Les Dinjii Zhuh (également Gwich’in, et anciennement appelés Kutchin), nom qui signifie « celui qui y habite » ou « l’habitant de », sont des peuples autochtones qui parlent la langue dénée (athapascane) et qui vivent dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord. Ces communautés sont souvent désignées collectivement sous le nom Dinjii Zhuh, bien que certaines Premières Nations et le Conseil tribal des Gwich’in conservent le nom Gwich’in. La population estimée des quinze communautés des Dinjii Zhuh dans les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et l’Alaska compte entre 6000 et 9000 personnes. Lors du recensement de 2021, 3170 personnes ont déclaré être d’origine gwich’in.
Territoire et population
Les Dinjii Zhuh font partie des peuples autochtones les plus septentrionaux de l’Amérique du Nord. Ils occupent un large territoire principalement situé au nord du cercle arctique, qui s’étend à travers le bassin hydrographique du fleuve Mackenzie et les affluents septentrionaux du fleuve Yukon jusqu’au centre-nord de l’Alaska. Leur frontière nordique touche les terres des Inuits qui s’étendent des montagnes de la chaine de Brooks et de la région de Coleville en Alaska, jusqu’à la région de la baie Mackenzie au Yukon. Quelques communautés de Dinjii Zhuh du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et de l’Alaska sont décrites dans ce qui suit :
Old Crow, territoire du Yukon
Vuntut Gwitchin, qui signifie « peuple des lacs », désigne les gens qui vivent dans le village d’Old Crow au Yukon (dans la région de la plaine Old Crow). Située à 128 km au nord du cercle arctique, au confluent des rivières Porcupine et Crow, Old Crow est la communauté du Yukon la plus septentrionale. En date de novembre 2024, la Première Nation des Gwitchin Vuntut compte 600 membres inscrits.
Territoires du Nord-Ouest
Dans les Territoires du Nord-Ouest, les communautés Dinjii Zhuh sont situées dans la région du delta du Mackenzie. Elles comprennent : les Teetl’it Zheh (Tetlit Zhe ou Teetł’it), les Gwich’in (Fort McPherson), les Gwichya Gwich’in (Tsiigehtchic, anciennement la rivière Arctic Red), les Ehdiitat Gwich’in ou Ehdii Tat (Aklavik) et les Nihtat Gwich’in (Inuvik). En date de novembre 2024, la population inscrite au Conseil de bande des Gwich’in de Teetl’it est de 1457 personnes, celle des Gwichya Gwich’in est de 506 personnes, celle des Ehdiitat Gwich’in (Aklavik) est de 446 personnes, et celle des Nihtat Gwich’in (Inuvik) est de 707 personnes. Selon le Conseil tribal des Gwich’in, il y a environ 3500 Dinjii Zhuh vivant dans les Territoires du Nord-Ouest.
Alaska
Les communautés Dinjii Zhuh du nord-est de l’Alaska comprennent Arctic Village, Dendu Gwich’in (Birch Creek), Draan’jik Gwich’in (Chalkyitsik), Danzhit Hanlaih Gwich’in (Circle), Gwich’yaa Gwich’in (Fort Yukon) et Neets’ąįį Gwich’in (Venetie).
Vie traditionnelle
Les groupes régionaux dépendent traditionnellement de la chasse à l’original et au caribou dans les terres hautes, et de la pêche au saumon dans les basses terres. Même si le gros gibier fournit la plus grande partie de leur nourriture et des peaux utilisées pour la confection des vêtements et des abris, les Dinjii Zhuh capturent également des corégones, des lièvres et d’autres petits gibiers. Ils consomment des plantes comme des baies et de la rhubarbe pour compléter leur alimentation.
La technologie des Dinjii Zhuh est semblable à celle des autres peuples dénés subarctiques (voir aussi Peuples autochtones de la région subarctique au Canada), avec des éléments occidentaux distinctifs (après la période de contact), notamment de grands couteaux métalliques, des traineaux, des porte-bébé en forme de chaise confectionnés en écorce de bouleau, des canots en écorce de bouleau dotés de flancs assez droits et d’un fond plat de conception inuite, et des tentes portables en peau de caribou en forme de dôme.
Les adultes tout comme les enfants portent des tuniques d’été à pans arrière en V, décorées d’ocre rouge, de dentalium (perles fabriquées à partir de coquille de mollusque) et d’épines de porc-épic teintes. Les femmes se tatouent le menton et pour certaines cérémonies, les hommes se coiffent les cheveux d’un ocre rouge mélangé à de la graisse et saupoudrés de duvet.
