Le cinéma est une forme puissante d’expression culturelle et artistique. C’est aussi une entreprise commerciale très rentable. D’un point de vue pratique, le cinéma est une entreprise impliquant de grosses sommes d’argent, ainsi qu’une division complexe du travail. La main-d’œuvre est impliquée dans trois secteurs : la production, la distribution et l’exploitation. L’histoire de l’industrie canadienne du film est tissée de réussites sporadiques, accomplies dans l’isolement et en dépit de défis considérables. Le cinéma canadien existe dans un environnement où l’accès au capital pour la production, l’accès au marché pour la distribution et aux salles de cinéma pour l’exploitation est extrêmement difficile. L’industrie cinématographique canadienne, en particulier au Canada anglais, lutte contre le monopole du divertissement hollywoodien pour attirer l’attention d’un public qui reste largement indifférent à l’industrie nationale. Les principaux points de vente et de distribution au Canada sont détenus et contrôlés par des intérêts étrangers. L’absence de production nationale à travers une grande partie de l’histoire de l’industrie ne peut être comprise que dans ce contexte économique.
Cet article est l’un des quatre articles qui retracent l’histoire de l’industrie cinématographique au Canada. La série complète comprend : Histoire du cinéma canadien : de 1896 à 1938; Histoire du cinéma canadien : de 1939 à 1973; Histoire du cinéma canadien : de 1974 à aujourd’hui; Histoire du cinéma canadien : cinéma régional et auteurs, de 1980 à aujourd’hui.
L’ère des abris fiscaux, 1974 à 1982
Le gouvernement fédéral se montre hésitant à exercer un contrôle sur la distribution et l’exploitation de films au Canada. Mais il prend des mesures décisives pour offrir des incitatifs financiers à l’investissement dans la production nationale de films par le biais d’avantages fiscaux. En 1974, le gouvernement hausse l’amortissement fiscal de 60 à 100 %. Ceci crée un abri fiscal qui permet aux investisseurs de déduire, de leurs revenus imposables, 100 % de ce qu’ils ont investi dans des longs métrages canadiens. Cette mesure entraîne une augmentation marquée de la production canadienne et marque le commencement de « l’ère des abris fiscaux ».
Pour qu’un film se qualifie comme étant canadien, celui-ci doit avoir une durée minimale de 75 minutes. Au moins un producteur et deux tiers de l’équipe créative principale doivent être canadiens. Et au moins 75 % des services de la production et de la post-production doivent être complétés au Canada. L’approche des abris fiscaux fait écho aux conclusions du rapport Tompkins, émis par le secrétaire d’État en 1976. Étant donné que le contrôle américain sur le marché du cinéma canadien fait en sorte qu’il est pratiquement impossible de rentabiliser les films canadiens au pays, l’industrie cinématographique canadienne doit mettre l’accent sur la production de produits commerciaux, en vue de les exporter. (voir aussi : Histoire du cinéma canadien : 1939 à 1973)
Une nouvelle agressivité s’installe au sein de l’industrie. Les priorités changent, on délaisse les films culturels à petit budget pour se tourner vers les projets commerciaux à gros budget. Ce changement de politique est réexaminé suite à la critique cinglante de Robert Fulford (sous le pseudonyme Marshall Delaney) dans le magazine Saturday Night du mois de septembre 1974, du film d’horreur de David Cronenberg Shivers financé par le SDICC. La critique, intitulée « You Should Know How Bad This Film Is. After All, You Paid For It » (vous avez le droit de savoir à quel point ce film est mauvais. Après tout, vous l’avez financé.), déclare : « Si l’utilisation des fonds publics pour produire de tels films est la seule manière dont le Canada anglais peut avoir une industrie cinématographique, alors peut-être que le Canada anglais devrait s’en abstenir. » Un débat furieux est déclenché à la Chambre des communes concernant l’utilisation de fonds publics pour financer l’industrie cinématographique.
Ironiquement, le début de cette période est marqué par le succès de deux films de haute qualité possédant de sérieux antécédents culturels : The Apprenticeship of Duddy Kravitz (L’apprentissage de Duddy Kravitz) (1974) de Ted Kotcheff, mettant en vedette Richard Dreyfuss et basé sur le roman de Mordecai Richler, et Lies My Father Told Me (1975) de Ján Kadár, basé sur un scénario de Ted Allen. Ces deux films sont de gros succès commerciaux et reçoivent des nominations aux Oscars pour leurs scénarios. Cependant, la qualité de ces films fait l’exception et non la règle durant cette période. La plupart des coproductions internationales et des productions commerciales banales parsemées au cours de la seconde moitié des années 1970, comme City on Fire (1979) avec Henry Fonda et Ava Gardner, Running (1979) avec Michael Douglas, et Nothing Personal (1980) avec Donald Sutherland et Suzanne Somers, ne sont qu’une série d’échecs commerciaux et artistiques honteux.
