Qu’est-ce qu’un gouvernement?
Le gouvernement, au sens strict, peut désigner un groupe de ministres formant le Cabinet, par exemple, « gouvernement Trudeau ».
De façon plus générale, il peut aussi représenter tout l’appareil étatique, dont le Cabinet, l’Assemblée législative, les tribunaux, la fonction publique, les Forces armées et plus encore.
Enfin, le gouvernement représente l’exercice du pouvoir. En effet, les gouvernements exercent un pouvoir sur la société en général et sur les individus en particulier. Par le fait même, les gouvernements diffèrent des autres organisations, car ils peuvent créer et promulguer des règles et des règlements qui touchent toute la société. Les gouvernements démocratiques, comme celui du Canada, reçoivent ce pouvoir des citoyens, par le truchement du processus périodique des élections.
Pouvoir gouvernemental
Au Canada, la légitimité du gouvernement provient de la Constitution. Les pouvoirs dont le gouvernement est investi sont divisés selon les branches législative, exécutive et judiciaire. Les représentants élus de l’Assemblée législative (ou du Parlement) adoptent des lois, et votent sur la question des impôts et des dépenses. Le pendant exécutif du gouvernement propose des mesures législatives, présente les budgets à l’Assemblée législative et met les lois en œuvre. La division judiciaire est l’interprète définitive de ces lois.
Selon la tradition parlementaire héritée de la Grande-Bretagne, les ministres du pouvoir exécutif (le Cabinet) doivent démissionner s’ils perdent la confiance de la majorité des membres de l’Assemblée législative. C’est là la définition d’un gouvernement responsable : le pouvoir exécutif est « redevable » à l’Assemblée législative de qui elle hérite le pouvoir, qu’elle a elle-même reçu des citoyens.
Enfin, les tribunaux et les juges doivent, dans un gouvernement responsable, être libres d’interpréter les lois sans ingérence des ministres du Cabinet ni des députés.
Au cours des dernières décennies, l’équilibre des pouvoirs a toutefois été mis à mal par la croissance du pouvoir exécutif, résultant de la complexification et de l’élargissement des responsabilités étatiques des sociétés modernes.
Fonctionnement du pouvoir exécutif
Au fédéral et au provincial, le pouvoir exécutif est fractionné en trois parties distinctes. Le chef de l’État est le représentant du monarque du Canada, présentement le roi Charles III. Au fédéral, il s’agit du gouverneur général, tandis que les provinces ont des lieutenants-gouverneurs. Tous ont pour mandat d’approuver les lois et les décisions exécutives importantes avant qu’elles entrent en vigueur. Par convention, si le Cabinet reçoit le soutien de la majorité de la législature, l’approbation du chef d’État n’est que pure formalité.
La deuxième partie du pouvoir exécutif est le Cabinet, qui comprend le premier ministre fédéral ou le premier ministre provincial, et les ministres choisis par celui-ci. La plupart des ministres sont aussi membres de la législature, bien que cela ne soit pas une nécessité sur le plan légal. Les premiers ministres sont habituellement à la tête du parti politique ayant récolté le plus grand nombre de sièges au Parlement. Les ministres, eux, sont habituellement choisis pour diriger un des ministères du gouvernement, mais il arrive qu’on leur offre plutôt des postes de coordination ou des mandats spéciaux, comme celui de superviser le programme du parti au Parlement ou celui de chef du gouvernement au Sénat.
La troisième et plus imposante partie du pouvoir exécutif est son administration, qui englobe les ministères et les agences, les Forces armées et une foule d’organismes autonomes. Les ministères sont le fondement de l’administration et rendent compte à l’Assemblée législative par l’entremise de leur ministre, tandis que les organismes autonomes, comme les sociétés d’État et les commissions à vocation réglementaire, ont un rôle plus limité. D’autres commissions gouvernementales gèrent les régimes d’assurances et de prêts, alors que les tribunaux administratifs servent à résoudre les conflits dans des programmes comme l’impôt sur le revenu, l’immigration et les services sociaux.