Organisation sociale
Traditionnellement, un foyer familial typique est formé par les familles nucléaires respectives de deux frères ou sœurs. Plusieurs foyers associés à la même personne aînée ou chef constituent un groupe local dont les membres travaillent ensemble pour construire des enclos à caribous (enclos utilisés pour piéger les caribous) et de grands pièges à poissons. Parfois, des groupes plus larges se réunissent pour chasser. Plusieurs groupes locaux forment un groupe régional, qui est maintenu grâce aux mariages et autres interactions entre les familles. Les groupes régionaux se rassemblent pour des festivités et des cérémonies annuelles comme les mariages, les funérailles et les festins qui marquent la naissance d’un premier enfant, le premier gros gibier capturé par un fils, ou la fin de l’isolement associé à la puberté d’une fille.
Trois clans matrilinéaires recoupent la structure de la bande et réglementent les mariages : les Nantsaii, les Chits’yaa et les Tenjeraatsaii (Teenjaaraatsyaa). Bien qu’on ne sache pas grand-chose au sujet des clans historiques, il a été rapporté que les Nantsaii et les Chits’yaa (Chi’ichyaa) sont considérés comme les clans primaires, tandis que les Tenjeraatsaii sont réservés aux enfants, aux personnes extérieures au système des clans et aux gens qui se marient au sein de leur propre clan (ce qui est considéré comme tabou).
Aujourd’hui, les Premières Nations Dinjii Zhuh du Canada sont régies par la Loi sur les Indiens. Les organismes tels que le Conseil tribal des Gwich’in et le Gwich’in Council International sont au service des communautés du Canada et des États-Unis et représentent leurs problèmes et leurs intérêts auprès de leurs gouvernements respectifs.
Culture
La culture des Dinjii Zhuh est profondément liée à la terre et à ses ressources. La chasse, le piégeage et la pêche demeurent des éléments importants de l’économie et du mode de vie des Dinjii Zhuh. Des institutions comme le Gwich’in Social and Cultural Institute, s’efforcent de préserver et de promouvoir les connaissances traditionnelles et la langue des Dinjii Zhuh.
La musique, la danse et certaines coutumes dénées imprègnent également la culture des Dinjii Zhuh. Les Dinjii Zhuh adoptent et adaptent la musique de violoneux et les gigues. La danse du canard et la danse du lapin sont deux exemples de danses traditionnelles parmi de nombreuses autres. Comme c’est le cas au sein de nombreuses communautés autochtones, le tambour est un élément culturel important qui agrémente différentes réunions et cérémonies. Les Dinjii Zhuh partagent également certaines pratiques culturelles et coutumes avec d’autres peuples dénés, comme les Esclaves. Les Dinjii Zhuh participent à plusieurs jeux dénés, comme la traction au bâton et les jeux de main. (Voir aussi Jeux d’hiver de l’Arctique)
Le système des pensionnats indiens arrache les enfants dinjii zhuh à leurs familles et leur culture. Malgré le fait que les impacts des pensionnats indiens perdurent, la culture dinjii zhuh survit. De nos jours, diverses institutions d’éducation cherchent activement à se réapproprier leur culture, leur histoire et leur héritage.
Religion et spiritualité
La vision du monde spirituel des Dinjii Zhuh inclut les croyances en des êtres spirituels, des esprits animaux, des personnes dotées de pouvoirs surnaturels et le grand Corbeau héro-filou. Nommé Dotson’Sa dans la langue dinjii zhuh, le corbeau est vénéré comme une figure bienveillante qui aide les Dinjii Zhuh à naviguer dans le monde, mais il aime également jouer des tours aux gens, finissant parfois par leur créer des ennuis. (Voir aussi Symbolisme du corbeau; Religion et spiritualité des Autochtones au Canada).
Histoires des origines
La narration de récits est un aspect important de la culture des Dinjii Zhuh. Les gens se rassemblent souvent pour écouter les récits des aînées ou d’autres conteurs qui évoquent le passé ou racontent des légendes dinjii zhuh. Ces récits illustrent les origines de l’humanité, de la nature et de la vie des animaux. Les conteurs donnent également des leçons et transmettent les croyances spirituelles des Dinjii Zhuh.
Il existe plusieurs variantes de l’histoire de la création selon les Dinjii Zhuh. Toutefois, la plupart racontent généralement que l’homme et le caribou ont chacun été créés avec un morceau de cœur de l’autre dans son propre cœur. De cette manière, ils sont liés spirituellement, physiquement et mentalement. Ils connaissent les habitudes de l’autre, se respectent mutuellement et s’entraident pour survivre (le caribou fournit de la nourriture à l’homme, tandis que l’homme ne prend que ce dont il a besoin et il protège l’environnement du caribou).
Langue
Les Dinjii Zhuh parlent une langue dénée, qui est également connue sous le nom de Dinjii Zhuh Ginjik, Loucheux, Kutchin ou Tukudh. À l’époque des premiers contacts avec les Européens, les Dinjii Zhuh sont répartis en neuf groupes distincts, chacun parlant son propre dialecte. Les changements dans les populations dus aux épidémies et à d’autres facteurs liés au contact avec les Européens entrainent la fusion de certains groupes et de leurs dialectes. Aujourd’hui, il existe deux principales langues dinjii zhuh (bien qu’il existe plusieurs dialectes au sein de chacune d’elles) : l’une est parlée en Alaska et l’autre est parlée au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Le Dinjii Zhuh Ginjik est l’une des langues officielles des Territoires du Nord-Ouest.
