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Jazz au Canada

Mélange d’éléments musicaux européens et des traditions africaines, le jazz est un style musical créé par les Afro-américains à l’aube du XXe siècle. Il se caractérise par sa nature improvisée, sa vitalité rythmique (par ex. : le « swing ») et sa capacité à exprimer les émotions.
Perry, P.J
Saxophoniste de jazz (photo de Ed Ellis).
Oscar Peterson
Peterson a une approche du jazz joyeuse et très légère (avec la permission de Regal Recording Ltd).
Krall, Diana
La chanteuse de jazz Diana Krall (avec la permission de GRP Records).
Jazz, festival de
Scène extérieure du Festival international de jazz de Montréal, le plus important festival de jazz du Canada (avec la permission du Festival de jazz de Montréal).
Peterson, Oscar (extrait vidéo)
Le grand musicien de jazz, Oscar Peterson, interprète \u00ab Back Home Again in Indiana \u00bb au cours de l'émission spéciale \u00ab Oscar Peterson : Very Special \u00bb, télédiffusée au réseau anglais de Radio-Canada, le 14 novembre 1976 (avec la permission du réseau de télévision de la Société Radio-Canada).

Mélange d’éléments musicaux européens et des traditions africaines, le jazz est un style musical créé par les Afro-américains à l’aube du 20e siècle. Il se caractérise par sa nature improvisée, sa vitalité rythmique (par ex. : le « swing ») et sa capacité à exprimer les émotions. Comme les origines du jazz n’ont pas été documentées (par exemple, au moyen d’enregistrements), une controverse persiste sur celles-ci. Cependant, selon la théorie généralement acceptée, le contexte socioéconomique de La Nouvelle-Orléans au début du 20e siècle aurait favorisé l’éclosion du jazz.

Les débuts commerciaux de ce style musical, d’une plus grande pertinence quant à son histoire au Canada, sont habituellement retracés à 1917 (y compris l’enregistrement de « Darktown Strutter’s Ball », de Shelton Brooks); plus spécifiquement, les enregistrements d’un quintette caucasien de La Nouvelle-Orléans, le Original Dixieland Jazz Band.

Depuis cette époque, le jazz a vécu des changements constants et souvent radicaux. Son cheminement s’est effectué sur plusieurs parcours parallèles et a évolué dans divers styles superposés qui reflétaient parfois des influences externes (par ex. : la musique de chambre au cours de la « troisième vague » des années 1950, le rock et le R et B dans un style fusionné au cours de la fin des années 1960), mais ces changements provenaient habituellement d’une innovation et d’une transformation internes. Bien que l’influence du jazz se soit fait clairement sentir dans divers genres musicaux au cours de ses premiers 100 ans d’existence, il s’est aussi taillé une place au niveau international alors que des musiciens d’origine étrangère, dont plusieurs Canadiens, s’approprient et adaptent un bon nombre de ses traditions.

Au début du XXIe siècle, le jazz occupe une place de plus en plus importante dans le syllabus de plusieurs universités et collèges canadiens et partout ailleurs, mais la transmission orale de cette tradition demeure prépondérante. Il est le plus souvent assimilé par l’imitation de musiciens phares qui suscitent l’admiration (par ex. : Louis Armstrong, Thelonious Monk, Miles Davis, John Coltrane, etc.), suivie d’un raffinement sélectif des caractéristiques imitées et, finalement, de l’évolution vers un style personnel qui devient une forme d’expression.

Quatre musiciens canadiens se retrouvent définitivement dans cette catégorie d’icônes adulées; ils ont exercé une forte influence sur le développement global de cette tradition et ont fait l’objet d’imitation. Le pianiste Oscar Peterson est reconnu massivement comme étant le plus grand pianiste jazz de tous les temps, et le plus influent de l’époque d’après-guerre. Paul Bley est un personnage important du mouvement « free-jazz » du début des années 1960; ses trios servent de modèles à plusieurs pianistes américains, européens et canadiens. Le trompettiste Kenny Wheeler a développé un style de composition distinct et une approche musicale lyrique, qui ont été largement imités. Initialement reconnue comme une pianiste jazz, Diana Krall aide à populariser le jazz auprès d’un auditoire plus vaste et est parmi les interprètes ayant connu le plus grand succès commercial de ce genre musical du début des années 2000.