Quelques avantages émergent tout de même de l’ère des abris fiscaux. L’augmentation de la production offre de l’expérience précieuse aux artisans de cette industrie en pleine croissance. Un nombre de producteurs importants, comme Harold Greenberg, Garth Drabinsky, Robert Lantos et Don Carmody, émergent en tant que principaux magnats du cinéma. David Cronenberg déclare que ses films issus de l’ère des abris fiscaux, Shivers (Frissons) (1975), Rabid (Rage) (1977), Fast Company (1979), The Brood (Chromosome 3) (1979) et Scanners (1981), lui ont permis de lancer sa carrière, bien qu’il reconnaît également que le système dans son ensemble constitue un échec.
De nombreux films de l’ère des abris fiscaux s’en tirent fort bien aux guichets : le classique du cinéma gai Outrageous ! (1977); le film de Daryl Duke, The Silent Partner (L’argent de la banque) (1978), encensé par la critique et mettant en vedette Elliot Gould et Christopher Plummer; Meatballs (1979) d’Ivan Reitman, avec Bill Murray; Murder by Decree (Meutre par décret) (1979) de Bob Clark avec Christopher Plummer, Donald Sutherland et Geneviève Bujold; Prom Night (Le bal de l’horreur) (1980) de Paul Lynch, avec Jamie Lee Curtis; The Changeling (L’enfant du diable) (1980) de Peter Medak, avec George C. Scott; Atlantic City (1980) de Louis Malle, sélectionné aux Oscars, avec Burt Lancaster; Quest for Fire (La guerre du feu) (1982) de Jean-Jacques Annaud et le célèbre Porky’s (1981) de Bob Clark, qui est demeuré pendant des décennies le film canadien ayant généré le plus de revenus.
Quelques films produits au cours de cette période parviennent à faire ressortir une sensibilité canadienne distincte. C’est le cas de Why Shoot the Teacher (1977) de Silvio Narizzano et Who Has Seen the Wind (Mais qui a vu le vent?) (1977) d’Allan King. Ces deux films sont des adaptations de romans canadiens. Les Plouffe (1981) de Gilles Carle, Les bons débarras (1980) de Francis Mankiewicz et l’impressionnant premier long métrage de Phillip Borsos The Grey Fox (1982) sont considérés comme étant parmi les 10 meilleurs films canadiens de tous les temps.
L’incitatif des abris fiscaux engendre un boom au sein de la production cinématographique canadienne. Soixante-dix-sept longs métrages sont produits au Canada en 1979, avec un budget moyen de 2,5 millions de dollars. En 1974, on n’en compte que trois. Cependant, plusieurs de ces films ne trouvent pas de distributeurs. Et bon nombre de ceux qui sont distribués sont pratiquement identiques aux médiocres films américains. En 1982, les abris fiscaux sont coupés de 50 % et cette ère prend officiellement fin.
Loi sur le cinéma au Québec, 1983
Les abris fiscaux ont réussi à stimuler l’activité commerciale de l’industrie cinématographique du Canada anglais. Mais ils ont eu un impact très différent sur cette même industrie au Québec. Le marché limité pour les films francophones de l’Amérique de Nord ne fournit pas aux investisseurs de raison de s’impliquer. Comme l’explique Manjunath Pendakur, « En 1978 et 1979, deux tiers des films produits au Québec étaient réalisés sans l’avantage des abris fiscaux. Les réalisateurs qui, dans les années 1960, ont contribué à placer le Canada sur la scène internationale, comme Claude Jutra, Gilles Carle, Michel Brault et Denys Arcand, étaient incapables d’obtenir du financement pour faire des films francophones. » Seulement trois pour cent des longs métrages produits au Canada entre 1978 et 1981 sont francophones.
