Formation et début de carrière
Fils d’un marchand aisé, Conrad Kirouac grandit à Saint-Sauveur, un quartier de la ville de Québec, et suit l’ensemble de sa formation chez les Frères des écoles chrétiennes. À l’âge de 16 ans, après avoir terminé l’école, il se joint à la communauté des Frères des Écoles chrétiennes et, en 1901, il entre à Mont-de-La Salle, le noviciat des Frères à Montréal, et prend le nom de Marie-Victorin.
Frère Marie-Victorin occupe son premier poste d’enseignant en 1903 à l’école des Frères de Saint-Jérôme; toutefois, sa première année d’enseignement sera perturbée par la maladie. En décembre 1903, Marie-Victorin souffre d’une crise d’hémorragie due à la tuberculose; il découvre la botanique, qui deviendra la passion de sa vie, à l’occasion de sa longue convalescence. En 1904, il devient professeur au Collège commercial et industriel de Longueuil au sein duquel il enseigne la géométrie, l’algèbre, la composition française et l’anglais, fondant en outre un cercle d’études, écrivant et produisant des pièces de théâtre, et publiant différents travaux littéraires, notamment Récits laurentiens en 1919 et Croquis laurentiens en 1920. La botanique occupe cependant une partie croissante de son temps.
Botaniste autodidacte
Bien que Marie-Victorin n’ait reçu aucune formation formelle en botanique, il devient rapidement un expert en la matière. Entre 1904 et 1906, il lit chaque numéro du Naturaliste canadien, une revue qui paraît depuis 1871. En mai 1908, il publie, dans cette même revue, son premier article scientifique « Addition à la flore d’Amérique » suivi de « Contribution à l’Étude de la flore de la province de Québec » en 1909. L’objectif de Marie-Victorin consiste à réviser le catalogue des végétaux du Canada français et il passe de nombreuses années à explorer la flore du Québec. À l’été 1913, il procède, par exemple, à des relevés à Témiscouata dans le Bas-Saint-Laurent, une région qui n’avait jusqu’alors jamais été explorée par les botanistes. Il découvre cinquante nouvelles espèces de végétaux dans la région et publie ses résultats dans La flore du Témiscouata : mémoire sur une nouvelle exploration botanique de ce comté de la province de Québec en 1916.
Titulaire de la chaire de botanique à l’Université de Montréal
En 1920, Marie-Victorin est largement reconnu comme un expert en botanique. Bien que n’ayant pas de diplôme universitaire, il est nommé titulaire de la chaire de botanique et enseigne cette matière en tant que professeur agrégé à l’Université de Montréal qui vient d’être créée en 1920. Vingt-cinq années d’intense activité scientifique et sociale vont suivre. Au Laboratoire de botanique, Marie-Victorin rassemble autour de lui une petite équipe de recherche comprenant notamment Jules Brunel, Ernest Rouleau et Jacques Rousseau. La même année, il soutient avec succès sa thèse de doctorat et devient professeur permanent. En 1923, Marie-Victorin cofonde l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences et la Société canadienne d’histoire naturelle. Plus tard, il participe à la mise sur pied des Cercles des jeunes naturalistes.
Le Jardin botanique de Montréal
La création, en 1931, du Jardin botanique de Montréal constitue l’une des réalisations de Marie-Victorin les plus marquantes à long terme. Fondé durant la Crise des années 1930 également appelée Grande Dépression, le Jardin botanique ne se développe que de façon sporadique jusqu’en 1936 lorsqu’il bénéficie d’un apport de fonds. En 1939, Marie-Victorin réussit le déménagement de son Institut botanique (anciennement Laboratoire de botanique) vers le Jardin botanique.
L’œuvre d’une vie
Quinze ans après sa nomination comme titulaire de la chaire de botanique, Marie-Victorin publie Flore laurentienne en 1935, qui constitue son nouvel inventaire des végétaux du Québec. Produit en collaboration avec des collègues, notamment Brunel, Rousseau et Marcelle Gauvreau, et illustré par frère Alexandre Blouin, l’ouvrage contient des informations détaillées sur 1917 végétaux. Marie-Victorin a pour objectif non seulement de former les milieux scientifiques, mais également le grand public québécois. Il espère qu’en acquérant des connaissances sur leur terre, les Canadiens français en viendront à considérer à leur juste valeur leurs droits patrimoniaux naturels à son égard et à se les approprier.
Héritage
Le 15 juillet 1944, Marie-Victorin et un groupe d’amis ont un accident de voiture en revenant d’une expédition botanique. Bien que n’ayant pas été gravement blessé lors de la collision, il fait une attaque cardiaque et décède avant d’arriver à l’hôpital. Au moment de son décès, Marie-Victorin est à l’apogée de sa carrière aussi bien comme universitaire que comme leader d’opinion.
En tant que botaniste, Marie-Victorin est connu non seulement au Québec, mais également dans le reste de l’Amérique du Nord et en Europe. Tout au long de sa carrière, il reçoit de nombreux prix et de nombreuses distinctions, au Canada mais également en Angleterre, en France, en Haïti et à Cuba. Comme le montre sa gigantesque Flore laurentienne, il est avant tout taxonomiste. Toutefois, l’importance qu’il accorde à la phytogéographie (la répartition géographique des végétaux) et à l’évolution de la flore américaine a ouvert la voie à des écologistes comme Pierre Dansereau. Son travail de pionnier et ses activités de promotion de la culture scientifique auprès du grand public, notamment par l’intermédiaire d’articles publiés dans des journaux et des magazines, vont exercer pour les années à venir une influence sur de nombreux jeunes scientifiques du Québec. (Voir également Histoire de la botanique.)
En tant qu’ardent propagandiste de la « culture scientifique » et du nationalisme canadien-français (à l’image de Lionel Groulx), Marie-Victorin est une figure politique et intellectuelle majeure du Québec des années 20 et des années 30.