Organisations féminines
Au début du XIXe siècle, les femmes de la bonne société se réunissent à l'échelle locale pour s'adonner à des oeuvres charitables ou religieuses. Elles fondent des refuges et des orphelinats pour venir en aide aux femmes et aux enfants dans le besoin et prêtent leur concours aux églises en tant qu'auxiliaires féminines. À la fin de ce siècle, leurs activités prennent de l'ampleur et influencent un nombre incalculable d'organisations réformistes, qui sont maintenant de plus en plus interconfessionnelles et laïques, comme la WOMAN'S CHRISTIAN TEMPERANCE UNION, la YOUNG WOMEN'S CHRISTIAN ASSOCIATION (YWCA) et le CONSEIL NATIONAL DES FEMMES DU CANADA.
Contrairement aux groupes antérieurs, ces organisations ont un caractère national et s'adressent à un segment beaucoup plus large de la population féminine du Canada. Elles cherchent à améliorer la société et sont prêtes, dans certains cas, à recourir au pouvoir de l'État par l'entremise de lois prévoyant l'imposition de réformes. Pourtant, ces organisations continuent à s'inspirer du message évangélique et à consacrer beaucoup d'efforts à aider les femmes et les enfants défavorisés.
Les femmes qui se joignent à ces organismes ont conscience de devoir s'engager dans la société. Elles acceptent pour la plupart leur rôle de ménagère mais, puisque la société exerce un impact croissant sur la vie familiale, les organisations sont convaincues de la nécessité de se doter d'une plate-forme publique. C'est particulièrement vrai en milieu urbain où prévalent l'alcoolisme, la prostitution, la délinquance et la maladie. Les femmes des milieux ruraux pressentent le défi associé à l'URBANISATION et veulent en outre surmonter les problèmes découlant de l'isolement et du dépeuplement des campagnes. Les organisations d'agriculteurs du début du XXe siècle ouvrent grandes leurs portes aux auxiliaires féminines et à leurs cercles, considérés comme partie intégrante du mouvement agricole. Les instituts créés par les femmes obtiennent un tel succès qu'ils se répandent dans le monde entier (FÉDÉRATION DES INSTITUTS FÉMININS DU CANADA). Aux associations féminines à vocation interventionniste s'ajoutent de nombreuses autres qui cherchent seulement à donner à leurs membres le moyen de s'exprimer. Les clubs de lecture et de musique, par exemple, s'adressent à la femme au foyer, alors que d'autres associations veulent représenter les besoins précis des femmes de carrière telles que les enseignantes et les infirmières (voir FEMMES DANS LA POPULATION ACTIVE).
Aux alentours de 1912, on estime qu'une femme sur huit est affiliée à un groupe de femmes, ce qui fait du mouvement féminin une force incontestable dans la société canadienne. Ce mouvement n'attire cependant pas toutes les femmes. Ses membres sont en effet surtout des anglophones protestantes de classe et d'âge moyens. Les francophones, pour la plupart catholiques, trouvent dans l'Église catholique romaine et dans ses communautés religieuses et regroupements féminins un terrain propice à la vie organisationnelle. Aussi vont-elles attendre le début du XXe siècle avant de fonder des associations comme la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste qui militent en faveur de changements sociétaux, à la façon des organisations anglophones protestantes (voir SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE). Il reste que l'inspiration et l'influence religieuses demeurent plus significatives pour les francophones que pour leurs consoeurs anglophones du Canada. Les femmes des groupes minoritaires par la race, l'ethnie ou la religion ne se sentent pas toujours les bienvenues dans les grandes organisations féminines. C'est pourquoi elles créent souvent leurs propres associations au profit de leur communauté et des femmes qui en font partie.
Les associations de femmes à vocation interventionniste accomplissent un travail impressionnant. Elles sensibilisent l'opinion publique aux besoins des travailleuses, aux lacunes du système scolaire, aux problèmes de l'intempérance, à l'existence d'une morale à deux poids deux mesures pour les hommes et les femmes et aux niveaux extrêmement élevés de mortalité infantile dans certaines villes du pays. En participant à ces groupes, les femmes contribuent à changer l'image de la femme canadienne.
