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Génocide et peuples autochtones au Canada

Un génocide est la destruction intentionnelle d’un groupe donné par des moyens tels que le meurtre, des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, la restriction des naissances ou le transfert forcé des enfants à un autre groupe. Le terme a été appliqué aux expériences des peuples autochtones au Canada, en particulier dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation (voir aussi Pensionnats indiens) et l’enquête sur les Femmes et filles autochtones disparues et assassinées.

Le génocide et les peuples autochtones au Canada

Des manifestantes à Toronto, Ontario, en 2020, cherchent à sensibiliser à ces enjeux et mouvements sociaux : le génocide et les peuples autochtones, Idle No More, Black Lives Matter et les femmes et filles autochtones disparues et assassinées.

(avec la permission de Jason Hargrove/ Flickr cc by 2.0)

Définition du génocide

Le terme génocide a été défini par le juriste polonais Raphäel Lemkin en 1944. Il est composé du préfixe grec « genos » (race ou tribu) et du suffixe latin « cide » (tuer) et désigne l’annihilation intentionnelle d’un groupe donné sur la base de son identité partagée. Cette identité est souvent fondée sur la nationalité ou l’ethnie, mais elle peut aussi inclure la race ou l’affiliation religieuse. Raphäel Lemkin a mené pendant des années une campagne en faveur d’une convention internationale prohibant le génocide. Finalement, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, un traité ratifié par l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU), est entrée en vigueur en 1948. L’ONU a adopté la définition du génocide de Raphäel Lemkin.

Génocide culturel

Reconnu par Raphäel Lemkin en 1944, le génocide culturel est un concept qui s’appuie sur certaines interprétations du mot génocide. Un génocide culturel est la destruction intentionnelle d’une culture. Toutefois, cela n’implique pas nécessairement des tueries ou des violences à l’égard du groupe en question. Par exemple, un génocide culturel peut inclure l’éradication des pratiques culturelles, des artéfacts, de la langue et des traditions.

En raison de l’objection de plusieurs nations, l’expression génocide culturel n’a pas été utilisée dans la Convention de l’ONU sur le génocide de 1948, ni dans la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones de 1994. Au Canada, toutefois, les peuples autochtones et des chercheurs soutiennent que certains programmes ou politiques de colonisation, comme les pensionnats indiens, ont visé intentionnellement à détruire les peuples autochtones au Canada en tant que groupes distincts, et constituent par conséquent un génocide culturel.

Pensionnats indiens, CVR et génocide culturel

La Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) est officiellement lancée en 2008 selon les dispositions de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI). En 2015, la CVR publie son rapport final, qui documente les expériences, parfois tragiques, d’au moins 150 000 élèves des pensionnats indiens au Canada.

La CVR considère le système des pensionnats indiens comme un cas de génocide culturel. Le rapport final définit un génocide culturel comme la « destruction des structures et des pratiques qui permettent au groupe de continuer à vivre en tant que groupe ». Il conclut que les pensionnats indiens « faisaient partie d’une politique cohérente visant à éliminer les peuples autochtones en tant que peuples distincts et à les assimiler contre leur gré à la société canadienne ».

La CVR soutient également que la Rafle des années soixante – l’enlèvement à grande échelle de plus de 20 000 enfants autochtones à leurs familles – représente une forme de génocide culturel. Le rapport note que la fermeture des écoles résidentielles a été suivie d’une « hausse importante du nombre d’enfants pris en charge par les agences de protection de l’enfance ». Des milliers d’enfants autochtones de tout le pays ont été retirés de force à leurs familles. En 1985, le rapport sur les peuples autochtones et les politiques d’aide à l’enfance du juge Edwin Kimelman, intitulé No Quiet Place, affirme également qu’un « génocide culturel s’est déroulé d’une manière routinière et systématique ».

