Frédéric Rolette

Carrière dans La Marine

On sait peu de chose de l’enfance de Frédéric Rolette. Il naît à Québec le 23 septembre 1785 et vit près du Port de Québec, où des navires mouillent fréquemment. Il est possible que Frédéric Rolette ait éprouvé une certaine fascination pour la mer, car il s’engage très tôt à bord d’un navire anglais. En effet, les archives de la Ville de Québec montrent que son père, le marchand Joseph Rolette résidant au 21 Côte de la Montagne (actuelle Maison Narcisse-Turcot), vit déjà seul en 1798. Le jeune Rolette s’est donc engagé au plus tard à 13 ans. Bien que cet âge puisse sembler jeune, il faut savoir qu’à cette époque, des garçons d’à peine neuf ans servent dans la marine. Quelque soit les raisons de son départ, il prend la mer et nous perdons sa trace jusqu’en 1806, année où il revient au Haut-Canada et s’établit à Amherstburg (aujourd’hui en Ontario).

Un témoin oculaire, Thomas-René-Verchères Boucher de Boucherville, raconte : « je fus présenté à un jeune homme appelé Frédéric Rolette, qui était commis pour M. Robert Reynolds [le fils de Thomas Reynolds, commissaire pour l’armée britannique]. »

Un jour, je marchais de long en large sur le balcon de la résidence où je demeurais sur Queen Street, songeur et déprimé, quand le jeune Rolette, qui vivait tout près, vint me voir. Nous étions presque du même âge et nous nous sommes tout de suite bien entendus. J’ai appris qu’il était de Québec […]. À partir de ce moment, nous fûmes unis par une amitié qui ne cessa qu'avec sa mort [traduction libre].

Frédéric Rolette a dû s’illustrer pendant son service en mer, car il est nommé lieutenant en second dans la Marine Provinciale, le service naval britannique sur les Grands lacs, le 4 octobre 1807. Il n’aurait pu obtenir ce poste sans avoir précédemment été Lieutenant dans la Royal Navy.

Guerre de 1812

En juin 1812, la guerre éclate entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. (Voir Guerre de 1812.) Les nouvelles voyagent lentement, à l’époque, et il prend un certain temps aux postes les plus reculés pour être informés. Dès l’ouverture des hostilités, Frédéric Rolette, qui est désormais commandant du brigantin HMS General Hunter, s’illustre par un audacieux fait d’armes : la prise du navire américain Cuyahoga Packet. Des témoins racontent :

Me trouvant par hasard au chantier naval […], je croisai le lieutenant Frédéric Rolette alors qu’il lançait un bateau manœuvré par une douzaine de matelots, tous armés de sabres et de pioches, et je m’empressai de lui demander où ils allaient avec cet attirail. “ Faire une prise! “, me répondit-il, alors qu’il ordonnait aux hommes de se hâter vers le vaisseau qui avançait […], inconscient du sort qui l’attendait [traduction libre]. – Verchère de Boucherville

Ils étaient armés de sabre d’abordage et de lourds pistolets attachés autour d’eux. […] le capitaine Rollet [sic] pointa son pistolet vers le lieutenant Gooding, qui se tenait près de la barre, et répéta l’ordre“ Affalez vos voiles! “. Le lieutenant Gooding rétorqua “ Je n’ai aucun commandement ici, monsieur “. Un coup de feu fut tiré directement vers nous […]. Les voiles furent affalées [traduction libre]. — William K. Beal, marin américain

Bénéficiant de l’effet de surprise, Rolette s’empare du bateau américain sans résistance. Cette prise, la première de la guerre, s’avère fructueuse car le navire transporte une quarantaine de soldats et des documents militaires contenant des renseignements précieux sur les forces américaines et leur déploiement. Ces informations sont mises à profit dans la stratégie du major-général britannique Isaac Brock lors de la prise du Fort Détroit le mois suivant, en août 1812, avec l’aide des guerriers de la confédération du chef Tecumseh. Couvert par le feu des NSM (Navire de Sa Majesté) General Hunter et Queen Charlotte, l’assaut est un succès et le 16 août, les Britanniques contrôlent tout le Michigan.