En 1981, le Parti Québécois prend le pouvoir sous René Lévesque. La protection de la culture québécoise, particulièrement par la protection de la langue française, est son principal mandat. Le gouvernement commande une étude sur l’industrie cinématographique du Québec, Le cinéma : une question de survie et d’excellence. Cette étude conduit au projet de loi 109, déposé en décembre 1982. Le projet de loi 109 a l’effet d’une bombe en ce qui concerne la distribution de films. En plus de créer plusieurs nouveaux organismes de réglementation, le projet de loi exige que les entreprises de distribution du Québec soient détenues à 80 % par des intérêts canadiens. De plus, les services de distribution et d’exploitation doivent désormais remettre un pourcentage de leurs profits à un fonds de production.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité en juin 1983. Toutefois, le processus de ratification est contesté et ralentit à toute occasion par la Motion Picture Association of America (MPAA) et son président, Jack Valenti. Le Parti libéral provincial arrive au pouvoir en décembre 1985. En octobre 1986, la ministre des Affaires culturelles, Lise Bacon, signe une entente avec le MPAA qui renforce la position des principaux producteurs hollywoodiens et légalise leur présence dans la province (voir aussi : Histoire du film canadien : de 1896 à 1938).
Projet de loi sur l’importation des produits cinématographiques, 1988
Une situation comparable survient sur le plan fédéral un an plus tard. En 1987, le gouvernement fédéral sous Brian Mulroney tente de régler les problèmes de longue date auxquels sont confrontées les entreprises de distribution canadiennes. La ministre des Communications, Flora MacDonald, présente le projet de loi sur l’importation des produits cinématographiques. Si ce projet de loi avait été accepté, il aurait permis aux principaux producteurs hollywoodiens de distribuer au Canada tous les films dont ils possèdent les droits mondiaux, ou pour lesquels ils ont pris part à la production. Les entreprises canadiennes auraient eu le droit de distribuer tous les autres films.
Cette proposition génère un intense lobbyisme à Ottawa et à Washington. Elle rencontre une opposition farouche de la part du président de la MPAA, Jack Valenti. Il engage le président des États-Unis, Ronald Regan, à se prononcer contre le projet de loi. Au moment de l’introduction du projet de loi sur l’importation des produits cinématographiques en mai 1988, les propositions d’origine sont considérablement affaiblies. Au cours des négociations subséquentes sur le libre-échange, le gouvernement fédéral accepte de retirer toutes ses demandes.
La SDICC devient Téléfilm Canada
Au début des années 1980, l’industrie cinématographique du Canada se trouve dans un état fragile. Elle dépend presque entièrement du financement gouvernemental et ne parvient pas à obtenir du temps d’écran dans les cinémas canadiens. Le ministre libéral fédéral des Communications, Francis Fox, présente la Politique nationale du film et de la vidéo. La SDICC devient Téléfilm Canada et reçoit 35 millions $ du Fonds de développement de la production d’émissions canadiennes. Ceci reflète son nouveau double rôle : financer à la fois des émissions de télévision et des longs métrages.
D’autres mesures sont également mises en place pour appuyer le marketing et la promotion des longs métrages canadiens-anglais, un secteur toujours perçu comme le talon d’Achille de l’industrie. L’échec de la Loi sur le cinéma au Québec et du projet de loi sur l’importation de produits est une opportunité ratée de façon monumentale. En 1986, Téléfilm Canada met sur pied le Fonds de financement des longs métrages. En 1998, l’organisation augmente le Fonds de la radiodiffusion à 60 millions $ et crée le Fonds d’aide à la distribution de longs métrages. Cette mesure ouvre des marges de crédit aux entreprises canadiennes pour qu’elles puissent distribuer leurs films à l’échelle internationale.
Famous Players et Cineplex Odeon : ventes et acquisitions
En 1994, le gouvernement fédéral approuve l’acquisition des actifs canadiens de Paramount Communications par Viacom de New York. Ces actifs incluent la chaîne de cinémas Famous Players. En retour, Viacom promet de faire l’exploitation d’un plus grand nombre de films canadiens. La compagnie s’engage aussi à consacrer plus d’argent pour la vente de films canadiens dans les cinémas Famous Players. En 1998, les chaînes américaines et canadiennes de Cineplex Odeon sont achetées par Sony. En 2002, la société de portefeuille canadienne ONEX Corporation rachète Loews Cineplex de Sony. Elle vend la société mère américaine de Loews, mais conserve la chaîne de cinémas canadiens.