Le rapport final de la CVR énonce 94 appels à l’action pour œuvrer à la réconciliation. Il initie un débat public au Canada concernant le génocide culturel des peuples autochtones. Certains n’aiment pas le terme, ou ne sont pas à l’aise avec lui, mais beaucoup de Canadiens s’entendent sur le fait que le système des pensionnats indiens était destructeur. D’autres affirment que la CVR n’a pas rendu compte de manière suffisante des souffrances des peuples autochtones. Ainsi, en 2015, le journaliste Jesse Staniforth affirme dans le Toronto Star : « Le mot “culturel” laisse suggérer que le système [des pensionnats indiens] était conçu pour détruire les cultures, mais non les personnes, ce qui est très éloigné de la réalité des pensionnats indiens. »

Enquête sur les FFADA et génocide

Le 8 décembre 2015, le gouvernement du Canada annonce son intention de lancer une enquête nationale indépendante sur les Femmes et filles autochtones disparues et assassinées (FFADA). Quatre ans plus tard, en 2019, l’Enquête sur les FFADA publie un document de 1 200 pages détaillant ses conclusions, ainsi que 231 recommandations.

L’enquête utilise le terme de génocide pour qualifier la nature de la violence exercée contre les femmes et les filles autochtones au Canada (de même qu’envers les personnes autochtones en général au Canada) ainsi que la réponse du gouvernement fédéral à ces violations systématiques des droits de la personne. Selon l’enquête sur les FFADA, la principale source des taux élevés de violence contre les personnes autochtones au Canada se trouve dans les « abus et violations persistantes et délibérées des droits de la personne et des autochtones ». Le rapport final affirme que diverses lois, politiques et programmes coloniaux, comme la Loi sur les Indiens et le système de protection de l’enfance, ont pour objectif de « détruire les peuples autochtones ». La commissaire en chef de l’Enquête, Marion Buller, dit du rapport : « [il] s’agit d’un génocide délibéré, basé sur la race, l’identité et le genre. »

Le 4 juin 2019, s’adressant à la foule à Vancouver, le premier ministre Justin Trudeau reconnaît les conclusions de l’enquête : « Nous acceptons les conclusions des commissaires, selon lesquelles il s’agit d’un génocide. » Bien que beaucoup au Canada reconnaissent que des atrocités ont été commises à l’égard des Autochtones, l’utilisation du mot génocide fait réagir des personnes qui croient que le terme n’est pas approprié ou justifié. Toutefois, d’autres soutiennent que l’utilisation du terme est importante, et que minimiser les conclusions du rapport reviendrait à négliger ou sous-estimer l’expérience vécue des Autochtones au Canada. Le fait que l’enquête ait utilisé le mot « génocide » a amené d’importants changements. Notamment, en 2018, le Musée canadien des droits de la personne a modifié sa description des atrocités commises contre les peuples autochtones au Canada en remplaçant « génocide culturel » par « génocide ».

Autres accusations de génocide

Plusieurs affirment que d’autres situations imposées par le gouvernement aux peuples autochtones au Canada ont contribué à un génocide. Ceci inclut, selon l’écrivaine Anna Sixsmith, la pénurie de logements dans les réserves, la brutalité policière et l’accès limité à des nécessités de base comme l’eau potable, la nourriture à prix abordable et les soins de santé. (Voir aussi Condition sociale des Autochtones au Canada et Santé des Autochtones au Canada.) Anna Sixsmith dénonce aussi le « sexisme historique de la Loi sur les Indiens » qui, dans certains cas, retire aux femmes leur identité juridique (statut d’Indien), les rendant dépendantes de leur mari et les isolant au sein de leurs communautés et bandes. (Voir aussi Les femmes et la Loi sur les Indiens.)

La stérilisation forcée des femmes autochtones au Canada a aussi été assimilée à une forme de génocide. Des lois sur la stérilisation en Alberta (1928-1972) et en Colombie-Britannique (1933-1973), ayant pour but de limiter la reproduction de personnes « inaptes», ont visé de manière croissante des femmes autochtones. La stérilisation forcée des femmes autochtones a eu lieu à la fois dans le cadre de lois existantes ou hors de celui-ci, dans des hôpitaux indiens administrés par le gouvernement fédéral. Cette pratique s’est poursuivie jusqu’au 21e siècle. Une centaine de femmes autochtones disent avoir subi des pressions pour qu’elles consentent à être stérilisées entre les années 1970 et 2018, souvent alors qu’elles étaient en situation vulnérable de grossesse ou d’accouchement. La professeure Karen Stote soutient qu’en ce sens, la stérilisation forcée des femmes autochtones peut être vue comme une façon d’affaiblir la capacité d’un groupe à exister.

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