D’autres Canadiens comme Ed Bickert, Sonny Greenwich, Claude Ranger, Fred Stone et Nelson Symonds, Barry Elmes, Al Henderson, Jean Derome, Brad Turner et Phil Nimmons établissent des traditions locales dans leurs villes d’origine respectives et leur influence sur les générations suivantes de musiciens canadiens rivalise celle des musiciens américains les plus respectés.

Débuts de son histoire au Canada

Les premiers musiciens jazz au Canada sont d’origine américaine et se présentent sur des scènes de music-hall et dans les cabarets vers le milieu et la fin des années 1910. Le groupe The Original Creole Orchestra, originaire de La Nouvelle-Orléans et comprenant le cornettiste Freddie Keppard, se présente sur le circuit des salles de spectacle Pantages dans l’Ouest canadien entre 1914 et 1916; Jelly Roll Morton offre des prestations dans les cabarets de Vancouver dès 1919, et jusqu’en 1921. À cette époque, le pianiste américain James « Slap Rags » White et Millard Thomas élisent domicile à Montréal, où l’importance et la densité de la communauté noire dans le quartier de St-Henri donnent lieu à l’éclosion d’une scène culturelle dynamique au cours des 35 années suivantes (consulter également Musiciens noirs et musique noire au Canada).

Il ne reste que très peu de traces des premiers groupes et musiciens de jazz canadiens. Le collectionneur Jack Litchfield a identifié le pianiste Harry Thomas comme étant le premier musicien jazz canadien, en se basant sur le contenu improvisé des enregistrements de musique « ragtime » réalisés par Thomas en 1916.

Le répertoire élargi de plusieurs groupes canadiens de musique de danse, de musique « nouvelle » ou « syncopée » du début jusqu’au milieu des années 1920 comportait des succès du jazz américain de l’époque. Le Gilbert Watson Orchestra de Toronto avait mis en vedette le trompettiste Curtis Little comme musicien solo, et le groupe interprétait une version de « St. Louis Blues » parmi les nombreux 78 tours qu’il enregistre en 1925 et 1926; c’était probablement le premier groupe canadien à graver des vinyles au Canada. Millard Thomas et son groupe, le Chicago Novelty Orchestra, enregistrent à Montréal en 1924 pendant son séjour de neuf ans dans la ville. Également en 1924, Guy Lombardo enregistre à Richmond, en Indiana, avec les Royal Canadians, ainsi qu’à London, en Ontario, avec son groupe torontois New Princes. Les deux vinyles démontrent une influence jazz.

Parmi les musiciens du Canada ayant les compétences d’improvisation exigées d’un musicien solo en vogue, il y avait également le cornettiste Jimmy « Trump » Davidson, le joueur de trombone Seymour « Red » Ginzler et le saxophoniste Cliff McKay à Toronto, les saxophonistes Charlie See et Chick Inge à Vancouver, et le saxophoniste Adrien « Eddy » Paradis et plusieurs musiciens américains (par exemple les frères Johnson et Shorter) à Montréal.

Suivant la voie tracée par Millard Thomas, d’autres musiciens noirs des États-Unis et du Canada forment des groupes au cours des années 1930, y compris le saxophoniste Myron Sutton (The Canadian Ambassadors), le trompettiste Jimmy Jones (Harlem Dukes of Rhythm) et le batteur Eddie Perkins à Montréal, de même que le pianiste Harry Lucas (Harlem Aces) à Toronto.

Le jazz continue à faire partie de la musique populaire canadienne de manière accessoire au cours des années 1930 à 1940, bien que certains musiciens clés diffusent ce genre musical dans plusieurs régions : McKay, Trump Davidson, Ted Davidson, Bobby Gimby, Bert Niosi et Pat Riccio à Toronto; Paradis, le violoniste Willy Girard, le pianiste Bob Langlois et le saxophoniste Stan Wood à Montréal; le saxophoniste Carl « Beaky » DeSantis, le guitariste Ray Norris, et les pianistes Bud Henderson et Wilf Wylie à Vancouver.

De grands orchestres américains de jazz et de swing visitent le pays, font des apparitions fréquentes dans les salles de danse et enregistrements canadiens; des émissions radiophoniques en direct américaines diffusaient également leur musique au Canada. Bob Smith commence à diffuser des enregistrements sur CJOR Vancouver dès 1937; Byng Whitteker et Elwood Glover sont entendus à Toronto dès 1941 à l’émission de la CBC « 1010 Swing Club ». La diffusion par la CBC des prestations d’Oscar Peterson à Montréal au milieu des années 1940 joue un rôle essentiel pour établir la réputation du musicien comme étant la première étoile canadienne du jazz.

