Écoutez Fort et libre, une baladodiffusion en six parties de Historica Canada, produite par Media Girlfriends. Parce que l'histoire des Noirs c’est l'histoire du Canada.
Herb Carnegie est largement considéré comme étant le meilleur joueur noir à ne jamais pas avoir joué dans la LNH. Il a joué au hockey de compétition dans les années 1940 et 1950, principalement dans les ligues de hockey junior et senior du Québec et de l’Ontario. Dans cet épisode, nous découvrons l’histoire de l’excellence noire de Herb Carnegie sur la glace et à l’extérieur de la patinoire, et nous discutons avec Kwame Mason, le réalisateur et producteur du film et du balado « Soul on Ice », ainsi qu'avec Bernice Carnegie, la fille de Herb Carnegie, et la cofondatrice de la Herbert H. Carnegie Future Aces Foundation.
Josiane Blanc: Quelle image avez-vous en tête quand vous pensez au hockey?
Ou plutôt, qui voyez-vous ?
Connor McDavid aujourd'hui. Sidney Crosby dans les années 2000. Wayne Gretzky dans les années 80 et 90. Vous pourriez nommer de nombreux joueurs parmi les meilleurs de tous les temps.
Les légendes du hockey canadien qui nous viennent à l'esprit sont souvent blancs. Où étaient les joueurs noirs ? Parce qu’il y en avait, ils étaient là, tout comme ils sont là aujourd'hui.
Vous écoutez Fort et libre de Historica Canada. L'histoire des Noirs c'est l'histoire du Canada.
Je m'appelle Josiane Blanc et vous écoutez notre épisode sur Herb Carnegie, le plus grand joueur de hockey de son temps à ne jamais avoir joué dans la LNH, et son exemple, parmi tant d’autres, de l'excellence noire sur la glace.
Aujourd'hui on peut voir des athlètes noirs sur la glace réalisant toutes sortes de performances comme celle-ci. On voyait là Akil Thomas de Scarborough, en Ontario, marquant le but en or pour l'Équipe Canada aux Championnats du monde junior de 2020. Et si vous ne le connaissez pas, Akil est noir. Sa famille maternelle vient de la Barbade, et paternelle de la Guyane. Akil a été recruté par les Kings de Los Angeles et représente l'avenir du hockey. Il en va de même pour Elijah Roberts, Joel Ward et bien d’autres.
Évidemment, si on parle d'athlètes noirs, il faut parler de racisme. Mais aujourd’hui je veux me concentrer sur l’histoire de l’excellence noire au Canada, tant sur la glace que sur la terre ferme. Vous ne connaissez peut-être pas les histoires. C'est pour ça qu'on est là. Et j’ai le guide parfait pour vous.
Kwame Mason : Mon nom est Damon Kwame Mason. Tout le monde m’appelle Kwame.
JB : Kwame est documentariste. Il est aussi créateur avec la LNH du podcast novateur, Soul on Ice, consacré aux athlètes noirs de la ligue.
Mais durant son enfance à Toronto dans les années 70 et 80, il était juste un petit garçon qui adorait le hockey.
Un jour, à 6 ans, Kwame était dehors en train de jouer. Comme d’habitude, il incarnait son joueur préféré dans la LNH parce que c’est ce qu'on fait quand on joue au hockey dans la rue...
KM : J'étais toujours Guy Lafleur.
Et je me rappelle qu’une fois - je ne sais même pas si c'était un gamin du quartier, c’était peut-être juste l'ami de quelqu'un ou s’il venait d'un autre quartier pour jouer - j'ai dit que j'allais être Guy Lafleur et il a dit : « Tu ne peux pas être Guy Lafleur. » J’ai demandé « et pourquoi pas? ». Il a répondu : « Parce que Guy Lafleur n'est pas noir. Tu dois choisir un Noir. » Et je ne pouvais choisir personne.