Le 22 janvier 1813, Frédéric Rolette participe à la bataille de Frenchtown, aussi appelée bataille de Rivière-aux-Raisin, en tant qu’officier d’artillerie, où il se distingue encore une fois par sa témérité. Le matin de la bataille :

Rolette vint me voir […] et me dit qu’il était très malade – qu’il avait un mal de tête terrible. Je lui recommandai de s’abstenir de combattre. Le brave petit Canadien français se retourna comme si je l’avais insulté. Il était chargé d’un canon, me dit-il, et abandonner sa charge serait une disgrâce éternelle. Regardez bien, me dit-il alors qu’il enroulait un épais foulard, attache ceci autour de ma tête. Je m’exécutai. Je me sens mieux déjà, me dit-il, et il sortit [traduction libre]. — Robert Reynolds

Pendant la bataille, le lieutenant Frédéric Rolette est sévèrement blessé d’une balle derrière la tête. Il perd conscience pendant plusieurs heures, mais il survit. « Après la bataille, il revint me voir. Ce foulard, dit-il, m’a sauvé la vie : regardez ici; et dans les plis du foulard se trouvait une balle de fusil, qui avait partiellement traversé la soie, et s’était aplatie d’un côté sur son crâne. […] Il était au devant de nos lignes, au centre, et avait été blessé par nos propres hommes [traduction libre]. » — Robert Reynolds

Cette blessure ne l’empêche pas de poursuivre la guerre. Une fois remis, il participe à la bataille du Lac Érié le 10 septembre 1813 où, comme à son habitude, il impressionne par son sang-froid et sa ténacité. Il est alors premier lieutenant sur le NSM Lady Prevost. La bataille, qui oppose une flottille de six vaisseaux anglais contre neuf américains, tourne au désastre pour les Britanniques. Le capitaine du Lady Prevost est rapidement mis hors combat et le commandement échoie entre les mains de Frédéric Rolette, qui mène une lutte acharnée « […] jusqu’au moment où étant dangereusement blessé au côté droit, et sévèrement brûlé par une explosion de poudre qui tua et blessa un grand nombre de ses gens, il rendit à l’ennemi son vaisseau, qui n’était presque plus que débris. » Capturé par les Américains, il demeure aux États-Unis pendant près de 12 mois, en tant que prisonnier de guerre.

Héritage

Une fois la guerre terminée, Frédéric Rolette revient à Québec. En guise de reconnaissance, un sabre honorifique lui est offert par ses amis et citoyens qui se sont cotisés pour lui présenter ce cadeau unique. Sous son fourreau de cuivre doré, on peut lire sur la lame d’acier gravée de figures mythologiques :

Présenté au lieutenant Frédéric Rolette, de la Marine provinciale, un sujet né au Canada qui s'est distingué à plusieurs reprises au cours de la dernière guerre américaine, particulièrement lors de la bataille navale sur le lac Érié, le 10 septembre 1813, sous le commandement du brave capitaine Barclay, en témoignage de quoi ses camarades d'école, avec d'autres Canadiens loyaux et patriotes, ont voté cinquante guinées pour son épée [traduction libre].

Frédéric Rolette décède le 17 mars 1831, à Québec, des blessures dont il ne s’est jamais vraiment remis. L’homme de 46 ans laisse dans le deuil sa femme, Luce Bouchette, à laquelle est accordée une rente par le gouvernement, et ses cinq enfants. Un canton de la région de la Chaudière-Appalaches est nommé en son honneur en 1868. Son sabre, ainsi que les documents attestant de son action pendant la guerre de 1812, sont aujourd’hui conservés au Musée naval de Québec.

Le nom de Frédéric Rolette ne fut jamais autant célébré que le 16 juillet 2015, alors qu’il fut annoncé en grande pompe par la Marine royale canadienne qu’un nouveau navire de patrouille extracôtier portera le nom de NCSM Frédérick Rolette. Le navire a été officiellement accueilli dans le service naval le 13 juin 2025 lors d’une cérémonie de mise en service à Québec. Le NCSM Frédérick Rolette est le cinquième navire de patrouille extracôtier et de l’Arctique de la classe Harry DeWolf.