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Histoire des affaires

L'histoire des affaires est le récit écrit des activités des individus et des entreprises qui recherchent un profit personnel en produisant des biens et des services. Bien qu'elle ne soit parvenue à maturité que récemment, elle est profondément enracinée dans l'histoire du Canada.
J.W. Flavelle
D'origine pourtant modeste, J. W. Flavelle s'est élevé au rang d'un des hommes d'affaires les plus influents et les plus doués du Canada (avec la permission des Biblioth\u00e8que et Archives Canada/C-23692).

Histoire des affaires

L'histoire des affaires est le récit écrit des activités des individus et des entreprises qui recherchent un profit personnel en produisant des biens et des services. Bien qu'elle ne soit parvenue à maturité que récemment, elle est profondément enracinée dans l'histoire du Canada. La structure commerciale canadienne (entreprises, hommes d'affaires, pratiques commerciales) commence à évoluer dès le premier contact des Européens avec le continent. En effet, les marchands français et anglais des métropoles développent lesPÊCHESde l'Atlantique et laTRAITE DES FOURRURES par l'entremise des sociétés comme laCOMPAGNIE DES CENT-ASSOCIÉS (fondée en 1627) et laCOMPAGNIE DE LA BAIE D'HUDSON (fondée en 1670).

Le développement progressif des produits de base de la fourrure, du bois et du blé sert d'armature au développement des premières entreprises canadiennes : les grandes compagnies du commerce des fourrures (COMPAGNIE DU NORD-OUEST 1780-1821 environ), les compagnies de bois de construction (Mossom Boyd and Company, fondée vers 1848) et les marchands de blé (la famille Richardson de Kingston). D'autres activités s'épanouissent à partir de ces entreprises centrales. La diversification favorise ainsi l'émergence de l'ACTIVITÉ BANCAIRE (BANQUE DE MONTRÉAL, 1817), des premières industries de fabrication (Montreal Nail and Spike Works, 1839) et de services (comme les entreprises de John Molson, à Montréal : brasserie, banques, bateaux à vapeur, vers 1810).

Les premiers entrepreneurs canadiens n'évoluent pas dans un environnement de libre entreprise effrénée. L'État exerce un rôle formateur depuis le début. Législation mercantiliste (LOIS SUR LA NAVIGATIONbritanniques), politique commerciale (tarif de Galt, 1859) et garanties financières (GUARANTEE ACT, 1849) exercent une influence sur les décisions impliquant un risque que prennent les hommes d'affaires. Dans ce contexte, on peut considérer que la Confédération donne au gouvernement les pouvoirs nécessaires à la création d'une nation commerciale transcontinentale.

Les augmentations tarifaires de laPOLITIQUE NATIONALE de 1879 stimulent les entreprises de fabrication, qu'elles appartiennent à des intérêts canadiens (Massey, fondée en 1847) ou étrangers (Canadian Rand Drill Co., fondée en 1889). La prospérité du tournant du siècle, les nouveaux produits générateurs (blé de l'Ouest, pâtes et papier) et les effets de l'urbanisation sont autant de facteurs qui favorisent la création de nouvelles entreprises. L'HYDROÉLECTRICITÉ, par exemple, entraîne la création de Westinghouse Canada (1903). Durant cette même période, de nouvelles compagnies émergent aussi de différentes fusions (STELCO INC., 1910).

Au XXe siècle, on assiste à l'élaboration du modèle actuel d'exploitation des matières premières (nickel, minerai de fer) ainsi qu'à l'introduction de nouvelles technologies (automobile, aviation, électronique). Dans l'ensemble, l'industrie manufacturière demeure la chasse gardée du centre du Canada, où les entreprises canadiennes sont éclipsées par l'INVESTISSEMENT ÉTRANGER.

L'État continue d'exercer une influence sur le monde des affaires par ses politiques en matière de concurrence, de fiscalité et de travail de même qu'en pénétrant sur le marché avec ses sociétés d'État (LIGNES AÉRIENNES TRANS-CANADA, fondée en 1937). Des compagnies canadiennes prospèrent en tant que conglomérats (Power Corporation,GEORGE WESTON LIMITED), en tant que fournisseurs d'un produit unique (BOMBARDIER INC., fondée en 1942) ou dans des domaines particuliers comme la radiodiffusion ou le commerce bancaire.

Les historiens expliquent cette évolution de diverses façons. Le rôle central des commerces de matières premières attire très tôt leur attention. D.G.CREIGHTON, dans The Commercial Empire of the St. Lawrence (1937) et H.A.INNIS dans The Fur Trade in Canada (1930) et dans The Cod Fisheries (1940), présentent les hommes d'affaires, leurs aspirations et leurs activités dans une vaste perspective nationale. Ces ouvrages, qui se rapprochent de l'HISTOIRE ÉCONOMIQUEpar leur portée macro-économique, contiennent des détails intéressants sur les premières grandes entreprises du Canada.