Je n’ai jamais oublié ce moment parce que c'était la première fois où j'étais comme, qui?... Quoi?... Je?... Ok, il a raison. Je suis noir. Il est blanc, je ne peux pas être lui. Et ça m'a fait penser à mes héros. Qui était mon héros ? Qui suis-je ? Qui est-ce que je peux être? Et pourtant, il y en avait à cette époque, parce qu'on est genre en '76, donc il y avait Mike Marsen qui jouait, Bill Riley qui jouait. En fait il y avait des joueurs noirs, mais j'en avais jamais entendu parler.
JB : Voilà pourquoi Kwame dévoue son travail désormais à rectifier les faits. En 2015, il a fait un film documentaire appelé Soul on Ice: Past, Present & Future, sur l'histoire des athlètes noirs.
KM : Je voulais être sûr que les gens comprennent que notre histoire remonte à la fin des années 1800 avec la Colored Hockey League of the Maritimes.
JB : Ok, deux secondes. La quoi ? Hockey League des Maritimes ? Oui, vous avez bien entendu. Remontons ensemble pour un moment en 1895.
C’est en 1895 qu’on trouve la première mention documentée d'une équipe de hockey entièrement noire en Nouvelle-Écosse. Cinq ans plus tard, la Colored Hockey League of the Maritimes était une ligue organisée basée à Halifax et les joueurs étaient tous noirs. Et pourquoi ?
KM : Eh bien, c'est parce que les ligues blanches qui se montaient et qui jouaient à l'époque ne permettaient pas aux enfants noirs de jouer, donc la communauté noire a décidé de monter sa propre ligue sportive.
JB : Les équipes de la Colored Hockey League étaient très soudées à leurs communautés, surtout grâce à l'église.
KM : Ils se sont demandé comment faire pour ramener des jeunes noirs à l'église ? Eh bien, on va créer une équipe de sport. Ils se sont mis à former toutes sortes d'équipes dans les environs, à Dartmouth et Africville. Ils se lançaient des défis dans les journaux, l'autre équipe acceptait, et il y avait ensuite un match. Et à ce match on faisait payer l'entrée, comme cinq sous, ou le prix habituel de l'époque. Mais des foules de 1 200, 2 000 personnes venaient regarder ce match, car le niveau de jeu et la qualité du spectacle étaient incroyables.
JB : Les matchs de la Colored Hockey League étaient si populaires qu'ils pouvaient attirer des foules même plus nombreuses que la ligue blanche.
KM : Ce qui était intéressant avec cette ligue c'est que le public était majoritairement des blancs, car ils voulaient voir ce nouveau style d’hockey qui était très excitant. Par exemple, à l'époque, le gardien se tenait droit et ne pouvait pas se pencher et déposer ses genoux sur la glace. Alors qu'avec la Colored Hockey League, les gardiens pouvaient tomber sur les genoux.
JB : Aujourd'hui c'est chose habituelle, mais ce sont les athlètes noirs qui ont incorporé ça dans le jeu. On appelle ce style « papillon », où le gardien ouvre les bras et descend sur la glace pour arrêter la rondelle. C'était interdit par la LNH à l'époque. Les athlètes noirs ont également été les premiers à utiliser les tirs frappés - ou comme on les appelait à l'époque « les coups baseball ».
Les équipes noires divertissaient les foules à la moitié du match. Oui, c'étaient les premiers spectacles de la mi-temps. Et comme l'a dit Kwame, les joueurs blancs ne faisaient pas tout ça.
Pour la Colored Hockey League, il ne s'agissait pas simplement de jouer un match excellent. Leur stratégie était d'utiliser le sport pour encourager les jeunes noirs, afin de transmettre le sens de leadership, de solidarité et de mission. Ça a peut-être été le premier mouvement sportif de fierté noire de tous les temps.