Jazz traditionnel et dixieland

Au cours des années 1940, la popularité de deux styles d’interprétation, soit une reprise de la musique traditionnelle de La Nouvelle-Orléans, et un nouveau style nommé « bebop », a un effet décisif sur le développement du jazz au Canada. Incompatibles avec les environnements plus commerciaux dans lesquels le jazz était habituellement entendu, la musique « traditionnelle » et le bebop encouragent les musiciens à acquérir une plus grande autonomie.

La musique traditionnelle des Afro-américains de La Nouvelle-Orléans et le dixieland de leurs émules caucasiennes sont tous deux bien représentés dans plusieurs villes canadiennes. L’activité liée à ces styles musicaux est particulièrement soutenue à Toronto au début des années 1930, lorsque le groupe de musique dansante de Trump Davidson laisse entendre une influence dixieland marquée. Le retour mondial de la musique « traditionnelle » s’ancre à Toronto au terme des années 1940 grâce à Clyde Clarke (pianiste et directeur du Queen City Jazz Band, et scripteur pour l’émission « 1010 Swing Club » diffusée sur CJBC), Ken Dean (cornettiste et directeur du groupe Hot Seven) et Michael Snow, entre autres.

Au cours des années 1950 et 1960, le groupe le plus populaire de Toronto est le Imperial Jazz Band dirigé par le cornettiste Mike White, qui mettait souvent en vedette des musiciens américains invités. D’autres groupes populaires ont été dirigés par Jimmy Scott et le trombone Bud Hill. Le groupe des Metro Stompers (dirigé par le bassiste Jim McHarg et Jim Galloway) était le plus populaire du milieu des années 1960 (suivi de près par le groupe Big Muddys, de Larry Dubin) et réussit à survivre aux années 1970 avant d’adopter un style commercial à tendance swing au cours des années 1980. La popularité régionale des Stompers est éventuellement éclipsée par le Climax Jazz Band, formé en 1971.

D’autres villes comptent des groupes ou musiciens adeptes de musique traditionnelle, ou dixieland : Lance Harrison à Vancouver, dès 1950; le cornettiste Peter Power à Halifax pendant les années 1950; le Capital City Jazz Band dirigé par le pianiste Gordon Bennett, formé à Ottawa dans les années 1950 et concurrencé au début des années 1980 par le Apex Jazz Band; le Limestone City Jazz Band (fin des années 1950, jusqu’au début des années 1960) à Kingston, en Ontario et le trompettiste Russ Meredith (années 1940 et début des années 1950), le Mountain City Jazz Band (années 1950 et début des années 1960), ainsi que le Al Peters Jazz Band (années 1970) à Montréal. Une nouvelle génération de musiciens se fait entendre à Montréal au cours des années 1980, par exemple les groupes Bande à Magoo, Dixieband et Sweet Dixie, dans le cadre des activités extérieures du Festival international de jazz de Montréal (FIJM).

Plusieurs musiciens torontois traditionnels et dixieland de la première heure sont d’origine britannique ou européenne, y compris un contingent important de musiciens écossais dont Galloway, McHarg, le trombone Jim Abercrombie (directeur du Vintage Jazz Band), le cornettiste Charlie Gall (directeur de Dr McJazz), le trompettiste Malcolm Higgins, le clarinettiste Al Lawrie (directeur du groupe grand public Jazz Corporation, qui compte également le pianiste Ian Bargh) et le clarinettiste Jim Purdie. Le trompettiste londonien Cliff « Kid » Bastien (directeur des groupes jazz Black Eagle, Magnolia et Camelia jazz bands, ainsi que des Happy Pals) influence grandement l’évolution de plusieurs musiciens de jazz traditionnel qui dirigent plus tard leurs propres groupes, particulièrement le batteur Dennis Elder du groupe Silver Leaf Jazz Men mis sur pied en 1974.

