Cet article est l’un de trois articles de survol consacrés à l’histoire économique du Canada. (Voir aussi Histoire économique du Canada atlantique et Histoire économique du Canada central.)
Naissance de l’économie
Le développement économique de l’Ouest canadien actuel débute avec la traite des fourrures. À la fin du 18e siècle, les peuples métis et les Premières Nations des Prairies s’engagent dans la traite. Les postes de traite parsèment la région. La ville de Victoria, sur l’île de Vancouver, est à l’origine un poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson (voir Routes de la traite des fourrures).
La colonisation agricole commence en 1812 avec la colonie de la rivière Rouge du comte de Selkirk. La construction du Chemin de fer du Canadien Pacifique (CP) au cours des années 1880 procure au Manitoba un moyen transport pour exporter le blé sur lequel repose son économie. Winnipeg devient un centre de commerce et un carrefour pour les chemins de fer. Bientôt, la ville possède plusieurs usines. Vers la fin des années 1890, les perspectives de développement s’améliorent grâce à l’augmentation des prix mondiaux du blé, à la diminution du coût du transport, à l’amélioration des méthodes de culture à sec et à la disponibilité de variétés de blé mieux adaptées (voir Blé marquis; Blé Red Fife). Jusqu’en 1929, les provinces des Prairies bénéficient d’une grande expansion de leur économie basée sur le blé, à laquelle se greffent un réseau ferroviaire beaucoup plus étendu, un résecharbonnage et l’élevage.
En 1914, la colonisation atteint les régions du Nord-Ouest, attirant des immigrants de nombreux pays (voir Histoire de la colonisation des Prairies canadiennes). Il en résulte une économie régionale presque entièrement tributaire des prix mondiaux d’une culture unique et des rendements locaux, tous deux sujets à d’importantes fluctuations (voir Opérations sur marchandises). Il y a peu de diversification, sauf en Alberta, où l’on commence à produire de petites quantités de pétrole et de gaz (voir Exploration et exploitation du pétrole; Industrie du pétrole).
Croissance rapide en Colombie-Britannique
L’évolution économique de la Colombie-Britannique est très différente jusqu’en 1929. Il y a peu de terres agricoles dans la province, et leur production est consommée localement. À part les négociants de fourrures, les habitants européens sont peu nombreux jusqu’à la ruée vers l’or du fleuve Fraser des années 1850. Après la ruée vers l’or, le charbonnage dans l’île de Vancouver n’offre pas un substitut et la population de la province grandit très lentement même plusieurs années après la Confédération. Cependant, la construction du CP, du Grand Trunk Pacific et du Canadien du Nord, entre 1900 et 1914, accélère beaucoup le développement et l’urbanisation. Les principales activités sont l’exploitation forestière, la pêche et, dans le Sud, l’extraction du cuivre, de l’argent, du charbon et des métaux communs. On y pratique aussi l’élevage et la culture fruitière. Quelques industries s’y établissent, particulièrement la construction et la réparation de bateaux, et une grande fonderie est mise en service à Trail en 1920.
Grâce au transport maritime régulier vers l’Asie et l’Australasie, le port de Vancouver devient important non seulement pour les produits de Colombie-Britannique, mais aussi pour le grain des Prairies. Après l’ouverture du canal de Panama en 1914, le commerce avec l’Angleterre devient beaucoup plus rapide et économique. Le cabotage se développe aussi, surtout pour le commerce du bois. Grâce à la croissance urbaine, l’hydroélectricité se développe rapidement. L’immigration est très forte, en provenance non seulement des autres régions du Canada, mais aussi de l’Angleterre et de l’Asie. L’immigration asiatique est très appréhendée et rigoureusement contrôlée, ce qui n’empêche pas d’importantes communautés asiatiques de se développer (voir Taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada; Loi de l’immigration chinoise.)
Guerre et crise économique
De 1914 à fin des années 1940, et surtout pendant la crise des années 1930, les conditions sont souvent difficiles. Les quatre provinces de l’Ouest canadien se considèrent comme des victimes de la politique tarifaire du Canada, qui augmente les prix des biens manufacturés ailleurs, mais n’a aucun effet sur le prix des matières premières et des produits transformés simples qu’elles doivent vendre.
La sécheresse dans les Prairies, les fluctuations désastreuses des prix et les tendances protectionnistes des pays étrangers, comme pendant la récession de 1920-1922 et la crise de 1929-1933, sont des problèmes sérieux. Ottawa fournit des allocations de secours, protège les gouvernements provinciaux de la faillite et tente d’améliorer les conditions d’exportation de l’Ouest par des négociations commerciales (voir Accords d’Ottawa).
Après l’effondrement des syndicats du blé en 1929-1930, Ottawa participe à la commercialisation du blé des Prairies, bien que, jusqu’au milieu de la Deuxième Guerre mondiale, les cultivateurs puissent vendre leur blé par l’intermédiaire de filières privées s’ils le désirent (voir Alberta Wheat Pool; Saskatchewan Wheat Pool). La prospérité du temps de guerre aide les cultivateurs de l’Ouest à payer leurs dettes.
Entre-temps, en Colombie-Britannique, la mise en marché coopérative de produits comme les pommes et les pêches prend de l’essor. Malgré tout, l’implantation de nouvelles usines de transformation est très lente. En 1939, une usine d’assemblage de Ford près de Vancouver alimente les marchés d’exportation de l’Inde et des pays du bassin du Pacifique, mais lorsque ces marchés disparaissent après 1939, l’usine doit fermer ses portes. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, laconstruction navale et aéronautique se développe rapidement sur la Côte-Ouest, mais ces industries périclitent ou disparaissent après la guerre.