Les derniers matchs de la Colored Hockey League des Maritimes ont eu lieu au début des années 1930. Il n'y a aucun monument et peu de mentions dans les livres d'histoire sur cette ligue, et c’est dommage parce qu’elle a eu énormément de succès à son apogée. Kwame s'efforce de transmettre cette histoire pour que vous connaissiez la ligue.
KM : Dans notre histoire, il a eu des personnes importantes comme Willie O'Ree, comme Mike Marsen et comme Herbert H. Carnegie.
JB : Ahh, merci, Kwame, d'avoir mentionné Herb Carnegie.
KM : Herb Carnegie était l'un des meilleurs joueurs de hockey de son temps.
JB : Herb est né en 1919. Il a grandi dans une maison que son père avait construite dans un quartier de Toronto qui était encore une terre agricole. Herb, son frère et les enfants du quartier jouaient au hockey tout l'hiver sur les étangs gelés du quartier. Il était déjà le chouchou des chroniqueurs sportifs lorsqu’il était à l’école secondaire.
Herb a gravi les échelons des ligues amateurs en jouant pour des équipes comme les Young Rangers de Toronto. Lorsqu'il a joué avec les Buffalo Ankerites de Timmins, son frère, Ossie Carnegie, a aussi joué avec lui. Il y avait un autre athlète noir, Manny MacIntyre. Les trois ont attiré beaucoup d'attention.
KM : Les gens connaissaient déjà Herb Carnegie en lisant les nouvelles de hockey ou des articles sur ce joueur noir appelé Herb Carnegie et son frère Ossie et son ami Manny McIntyre, le premier trio entièrement noir. On les appelait les Ink Spots (les Taches d'encre) et les Black Aces (les As noirs), les Brown Bombers (les Bombardiers bruns).
JB : Ils étaient connus pour jouer si bien ensemble. Et Herb était la vedette.
KM : C'était un gars qui jouait à une époque du hockey pour durs à cuire. On jouait une saison, après ça c'était le retour aux mines. Et dans des endroits comme Owen Sound.
Comme la Ligue du Québec, où il a joué avec les As du Québec et était genre une étoile.
JB : Herb a débarqué dans la ligue provinciale du Québec dans les années 1940. Il y est devenu une véritable vedette du hockey.
KM : Les gens qui l'ont vu jouer, ou qui connaissaient bien comment il jouait, te diront qu'il était souple et agile. Donc au hockey, ça pourrait être un gars comme, disons, si tu prends, Connor McDavid, il est très agile. Tu lui donnes deux enjambées et c’est fini, il est parti, c’est tout. Tu ferais mieux de te bouger, sinon tu ne le rattraperas pas. Apparemment, il était comme ça.
JB : Le grand Jean Béliveau, l’un des joueurs les plus célèbres de l’histoire, a joué à Québec avec Herb et a dit qu’il avait appris de lui. Béliveau a dit : « Herbie était un super joueur de hockey, un beau style, un beau patineur, un grand meneur de jeu. »
Herb Carnegie était aussi une machine à buts. Il a marqué tellement de buts et de passes qu’il était nommé joueur le plus utile de 1946 à 1949 alors qu’il jouait pour les Saints de Sherbrooke, dépassant les joueurs blancs.
KM : Joueur le plus utile dans les équipes de Sherbrooke, c’était du jamais vu, pas du jamais vu, mais pour l’époque, qu’un Noir soit le joueur le plus utile. Ça en dit beaucoup sur cette personne sur la glace et sur ses prouesses.
Il était donc excellent et vraiment très respecté dans le monde du hockey, mais pas assez respecté pour pouvoir jouer dans la Ligue nationale de hockey.
JB : Pourquoi n'a-t-il pas réussi à intégrer la LNH?
KM : En gros, je pense que la réponse la plus simple serait une forme de discrimination, Jackie Robinson n'avait pas encore percé dans la MLB.
JB : C’est Jackie Robinson, qui est devenu le premier joueur noir de la ligue majeure de baseball en 1947.