Gouvernement municipal
Le Canada a des gouvernements à tous les niveaux : fédéral, provincial et municipal. Seuls les deux premiers niveaux, toutefois, ont des pouvoirs clairement définis selon la Constitution que les autres niveaux ne peuvent usurper (voir Partage des pouvoirs). Les pouvoirs des gouvernements municipaux (ou locaux) se limitent à ceux qui leur sont accordés par leur gouvernement provincial.
Les gouvernements municipaux se distinguent surtout des autres niveaux de gouvernements par le fait qu’ils ne prélèvent pas d’impôts sur le revenu. L'un des changements importants qu'a connus le gouvernement canadien depuis la Confédération, en 1867, est que les gouvernements provinciaux et nationaux assument désormais certaines des fonctions réservées autrefois aux municipalités.
Rôle changeant du gouvernement
En 1867, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique confie au gouvernement fédéral le mandat de légiférer sur la défense et les affaires extérieures, le droit criminel, l’argent et les banques, le commerce, le transport, la citoyenneté et les affaires indiennes. Les provinces, pour leur part, ont la responsabilité de l’éducation, du droit civil (y compris les droits de propriété), de la santé et du bien-être, des ressources naturelles et des administrations locales. Les deux niveaux de gouvernement deviennent conjointement responsables de l’agriculture et de l’immigration et, avec le temps, de la plupart des sources de revenus.
Selon l’époque, les conditions sociales et économiques changeantes, ainsi qu’une évolution de la pensée populaire quant au rôle que l’État devrait jouer poussent au premier plan l’un ou l’autre des niveaux de gouvernement.
XIXe siècle
Au XIXe siècle, la philosophie dominante est le laissez-faire (ou la non-intervention) du gouvernement dans la vie économique. Malgré tout, le gouvernement fédéral devient une force majeure de l’économie en accordant à des entreprises privées une combinaison de territoires et de subventions pour stimuler la construction et l’expansion du réseau ferroviaire, d’abord celui du chemin de fer Intercolonial vers les Maritimes, puis le chemin de fer Canadien Pacifique vers l’Ouest. Les gouvernements provinciaux soutiennent également la construction ferroviaire, bien qu’ils ne s’impliquent pas autant que le fédéral dans la croissance de cette économie et du pays en général.
Guerre, prospérité et crise économique
De 1900 à 1930 (sauf durant la Première Guerre mondiale, qui a lieu de 1914 à 1918), les provinces dominent, car la prospérité accroît les recettes de leur gouvernement. Elles construisent des barrages et des routes, et élargissent les services d’éducation et de santé. La nouvelle vie urbaine, industrielle et commerciale mène ainsi à une réglementation gouvernementale en matière de santé et de sécurité, de commerce et de circulation routière, tous des domaines de responsabilité provinciale.
Ce sont la guerre et la crise économique, cependant, qui ramènent le gouvernement fédéral sur le devant de la scène. Au cours de la Première Guerre mondiale et de la Deuxième Guerre mondiale, Ottawa agit sur deux fronts : non seulement le gouvernement dirige l’effort de guerre du pays, mais il applique également les pouvoirs que la Loi sur les mesures de guerre confère au Cabinet pour diriger l’économie. Les impôts fédéraux explosent d’ailleurs durant ces conflits. Durant la Crise des années 1930, le fédéral joue également un rôle de chef dans l’organisation des mesures d’aide aux citoyens. Divers programmes fédéraux-provinciaux sont ainsi créés en matière de travaux publics, ainsi que pour la prestation de secours direct aux Canadiens en difficulté, sans emploi et souffrants de la faim.
Montée de l’État fédéral
À la suite de la Commission royale d’enquête sur les relations fédérales-provinciales (1937-1940), le gouvernement fédéral propose d’assumer la responsabilité de la réglementation de l’économie et des programmes d’aide sociale les plus importants, demandant en échange la part du lion des revenus gouvernementaux. Les provinces rejettent la proposition lors d’une conférence qui a lieu en 1941, mais bon nombre des idées amenées se concrétisent. Ainsi, par une modification constitutionnelle, avec le consentement des provinces, le gouvernement fédéral devient responsable de l’assurance-chômage (maintenant assurance-emploi) en 1940 et de la pension de vieillesse en 1951.