En 2003, Cineplex Odeon fusionne avec Galaxy Entertainment pour créer Cineplex Galaxy. En 2004, Cineplex Galaxy achète Famous Players de Viacom. Ceci met un terme à une rivalité commerciale légendaire au Canada, qui durait depuis 60 ans. La nouvelle entreprise, connue simplement sous le nom de Cineplex Entertainment, prend éventuellement le contrôle de 60 % des écrans de cinéma au Canada. Le Bureau de la concurrence exige que Cineplex se départisse de 34 cinémas, de la Colombie-Britannique jusqu’en Ontario. Empire Theatres, basé à Halifax, en achète 27 et devient le deuxième plus important exploitant au Canada. La chaîne américaine AMC, qui fusionne avec Loews aux États-Unis, devient la troisième plus importante.
Compressions budgétaires et mandats de Téléfilm Canada
Au milieu des années 1990, l’effet des compressions budgétaires sur tous les paliers gouvernementaux commence à peser sur l’industrie, ce qui affecte gravement le soutien offert par les organismes de financement provinciaux. En 1995, le gouvernement libéral de Jean Chrétien réduit le budget de Téléfilm Canada de 123 millions $ à 109,7 millions $. Le budget de l’ONF est coupé de 4 millions $ et celui de la Société Radio-Canada, de 44 millions $. En 1996, le gouvernement conservateur de Mike Harris en Ontario retranche le budget de la Société de développement de l’industrie cinématographique ontarienne (SODIMO) et du Ontario Arts Council. La SODIMO est pratiquement noyée. Elle perd son financement pour la production et la commercialisation, mais conserve le Ontario Film Investment Program.
En 1998, la ministre du Patrimoine Sheila Copps annonce la mise sur pied d’un nouveau fonds dédié aux longs métrages. Il entre en vigueur en 2001. Sous la gouverne du nouveau directeur de Téléfilm Canada, Richard Strusberg, l’objectif du fonds de 100 millions $ par année est d’augmenter l’auditoire des films canadiens. Ayant remarqué que les films canadiens ne représentent que deux pour cent des revenus annuels aux guichets, Richard Strusberg établit un objectif de cinq pour cent sur cinq ans. Il en résulte une série de films génériques médiocres qui aspirent à attirer le public. Ces films incluent Men with Brooms (Quatre gars et un balai) (2002) avec Paul Gross, Foolproof (2003) de William Phillips, The Snow Walker (2003) de Charles Martin Smith et Mambo Italiano (2003) d’Émile Gaudreault. La difficulté de prédire le succès d’un film en salle est probablement démontrée de la meilleure façon qu’il soit par My Big Fat Greek Wedding (Mariage à la grecque) (2002). Ce long métrage, tourné à Toronto, écrit par Nia Vardalos, originaire de Winnipeg, qui y joue le rôle principal, génère plus de 240 millions $ aux guichets.
En 2005, le rapport produit par Téléfilm Canada déclare que le Québec génère un très remarquable 21,2 % des recettes des films nationaux. Mais les films du Canada anglais stagnent à 1,6 %. Ce pourcentage est à peine plus élevé que lorsque le trésorier provincial de l’Ontario s’était plaint, 80 ans plus tôt, que « moins d’un pour cent des films présentés au Canada étaient réalisés au Canada. »(voir aussi : Histoire du film canadien : de 1896 à 1938). Également en 2005, Sarah Polley et Don McKellar effectuent du lobbyisme auprès du gouvernement fédéral afin que celui-ci modifie sa manière de soutenir les films canadiens. Ils recommandent que les cinémas soient contraints de dédier davantage de leur temps d’écran à des films canadiens et à leurs bandes-annonces, et que les diffuseurs présentent des films canadiens et leur promotion. Aucune de ces mesures n’est adoptée.
Montée du populisme
Malgré l’échec du mandat de Téléfilm concernant les guichets, un vent de populisme semble souffler. Plusieurs cinéastes commencent à produire des films d’attrait commercial qui conservent cependant une identité canadienne spécifique. Michael Dowse donne suite à son long métrage indépendant déjanté à succès FUBAR (2002) avec l’extravagant, tapageur et électronique film It’s All Gone Pete Tong (Frankie Wilde) (2005), suivi ensuite du populaire FUBAR 2 (2010), du très réussi film sur le hockey Goon (Dur à cuire) (2010) ainsi que What If (aussi intitulé The F Word) (2013), mettant en vedette Daniel Radcliffe.
