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Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste

La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) a été au confluent des grandes tendances qui ont constitué la matrice des féminismes contemporains. À la fois ancrée dans une vision maternaliste, établie sur le souci des autres (le caring), et une vision d’égalité entre les femmes et les hommes, mais dans le contexte du rôle précis attribué aux femmes dans la société, la Fédération a mené un double combat, celui pour l’égalité en matière de droits et de suffrage et celui pour la protection des mères et de leurs familles. À ce titre, elle a contribué au renforcement des prérogatives de l’État, en particulier des politiques sociales qui constituent l’État-providence au Québec depuis les années 1920. La FNSJB s’est inscrite dans le processus d’individuation des femmes, un moment essentiel dans l’évolution de leur statut au 20ᵉ siècle. Multiforme, l’action de la Fédération s’exerce dans tous les domaines qui concernent les femmes et transforme leur rapport à l’État et à la société. La Fédération amorce des réformes majeures dans trois grands secteurs de la vie politique, sociale et économique du Québec. L’extension du droit de vote transforme la participation des femmes à la vie politique, de même que les changements apportés au Code civil leur confèrent de nouvelles prérogatives. La revendication concernant les pensions aux mères, y compris les mères seules, permet une incursion nouvelle des femmes dans le domaine des politiques familiales, ouvrant la voie à l’État-providence, alors que la professionnalisation du travail des femmes dans les domaines faisant appel à cette notion de « caring » modifie radicalement leur rapport au travail salarié.
Premier conseil d
De gauche \u00e0 droite. Haut : Caroline Dessaulles-Béique, Lady Jetté, Marie Lacoste Gérin-Lajoie. Milieu : Marie-Louise Globensky (Lady Lacoste), Marguerite Thibaudeau, Mme Arthur Gagnon, Mme Henry Hamilton. Bas : Anne-Marie Huguenin (Madeleine), Mme Leman, Victoria Cartier, Robertine Barry.

Fondation

Très liée aux principales organisations féministes du Canada anglais, en particulier le National Council of Women of Canada (NCWC), et influencée par les idées du mouvement Social Gospel qu’elles véhiculent, la Fédération naît d’une scission d’avec le Montreal Local Council of Women (MLCW), qui œuvre dans les domaines de la philanthropie, de l’hygiène et de l’éducation. À partir de 1902, sous la pression du clergé qui recommande la création d’associations confessionnelles comme en France, les militantes franco-catholiques se désaffilient graduellement du NCWC et du MLCW pour « sauvegarder leurs croyances religieuses et leur ethnie ». Cherchant à joindre les femmes catholiques canadiennes-françaises des milieux démunis, leur comité de Dames patronnesses, qui agit au sein de la Société Saint-Jean-Baptiste, devient en 1906 le Comité d’organisation de la Fédération des femmes canadiennes-françaises et catholiques. Épousant l’idéal nationaliste de la Société, elles obtiennent aussi l’aval de l’évêque de Montréal, Mgr Bruchési. La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste se constitue donc en 1907 sur le modèle du MLCW, à l’exception de l’aumônerie.

Constitution de la Fédération Nationale Saint-Jean-Baptiste, 1906
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Comme au sein du MLCW, charité, éducation et action économique (notamment la question du travail des femmes et des associations professionnelles) constituent le cadre d’action des 22 associations affiliées, coordonnées par des comités spéciaux et des comités permanents, et visent à former une élite féminine. Malgré la scission, la collaboration avec les féministes anglo-protestantes du MLCW se poursuit durant quelques années dans des actions communes. On ne considère pas l’appui initial de l’Église catholique comme antinomique à cette action, entièrement centrée sur la mobilisation des femmes canadiennes-françaises, que la Fédération veut défendre auprès des autorités religieuses et civiles.

L’action politique et civique de la Fédération

Au confluent des influences américaines et françaises, protestantes et catholiques, dans un pays où les Canadiennes françaises ont le droit de vote au fédéral depuis 1918, mais pas encore au Québec (elles ne l’obtiendront qu’en 1940), l’engagement de la Fédération en faveur du suffrage féminin suscite toute une controverse.