KM : Donc, avoir un joueur noir jouant dans une ligue sportive nationale, c'était du jamais vu, et qui allait être la première personne à prendre ce risque ?
Je veux dire, il y a une histoire célèbre de l’époque où Herb avait 18 ans.
JB : Donc vers 1937 ou 38.
KM : Il pratiquait et Conn Smythe était dans les gradins. Smythe était alors le propriétaire des Maple Leafs de Toronto.
Et l’entraîneur d’Herb à l’époque a dit : « tu sais qui est ce type ? »
« Ouais, c’est Conn Smythe. » Et après Herb a appris que Conn Smythe avait dit : « Je paierais 10 000 $ à la personne qui pourrait changer ce jeune homme en blanc pour qu'il puisse jouer pour les Maple Leafs de Toronto. »
C’était une blague ? Est-ce qu’il l'a vraiment dit ? C'est ce que se rappelle Herb. Et Herb en parlait tout le temps. C'est les préjugés comme ça qui l'ont exclu du jeu.
JB : Herb était une personne très positive et productive. Ce n'était pas dans sa formation de s'attarder au négatif. Mais il était victime d’un racisme brutal, même en tant que vedette du hockey au sommet de son art. Herb ne l’a jamais oublié.
KM : J’ai fait la toute dernière entrevue avec Herb avant son décès en mars 2012. Il y était aveugle. Mais quand il s’agissait de hockey, il s'allumait comme une ampoule et tout revenait, le bon comme le mauvais. Il avait de très bons souvenirs de jeux avec son frère, et avec Manny. Mais il avait aussi le cœur brisé de se rappeler qu'à l’âge de 18 ans, quelqu’un lui avait dit que la seule façon de jouer pour les Maple Leafs de Toronto, l’équipe que tu chéris depuis ton enfance, la seule façon de jouer pour cette équipe, mon gars, c’est si t'es blanc. T'es assez bon pour jouer, mais t’es pas blanc. Et c’est la chose qui m'a le plus frappé pendant cette interview. Et ça m’a frappé parce que... as-tu déjà vu un aveugle pleurer ? C’est l’une des choses les plus tristes à voir. Tu sais, t'es assis là à le voir pleurer et se frapper la main contre son genou en disant : « Je ne veux pas que ça arrive à un autre jeune garçon, ça ne devrait pas arriver. » Ça hante parce que c’est une douleur qu’il a toujours portée en lui.
JB : Les Maple Leafs de Toronto n’étaient pas la seule équipe de la LNH et en 1948, Herb a eu l’occasion de faire un essai pour les Rangers de New York. On lui a donné la chance de peut-être pouvoir finalement jouer dans la LNH. Mais ce n’était pas le scénario de rêve que ça aurait dû être.
KM : Vous savez, il a eu l’occasion de venir faire un essai avec les Rangers à New York. Et il a passé tous les stades éliminatoires. Mais ils voulaient le mettre dans leur équipe des ligues mineures avant qu’il n’ait la chance de monter dans les ligues majeures. Et à ce moment de sa vie, je crois qu’il arrivait à la fin vingtaine, début trentaine. Tu sais, il est à son apogée. Et, tu sais, il gagne beaucoup d’argent. Et il a une famille. Et ils lui demandent maintenant de 1) jouer dans les mineures, 2) accepter une réduction de salaire pour une possibilité de jouer dans la Ligue nationale de hockey. C’est un gros risque à prendre et à cette époque, dans les années 40, est-ce que tu veux prendre ce risque ?
JB : Ils ne lui ont pas déroulé le tapis rouge. Au contraire, ils lui ont imposé un choix difficile. Pour Herb, sa famille venait avant tout. Et pour lui, le choix était clair. Il avait des enfants qui dépendaient du chèque qu’il ramenait à la maison. Il a dit non merci aux Rangers.
La famille c'était vraiment important pour Herb. Et c'est pas moi qui le dis. Écoutons sa fille.