Le Québec poursuit sa série de succès en salle avec le film biographique Maurice Richard (2005) de Charles Binamé, mettant en vedette Roy Dupuis dans le rôle de Maurice Richard, l’histoire émouvante d’un passage à l’âge adulte de Jean-Marc Vallée, C.R.A.Z.Y. (2005) et le film biculturel de confraternité d’Érik Canuel, Bon Cop Bad Cop (2006). Ken Scott, le scénariste de Mauriche Richard et de La grande séduction, connaît un énorme succès au Québec avec le fantasque Starbuck (2011), qu’il reproduit à Hollywood sous le titre Delivery Man (2013) avec Vince Vaughn dans le rôle principal, alors que le Canada anglais tente de recréer ce succès avec une nouvelle version de The Grand Seduction (2013) de Don McKellar.
La comédie culte Trailer Park Boys : The Movie (2006) connaît un succès rare au Canada anglais. Il sort sur 200 écrans et génère 1,3 million $ au cours de son week-end inaugural. Le film est suivi d’une deuxième partie, Trailer Park Boys : Countdown to Liquor Day (2009), qui génère des recettes de plus de 3 millions $. (voir aussi : Trailer Park Boys). La comédie de mœurs indépendante ciblant la jeunesse, Young People F---ing (2006), profite d’une hausse de publicité inattendue lorsqu’elle devient la tête d’affiche pour les changements proposés à la Loi sur l’impôt et le revenu (projet de loi C-10). Cette loi aurait permis au ministre du Patrimoine ou à un comité gouvernemental de refuser rétroactivement des crédits d’impôt aux films jugés offensants et « contraires aux politiques officielles ».
L’actrice Sarah Polley fait ses débuts en tant que réalisatrice de façon remarquée avec le magnifique Away from Her (Loin d’elle) (2006), en nomination aux Oscars. Elle poursuit cette réussite avec deux films examinant le thème de l’adultère : Take This Waltz (Une histoire d’amour) (2010) et le documentaire créatif et personnel Stories We Tell (2012). Rubba Nada fait une entrée remarquée avec Sabah (2005), et son second film Cairo Time (2009) connaît un succès plus modeste. Paul Gross fait une courageuse tentative en créant un film historique prestigieux sur la Première Guerre mondiale avec le drame somptueusement produit Passchendaele (2008). Kari Skogland réalise l’adaptation de The Stone Angel (2007) à partir du roman de Margaret Laurence. Michael McGowan connaît un succès surprise avec son « road movie » pancanadien One Week (2008) mettant en vedette Joshua Jackson. Jacob Tierney écrit et réalise un long métrage à succès mettant en vedette Jay Baruchel, The Trotsky (2009). Vincenzo Natali, le réalisateur du film Cube, marque un autre succès avec le film de science-fiction Splice (2010).
En 2011, Téléfilm annonce un nouveau système de mesure du succès des films canadiens. Le système tient compte de la vente mondiale des droits d’un film et accorde des points selon la participation du film à des festivals et aux prix qu’il remporte. Il tient également compte du nombre d’investissements privés générés par le film. En 2013, un groupe dirigé par Robert Lantos et incluant David Cronenberg, Atom Egoyan, Paul Gross et l’ancien PDG d’Alliance Victor Loewy, tente de lancer la chaîne de télévision Starlight, dédiée aux films canadiens. Toutefois, la chaîne proposée est retirée lorsque le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (C.R.T.C.) refuse sa distribution obligatoire.
Succès notoires récents
Les années 1990 et la première décennie du 21e siècle voient la production d’un cinéma canadien de classe mondiale. Dans son ensemble, l’industrie est devenue une entreprise multimilliardaire bâtie sur une période de plus de 50 ans. Plusieurs productions cinématographiques et télévisuelles américaines sont tournées ici. Elles profitent des équipes professionnelles, des infrastructures et studios de pointe, des exemptions fiscales et du dollar plus bas. En dépit des difficultés majeures auxquelles l’industrie fait toujours face dans le secteur de l’exploitation, elle se tient sur des bases solides. Au cours des années 1960, moins de trois films canadiens par année profitaient d’une distribution adéquate sur le marché de Toronto. En 2011, plus de 50 films canadiens ont pris l’affiche dans la région du Grand Toronto. La ville de Toronto est maintenant le plus important marché du cinéma canadien-anglais dans le monde.
