètent très bien son évolution en tant que poète : par exemple, le quatrième de couverture de son premier livre, Empire, York Street (1979), acclame le « style vif et accessible » de la poète. À mesure que son écriture se développe, toutefois, elle se fait connaître pour son style complexe et cryptique, comme en témoigne bien la critique Lianne Moyes, qui, sur la couverture de Search Procedures (1996), décrit les poèmes d’Erin Mouré comme étant « imperméables à l’explication ».
Le poème « Thirteen Years », du recueil Furious (1988), montre bien ce style clair des débuts : « I am in a daydream of my uncle, his shirt out at his daughter’s wedding, white scoop of the shirt-tail bobbing, on the dance floor & him in it, no, his drunk friend pawing me, it was his shirt dangling, I forgot this ». Bien que l’imagerie de la poète soit compliquée, le va-et-vient de la queue de la chemise et le tripotage de l’ivrogne sont décrits de façon directe par Erin Mouré. L’imagerie utilisée montre également son intérêt pour la faillibilité de la mémoire et de la langue.
Maturation du style
Erin Mouré commence à expérimenter formellement de façon plus fréquente et variée. Ses poèmes se frottent à la théorie poststructuraliste. Ils jouent également de plus en plus sur les jeux de langues et la question des politiques de genre. Au-delà des généralisations, on retrouve quand même, dans certains de ses poèmes les plus récents, des traces du style vif et accessible de ses premiers efforts.
Le poème « Mideicamina Faciei Feminae », tiré de The Unmemntioable (2012), s’oppose directement à l’extrait précédent : « Body (the illegible dis-guesture) enfronts all, language a Body not, even accounted for – or constrained – by, this word ’’body’’ which wills or bodes […] ». Malgré des thèmes similaires, comme la faillite de la langue pour représenter les expériences vécues, le style fait en sorte que la langue elle-même exprime cet échec. Ici, Erin Mouré combine les mots anglais pour dégoût, invité et geste (disgust, guest et gesture), et crée des images quasi abstraites alors que le mot body devient l’image actuelle qu’elle présente.
Traductions
Erin Mouré travaille aussi comme traductrice. Elle est surtout connue pour son approche radicale de la traduction, comme en témoigne Sheep’s Vigil by a Fervent Person (2001), traduction d’O Guardador de Rabanhos, d’Alberta Caeiro (un des hétéronymes de Fernando Pessoa ; un hétéronyme, au contraire d’un pseudonyme, s’accompagne d’un récit de vie différent et imaginé). Alors que les traducteurs conventionnels ont tendance à vouloir s’effacer pour laisser l’auteur original s’exprimer dans une nouvelle langue, Erin Mouré choisit plutôt de mettre sa personnalité au premier plan dans ses traductions. Dans ce cas-ci, elle va jusqu’à utiliser son propre hétéronyme, Eirin Moure, comme narratrice des poèmes traduits. Par exemple, avec l’image d’une personne affichant le sourire bête de celui qui n’a pas suivi la conversation créée par Fernando Pessoa et Alberta Caeiro, elle parle plutôt d’une personne ayant le sourire un peu farfelu de son ami Phil Hall, un de ses contemporains poètes (« smiling half-goofy like my friend Phil »). En plus d’avoir traduit le portugais de Fernando Pessoa et Alberta Caeiro, elle s’est attaquée aux écrivaines de langue française Nicole Brossard et Louise Dupré, à l’écrivain galicien Chus Pato et à l’espagnol Andrés Ajens.
Collaborations
Erin Mouré a collaboré, comme poète et traductrice, à de nombreuses œuvres, généralement avec d’autres traducteurs poètes. De façon notable, elle a cotraduit, avec Robert Majzels, quatre recueils de poésie de Nicole Brossard. En 2007, ils sont sélectionnés pour le prix littéraire du Gouverneur général : traduction pour Notebook of Roses and Civilization (2006). En 2008, ils sont pressentis pour le Prix Griffin pour la poésie pour le même livre aux côtés de Nicole Brossard. Erin Mouré et Robert Majzels sont aussi finalistes au prix de traduction de la Québec Writers’ Federation en 2007. D’autres collaborateurs dignes de mention (qu’elle a traduits ou avec qui elle a traduit) sont Chus Pato et Oana Avasilichioaei.