Bernice Carnegie : Mon nom est Bernice Carnegie. Je suis la troisième enfant, la deuxième fille de Herb Carnegie.
JB : Bernice est une douce et souriante septuagénaire. C’est l’historienne de la famille.
Donc je veux commencer par le commencement, parler d’Herb en tant que père. C’était comment d’être la fille d’Herb Carnegie ?
BC : Je dirais que c’était un père incroyable. J’ai le souvenir de choses spéciales qu’il a faites pour moi, c’est-à-dire que j’avais très, très peur de l’eau. Et quand il était à la maison, pendant ses congés du hockey, il me lavait habituellement les cheveux. Il mettait des petites lunettes sur mes yeux. Et il nous lavait les cheveux tous les deux, lui et moi, il avait un toucher tellement doux. Il émanait de mon père une telle chaleur, c'était vraiment merveilleux. Mais il était aussi assez espiègle. Il était chatouilleux et j’en profitais tout le temps et je m'approchais avec mes doigts bourdonnants et je me souviens de ses cris : « Audrey ! »
JB : Audrey était la mère de Bernice.
BC : « Audrey, à l'aide ! » Aussi petite que j'étais, et j'étais minuscule à l'époque, je voulais le chatouiller, tu sais.
JB : À quel moment t’es-tu rendue compte qu'il était cette grande vedette du hockey ?
BC : Ça m'a pris un certain temps pour le comprendre. On parlait beaucoup de mon père dans les journaux. Je n'ai vraiment pas lu tous ces articles sur lui avant d'être adulte. Et c'est intéressant parce que je suis tombée sur un article de quand il avait 17 ans. Est-ce que je peux vous lire un peu de l'article ?
JB : Oui, bien sûr, vas-y.
BC : Ça dit : « Il ne pouvait pas distinguer les étoiles individuelles de l'équipe de Toronto sans placer le basané Herb Carnegie bien au-dessus de la foule. Il était superbe. Il a mis en échec, fait des échecs arrière, des échecs avant, a volé la rondelle aux attaquants sous tous les angles possibles dans chaque section de la patinoire, et il était une menace offensive constante qui a presque mené les Colts à la frénésie. Il a marqué deux buts et en a aidé quatre autres, une excellente performance d'un super petit joueur. » Et puis il a continué à écrire, « le jeu phénoménal de Herbie Carnegie, centre de couleur, vedette de la glace ».
Cela remonte aux années 1930. Et j'ai littéralement des milliers d'articles sur mon père.
Et je me rappelle de lui disant: « j'ai joué chaque match comme s'il y avait un recruteur qui me suivait. » Et il disait : « un jour quelqu'un va me voir, quelqu'un va me remarquer, quelqu'un va me donner une chance. » Et donc, quand il a reçu la lettre des Rangers de New York, je sais qu'il y a eu des larmes entre ma mère et mon père, pensant que c'était peut-être enfin arrivé.
JB : Comme Kwame l'a dit, en 1948, quand Herb Carnegie a été appelé pour venir faire un essai avec les Rangers de New York, Herb a passé toutes les éliminatoires. Mais lorsque les Rangers ont offert beaucoup moins que ce qu'il faisait déjà, avec sa femme et ses enfants à la maison, il n’a tout simplement pas pu accepter cette offre.
Mais l’histoire d’Herb Carnegie ne finit pas avec cette offre des Rangers. Ça ne finit même pas par le fait qu’il ait raccroché ses patins de hockey professionnel. Ce n’était que le début d’un nouveau chapitre.
BC : Quand mon père a arrêté le hockey, on lui a demandé d’être l’entraîneur pour une équipe de tournoi dont l’entraîneur était mort subitement. Et ils avaient besoin de quelqu’un pour le remplacer.
JB : Herb a accepté d’être l’entraîneur remplaçant. Et c’est ce qui l’a lancé sur une nouvelle voie de se concentrer sur les jeunes, en fondant une école de hockey appelée Future Aces (Les As du futurs).