L’engagement en faveur du suffrage

Son engagement en faveur du suffrage des femmes au fédéral marque les premières années de l’histoire de la Fédération. Au Québec, elle se trouve confrontée à un clergé et à des partis politiques hostiles au droit de vote des femmes et doit alors nuancer sa position. Les milieux catholiques conservateurs ne s’opposent pas en bloc au suffrage féminin. En effet, ils encouragent la participation des femmes québécoises au fédéral, la considérant comme un moyen de compenser les effets néfastes que pourrait avoir pour eux le vote des femmes protestantes à l’échelle pancanadienne, mais ils s’opposent farouchement à leur participation au provincial et font tout pour l’empêcher.

Réitérant le discours traditionnel sur les femmes comme « pilier de la survie de la nation canadienne-française », les chefs nationalistes comme Henri Bourassa considèrent que ce rôle est incompatible avec l’engagement politique. Apparaît ainsi, parmi les arguments contre le suffrage féminin provincial, l’idée que le droit de vote des femmes au fédéral n’est pas aussi important que celui qu’elles auraient au provincial; ou encore que les femmes du Québec ne brûlent pas d’envie de pénétrer le monde quelque peu trouble de la politique provinciale de l’époque.

 Henri Bourassa
fondateur du journal \u00ab le devoir \u00bb et opposant \u00e0 l'action militaire canadienne \u00e0 l'étranger, bourassa stimule la croissance d'un nationalisme vigoureux au québec (avec la permission de biblioth\u00e8que et archives canada/c-27360 /coll. henri bourassa).

Or c’est cette équation précisément que la Fédération et ses dirigeantes contestent et tentent d’inverser depuis tant d’années. Pour elles, au contraire, le rôle maternel des femmes implique non pas leur enfermement dans la famille, mais l’extension de leurs responsabilités dans l’espace public et civique. Ainsi, la FNSJB peaufine l’argumentation maternaliste pour justifier son soutien au suffrage, qui « étendra par-delà le foyer où elle est vraiment reine, l’action bienfaitrice de la femme, son esprit d’union, de conciliation, son amour de la justice, de la paix ». En 1922, Marie Gérin-Lajoie et la présidente de la section montréalaise du NCWC, Anna Lyman, fondent et coprésident le Comité provincial pour le suffrage féminin (CPSF) sur la base de cet argumentaire, conférant ainsi à la FNSJB une place centrale dans le mouvement suffragiste franco-catholique québécois.

Marie Gérin-Lajoie (née Lacoste) en 1928.
Militante pour le droit de vote des femmes, cofondatrice de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste en 1907 et présidente de 1913 \u00e0 1933.

Mais l’évêque de Québec, Paul-Eugène Roy, et le cardinal Bégin, soutenus par des ténors nationalistes comme Henri Bourassa, signifient leur opposition formelle à la formation de ce comité. La condamnation du suffrage féminin par les autorités religieuses pousse Marie Gérin-Lajoie à se rendre à Rome afin d’obtenir les directives pontificales. C’est au congrès de l’Union internationale des Ligues catholiques féminines(UILCF), qui a lieu en mai 1922 à Rome, que Marie Gérin-Lajoie, accompagnée de la secrétaire de la FNSJB, Georgette Lemoyne, espère trouver le soutien attendu. Elle sera amèrement déçue. En effet, au terme de ses travaux, la Commission qui s’est penchée sur la formation de la femme à ses devoirs civiques et à laquelle participe Marie Gérin-Lajoie, n’émet que des vœux au lieu de prendre une position ferme. Les trois vœux adoptés ne sont pas en soi défavorables à la participation des femmes au domaine politique. Le deuxième vœu préconise notamment « une formation morale et religieuse et civique qui les rende aptes, le cas échéant, à cet apostolat ». Cependant, le troisième stipule que toute nouvelle action concernant le suffrage féminin doit obtenir l’approbation préalable des autorités épiscopales locales.

Marie-Thérèse Casgrain
Marie-Thérèse Casgrain, Montréal, Quebec.
Idola Saint-Jean
Idola Saint-Jean (avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/C-68508).