De plus, avec le consentement des provinces, une loi fédérale crée les allocations familiales en 1944 et le Régime de pensions du Canada en 1965. Durant la période d’après-guerre, Ottawa a davantage recours aux subventions conditionnelles (ou programmes à frais partagés) pour inciter les provinces à agir dans des domaines tels que la construction routière (la route transcanadienne), l’enseignement postsecondaire et universitaire, l’assurance-chômage, l’assurance-hospitalisation et l’assurance-maladie.
À cause de ces initiatives et du rôle majeur que joue le gouvernement fédéral dans les mesures de défense au début de la guerre froide, les provinces doivent attendre les années 1960 avant de connaître à nouveau la primauté dont elles jouissaient dans les années 1920.
Rééquilibrage des responsabilités
Alors que de nombreux observateurs étrangers considèrent le Canada comme un État fortement décentralisé où les provinces assument des pouvoirs importants, ces dernières continuent de penser que le gouvernement fédéral s’ingère dans leurs sphères de compétences. Pour sa part, le gouvernement fédéral, à mesure que les coûts grimpent en flèche, vers la fin des années 1970, tente de limiter ses dépenses, en particulier dans les programmes de santé et d’enseignement supérieur.
Des limites quant à l’activité fédérale sont placées à la fin du XXe siècle, lorsque Québec crée ses programmes d’imposition, de formation et de pension, que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve tirent des revenus des réserves pétrolières extracôtières, et que les trois territoires septentrionaux canadiens obtiennent d’Ottawa une plus grande autorité pour gérer leurs affaires.
Maîtrise de l’État administratif
La croissance de l’État-providence et la gestion gouvernementale de plus en plus grande de l’économie entraînent à tous les niveaux de gouvernement un élargissement de l’appareil gouvernemental, qui devient de plus en plus difficile à maîtriser. Le nombre de personnes qui travaillent directement ou indirectement pour le gouvernement représente plus de 20 % de la population active, un pourcentage toujours en hausse. La taille et la complexité des ministères remettent en question le principe de la responsabilité ministérielle. Les députés ont les mains pleines à essayer de surveiller les activités du gouvernement et l’administration. Dans de nombreux cas, le rôle des tribunaux judiciaires est pris en charge par des tribunaux administratifs.
L’une des mesures prises pour modérer le pouvoir des gouvernements est la création de programmes de protection du citoyen et de lois sur la liberté de l’information, qui mettent une partie de l’information gouvernementale à la portée du public. La Charte canadienne des droits et libertés est également instaurée, et permet aux tribunaux d’invalider des lois ou des mesures administratives qui briment des libertés et des droits individuels fondamentaux.
Crises financières
Avec la multiplication des pouvoirs et une complexité étatique toujours grandissante vient l’augmentation des dépenses gouvernementales. Ainsi, dans les années 1990, des déficits à répétition mènent la plupart des gouvernements du Canada à une crise financière. Pour relever le défi, ils adoptent un mélange de trois stratégies, qui suivent.
En premier lieu, ils effectuent des compressions en réduisant les budgets et les effectifs, en vendant des biens publics comme les sociétés d’État et en sous-traitant des services qu’ils avaient l’habitude de fournir. En deuxième lieu, ils modifient le rôle de l’État en éliminant des programmes et des activités. Enfin, ils changent la manière dont leurs services fonctionnent en empruntant des techniques de gestion du secteur privé, de sorte que l’accent est mis sur la souplesse, la décentralisation et la responsabilité plutôt que sur des contrôles centralisés et bureaucratiques.
Au début du XXIe siècle, le gouvernement fédéral et quelques provinces atteignent pour la première fois depuis des décennies un surplus budgétaire. Cette lancée, toutefois, est brusquement interrompue par la crise financière mondiale de 2008. Ainsi, le Canada renoue, d’une part, avec le traditionnel déficit budgétaire à cause des dépenses gouvernementales massives et de l’intervention de l’État pour stabiliser le système financier et stimuler l’économie, et, de l’autre, avec la croissance continue du contrôle et des pouvoirs gouvernementaux.