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hitchBOT

En 2013, les chercheurs Frauke Zeller et David Harris Smith créent hitchBOT, un robot auto-stoppeur. À l’époque, Frauke Zeller est professeure agrégée à l’École de communication professionnelle de l’Université métropolitaine de Toronto (alors l’Université Ryerson), et son époux, David Harris Smith, professeur agrégé au Département d’études en communication et multimédia de l’Université McMaster. En créant hitchBOT, le couple vise à explorer l’interaction entre les humains et la technologie. Après avoir réussi à faire de l’auto-stop au Canada et en Europe, hitchBOT fait la une des journaux du monde entier en 2015, lorsqu’il est détruit par des vandales à Philadelphie. (Voir aussi Robotique au Canada.)

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Objectif et conception de la recherche

Dans un article pour le magazine Leonardo, Frauke Zeller et David Harris Smith déclarent que le projet hitchBOT vise à « inverser la question dystopique populaire de savoir si on peut faire confiance aux robots, en se demandant plutôt si les robots peuvent faire confiance aux humains ». Ainsi, hitchBOT se veut une expérience sociale doublée d’un projet d’art.

Le robot est conçu pour avoir l’air enjoué et inoffensif, ce que ses créateurs décrivent comme un « esthétisme de bric et de broc ». Sa tête est protégée par une cloche à gâteau, son corps est fait d’un seau en plastique, et ses membres, des nouilles de piscine, portent des gants de caoutchouc et des bottes de pluie. Il possède un visage animé par des DEL et peut lever le bras en position d’auto-stop. Ce robot, dont la taille correspond à celle d’un enfant de maternelle, est conçu pour être transporté facilement en voiture, grâce à son siège rehausseur intégré. Grâce à l’intelligence artificielle, hitchBOT peut tenir des conversations de base. Il est également équipé d’un dispositif GPS qui permet à ses créateurs de suivre ses déplacements et de le localiser. Les chercheurs n’en sont pas à leur premier robot : un projet antérieur, un robot critique d’art nommé kulturBOT, est parfois décrit comme le « grand frère » d’hitchBOT.

Voyages

À travers le Canada

Parti d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, hitchBOT parcourt seul le Canada en auto-stop pendant près de quatre semaines, attirant l’attention partout où il va. Il termine son périple à Victoria, en Colombie-Britannique. Un couple d’Halifax l’aurait emmené en camping, et un groupe de jeunes hommes l’aurait emmené faire du tourisme. Il assiste même à un pow-wow des Premières Nations, sur le territoire non cédé de Wiikwemkoong sur l’île Manitoulin. Là, on lui donne un nom en anishinaabemowin qui signifie « femme de fer ». Au fil de son périple, le robot rejoint une grande communauté sur les réseaux sociaux, atteignant plus de 95 000 abonnés sur Twitter (maintenant X), Facebook et Instagram. Sa popularité est telle qu’il est nécessaire de désactiver le GPS lorsqu’on le ramène chez soi pour préserver la confidentialité des adresses personnelles. Les gens photographient hitchBOT de manière très créative. Ils le montrent en train de « manger » des vis et des clous, ou d’utiliser les toilettes d’une roulotte de camping. Certains le décorent de bijoux, et, lors de son vol de retour, un pilote d’Air Canada lui remet un ensemble officiel d’ailes de pilote.

Une fois le voyage d’hitchBOT terminé, on construit une deuxième version pour d’autres voyages. Le Musée des sciences et de la technologie du Canada acquiert le modèle original en décembre 2025 pour sa collection. « HitchBOT est lié à une extraordinaire histoire canadienne. Il a été conçu dans des universités du Canada par des chercheurs canadiens; mais il est aussi associé au récit de cette grande traversée du pays », déclare Tom Everrett, conservateur des communications au Musée. Il ajoute : « À mon avis, l’idée de l’interaction humain-ordinateur dans le contexte d’une expérience bizarre de voyage sur le pouce semble désormais un peu étrange, mais, avec le recul, je crois qu’elle était très pertinente. »