L’échec de mai 1922 à Rome et la campagne antisuffragiste menée par les éléments les plus conservateurs du clergé et leurs soutiens au sein du gouvernement minent sérieusement le mouvement suffragiste québécois. Un débat houleux oppose les plus jeunes membres de la Fédération, telles Idola Saint-Jean et Thérèse Casgrain qui prônent un féminisme des droits égaux, moins respectueux des pouvoirs établis et des valeurs morales catholiques, à celles de la génération de Gérin-Lajoie. Cette dernière doit faire face à une résolution déterminée de ses deux consœurs du CPSF réclamant que les candidats aux futures élections fédérales prennent position publiquement sur le suffrage féminin. Ces critiques à peine voilées de son action ainsi que son propre sentiment d’échec poussent Marie Gérin-Lajoie à quitter la présidence du CPSF à la fin de 1922. En 1927, Thérèse Casgrain prend le relai et transforme le CPSF qui deviendra la Ligue des droits de la femme en 1929. Celle-ci se rend à Québec en 1927 afin de réclamer une refonte de la Charte de Montréal qui permettrait le vote des femmes mariées et adresse, deux ans plus tard, une demande analogue (octroi du vote aux femmes mariées propriétaires et séparées de biens) aux conseillers municipaux de Montréal. Quant à Marie Gérin-Lajoie, elle obtient du recteur de l’Université de Montréal la création de cours d’instruction civique à l’université afin d’éduquer et de former une élite féminine qui prendra le relai du combat féministe.

Membres de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste
Au centre, les fondatrices Marie Gérin-Lajoie et Caroline Bé\u00efque.\r\n

La FNSJB continue à revendiquer le droit de vote jusqu’à la fin des années 1930. Deux figures très différentes dominent alors le mouvement suffragiste québécois : Thérèse Casgrain et Idola Saint-Jean. Toutes deux ont fait leurs classes à la FNSJB et en sont les héritières. Casgrain saura porter la revendication dans l’arène partisane en obtenant du Parti libéral du Québec qu’il adopte une résolution visant à appuyer le suffrage féminin. La victoire électorale des libéraux en 1939 conduit à l’obtention, en avril 1940, du droit de vote pour les femmes au niveau provincial.

La réforme du Code civil

La question des droits civiques des femmes émerge durant la campagne suffragiste. Marie Gérin-Lajoie, qui préside le Comité des questions civiques, créé en 1913 à la FNSJB, propose ni plus ni moins que de réformer le Code civil pour assurer une place égale aux femmes dans les affaires civiles et familiales : les femmes devraient pouvoir administrer des biens communs, les femmes mariées qui travaillent devraient pouvoir gérer leur salaire et hériter quand leur mari meurt sans laisser de testament. De plus, elle recommande que les meubles et immeubles acquis sous le régime de la communauté de biens ne puissent être aliénés par le mari si ce n’est pas en faveur des enfants communs. À partir de 1927, la réforme du Code civil est en cours. La Fédération ne cherche pas à abolir l’autorité maritale, mais à donner de nouveaux droits aux femmes en fonction de leurs devoirs matrimoniaux. Son but n’est pas de détruire le système de communauté de biens, mais de moderniser les lois françaises au Québec.

Le rapport du Comité de la réforme du Code civil adopté en 1930 est une victoire pour la ligne modérée défendue par la FNSJB. Si la hiérarchie du pouvoir au sein de la famille et la soumission de la femme au mari ne sont pas abolies, ce rapport reprend une grande partie des propositions de la Fédération concernant le régime de la communauté de biens. Ainsi, on modifie le Code pour créer, en 1931, la catégorie des biens réservés qui permet à l’épouse de gérer son salaire et les biens qu’elle acquiert avec celui-ci. La femme obtient également le droit d’authentifier les testaments et la possibilité qu’a le mari de disposer des biens du mariage se trouve restreinte.

L’action sociale de la Fédération

L’action sociale de la Fédération est axée à la fois sur l’intervention sociale, l’offre de services et le lobbying en faveur des femmes vulnérables. La lutte contre la mortalité infantile et le bien-être de la famille (lutte antialcoolique, travail des femmes, éducation des enfants, hygiène, enseignement ménager) résument le programme social de la Fédération, de ses comités et de ses organismes affiliés. La campagne en faveur de la tempérance fournit l’occasion à la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste de s’initier aux pratiques du militantisme (formation de comités, recherche d’alliances, coordination avec d’autres organismes, plans d’action et pétitions). Elle s’avère un champ d’action idéal pour défendre la famille et les valeurs féminines comme les conçoivent les militantes. Ce type de féminisme maternaliste se distingue du familialisme d’Église, qui confine les femmes à leur rôle au sein de la famille, et donnera naissance au maternalisme d’État, première expression de l’État-providence au Québec.

