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Incapacité

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l'incapacité comme la réduction temporaire, prolongée ou permanente ou l'absence de la capacité d'accomplir certaines activités ou de remplir certains rôles ordinaires, présentés parfois comme des occupations de la vie courante.

Définitions

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l'incapacité comme la réduction temporaire, prolongée ou permanente ou l'absence de la capacité d'accomplir certaines activités ou de remplir certains rôles ordinaires, présentés parfois comme des occupations de la vie courante. Citons comme exemples la perte ou la réduction de l'ouïe (voir Perte d'audition), de la vue, de la parole, de la mobilité, ou encore de la capacité d'atteindre et de porter, de penser et de se souvenir.

La détérioration provient d'une anomalie d'un organe ou des fonctions physiques ou mentales du corps, laquelle entraîne une incapacité. C'est notamment le cas de la perte partielle ou totale d'un membre; d'états neurologiques tels que la sclérose en plaques, la paralysie cérébrale et la maladie de Parkinson; de maladies ou dommages infligés à une partie de l'oeil ou de l'oreille; de diverses formes d'arthrite; et de traumatismes entraînant un changement permanent au cerveau, à la moelle épinière ou à un membre.

Par handicap, on entend les conséquences sociales et environnementales qu'enclenche la détérioration d'une personne. Si celle-ci est en fauteuil roulant, son handicap consiste à essayer de se déplacer dans un environnement parsemé d'escaliers et de surfaces inégales plutôt que de surfaces planes. Une personne atteinte d'une maladie mentale subit un handicap dans sa recherche d'un emploi si les employeurs la supposent d'emblée inapte à tout travail, mais pas s'ils lui offrent une chance.

L'incapacité, la détérioration et le handicap sont interreliés. Alors qu'une détérioration peut être irréversible (par exemple une perte de la vue qu'on ne peut corriger), une incapacité est souvent fonction de la situation (en ne concernant par exemple que les activités requérant la vision), et un handicap peut être éliminé par un changement dans l'environnement (par exemple en fournissant de l'information en langue braille ou sous forme de bandes sonores). Nombreuses sont cependant les situations où une détérioration n'entraîne ni incapacité ni handicap. La perte de l'index de la main peut ne pas déranger le travail d'un professeur, mais sera désastreuse pour un pianiste.

Fréquence de l'incapacité

Le recensement canadien de 1991 pose une question sur les incapacités qui limitent l'individu dans son travail et dans sa vie courante. Il est suivi la même année par l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités (ESLA, Statistique Canada) qui estime à 4,2 millions ou environ 15,5 % le nombre de personnes au Canada qui souffrent d'une forme d'une autre d'incapacité réduisant leurs activités quotidiennes.

C'est là une augmentation par rapport aux 3,3 millions ou 13 % de la population lors de la même enquête ESLA de 1986. Malheureusement, en l'absence d'une telle enquête au lendemain du recensement de 1996, nous ne savons pas vraiment dans quelle mesure l'accroissement survenu entre 1986 et 1991 s'explique par une amélioration dans les déclarations des gens sur leurs incapacités et dans quelle mesure par une hausse réelle du nombre de personnes souffrant d'incapacité.

Le risque d'incapacité augmente avec l'âge. Voici pour 1991 la répartition par âge des Canadiens souffrant d'incapacité : moins de 15 ans, 7 %; de 15 à 54 ans, 22 %; de 55 à 64 ans, 27 %; et de 65 ans et plus, 46 %. L'allongement de la durée de vie, notamment grâce aux progrès dans les interventions médicales sauvant des vies, signifie qu'un nombre croissant de Canadiens se verront atteints d'incapacité pendant au moins quelques années de leur vie. Cette constatation encourage fortement les gens à s'intéresser à la réorganisation par la société des soins et de l'assistance accordés en particulier aux personnes âgées qui forment la cohorte des gens avec incapacités croissant le plus rapidement (voir Vieillissement).

Nature et gravité de l'incapacité

Les restriction à la mobilité (marcher, monter un escalier) et à l'agilité (atteindre, soulever, se courber) sont les plus courantes et comptent pour environ la moitié de toutes les déclarations d'incapacité. Les incapacités intellectuelles, d'apprentissage et de santé mentale représentent environ le tiers des déclarations; l'incapacité auditive, 25 %; l'incapacité visuelle, 9 %; et l'incapacité de parole, 8 %. Certaines personnes souffrent de plus d'un type d'incapacité.

