Femmes et éducation
La femme est depuis toujours très présente dans le domaine de l'éducation, comme élève ou comme enseignante, mais une analyse de sa participation dans ce secteur montre qu'elle y occupe une position inférieure qui à la fois reflète et contribue à perpétuer l'inégalité de la femme dans la société. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les familles de classe moyenne ont tendance à engager une gouvernante ou un précepteur pour faire instruire leurs enfants à la maison. Dès 1871, grâce à la création des écoles publiques et gratuites en Ontario, le pourcentage de filles et de garçons inscrits est sensiblement équivalent. L'enseignement postsecondaire pour filles est dispensé seulement dans des collèges privés, instruments de formation à la vie personnelle, sociale et domestique. Le programme est conçu de manière à apprendre les « arts et les raffinements de la vie » aux femmes et à les préparer à l'enseignement.
Historique
Depuis toujours, l'enseignement constitue une possibilité d'emploi pour les femmes qui désirent entrer sur le marché du travail (voir PROFESSION ENSEIGNANTE). Au début du XIXe siècle, les Canadiennes instruisent les enfants à la maison, dans les fameuses écoles « de dames ». Certaines pionnières possèdent même leur propre école. Anne Langton (1804-1893), par exemple, fonde avec son frère une petite école privée à Fenelon Falls. Vers 1850, les écoles publiques commencent à employer des femmes et, dès 1900, l'enseignement primaire est dispensé presque entièrement par des institutrices. En 1872, le surintendant de l'instruction publique de Colombie-Britannique déclare que « la mission de la femme est d'être avant tout une éducatrice », et surtout des nourrissons et des tout-petits. En fait, ce changement a lieu parce qu'on peut embaucher les femmes à des salaires inférieurs à ceux des hommes. L'économie est appréciable, car l'établissement d'un système scolaire public alors en pleine expansion pèse lourdement sur les épaules des contribuables. L'arrivée massive des femmes de classe moyenne dans le monde de l'enseignement signifie que l'on accepte de plus en plus qu'elles travaillent à l'extérieur du foyer, de même qu'elle reflète une idéologie qui met l'accent sur les aptitudes de la femme pour l'éducation des enfants.
L'enseignement offre donc aux femmes de nouvelles perspectives d'emploi (de nombreuses suffragettes éminentes entrent sur le marché du travail par le biais de l'enseignement) et révèle aussi le rôle subalterne qu'elle jouent dans la société. Moins bien rémunérées que les hommes, les institutrices sont cantonnées à des échelons inférieurs, alors que les postes de direction sont tenus par des hommes. Les maîtresses d'école sont pour la plupart des jeunes femmes qui doivent abandonner le métier ou sont congédiées au moment de leur mariage et qui n'accèdent que rarement aux fonctions administratives.
Enseignantes d'aujourd'hui
Aujourd'hui, les enseignantes ont généralement un salaire égal à celui de leurs confrères masculins et ne peuvent plus être licenciées sous le seul prétexte qu'elles se marient ou qu'elles ont des enfants. Elles comptent pour environ la moitié du personnel enseignant des écoles publiques, où elles sont concentrées surtout dans les classes du niveau débutant, plutôt que dans les classes du niveau supérieur. Alors que les femmes constituent 95 p. 100 des enseignants au niveau préscolaire, plus de 90 p. 100 des professeurs titulaires des universités sont des hommes. Les femmes représentent plus de la moitié des enseignants au primaire et moins de la moitié au secondaire.
De nombreuses (plus de 32) d'études universitaires importantes sont effectuées au cours des années 70 et au début des années 80, afin d'examiner les problèmes auxquels les femmes doivent faire face. Selon un rapport (1984) de la Commission sur les études canadiennes, ces rapports restent en grande partie lettres mortes, et la discrimination qui s'exerce contre les femmes dans les universités canadiennes constitue aujourd'hui une « honte nationale ». Les femmes professeurs d'université occupent des postes inférieurs et sont moins bien rémunérées à tous les échelons et à tous les âges. En 1986, le gouvernement fédéral adopte une loi sur l'équité en matière d'emploi qui doit présider à l'étude des problèmes relatifs à cette question dans les années 90. Les universités engagent alors des conseillères et des coordinatrices pour l'équité en matière d'emploi. Toutefois, ces postes et la situation des femmes sont de nouveau menacés parce que le financement des universités subit des coupures et la « rectitude politique » est remise en question.
L'école est accessible également aux garçons et aux filles. La mixité est implantée depuis longtemps dans les écoles publiques canadiennes, mais elle l'est surtout pour des raisons économiques ou de commodité plutôt que par conviction de la similarité des besoins des garçons et des filles. Les filles demeurent aux études plus longtemps que les garçons et réussissent mieux en classe. Ce n'est qu'en 1950 que le nombre des garçons âgés de 15 à 19 ans fréquentant l'école dépassa celui des filles. Pourtant, les femmes constituent toujours la majorité des diplômés au niveau secondaire. Au collégial, elles représentent plus de la moitié des diplômés. Dans les universités, par contre, elles ne représentent que 16 p. 100 des étudiants du premier cycle en 1920, près de 20 p. 100 de 1930 à 1960, 35 p. 100 en 1970, 50 p. 100 en 1986 et plus de 50 p. 100 dans les années 90. Les femmes représentent 60 p. 100 des étudiants à temps partiel au niveau universitaire. Cette catégorie d'étudiants représente un pourcentage croissant de l'ensemble des effectifs étudiants. C'est à l'université que la situation des femmes progresse le plus.