Les soins aux mères et aux enfants

Dès 1896, le MLCW forme un comité d’hygiène où les directrices, mesdames Thibaudeau et Learmont, organisent des conférences publiques et des cours bilingues sur l’hygiène des nourrissons à l’intention des femmes de la classe ouvrière (800 femmes assistent à la première conférence). Elles distribuent également aux mères des brochures sur les soins à prodiguer à un enfant malade. Les dépôts de lait qui voient le jour au début des années 1900 seront aussi des lieux d’éducation et de diffusion du message hygiéniste. La FNSJB créera également son comité d’hygiène, avec le comité de tempérance qui a pour but de lutter contre l’alcoolisme et le tabagisme. La FNSJB appuie en 1910 la création du réseau des Gouttes de lait, qui font aussi la promotion de l’allaitement et enseignent les principes d’hygiène, et dans la foulée, établit en 1913 le comité de lutte contre la mortalité infantile.

Justine Lacoste
Hôpital Sainte-Justine
Deux enfants sont couchés sur des lits de l'hôpital Sainte-Justine à Montréal. Deux religieux se tiennent à leur côté, 1945.

La fondation en 1907 de l’Hôpital Sainte-Justine, une institution vouée spécifiquement aux soins des femmes et des enfants, est une des plus importantes réalisations que la FNSJB a appuyées. Justine Lacoste-Beaubien, sœur de Marie Gérin-Lajoie, en est la cheville ouvrière; elle mobilise tout son réseau pour mener à bien ce projet. Elle obtient la collaboration de la congrégation religieuse des Filles de la sagesse qui assurent la formation des infirmières et la régie interne de l’établissement. Les bénévoles occupent une place centrale dans l’hôpital et certaines d’entre elles (170 par année pour les bonnes années) constituent un corps d’élite d’infirmières. Dotées d’un comité en 1914, elles travaillent au dispensaire de l’hôpital, préparent les enfants pour les examens médicaux, inscrivent le poids et la température au dossier médical, font des stages dans des cliniques externes spécialisées, exécutent le travail de secrétariat, font des vaccinations lors des campagnes de prévention. Ces bénévoles travaillent à titre d’infirmières jusqu’à ce que les infirmières auxiliaires se professionnalisent au tournant des années 1960.

La FNSJB crée en 1926 l’école des enfants infirmes, à l’initiative de son comité de visites des hôpitaux. Ayant remarqué qu’un bon nombre d’enfants catholiques sont hébergés au School for crippled children du Children Memorial Hospital (qui est depuis 1916 ouverte aux protestants, aux catholiques et aux juifs), le Ladies Committee veut combler le manque d’instruction de ces patients de longue durée au sein d’une école franco-catholique. Dès l’ouverture de l’école, les bénévoles y instruisent les 50 enfants hospitalisés, les soignent et leur donnent des cours techniques (afin qu’ils puissent gagner leur vie). En 1932, l’école passe sous le contrôle de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

L’assistance maternelle complète l’éventail des services offerts par la FNSJB; il s’agit de secours à domicile destinés aux mères indigentes. Créé en 1912, ce service est assuré par des médecins bénévoles qui établissent, en 1913, un bureau composé de six médecins et d’un secteur de soins infirmiers assurés par des dames bénévoles et des aides maternelles. Les soins médicaux et infirmiers sont offerts dans les dispensaires ainsi qu’à domicile.

Les pensions aux mères

L’expertise acquise dans les différents services offerts aux femmes vulnérables amène la Fédération à s’engager dans la représentation politique en faveur de la protection des mères, y compris les mères seules. Elle préconise l’établissement d’un programme de pensions aux mères nécessiteuses. Dans son mémoire à la Commission des assurances sociales de Québec, présidée par Édouard Montpetit, la FNSJB propose un compromis entre les services aux mères déjà rendus par des œuvres de bienfaisance privées (catholiques surtout) et l’intervention étatique.