La gravité de l'incapacité varie avec l'âge. 89 % des enfants atteints d'incapacités le sont de façon bénigne alors que ce chiffre n'atteint que 54 % chez les adultes de 15 à 64 ans et 39 % chez ceux de 65 ans et plus. Les formes graves s'observent chez seulement 3 % des enfants atteints, mais chez 14 % des adultes et 25 % des personnes âgées. Ces données proviennent de l'enquête ESLA 1991 de Statistique Canada.

On est loin d'avoir résolu le problème de l'identification précise de l'incapacité. Les causes d'incapacité sont nombreuses. Le degré d'incapacité peut varier énormément d'une personne à l'autre, même s'il résulte d'une même cause. Les méthodes d'identification des incapacités varient beaucoup, elles aussi, selon les pays, ce qui complique la compréhension de l'incapacité comme phénomène mondial. Ajoutons qu'un diagnostic ou une étiquette identifiant une cause d'incapacité n'aide souvent pas à comprendre les limitations fonctionnelles que peut vivre une personne.

Certaines étiquettes apposées sur une incapacité servent à déterminer qui est ou non éligible à certains traitements ou indemnités. Le terme « légalement aveugle » (voir Cécité et amblyopie) ne s'applique qu'aux gens dont la vision centrale de leur meilleur oeil atteint un maximum de 20/200 à l'aide de lentilles correctrices (20/20 indique une vision normale) et à ceux dont la vision périphérique ne dépasse pas 20/100. C'est une erreur de supposer que la personne légalement aveugle ne voit absolument rien. Être légalement aveugle au Canada peut donner droit à une personne à certains avantages tels qu'une carte d'autobus gratuite ou à prix réduit ou à des équipements d'aide fournis par des programmes financés par l'État.


D'autres étiquettes d'incapacité servent à exclure des individus de la société normale. Jusqu'à récemment, les enfants souffrant d'incapacité intellectuelle (dans leur développement) et considérés autrefois comme mentalement retardés étaient maintenus à l'écart des autres enfants. Jusqu'au milieu des années 70, on les plaçait dès lors souvent, leur vie durant, dans des institutions. Grâce à l'avènement de nouvelles conceptions et techniques d'éducation, ces enfants restent de plus en plus dans leur famille, mais fréquentent des classes ou des écoles spéciales. Depuis dix ans, les progrès accomplis permettent de les intégrer dans des écoles et des classes régulières disposant de ressources pédagogiques adaptées à leur cas.

L'identification et la classification des incapacités intéressent les scientifiques, les politiciens et les concepteurs de programmes, qui utilisent chacun ces informations à leur manière. Les scientifiques veulent étudier comment prévenir, guérir ou traiter ces incapacités. Les politiciens cherchent à connaître l'importance des groupes de personnes atteintes d'incapacité ainsi que leurs besoins en vue de légiférer et de recueillir des fonds à leur avantage. Quant aux concepteurs de programmes, ils veulent s'assurer que ceux-ci répondront aux besoins et prévoir pour l'avenir l'évolution à la hausse ou à la baisse de la demande de services. Jusqu'à présent, les scientifiques n'offrent pas de système global de classification qui soit d'application universelle.

Les personnes atteintes d'incapacité et leurs défenseurs reconnaissent l'utilité de disposer de données fiables sur le nombre de gens à qui leur incapacité pose des problèmes de manière à plaider en faveur de changements. Beaucoup se méfient cependant d'un système de nomenclature et de classification des incapacités qui risque de déshumaniser et d'isoler des groupes entiers de personnes.

Attitudes

Nous avons toujours eu parmi nous des gens souffrant d'incapacités, mais ils n'ont pas toujours été aussi visibles qu'aujourd'hui au Canada. Leur mort en bas âge et leur isolement en institution les rendaient invisibles. Au cours de l'histoire, ces personnes sont marquées du stigmate de la honte, notamment parce que certaines religions voient dans leur infirmité la punition de leurs péchés. Dans les cultures villageoises d'autrefois, qui imposent à chacun de faire sa part pour assurer la survie du groupe, ceux qui en sont incapables n'ont qu'à mourir. La théorie évolutionniste de Darwin sur « la survie des plus aptes » pousse l'Angleterre victorienne à jouer à la sélection par reproduction des individus les plus intelligents dans le but d'améliorer la race. On connaît bien les tentatives de Hitler pour créer une race des seigneurs et éliminer les gens porteurs de caractéristiques indésirables et notamment d'incapacités diverses.

De nos jours, ces attitudes inspirent des comportements négatifs envers les personnes atteintes d'incapacités. On les perçoit comme violant les normes de manière indésirable. Beaucoup d'entre nous se sentent apeurés et mal à l'aise en présence d'une personne aussi différente d`eux, ce qui les pousse à l'éviter. D'où le risque de ne pas voir ses aptitudes, de minimiser les attentes à son endroit et de considérer ses réussites comme bien modestes. Sachant cela, des personnes capables de cacher une incapacité telle que, par exemple, une perte d'audition partielle ou une maladie mentale font souvent des pieds et des mains pour s'afficher comme « normales ». Bien qu'Irving Goffman qualifie ce comportement de « passager », il peut cependant engendrer un stress énorme chez la personne qui craint que son incapacité ne soit découverte.