Écoute, si tu as déjà été dans une école de hockey, n’importe où en Amérique du Nord, je veux juste que tu saches - ça n’existait pas avant Herb Carnegie. Herb lui-même a grandi en jouant avec son frère et ses amis sur des étangs gelés. De nos jours, on prend des leçons patinage et on a du temps pratique sur une patinoire. C’est organisé. Ce type d’école de hockey n’existait pas avant que Herb ne fonde les Future Aces.
BC : Et il savait que les gars n’allaient probablement pas être des joueurs de la LNH. Mais il voulait leur donner un sentiment d'appartenance et leur apprendre à être de bons citoyens.
La plupart du temps, c’était des blancs, parce qu’il n’y avait pas beaucoup de Noirs à l’époque, mon frère et mon cousin...
JB : C'était tout !
BC : Et peut-être une autre personne, je pense que mon frère l'avait mentionné, mais oui, nous étions dans une communauté complètement blanche. Mais ce que mon père essayait de montrer, c’est qu’il avait connu le racisme. Et il espérait qu’en fondant cette école de hockey, en enseignant l’équité, l’égalité et la bienveillance, il déteindrait sur ces jeunes pour que, lorsqu’ils évolueraient dans le monde, ils traiteraient mieux les gens comme nous.
Il a écrit un credo appelé Future Aces. Et il a écrit 12 déclarations, attributs ou valeurs, qui était un acronyme en anglais pour le mot aces, ou as : attitude, coopération, exemple, esprit sportif. Ce credo des Future Aces a été accepté dans les écoles à travers l’Ontario. Et donc nous avons vraiment influencé des millions d’enfants en 30 ans, en fait même en plus de 40 ans.
Et après un certain nombre d’années, mon père est venu voir ma mère et moi, et il a dit: « je veux lancer un programme de bourses d’études. »
Tout compte fait, finalement, nous avons remis plus de 860 000 $ en bourses d’études à des jeunes à travers le Canada, au cours des quelque 30 années où la Fondation a été active.
JB : Incroyable, tout simplement incroyable.
Maintenant, je veux juste vous dire que si vous n’aviez jamais entendu parler de Herb Carnegie avant et vous vous sentez un peu bête de ne pas connaître ces histoires d’excellence noire dans la tradition du hockey canadien, c’est ok. Maintenant, vous êtes au courant.
BC : Et là, je continue à tomber sur des gens qui disent: « Eh bien, comment ça se fait que je ne connais pas cette histoire ? » Et j’ai demandé à chacun d’eux : « Avez-vous eu des cours de l’histoire des Noirs à l’école dans le cadre du programme scolaire? » Et chacun d'eux, y compris moi, avons dû dire non. Nous n’avons donc pas fait du bon travail au Canada dans le partage de l'histoire de nos Canadiens et Canadiennes noirs, des autres Canadiens ethniques, et des peuples marginalisés, et de comment nous avons fait une différence.
Et pourquoi nos enfants n'apprennent-ils donc pas que ce ne sont pas juste les blancs qui ont contribué à cette société ? Tu sais, quand je pense à mon père, les exploits sont innombrables. Ils sont mémorables, et chaque fois que je parle de lui, je suis inspirée, parce qu’il était un modèle incroyable.
JB : Herb était un modèle exceptionnel, c'est certain. Ce qui rend encore plus regrettable qu’il n’ait jamais été dans la LNH, vu qu’il avait clairement le talent pour le faire. Mais Herb a laissé un héritage au-delà de la LNH...
BC : Pour lui son héritage c'est Future Aces, le fait d'écrire la philosophie des Future Aces et d'avoir touché la vie de millions de jeunes.
JB : Donc, où en sommes-nous aujourd'hui ? Il y a plus d’athlètes noirs dans la LNH, il y a du travail qui se fait au sein de la ligue pour comprendre et mettre en œuvre plus de diversité et d’inclusion.