En se rassemblant, les femmes prennent conscience du pouvoir de l'action collective et des joies de la sororité. Elles apprennent aussi à recueillir et administrer des fonds. Devant le mur de résistance auquel se bute leur volonté de réforme, elles se rendent compte des limites de leur pouvoir en tant que femmes. N'ayant pas le droit de vote, elles savent que les politiciens n'écouteront pas leurs requêtes ou n'y donneront pas suite. Il leur faut d'abord militer en faveur du DROIT DE VOTE DE LA FEMME, ce qui mobilise l'attention d'un grand nombre d'organisations féminines dans les années 1910 (voir FEMMES NON RECONNUES CIVILEMENT, AFFAIRE DES et MCCLUNG, NELLIE LETITIA).
Une fois le droit de vote fédéral acquis en 1918, n'ayant plus d'objectif précis sur lequel faire front commun, les divers groupes féminins perdent un peu de leur visibilité et de leur attrait. De 1920 à 1960, ils ne demeurent pas pour autant inactifs. Au contraire, le programme précédent fondé sur une ou deux réformes est remplacé par une multitude d'activités. Durant la période entre les deux guerres, par exemple, les mouvements catholiques et de paix deviennent la priorité de beaucoup de femmes (voir LA LIGUE INTERNATIONALE DES FEMMES POUR LA PAIX ET LA LIBERTÉ. Les ouvrières et les femmes spécialisées font partie de groupes qui représentent leurs intérêts individuels, des clubs de femmes d'affaires, des associations professionnelles au féminin et des fédérations d'enseignantes (voir LIGUES OUVRIÈRES FÉMININES).
Au cours des deux guerres mondiales, la vie organisationnelle est un des enjeux clés des activités bénévoles des Canadiennes. Elles expriment leur patriotisme par des collectes de fonds, la production de vivres et l'envoi outre-mer de colis pour réconforter les soldats. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l'attention se recentre sur la vie de famille. Les femmes sont de nouveau encouragées à participer à des groupes communautaires qui mettent l'accent sur l'art ménager, à des associations foyer-école et à des groupes de défense des consommateurs. Dans cette période d'après-guerre, c'est le rôle traditionnel des femmes qui prime - la FAMILLE et l'activité communautaire (voir COMMUNAUTÉ).
Par contre, les associations de femmes exercent de moins en moins d'attraits sur les jeunes femmes qui préfèrent explorer leurs propres intérêts. Les groupes féminins restent cependant actifs à l'échelle nationale et locale. L'émergence du MOUVEMENT DES FEMMES à la fin des années 1960 donne un nouvel élan à leurs organisations, qu'annonce tout d'abord la parution en 1960 de la VOIX DES FEMMES. Aux anciens groupes s'ajoutent des initiatives autonomes qui cherchent avant tout sensibiliser les femmes à leur statut de second rang au sein de la société. Une fois de plus, l'action collective des femmes attire l'attention du public. Cette prise de conscience donnera naissance à des groupes spécifiques réunissant les femmes autochtones, les travailleuses, les femmes des minorités culturelles et les lesbiennes. En outre, le COMITÉ CANADIEN D'ACTION SUR LE STATUT DE LA FEMME émerge comme porte-parole et groupe de pression au service des femmes.
Aujourd'hui, organisations féminines canadiennes qui militent pour la CONDITION FÉMININE sont confrontées à de nouveaux défis. De façon générale, l'orientation commune vise à bouleverser la façon dont les femmes sont perçues et traitées par la société. Cependant, cet objectif tend à se dissiper lorsque des groupes qui représentent des intérêts bien arrêtés dominent le programme. Au cœur de ces débats vigoureux demeure néanmoins le fait que les « femmes » ne forment pas un groupe homogène. Étant donné les diverses priorités liées, par exemple aux CLASSES SOCIALES, à l'IDENTITÉ ETHNIQUE ou à l'orientation sexuelle, la coordination des multiples voix du féminisme canadien n'est pas chose facile. Le plus grand défi des organisations féminines actuelles au Canada réside dans la façon d'envisager l'activisme en permettant néanmoins aux différentes idéologies de se faire entendre et reconnaître.
Voir ÉTUDES DES FEMMES .