Le bebop

Développé à New York à l’aube des années 1940 et documenté pour la première fois sur des enregistrements commerciaux en 1944, ce style de jazz aux harmonies raffinées, à la rythmique plus libre et d’une virtuosité affirmée apparaît au Canada vers la fin des années 1940, comme en témoignent les enregistrements de Moe Koffman et d’Oscar Peterson. Les adeptes canadiens du bebop des années 1940 incluent : Paul Bley, Willy Girard, le pianiste Sadik Hakim (musicien américain actif à Montréal de 1949 à 1950, et de 1966 à 1976), le saxophoniste ténor Benny Winestone, le pianiste Harold « Steep » Wade, le trombone Jiro « Butch » Watanabe et les batteurs Billy Graham et Mark « Wilkie » Wilkinson à Montréal; Al Neil et Ray Norris à Vancouver; Herb Spanier et Norm Amadio dans les Prairies, ainsi que https://www.thecanadianencyclopedia.ca/article/norm-amadio-emc/les saxophonistes ténors Bill Goddard et Dave Hammer, et le trompettiste Graham Topping à Toronto.

Le bebop demeure un des styles fondamentaux adoptés par la plupart des musiciens de jazz populaires au Canada au cours des 30 années suivantes. Le style appelé « west coast cool » (ou « style de la côte Ouest »), qui précède le bebop d’environ cinq ans, est popularisé au Canada au milieu des années 1950 par des groupes dirigés par Ron Collier et Fraser MacPherson, par Rob McConnell dans les années 1980, ainsi que par les arrangements de Phil Nimmons et d’autres compositeurs de musique pour grand orchestre.

Parmi les musiciens notoires adeptes du bebop se trouvent les pianistes Wray Downes, Mark Eisenman, Hakim et Maury Kaye; les batteurs Pete Magadini et Norman Marshall Villeneuve; les saxophonistes alto Sayyd Abdul Al-Khabyyr, Dale Hillary, Bob Mover, Alvinn Pall, Leo Perron, Bernie Piltch, P.J. Perry, Campbell Ryga et Dave Turner; le flûtiste Bill McBirnie; le trompettiste Kevin Dean, ainsi que les trompettistes Charles Ellison et Sam Noto (le premier à Montréal, et le second un résident à Toronto de manière intermittente après 1975).

Les grands orchestres

Le premier grand orchestre canadien, comprenant entre 12 à 21 musiciens divisés en sections des cuivres, des bois et de la rythmique, reconnu comme ayant un vaste répertoire jazz est le groupe Rex Battle de Toronto. Le groupe offre des prestations à l’été 1935 à Bob-Lo Island, près de Detroit; leur style était fortement inspiré de l’orchestre américain de Bob Crosby. Bert Niosi, Trump Davidson, Cy McLean et Johnny Holmes mettent sur pied des orchestres de musique dansante aux accents jazz pendant les années 1930 et 1940. Toutefois, ce n’est pas avant les années 1950 et la formation des orchestres de Calvin Jackson, Phil Nimmons et Graham Topping à Toronto, Steve Garrick et « Butch » Watanabe à Montréal, et Dave Robbins à Vancouver que la tradition des grands orchestres s’établit solidement dans la musique canadienne. D’autres orchestres voient le jour dans les années 1960, y compris ceux sous la direction du trombone Ray Sikora à Vancouver, ceux de Ron Collier, Pat Riccio et Don Thompson à Toronto, et ceux de Lee Gagnon et Vic Vogel à Montréal.

La montée du mouvement des orchestres de scène dans les écoles canadiennes au début des années 1970 occasionne la croissance de l’auditoire et une recrudescence de musiciens de grands orchestres (qui utilisent les mêmes instruments et interprètent le même répertoire). Le Canadian Stage Band Festival (maintenant MusicFest Canada) sert de rampe de lancement pour ce mouvement, et le Humber College de Toronto en est le premier centre de formation. Bien que ces orchestres sont constitués d’étudiants, trois orchestres issus du Humber College, soit les orchestres « A » et « B », ainsi que le Humber Extension dirigé par Ron Collier, font partie des grands orchestres les plus populaires de la fin des années 1970 au Canada; ils sont éventuellement concurrencés par plusieurs autres écoles au début des années 1980.

Au cours de la même période, d’autres orchestres importants sont dirigés par Hugh Fraser, Bob Hales, Doug Parker et Fred Stride (le Westcoast Jazz Orchestra) à Vancouver; Tommy Banks et Bob Stroup à Edmonton; Eric Friedenberg (le Saturday Pro Band) à Calgary; Kerry Kluner et Ron Paley à Winnipeg; Jim Ahrens (le Tribal Unit), Shelly Berger, Jim Galloway (le Wee Big Band), Jim Howard, Russ Little, Rob McConnell (le Boss Brass), Dave McMurdo, Ted Moses, Brigham Phillips et Fred Stone à Toronto, ainsi que Denny Christianson et Andrew Homzy à Montréal.