Perspectives limitées
Malgré les progrès accomplis, il arrive trop souvent que les possibilités d'emploi dans l'éducation soient soumises à une conception voulant que la place de la femme soit à la maison ou dans des emplois traditionnellement féminins. Des études révèlent que les manuels scolaires et le matériel didactique (films, livres de lecture) sous-représentent la femme et la montrent toujours dans ses rôles traditionnels (voir PROGRAMMES D'ÉTUDES, ÉLABORATION DE). Les autorités gouvernementales et les éditeurs de manuels entreprennent, depuis 1980, d'analyser les nouvelles publications scolaires afin d'y déceler les stéréotypes sexistes. Toutefois, les anciens manuels sont encore utilisés et les bases des analyses sont encore discutées. L'essor des études sur les femmes et de la documentation connexe assurent à la femme la place équitable qui lui revient dans les programmes. À l'université, ces cours sont optionnels. Malheureusement, la documentation et le matériel didactique concernant l'expérience des femmes font souvent défaut dans les établissements élémentaires et secondaires.
Des études sur l'attitude des enseignants envers le rôle des hommes et des femmes, ainsi que sur leurs relations avec leurs élèves révèlent que ceux-ci sont traités différemment selon qu'il s'agit de garçons ou de filles. Les enseignants, par exemple, critiquent ou encouragent plus volontiers les garçons. Ils valorisent le comportement « masculin » chez les garçons et le comportement « féminin » chez les filles.
Dans les niveaux supérieurs, les garçons et les filles s'orientent généralement dans des disciplines différentes. Au chapitre des cours optionnels, les jeunes filles sont plus enclines que les garçons à délaisser les mathématiques, la physique et la chimie, ainsi que le technique. En 1984, un rapport présenté par le Conseil des sciences du Canada signale la faible représentation des jeunes filles chez les étudiants en physique et suggère de modifier les programmes d'études, les méthodes d'enseignement et l'ORIENTATION PROFESSIONNELLE, afin de promouvoir la participation des femmes dans l'enseignement des sciences et de la technologie. Les filles sont majoritaires dans les cours d'économie domestique, de techniques de secrétariat et de langues.
Dans les collèges communautaires, les filles comptent pour plus de 90 p. 100 des étudiants en nursing, en réadaptation médicale et en techniques de secrétariat ou administratives; plus de 80 p. 100 en bibliothéconomie et en TRAVAIL SOCIAL; et plus de 50 p. 100 en sciences de l'éducation, en beaux-arts et en arts appliqués. À l'université, les femmes sont en minorité dans les disciplines suivantes : ingénierie, sciences forestières, médecine dentaire, architecture, informatique, droit, administration, sciences pures et médecine. Un renversement de cette situation commence à se faire sentir au niveau universitaire, le pourcentage de femmes augmentant constamment dans certaines facultés professionnelles où les hommes sont majoritaires. Cependant, les femmes demeurent nettement minoritaires en ingénierie.
Cette répartition inégale des deux sexes dans les programmes universitaires contribue directement au maintien d'un monde du travail caractérisé par la ségrégation sexuelle. Par surcroît, les femmes détenant les mêmes diplômes que les hommes sont moins bien rémunérées quand elles entrent sur le marché du travail. Des critiques sont également formulées à l'endroit des orienteurs professionnels qui conseillent aux jeunes filles de choisir les carrières féminines traditionnelles. Les féministes oeuvrant en orientation demandent que l'on tienne compte du fait qu'une grande partie des femmes aura à travailler plusieurs années hors du foyer, qu'elle doit s'affirmer de plus en plus sur le plan professionnel et combattre les stéréotypes sexuels. L'attention qui est accordée à la place de la femme a entraîné des discussions et des changements. Parents, enseignants et administrateurs sont confrontés à des dilemmes d'un genre nouveau.
L'école doit être à l'image de la population qu'elle dessert, mais elle doit aussi offrir des chances égales à tous les élèves. Il en résulte des conflits. L'ensemble de la population canadienne n'accepte pas uniformément l'idée qu'hommes et femmes doivent recevoir la même éducation. Les écoles peuvent promouvoir l'égalité des sexes de deux façons, soit en reconnaissant la différence entre les sexes, soit en niant qu'il existe une différence. Les classes de sciences pures réservées aux filles et les cours d'éducation physique mixtes demeurent en 1990 des questions controversées, parce que les communautés en sont à décider quelle doit être l'égalité des chances pour les filles et les garçons.