Inversement, certains individus atteints d'incapacités peuvent être imbus de caractéristiques poussées à l'extrême, ce qui ne convient pas non plus. Il peut être tout aussi dommageable de croire que l'incapacité rend les gens plus compréhensifs ou plus enclins à pardonner ou de surévaluer leurs réussites que de sous-évaluer leurs aptitudes.

Voilà plus de 30 ans que les scientifiques étudient les attitudes du public envers les personnes atteintes d'incapacités sans aboutir à des réponses définitives. Ce qui semble certain, c'est que les attitudes d'acceptation sont favorisées lorsqu'entre personnes, les unes handicapées, les autres non, s'établissent des contacts réguliers basés sur un statut d'égalité comme entre gens de même âge, qui partagent les mêmes activités sociales, qui sont collègues de travail. Le fait pour les personnes handicapées de se reconnaître comme telles aide aussi à réduire le malaise dans leur entourage. C'est dire qu'il incombe peut-être à ces personnes de faire les premiers pas en attendant que les autres se mettent à ne plus vraiment attacher d'importance à une incapacité qu'ils ne voient plus comme caractéristique de la vie de ces personnes.

La plus grande visibilité de ces dernières exerce aussi un effet positif sur la manière dont la société les perçoit. Avec la disparition des obstacles à leur mobilité, la présence de personnes en fauteuils roulants dans des lieux publics apparaît dorénavant comme chose normale; on voit apparaître dans les programmes et la publicité de la télévision des personnes malentendantes conversant en langage des signes; des acteurs et des animateurs célèbres parlent de leur cécité ou de leur maladie mentale dans les médias. La peur que suscite si souvent la déviance régresse progressivement.

Droits et responsabilités

Beaucoup de gens voient l'incapacité avant tout comme un problème médical propre à un individu. À partir de là, les médecins diagnostiquent telle catégorie d'incapacité et enclenchent des thérapies de réhabilitation qui tentent de « réparer » l'individu en question. Étant donné le caractère le plus souvent permanent des états d'incapacité, ces thérapies curatives sont peu satisfaisantes pour les personnes concernées. Le résultat en était souvent de condamner ces personnes à dépendre de l'aide gouvernementale pour la satisfaction de leurs besoins courants puisqu'on ne concevait pas qu'un individu sourd ou aveugle, ou se déplaçant en fauteuil roulant soit capable d'exercer un métier ou d'être autonome.

Les années 70 voient heureusement l'éclosion d'un mouvement des droits des handicapés, comparable au mouvement des droits civils aux États-Unis dans les années 50 et 60. Les jeunes handicapés se rassemblent en grand nombre pour revendiquer leur place dans la société. Au Canada, ce mouvement finit par déboucher sur l'inclusion de l'« incapacité physique et mentale » dans la Charte canadienne des droits et libertés, puis ensuite dans les législations provinciales sur les droits de la personne. La discrimination n'a pas disparu pour autant, mais les personnes souffrant d'incapacités disposent maintenant de recours légaux.

En plus de la protection légale contre la discrimination, ces personnes veulent que leur incapacité soit perçue non pas comme une déviance, mais plutôt comme une différence. Elles affirment que la société peut prendre en compte leur différence en adaptant l'environnement plutôt qu'en changeant l'individu.

Le résultat prend la forme d'un train de mesures destinées à éliminer les obstacles physiques dans les édifices publics, les parcs et les installations récréatives, dans les transports publics et commerciaux, dans les équipements et les programmes d'éducation, dans l'information, le logement et l'emploi. Certains de ces changements résultent de dispositions législatives (codes du bâtiment, mesures touchant l'éducation et l'équité dans l'emploi), d'autres sont le fruit d'efforts de persuasion.

La route conduisant au changement est semée d'embûches mais certains groupes progressent plus vite que d'autres. Le grand public garde encore des préjugés envers les malades mentaux, qui restent dès lors largement à l'écart de la société normale. Les changements véritables proviennent, en fait, des efforts consentis par les personnes handicapées elles-mêmes.

Pour ces personnes, il ne s'agit plus dorénavant d'adapter leurs comportements aux normes sociales dominantes, mais de contester les définitions qu'en donnent les personnes « normales » et de revendiquer le droit à la différence et aux mesures d'accueil de cette différence.