Boom pétrolier
Après 1945, le secteur primaire se développe, l’urbanisation bat son plein et le niveau de vie s’améliore considérablement. Parmi les nouveaux projets, les plus importants se forment dans les domaines du pétrole, du gaz, de la potasse et de la construction d’oléoducs, et transforment les économies de l’Alberta et de la Saskatchewan. La Colombie-Britannique commence à produire du pétrole et du gaz et, tout comme le Manitoba, se dote d’immenses centrales hydroélectriques. En 1951, une usine de fabrication d’aluminium est ouverte à Kitimat, en Colombie-Britannique. De nouveaux marchés d’exportation font leur apparition : le pétrole et le gaz sont écoulés en Ontario et aux États-Unis, et le Japon achète les produits du charbon et le bois de la Colombie-Britannique. Le blé des Prairies, qui perd graduellement ses vieux marchés de Grande-Bretagne et d’Europe, en trouve de nouveaux en URSS, en Chine et dans les pays en voie de développement.
La politique fédérale apporte une aide précieuse : Ottawa commence à verser des paiements de péréquation au Manitoba et à la Saskatchewan et protège le marché ontarien pour le coûteux pétrole de l’Alberta de 1960 à 1973, bien qu'il maintienne par la suite les prix du pétrole sous les niveaux mondiaux. De plus, le gouvernement fédéral réduit ou abolit plusieurs tarifs douaniers. Les industries du bois et des pâtes et papiers prennent de l’expansion et sont généralement prospères, grâce à l’essor fulgurant de la construction et des communications en Amérique du Nord. En 1967, on commence à exploiter les sables bitumineux de l’Alberta (voir Bitume).
Vers 1987, l’Alberta a développé une industrie pétrochimique et le Manitoba construit des autobus et des avions légers. Les provinces de l’Ouest continuent néanmoins à dépendre fortement de l’exportation de quelques matières premières et des investissements que peuvent générer les industries primaires. L’Ouest demeure orienté vers le développement, comme il l’a été entre 1896 et 1914.
Au 21e siècle, l’industrie pétrolière de l’Alberta cherche fébrilement de nouveaux marchés en Asie. Comme le note le Macdonald-Laurier Institute, un groupe de réflexion d’Ottawa, le secteur pétrolier albertain a été conçu pour desservir un acheteur unique, les États-Unis. La province ne peut exporter son produit que vers le sud, et non vers l’est ou l’ouest, sur les marchés domestique ou asiatique. En 2012, l’International Energy Agency de Paris affirme que non seulement les États-Unis deviendront autosuffisants, mais qu’ils seront les premiers producteurs de pétrole au monde d’ici 2020 grâce aux technologies émergentes, comme le pétrole de schiste et les sources d’énergie renouvelables comme le soleil et le vent. En conséquence, la recherche de nouveaux marchés pour les exportations énergétiques du Canada devient soudain une priorité.
Keystone XL, un important projet d’oléoduc proposé par TransCanada PipeLines Limited pour transporter le pétrole albertain vers les raffineries de l’Illinois et du Texas, monopolise l’attention du public et des gouvernements avec deux projets d’oléoducs visant à relier le pétrole canadien aux marchés asiatiques. On propose alors l’oléoduc Northern Gateway d’Enbridge et le Trans Mountain Expansion Project de Kinder Morgan, qui se rendraient jusqu’à des terminaux d’exportation sur la Côte-Ouest. D’autres propositions soulèvent la possibilité de transporter le pétrole albertain vers l’est pour le raffiner et l’exporter depuis des installations à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Cependant, au début de 2018, tous ces projets étaient soit abandonnés, soit encore en processus réglementaire.
Malgré tout, la production issue des sables bitumineux devrait tripler de 2012 à 2035. Par conséquent, on prévoit que l’Alberta continuera à dominer l’économie canadienne. Une autre source du déplacement du pouvoir économique vers l’Ouest est la croissance de la Saskatchewan, car elle détient ses propres réserves de pétrole de schiste et de potasse, utilisée pour la fabrication d’engrais.
Aperçu de l’économie régionale
Les quatre provinces de l’Ouest (Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique) ont contribué de 721,8 milliards de dollars, ou 35 % du PIB du pays en 2016. L’Ouest est la région du Canada qui a connu la croissance la plus rapide (voir Économie régionale). La plus grande partie du développement a été basée sur les ressources. D’importants investissements dans les sables bitumineux de l’Alberta ont fortement stimulé l’emploi dans la province, particulièrement dans la région de Fort McMurray, et ont ajouté des milliards de dollars de revenus dans les coffres du gouvernement provincial. La Saskatchewan a beaucoup bénéficié d’excellentes fermes agricoles et du développement de l’uranium, de la potasse, du pétrole de schiste et d’autres ressources. Toutefois, puisqu’elle dépend fortement des opérations sur marchandises, la province est très vulnérable à la chute des cours mondiaux du pétrole et autres matières premières.
La Colombie-Britannique, aussi riche en ressources naturelles, continue à profiter d’un secteur immobilier exceptionnellement fort. Vancouver est une importante plaque tournante de transport maritime et, tout comme Calgary, un important centre commercial et financier.