En 1997, le film d’Atom Egoyan The Sweet Hereafter (De beaux lendemains) remporte le prix du Grand Jury, l’International Critics Prize et le Prix du jury œcuménique du Festival de Cannes. Il devient le film canadien le plus reconnu à être présenté à ce festival. Il est également nommé aux Oscars dans les catégories de la meilleure adaptation de scénario et du meilleur réalisateur, une première pour un réalisateur canadien. En 2001, Atanarjuat (La légende de l’homme rapide) de Zacharias Kunuk gagne la Caméra d’Or du Festival de Cannes. Il est le premier long métrage dramatique à être entièrement tourné en inuktitut avec une distribution entièrement inuite. En 2004, Les Invasions barbares/The Barbarian Invasions (2003) de Denys Arcand remporte un Oscar dans la catégorie du meilleur film de langue étrangère, une autre première pour un film canadien. Aux cours des huit années suivantes, quatre films canadiens se méritent des nominations aux Oscars dans la même catégorie : Water (2006) de Deepha Mehta, Incendies (2010) de Denis Villeneuve, Monsieur Lazhar (2011) de Philippe Falardeau, et Rebelle (2012) de Kim Nguyen.
En 2006, la comédie québécoise Bon Cop Bad Cop génère près de 12 millions $, ce qui en fait le film canadien le plus populaire aux guichets nationaux à cette date. En 2010, Resident Evil : Afterlife en 3D, une coproduction avec l’Allemagne, devient le film canadien générant les plus importantes recettes de tous les temps, dépassant Porky’s, avec des recettes mondiales de 250 millions $.
A History of Violence (Une histoire de violence) (2005) et Eastern Promises (Les Promesses de l’ombre) (2007) de David Cronenberg sont, dans sa prolifique carrière, ses films les plus populaires en salles. Il est également reconnu internationalement comme étant l’un des meilleurs réalisateurs au monde. D’autres réalisateurs canadiens sont maintenant devenus très recherchés à Hollywood. Atom Egoyan (Chloe, 2009; Devil’s Knot (Le nœud du diable), 2013), Philippe Falardeau (Le beau mensonge, 2014; Chuck, 2016, The Bleeder, 2017), Jean-Marc Vallée (The Young Victoria, 2009; Dallas Buyer’s Club, 2013; Wild, 2014; Demolition, 2015; Big Little Lies, 2017; Sharp Objects, 2018) et Denis Villeneuve (Prisonniers, 2013; Sicario, 2015; Arrival, 2016; Blade Runner 2049, 2017; Dune, 2020), ils ont tous dirigé des vedettes hollywoodiennes de renom dans le cadre de productions américaines de haut calibre. Denis Villeneuve est possiblement le réalisateur le plus remarquable de ce groupe. Il a été en nomination aux Oscars pour la réalisation du très populaire film Arrival. Il s’est garanti une place d’excellence et une reconnaissance en tant que réalisateur de films de science-fiction en suivant ce succès avec Blade Runner 2049 (2017) et Dune (2020), une adaptation du roman de Frank Herbert.
Xavier Dolan gagne rapidement la réputation du cinéaste canadien le plus talentueux des dernières années, avec son premier long métrage autobiographique J’ai tué ma mère (2009). Il suit ce premier succès avec un long métrage à la facture sensuelle et cinématique Les amours imaginaires (2010), ainsi qu’avec Laurence Anyways (2012) et Tom à la ferme (2013).
Il est maintenant possible de parler d’une industrie canadienne dans son ensemble, en incluant une industrie nationale florissante au Québec. Cependant, les longs métrages réalisés par les Anglo-canadiens demeurent le maillon faible de la chaîne. Le financement gouvernemental continue d’être un élément crucial à leur réussite. Le lien qui relie les cinéastes du Canada anglais au public canadien demeure tout au mieux fragile.
Voir aussi : Cinéma québécois : de 1896 à 1969; Cinéma québécois : de 1970 à 1989; Cinéma québécois : de 1990 à aujourd’hui; L’histoire du cinéma canadien en 10 étapes faciles; Cinéma documentaire; Cinéma d’animation; Cinéma expérimental; La distribution de films au Canada; Les 10 meilleurs films canadiens de tous les temps; Office national du film du Canada; Téléfilm Canada; Longs métrages canadiens; Enseignement du cinéma; Festivals du film; Censure cinématographique; Coopératives du film; Cinémathèque Québécoise; L’art de la production cinématographique.