Ce type de formation connaît une renaissance au cours des années 1990, avec le groupe Neufeld-Occhipinti Orchestra (NOJO; formé à Toronto par le pianiste Paul Neufeld et le guitariste Michael Occhipinti), qui mettait régulièrement en vedette des solistes comme Sam Rivers et Don Byron; il y eut aussi le Hard Rubber Orchestra et le New Orchestra Workshop (NOW) Orchestra de Vancouver, ce dernier comprenant la chanteuse Kate Hammett-Vaughan comme participante à part entière.

En 2005, Darcy James Argue, natif de Vancouver, crée l’orchestre Secret Society à Brooklyn, New York, lequel s’inspire du mouvement « steampunk » et du trombone-arrangeur Bob Brookmeyer. Plusieurs expatriés canadiens se joignent à l’orchestre, dont la trompettiste Ingrid Jensen et le pianiste Gordon Webster. À Montréal, la saxophoniste Christine Jensen met sur pied un grand orchestre en 2010; en 2012, elle crée l’Orchestre National de Jazz de Montréal, en collaboration avec la pianiste Marianne Trudel, Andrew Homzy et plusieurs autres.

Parmi les variantes du grand orchestre, il y a le groupe Brass Connection de Doug Hamilton (cinq trombones et une section rythmique) formé en 1979, à Toronto; l’Alberta Jazz Repertory Orchestra, actif à Edmonton sous plusieurs directeurs au milieu des années 1980; l’orchestre de new-music/jazz Hemispheres, à Toronto, ainsi que les grands ensembles au style libre et improvisé dirigés par Jean Derome à Montréal (la G.U.M.) et par Fred Stone à Toronto.

Consulter également :Orchestres de danse.

Le troisième courant

Introduit au milieu des années 1950 par le compositeur et chef d’orchestre américain Gunther Schuller, le « troisième courant » désigne un style combinant les éléments de la musique classique (habituellement la forme) à ceux de la musique jazz (l’improvisation, le caractère rythmique et le ton). Le mouvement du troisième courant s’épanouit au Canada au même moment où il prend de l’ampleur ailleurs dans le monde, en grande partie grâce au travail de Norman Symonds, Ron Collier et d’autres étudiants de Gordon Delamont, qui utilisent tous la fugue, la sonate, le concerto grosso et d’autres formes musicales comme canevas d’improvisation pour les orchestres jazz.

Dans le Dictionary of Contemporary Music , John Beckwith écrit à propos du Concerto Grosso pour quintette jazz et orchestre symphonique (1957) de Norman Symonds qu’il était « plus naturel que certaines œuvres européennes du même style, comme celles de Rolf Liebermann, dans lesquelles les éléments du jazz sont imités d’une manière plus superficielle et contrastés plus grossièrement avec le vocabulaire du concert symphonique. » Symonds poursuit son travail dans la même veine tout au long des années 1960 et réalise plusieurs compositions pour orchestre et solistes jazz, ou pour des groupes jazz.

Également au cours des années 1960, le grand orchestre dirigé par Dave Robbins et l’orchestre symphonique de Vancouver unissent leurs talents pour offrir quelques prestations; le bassiste du grand orchestre de Dave Robbins, Paul Ruhland, participe à plusieurs reprises. Une collaboration similaire a lieu en 1984, entre le Boss Brass et l’orchestre philharmonique de Toronto, qui offrirent une prestation d’œuvres commandées par Louis Applebaum, Victor Davies, Harry Freedman, Rob McConnell, Ian McDougall et Rick Wilkins.

Ron Paley compose et présente en primeur, avec son trio ou son grand orchestre, quatre œuvres avec l’orchestre symphonique de Winnipeg (1979 à 1987); Ian Sadler dirige le Jazz Repertory Orchestra de l’Alberta, dans le cadre d’un programme de compositions originales au Jazz City en 1982, et Tim Brady (compositeur jazz et de « new-music ») réalise Visions, enregistré avec la participation de Kenny Wheeler en 1985. Par la suite, Brady réalise un bon nombre d’enregistrements comportant une orchestration symphonique et l’enregistrement multipiste d’une guitare. Le clarinettiste François Houle, qui vivait à Vancouver et possédait une formation classique de l’Université McGill et de la Yale University, mais était très influencé par les musiciens jazz Steve Lacy et John Carter, parvient à maîtriser plusieurs approches dans ses propres enregistrements électroacoustiques, au sein d’un quintette de musique de chambre et du groupe Standing Wave.