L’archidiacre Robert McDonald (1829-1913), un missionnaire protestant qui travaille parmi les Dinjii Zhuh dans les années 1860, met au point le premier système d’écriture de la langue dinjii zhuh. En collaboration avec les Dinjii Zhuh, il traduit la Bible et d’autres livres de prières et de cantiques que certains utilisent encore de nos jours. Toutefois, la langue évolue depuis les années 1860 et elle se caractérise maintenant par un système d’écriture moderne. Développé par le linguiste Richard Mueller et adapté par le Centre des langues autochtones du Yukon dans les années 1970, le nouveau système reflète les sons utilisés dans la langue dinjii zhuh de manière plus cohérente et plus précise que l’ancienne version. Les jeunes dinjii zhuh sont plus familiers avec le style d’écriture et d’orthographe moderne.
Bien que les chiffres diffèrent selon les sources, le recensement de 2021 révèle que 275 personnes déclarent avoir une connaissance de la langue Dinjii Zhuh Ginjik (Gwich’in), et que 220 personnes la déclarent comme étant leur langue maternelle. Comme elle est considérée comme une langue en voie de disparition, des organismes comme le Gwich’in Social and Cultural Institute et le Gwich’in Language Centre travaillent avec des experts linguistiques et des personnes qui parlent couramment cette langue pour la maintenir et la renforcer.
Histoire coloniale En 1789, les Dinjii Zhuh entrent en contact avec Alexander Mackenzie au sud du delta du Mackenzie. Deux décennies plus tard, ils font de la traite aux postes situés sur le fleuve Mackenzie. Le réseau de traite pousse la Compagnie de la Baie d’Hudson à établir le Fort McPherson sur la rivière Peel en 1840, et le Fort Yukon (en Alaska) en 1847. Comme les Dinjii Zhuh ont jusque-là servi d’intermédiaires dans le commerce entre les Inuits de la côte et les communautés autochtones de l’intérieur, et entre les communautés du Mackenzie et celles du Yukon, ils acceptent mal la présence de postes de traite européens sur leur territoire. Au milieu du 19e siècle et jusqu’au début du 20e siècle, des épidémies comme la grippe réduisent considérablement les populations des Dinjii Zhuh. Old Crow devient progressivement le point central, et ensuite la seule ville des Dinjii Zhuh dans le Yukon.
Traité n° 11
En 1921, les Dinjii Zhuh et quelques autres nations autochtones signent le Traité n° 11 avec le gouvernement canadien, ce qui donne au gouvernement fédéral des terres à exploiter à des fins de développement en échange de certains droits sur ces terres. Le dernier des traités numérotés, le Traité n° 11, couvre plus de 950 000 km2 de terres qui font aujourd’hui partie du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Des négociations hâtives menées par le gouvernement, combinées à une faible mise en œuvre des termes du traité, en particulier concernant les réserves et les revendications territoriales, mènent à un désaccord considérable entre les parties sur la signification du traité et sur les promesses qui ne sont pas tenues. Par conséquent, un grand nombre des signataires du Traité n° 11 s’impliquent également dans le processus des traités modernes. (Voir aussi Traités autochtones au Canada.)
Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in
L’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in est signée le 22 avril 1992 et entre en vigueur le 22 décembre 1992. Cette entente ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de l’industrie locale et du commerce, pour l’emploi et pour l’épanouissement politique, social et culturel. L’entente couvre plus de 22 000 km2 de terres dans les Territoires du Nord-Ouest et plus de 1500 km2 au Yukon. Elle comprend également des droits de récolte pour les activités commerciales liées à la faune, le droit de gérer la faune, les terres et l’eau au sein des institutions publiques et le transfert de fonds du gouvernement du Canada au Conseil tribal des Gwich’in. L’entente sur la revendication territoriale offre aux Dinjii Zhuh les moyens de développer davantage leur autonomie gouvernementale et d’assurer le bien-être général de leur peuple.
Vie contemporaine
La population actuelle des Dinjii Zhuh est estimée entre 6000 et 9000 personnes. Bien que les communautés disposent de services aériens réguliers, seules quelques-unes d’entre elles sont accessibles par la route, comme Tetlit Zhee et Tsiigehtchic.
Parmi les personnalités célèbres dinjii zhuh, on peut citer Edith Josie (Old Crow), journaliste et membre de l’Ordre du Canada; Charlie Peter Charlie (Old Crow), chef et conseiller de bande; et John Tetlichi, premier membre autochtone du Conseil territorial des Territoires du Nord-Ouest. (Voir aussi Gouvernements territoriaux au Canada.)