La culture des personnes handicapées s’entend du savoir, des traditions et de l’art partagés parmi les membres de la communauté des personnes handicapées. Être connecté à cette culture passe par une reconnaissance de l’approche communautaire adoptée par les personnes handicapées dans leurs liens avec le monde qui les entoure. La culture des personnes handicapées est intimement liée au monde de l’art des personnes handicapées, qui l’influence fortement.
L’expression « culture des personnes handicapées », apparue vers le milieu des années 1990, est de plus en plus couramment utilisée. Cependant, elle n’a pas, comme la culture des sourds, une longue histoire bien établie. Bien qu’il y ait certains recoupements, les communautés sourdes ont une vision du monde différente de celle qui prévaut dans la culture des personnes handicapées. La culture des personnes handicapées au Canada est surtout présente dans les grandes villes comme Toronto et Vancouver. Elle prend cependant de l’ampleur dans d’autres régions du pays.
Note de la rédaction : Cet article et son auteur reconnaissent que le langage axé d’abord sur la personne (personne ayant un handicap) et le langage axé d’abord sur l’identité (handicapé) sont tous deux utilisés au sein de la communauté canadienne des personnes handicapées. Ainsi, on retrouvera les deux langages dans cet article.
Histoire de la culture des personnes handicapées
L’origine de l’expression « culture des personnes handicapées » est contestée. Ce terme est profondément lié aux mouvements pour la défense des droits et la vie autonome des personnes handicapées des années 1960 et 1970. (Voir Mouvement des droits des personnes handicapées au Canada.) L’un des créateurs les plus cités d’une définition mondiale pour la culture des personnes handicapées est Steven E. Brown. En 1996, il écrit que cette culture est « imprégnée de notre expérience du handicap ». La plupart des définitions de la culture des personnes handicapées sont centrées sur la fierté vis-à-vis du handicap, l’art des personnes handicapées et le capacitisme. Certaines mettent également l’accent sur l’intersection entre cette culture et celle d’autres groupes communautaires marginalisés. (Voir aussi Culture queer; Intersectionnalité). Il existe un lien profond entre l’autodétermination des personnes ayant un handicap et la culture des personnes handicapées, cette dernière visant à permettre aux personnes handicapées de tracer leur propre parcours de vie. Dans la culture des personnes handicapées, le handicap est maintenu au cœur de l’identité de la personne.
Notons qu’il n’existe pas qu’une seule culture des personnes handicapées, de la même façon que le statut de personne ayant un handicap n’est pas monolithique. Il s’agit plutôt d’idées de base fondées sur l’oppression et la libération d’un groupe. Par exemple, la culture des personnes handicapées en Saskatchewan pourrait être radicalement différente de celle que l’on observerait à Ottawa; cependant, leurs éléments de base seraient similaires. À l’inverse, l’expérience culturelle vécue par les personnes handicapées issues de minorités racisées est souvent très différente de celle des autres. Cela est dû en grande partie au fait que les groupes militant pour les droits des personnes handicapées sont historiquement à prédominance blanche. La culture des personnes handicapées est aussi intrinsèquement liée à la notion de justice pour les personnes handicapées. Pour certains défenseurs de cette cause, l’existence en elle-même est une forme de résistance.
Symboles de la culture et de la fierté des personnes handicapées
L’un des principaux symboles de la culture et de la fierté des personnes handicapées est le drapeau de la fierté, créé par Ann Magill en 2019 et censé représenter les diverses expériences vécues par les personnes handicapées. Il présente également une toile de fond sombre, symbole du préjudice que représente le fait de vivre avec un handicap dans un monde capacitiste. C’est une réflexion sur des réalités comme celle-là qu’offrent des événements comme la Journée de deuil à la mémoire des personnes handicapées, une initiative lancée par l’Autistic Self Advocacy Network. Il existe également un drapeau des personnes handicapées, créé en 2017 pour les Nations Unies. D’autres symboles incluent l’arc-en-ciel de l’infini, populaire dans la communauté autiste. (Voir Trouble du spectre de l’autisme (TSA) au Canada.)