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À travers l’Europe

En février 2015, le nouveau hitchBOT sillonne l’Allemagne. Une équipe de tournage de la chaîne de télévision allemande ProSieben suit son périple. Au cours de ce voyage, le robot visite le château de Neuschwanstein, défile sur un char lors du carnaval de Cologne et est photographié avec des membres de l’ambassade du Canada devant la porte de Brandebourg. En juillet de la même année, il entreprend un voyage artistique et culturel dans la région de Twente, aux Pays-Bas, en compagnie de Frauke Zeller et de David Harris Smith. Il y visite des musées d’art, se fait tirer le portrait et dirige un orchestre au Kulturhus Borne.

Voyage aux États-Unis et destruction d’hitchBOT

En juillet 2015, hitchBOT entame un périple à travers les États-Unis, partant du Massachusetts avec l’inscription « San Francisco ou rien » sur sa tête en cloche à gâteau. (Voir aussi Le Canada et les États-Unis.) Ses admirateurs peuvent le localiser grâce au GPS et suivre son parcours sur ses comptes de médias sociaux gérés par l’équipe hitchBOT. Il effectue plusieurs escales le long de la côte est. Il peut alors cocher plusieurs éléments de sa liste de « choses à faire », comme « faire la vague lors d’un match, n’importe où », ce qu’il fait au Fenway Park de Boston, ou encore « admirer les lumières de Times Square », à New York.

Cependant, le 1er août 2015, le voyage d’hitchBOT prend une tournure sombre lorsqu’il arrive à Philadelphie. Il est démembré et décapité. Bien que programmé pour prendre une photo toutes les 20 minutes, le robot ne parvient pas à capturer l’image de son agresseur. Frauke Zeller affirme que sa disparition aurait pu se produire n’importe où et qu’elle ne tient pas les États-Unis pour responsables, pas plus que Philadelphie. HitchBOT diffuse un dernier message sur son compte Twitter : « Mon voyage doit prendre fin pour l’instant. Mais mon amour pour les humains ne disparaîtra pas. Merci les amis. »

On aperçoit le robot pour la dernière fois en compagnie de Jesse Wellens et d’Ed Bassmaster, deux vlogueurs YouTube réputés pour leurs farces. Après l’annonce de la destruction du robot, les deux hommes diffusent une vidéo de surveillance censée montrer le démembrement d’hitchBOT. Ils admettent ensuite qu’il s’agit d’un canular, affirmant ne pas l’avoir vandalisé. Ils disent avoir réalisé cette vidéo dans le but de tromper les médias, parce que des journalistes leur avaient demandé des informations sur l’attaque. Les créateurs d’hitchBOT disent ne pas vouloir trouver le coupable ni porter plainte.

Impact

Outre son immense succès sur les réseaux sociaux, qui attirent finalement plus de 200 000 abonnés, les aventures et la disparition d’hitchBOT sont relayées par la presse internationale. Elles suscitent des discussions sur l’éthique des robots, notamment l’anthropomorphisme des robots, l’empathie humaine et le futur des interactions entre les humains et les robots. Frauke Zeller et David Harris Smith continuent à travailler sur d’autres projets, dont Pepper, un robot enfantin conçu pour parler de prévention du cancer de la peau. En 2019, hitchBOT est reconstruit sous le nom d’hitchBOT 2.0. Il est envoyé en France pour jouer dans une pièce intitulée Killing Robots, mise en scène par Linda Blanchet. La tournée européenne de la pièce est annulée en raison de la pandémie de COVID-19, mais deux représentations ont finalement lieu en France en 2022. On ignore toujours l’identité des coupables de l’attaque contre hitchBOT.

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Lecture supplémentaire

  • Radio-Canada, « HitchBOT, le robot qui fait du pouce, prépare-t-il un retour? » (3 août 2015).

  • David Harris Smith and Frauke Zeller, “The Death and Lives of hitchBOT: The Design and Implementation of a Hitchhiking Robot,” Leonardo, vol. 50, iss. 1 (February 2017).

Liens externes

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