Selon la Fédération, il est fondamental d’intégrer l’expérience et le savoir-faire des associations privées au sein de ce nouveau système d’assurance. Elle n’hésite donc pas à s’opposer ouvertement aux tendances conservatrices du clergé qui ne tolère pas qu’une brèche soit ouverte dans le monopole qu’il exerce sur l’assistance aux familles. La Fédération contribue à remettre en question publiquement ce monopole auprès de la Commission. En outre, en se référant aux lois adoptées aux États-Unis, en France et dans plusieurs provinces canadiennes pour faire valoir une individuation des femmes et des enfants au sein de la famille, la FNSJB propose, dès le début du siècle, un modèle d’intervention laïque dans le champ de la famille. Elle valorise l’aide à domicile dans le respect des familles tout en soulignant les rôles complexes des mères, y compris les mères seules.

Ce programme d’action sociale constitue la base des nombreuses interventions que la FNSJB mène auprès du gouvernement lors des « pèlerinages » réguliers que ses dirigeantes effectuent à Québec. Mais contrairement aux militantes anglo-protestantes qui trouvent dans l’élite éclairée des alliés à leur cause, la Fédération se heurte à de nombreux obstacles. Parce que ses interventions touchent les secteurs de la santé et du bien-être, qui sont entre les mains des communautés religieuses et de l’Église, elle doit moduler ses demandes et apparaître plus réformiste que réformatrice. Ainsi, au début des années 1920, son projet visant à établir un registre général des pauvres assistés dans la ville de Montréal se heurte à l’hostilité de la Société de Saint-Vincent de Paul qui considère que cette responsabilité lui revient.

Le travail des femmes

Les positions de la Fédération sur le travail des femmes concernent principalement le travail rémunéré et la Commission sur le salaire minimum des femmes. En 1914, la Fédération se dote d’un comité, l’Assistance au travail, qui se préoccupe de fournir du travail aux chômeuses et des secours d’urgence. Malgré un discours officiel hostile au travail des femmes mariées, la FNSJB n’a de cesse de promouvoir les revendications de celles qui n’ont d’autre alternative que d’occuper un emploi. Marie Gérin-Lajoie obtient des audiences privées avec les ministres du Travail des deux paliers gouvernementaux pour leur faire part des préoccupations des associations professionnelles. En 1919, le gouvernement du Québec adopte une loi qui institue un salaire minimum pour les femmes. La FNSJB fait des représentations pour envoyer l’une de ses membres à la Commission du salaire minimum des femmes. Elle ne verra ses efforts récompensés qu’en 1935 avec la nomination de Laura Robert à la Commission.

On peut résumer ainsi ces deux grands moments de l’action sociale de la Fédération. Durant la première période, de 1907 à 1930, les interventions sociales liées aux femmes et à la maternité dont s’occupe la FNSJB passent par une offre de services d’assistance aux populations concernées. Son action se caractérise par la compassion et la charité envers les membres vulnérables de sa communauté, mais elle offre aussi de façon plus générale des services intermédiaires, se situant entre les œuvres de charité et le marché (libre). Au cours de la deuxième période, de 1930 à 1950, la professionnalisation des grands métiers féminins étant bien amorcée, l’offre de services de la Fédération est plus restreinte. La plupart des services sont désormais pris en charge par l’État et ses politiques publiques et la Fédération intervient alors en amont pour faire connaître ces nouveaux services publics (ou privés) d’assistance.

La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste a réussi à transformer l’idéal familial véhiculé par le clergé (familialiste) en une vision féministe nécessitant l’intervention de l’État (maternaliste). Les femmes y apparaissent sous un autre angle, dans une variété de fonctions et de rôles. Les mères y sont présentes en tant qu’individus, femmes mariées ou mères seules, nécessiteuses ou plus aisées, ayant besoin d’une aide sociosanitaire professionnelle, même si toutes œuvrent encore au bien-être de la famille. Dans ce processus de reconstitution de l’idéal familial, le statut des femmes a beaucoup changé et leur rôle est reconnu et valorisé.

Enfin, l’histoire de l’action de la Fédération permet de montrer le chemin parcouru par ces femmes, qui dans une sorte d’apostolat laïque, ont fait valoir leur autonomie relative face à la toute puissante Église catholique, tout en formant une alliance circonstanciée avec l’État provincial. Les réformes dans le statut social et civique des femmes, réalisées à l’initiative de la Fédération révèlent et accompagnent le lent processus de sécularisation à l’œuvre au Québec durant toute la première moitié du 20ᵉ siècle.