En Amérique du Nord, le mois de la fierté des personnes handicapées a lieu chaque année en juillet, coïncidant avec l’anniversaire de la proclamation de l’Americans with Disabilities Act. La Journée internationale des personnes handicapées des Nations Unies a lieu chaque année le 3 décembre. C’est une autre date clé lorsqu’il s’agit de la fierté des personnes handicapées. Par le passé, des événements axés sur les handicaps ont également été organisés dans le cadre de la Fête de la culture, un festival pancanadien axé sur les célébrations culturelles. De tels événements reçoivent souvent le soutien de divers organismes culturels provinciaux. Les projets qui retracent l’histoire de l’art des personnes handicapées, comme Disability Arts International du Royaume-Uni, fournissent un contexte pour la production artistique au Canada, avec une programmation d’un bout à l’autre du pays.
Bien qu’il n’y ait pas consensus sur la question de savoir si le sport paralympique fait partie de la culture des personnes handicapées, les disciplines de cette catégorie ont un impact tangible (tant positif que négatif) sur la perception des personnes handicapées par le grand public au Canada. Certains, dans la communauté des personnes handicapées, sont particulièrement frustrés par la notion que toutes les personnes handicapées devraient vouloir faire du sport. Ce fossé reflète les tensions communes qui existent entre les artistes et les athlètes.
Avenir de la culture des personnes handicapées
Les universités canadiennes étudient la culture des personnes handicapées dans le cadre de programmes d’études de la condition des personnes handicapées. La pandémie de COVID-19 a également eu pour effet de mettre en lumière de façon plus marquée la culture des personnes handicapées. Elle a démontré de façon concrète comment les idées liées au handicap, fondées sur l’accès, peuvent nous aider à comprendre comment le monde est remodelé lors d’une pandémie qui stoppe les activités de la société tout entière.
De l’avis de certains activistes américains, dont Andrew Pulrang, la culture des personnes handicapées est en train de changer au gré des interactions établies entre différentes générations de personnes handicapées. Selon eux, l’avenir de cette culture est en pleine mutation, avec l’émergence de plusieurs générations de leaders de la communauté des personnes handicapées. Auparavant, on mettait surtout l’accent sur une trajectoire (largement) convenue pour le mouvement des droits des personnes handicapées, souvent citée comme le mouvement de la vie autonome des années 1960 et 1970. Le mouvement en faveur de la vie autonome visait à faire sortir les personnes handicapées des institutions pour leur permettre de s’intégrer dans la communauté élargie. La culture des personnes handicapées d’aujourd’hui, plutôt que d’offrir une vision unidimensionnelle, est le fruit d’une panoplie d’expériences différentes vécues dans la communauté des personnes handicapées. Les membres ont des besoins et des désirs différents en ce qui concerne l’accès, lesquels sont de plus en plus évidents au fil des conversations de société. Les activistes handicapés se mêlent également à d’autres cercles d’activistes, par exemple les mouvements de lutte contre le racisme (voir aussi Éducation antiraciste au Canada) et les mouvements environnementaux (voir Mouvements écologistes au Canada).
La culture des personnes handicapées joue un rôle de plus en plus central au sein de la communauté des personnes handicapées, au-delà des seuls cercles universitaire ou politique. Bien que cette culture ne jouisse pas d’une histoire formelle aussi longuement établie que celle d’autres communautés marginalisées, elle constitue un outil essentiel qui permet aux personnes handicapées de mettre en contexte leurs propres expériences. La plupart des gens, à un moment ou à un autre de leur vie, souffriront d’un handicap quelconque. La culture des personnes handicapées nous enseigne comment nous y adapter, en trouvant plus de soutien et en faisant preuve de compassion envers soi-même.