On doit aussi des études thématiques de ce genre à des journalistes (PeterNEWMAN, L'Establishment canadien, 1981), à des sociologues (Wallace Clement, The Canadian Corporate Elite, 1975) et à des économistes (R.T. Naylor, History of Canadian Business, 1975), qui cherchent tous à dresser le portrait de la communauté des affaires comme de la toute-puissante strate supérieure fortement unie de la société canadienne (voirÉLITE DU MONDE DES AFFAIRES).

Sur le plan micro-économique, les spécialistes de l'histoire des affaires au Canada ont produit une collection variée d'histoires de compagnies et de biographies qui relève autant de l'hagiographie que d'un savoir crédible. Ainsi, des ouvrages historiques subventionnés par des compagnies tels que The Elements Combined (1960), de William Kilbourn sur Stelco et l'étude de E.P. Neufeld surMASSEY-FERGUSON, A Global Corporation (1969), ou encore La saga des Molson (1984) de Shirley E. Woods sont difficiles à surpasser.

Cependant, certains livres qui portent sur l'histoire d'entreprises de presse, comme The People's Power (1960) de Merrill Denison, constituent davantage des exercices de relations publiques qui n'établissent pas vraiment de distance critique. D'autres, parus au moment où les compagnies étaient en situation de crise (Peter Cook, Massey at the Brink, 1981 ; Peter Foster, Other People's Money: The Banks, The Government and Dome, 1983), font preuve de compétence mais utilisent souvent la recherche historique comme une toile de fond pour l'étude des problèmes actuels des entreprises. On trouve peu de recherches sur les industries, à l'exception de The Canadian Nickel Industry (1955) de O.W. Main.

Les biographies de sir JosephFLAVELLE(Michael Bliss, A Canadian Millionaire, 1978) et de C.D.HOWE, un homme d'affaires en politique (William Kilbourn et Robert Bothwell, C.D. Howe, 1980) renversent la tradition selon laquelle les biographies d'hommes d'affaires sont de la poudre aux yeux. Par ailleurs, les rapports de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LES GROUPEMENTS DE SOCIÉTÉS(1978) contiennent souvent des sections utiles sur l'histoire des affaires.

Les recherches menées dans le domaine de l'histoire des affaires sont généralement entravées par la méfiance des hommes d'affaires, par la condescendance des universitaires et par une tenue d'archives qui laisse à désirer. De plus, les ouvrages sur l'histoire des affaires au Canada ont tendance à être trop exclusivement concentrés sur les effets d'entraînement, en amont et en aval, des commerces des matières premières et à négliger la croissance économique d'autres secteurs (par exemple, l'expansion à l'étranger des banques canadiennes et des services publics d'électricité).

En dépit de la contribution de Canadiens expatriés tels que N.S.B. Gras (1884-1956) et H.G.J. Aitken (1922- ) à l'étude d'entreprises commerciales à l'étranger, l'histoire des affaires canadienne tire de l'arrière par rapport à celles de l'Angleterre ou des États-Unis. Il existe de nombreuses lacunes. Les faillites d'entreprises, les compagnies prises de façon isolée, les relations entre le gouvernement et les entreprises, le rôle de l'investissement étranger, l'évolution du droit des sociétés et les relations employeurs-employés sont autant de sujets qui mériteraient qu'on leur prête une attention plus soutenue.

Il existe néanmoins des ouvrages innovateurs. L'étude de H.V. Nelles, The Politics of Development (1974), sur l'industrie de l'hydroélectricité de l'Ontario, et celle de Tom Traves, The State and Enterprise (1979), sur l'interdépendance de l'entreprise et de l'État après la Première Guerre mondiale, font toutes deux oeuvres de pionniers grâce à leur analyse, entre autres, du rôle dynamique de l'homme d'affaires dans lesRELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALESCertaines publications à succès telles que The Treasure-Seekers de Philip Smith (Home Oil, 1978), Empire of Wood de Donald MacKay (MacMillan Bloedel, 1982) ainsi que Company of Adventurers (1985) et Caesars of the Wilderness (1987) de Peter C. Newman (Compagnie de la baie d'Hudson) ont le mérite d'intéresser un plus grand nombre de lecteurs à l'histoire des affaires.

Les historiens du travail abordent souvent des préoccupations du monde des affaires, telles que les difficiles relations employeurs-employés de l'industrie de l'acier du Cap-Breton. Au Québec, les historiens concentrent leur attention sur de vastes thèmes, comme « l'infériorité économique » du Québec (Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains, 1976 ; René Durocher et Paul-André Linteau, Le « retard » du Québec et l'infériorité économique des Canadiens français, 1971). Le Montreal Business History Project (né en 1976) est la première tentative collective de faire la chronique de l'évolution des affaires dans l'un des plus importants centres de commerce du Canada.

En dépit de ces progrès, il n'existe au Canada aucune revue consacrée à l'histoire des affaires ni aucun dictionnaire de biographies d'hommes d'affaires. Tout progrès dans ce domaine dépend de la coopération et de l'intérêt accrus de la communauté des affaires, de la poursuite de l'excellence par les spécialistes de cette discipline et, peut-être, de l'accession de l'histoire des affaires au rang d'« histoire publique » (par exemple, la tenue d'archives d'entreprises, l'enseignement de l'histoire des affaires comme volet des programmes d'administration des affaires).