Œuvres récentes
L’écriture d’Erin Mouré montre un intérêt grandissant pour la traduction expérimentale. Ses poèmes incorporent souvent d’autres langues, passent d’une langue à l’autre ou alors créent des interconnexions variées et complexes entre langue, histoire et identité. Ces préoccupations se reflètent aussi dans son utilisation des hétéronymes et sa façon de multiplier les orthographes de son nom. Par exemple, Sheep’s Vigil for a Fervent Person est publié sous le nom Eirin Moure, et la poète intervertit l’accent aigu de son nom de famille pour O Cidadán, publié sous le prénom d’Erín. Erin Mouré emprunte également la personnalité d’Elisa Sampedrín, hétéronyme qui lui sert d’auteure personnage dans plusieurs livres, dont Little Theatres (2005).
Les jeux d’orthographe d’Erin Mouré accompagnent souvent ses traductions les moins conventionnelles. Ils visent à attirer l’attention sur le caractère instable de la langue et du sens, et symbolisent sa conception de l’identité comme multiple et fluide. Dans The Unmemntioable, Elisa Sampedrín décide d’abandonner la poésie après avoir lu l’œuvre de Chus Pato. Elle observe Erin Mouré, appelée « E.M. », en train de mettre en terre les cendres de sa mère en Ukraine. Cette « E. S. » étudie en Erin Mouré « la nature de l’Expérience ». De plus, la poète ajoute le mot « truite » dans des passages de philosophie traduits, et elle a inclus dans son livre des codes-barres qui, lorsque balayés à l’aide d’un téléphone cellulaire ou d’un lecteur QR, mènent à des poèmes en ligne. Ce jeu de techniques mixtes est aussi présent dans ses premiers livres, où des poèmes apparaissent comme s’ils avaient été cousus sur la page. D’autres pages encore ont été détachées du livre et peuvent être déplacées ou retirées complètement. Le recueil Pillage Laud (1999) est écrit à l’aide de phrases générées par ordinateur combinées pour former des poèmes érotiques lesbiens.
Honneurs
Erin Mouré a reçu de nombreux prix et honneurs, à la fois pour sa poésie et ses traductions. Hormis les prix de traduction mentionnés plus haut, elle remporte le prix littéraire du Gouverneur général pour la poésie en 1988 pour Furious, en plus d’être en nomination en 1979, en 1996, en 2002 et en 2005. Elle remporte aussi en 2021 un prix du Gouverneur général pour sa traduction de La vie radieuse, de Chantal Neveu.
En 2002 et en 2006, Erin Mouré est finaliste pour le Prix Griffin pour la poésie. Après une victoire en 1990, le Prix de poésie QSPELL la refait finaliste en 1994, en 1996 et en 1999. Elle est également en nomination pour le Toronto Book Awards en 2002, et remporte le A. M. Klein Prize for Poetry en 2005, suivi de nominations en 2007 et en 2010. Enfin, elle est lauréate du National Magazine Awards en 1982, et du Prix Pat Lowther Memorial en 1986.
Prix
- Prix Pat Lowther Memorial (Domestic Fuel) (1985)
- Prix littéraire du Gouverneur général pour la poésie (Furious), Conseil des arts du Canada (1988)
- Prix de poésie A.M. Klein (WSW) (1989)
- Prix de poésie A.M. Klein (Little Theatres) (2005)
- Prix littéraire du Gouverneur général pour la traduction (This Radiant Life), Conseil des arts du Canada (2021)
Poésie
- Empire, York Street (1979)
- The Whisky Vigil (1981)
- Wanted Alive (1983)
- Domestic Fuel (1985)
- Furious (1988)
- WSW (1989)
- Sheepish Beauty, Civilian Love (1992)
- The Green Word: Selected Poems, 1973–1992 (1994)
- Search Procedures (1996)
- A Frame of the Book (1999)
- Pillage Laud (1999, réédité en 2011)
- O Cidadán (2002)
- Little Theatres (2005)
- O Cadoiro (2007)
- Expeditions of a Chimæra (2009), en collaboration avec Oana Avasilichioaei
- O Resplandor (2010)
- The Unmemntioable (2012)
- Insecession (2014)
- Kapusta (2015)
- Sitting Shiva on Minto Avenue (2017)
- The Elements (2019)
Traductions
- Installations (2000)
- Sheep’s Vigil by a Fervent Person (2001)
- Museum of Bone and Water (2003)
- Notebook of Roses and Civilization (2006)
- Charenton (2007)
- Quase Flanders, Quase Extremadura (2008)
- m-Talá (2009)
- Hordes of Writing (2011)
- Just Like Her (2011)
- White Piano (2013)
- Galician Songs (2013)
- My Dinosaur (2013)
- Secession (2014)
- Flesh of Leviathan (2016)
- New Leaves (2016)
- Paraguayan Sea (2017)
- Camouflage (2017)
- This Radiant Life (2020)
Autres
- Two Women Talking: Correspondence 1985–1987 (1994), avec Bronwen Wallace
- My Beloved Wageressais (2009)