Herb Carnegie a reçu l’Ordre du Canada et l’Ordre de l’Ontario. Il a reçu un diplôme honorifique, il a une école et une patinoire de hockey nommées en son honneur. Il est dans plusieurs temples de la renommée du hockey, dont celui du Temple de la renommée des sports du Canada, mais il n’est pas dans LE Temple de la renommée du hockey de la LNH. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il y a eu de multiples tentatives pour le faire entrer dans la catégorie Bâtisseur pour son talent exceptionnel et son humanitarisme, et son petit-fils y travaille actuellement avec une pétition.
Et Kwame fait partie de la mission pour travailler vers plus d’inclusion dans la LNH. Il voit le lien historique de Herb Carnegie jusqu’à Akil Thomas. Vous vous souvenez d’Akil ? Le choix au repêchage des Kings de Los Angeles qui a marqué le but gagnant pour Équipe Canada aux Championnats du monde juniors en 2020 ?
KM : Tu sais, pour un jeune homme comme Akil Thomas, je pense que c’est important, surtout pour beaucoup de jeunes Noirs de la région de Toronto, qui ont tous joué à l’aréna Herb Carnegie, à Willowdale. Ils se disent alors « je joue dans un aréna qui porte le nom d’un joueur de hockey noir ». Certains en savent plus que d’autres, mais pour la plupart, nous devons encore faire plus d'efforts pour raconter l’histoire d’Herb. Nous devons le faire parce que c’est une histoire remarquable. C’était d’un homme remarquable.
Je respecte le fait qu’il maintenait son intégrité d’homme tout en jouant à un jeu qui était principalement blanc. Il aurait pu être très amer à la fin de sa carrière. Mais il s’est recentré et il a utilisé cette énergie pour essayer d’aider les jeunes. Et tous ceux qui font ça font partie des meilleurs êtres humains à mon avis, parce qu’après un certain temps, l'important ce n'est pas vous, l’important c'est les jeunes.
JB : Kwame a à cœur l’avenir des athlètes noirs dans le hockey.
KM : Je les admire. Parce que nous allons construire un monde où des jeunes hommes ou filles noirs peuvent rester ancrés dans leur identité noire et jouer au hockey sans avoir le sentiment d'avoir à se conformer, et prétendre être quelqu’un qu’ils ne sont pas.
JB : C’est ce que Herb voulait aussi.
BC : Et je dois dire que tout ce que mon père a réalisé a fait une différence. Pas seulement pour lui-même. Et qu’il ne pensait pas à lui-même comme, « ok, je veux juste prendre, prendre, prendre ». C’était plutôt « qu'est-ce que je peux donner, donner, donner ». Et je l’ai vu donner le meilleur de lui-même non seulement à notre famille, mais au reste du monde.
Cette série fait partie d’une campagne d’éducation plus large sur l’histoire des noirs par Historica Canada. Pour plus de ressources, visitez le site web historicacanada.ca.
Cet épisode a été produit par les productrices principales, Garvia Bailey et Hannah Sung.
Scénario écrit par Hannah Sung.
Conception et mixage sonore : Gabbie Clarke et David Moreau.
L'équipe Media Girlfriends est aussi constituée de Lucius Dechausay, Jeff Woodrow et de Nana aba Duncan, la fondatrice de Media Girlfriends.
Merci à Bernice Carnegie, intervenante en éducation et développement personnel et cofondatrice de la Fondation Herbert H. Carnegie Future Aces et à notre consultant en scénario et invité, Kwame Mason, réalisateur et producteur du film et de la baladodiffusion Soul on Ice.
Nous remercions TSN et Hockey Canada pour le clip d’Akil Thomas lors d'un match au championnat du monde de hockey junior de 2020.
Version française par Power of Babel.
Mon nom est Josiane Blanc. Merci nous avoir écouté.