Paul Ruhland, Doug Riley et Don (W.) Thompson utilisent le dodécaphonisme (ou musique dodécaphonique) dans la composition de thèmes pour les groupes ou les orchestres jazz. Des solistes comme le saxophoniste Bernie Pitch et le joueur de flugelhorn Fred Stone (qui compose lui-même quelques morceaux dans le style du « troisième courant ») sont des personnages clés du mouvement initial; ils participent à plusieurs des premières prestations (et prestations ultérieures) d’œuvres canadiennes. Des œuvres issues du répertoire classique adaptées pour les groupes jazz par Moe Koffman et Doug Riley, comme Moe Koffman Plays Bach (1971) et Vivaldi’s Four Seasons (1972), connaissent un succès commercial important au cours des années 1970. L’influence du jazz est également évidente dans les œuvres classiques des compositeurs Freedman, Neil Chotem, François Morel, Michel Perrault et John Weinzweig.

Musique contemporaine

Au cours des années 1950 et 1960, la charpente harmonique du jazz commence à prendre de l’ampleur et se libère des grilles rythmiques déjà explorées à fond par le bebop. Plusieurs nouveaux développements se succèdent, sous la forme du « hard-bop », « post-bop » et le jazz modal, et d’autres déclinaisons font peu à peu leur apparition au Canada; seules les œuvres de Brian Barley, Sonny Greenwich, Lenny Breau, Claude Ranger et une poignée d’autres se les approprient, la majorité des musiciens préférant demeurer fidèles aux conventions rigides du jazz canadien.

La plupart des avancées harmoniques et rythmiques du jazz ne sont assimilées au Canada que dans les années 1980. Avant cette époque, elles avaient été adoptées par des musiciens tels que Bob Brough, Alvinn Pall, Ron Park, Michael Stuart et John Tank, sans toutefois que leurs efforts soient reconnus. Au cours des années 1980, les nouvelles approches, telles que prônées par le célèbre saxophoniste américain John Coltrane, devinrent plus présentes dans les œuvres de la dernière génération de musiciens, comme Mike Allen, Ron Allen, Ralph Bowen, Patric Caird, Phil Dwyer, Rob Frayne, Kirk MacDonald, Mike Murley, John Nugent, Yannick Rieu, Mike Sim, Simon Stone, Perry White et Mike Zilber.

L’influence d’un autre américain innovateur, le saxophoniste Ornette Coleman, ne se fait pas sentir avant le début des années 1980; plus tard, c’est par l’entremise de son groupe d’influence rock Prime Time (qui prônait l’approche des « harmolodics »). Ce groupe sert de modèle pour plusieurs groupes émergeant de la scène musicale torontoise de la rue Queen ouest : Whitenoise, Not King Fudge et Noise R Us (tous dirigés par le saxophoniste alto et guitariste Bill Grove); Gotham City (dirigé par le saxophoniste Nic Gotham); Malcolm Tent (dirigé par le trompettiste Jerry Berg) et N.O.M.A. (acronyme de Northern Organic Musical Associations, dirigé par le trombone Tom Walsh).

Inversement, le jazz d’avant-garde des années 1960 et 1970 est représenté presque immédiatement par des musiciens canadiens. Les mieux connus d’entre eux, le pianiste Paul Bley et le trompettiste Kenny Wheeler, évoluent à un niveau international. En tant que premier chef d’orchestre à employer le trompettiste Don Cherry et le bassiste Charlie Haden pour se joindre à lui au Hillcrest Club de Los Angeles, Paul Bley joue un rôle prépondérant dans le lancement de la carrière d’Ornette Coleman. Bley devient ensuite un membre clé de l’influent trio du clarinettiste Jimmy Giuffre (accompagnés du bassiste Steve Swallow). À son retour sur la côte Est en compagnie de sa femme, la compositrice Carla Bley, il contribue à la mise sur pied de la Jazz Composers Guild, qui comptait des personnages d’envergure comme Cecil Taylor, Archie Shepp et Roswell Rudd.

Au début de sa carrière, Kenny Wheeler, qui avait déménagé en Angleterre en 1952, œuvre au sein de groupes commerciaux et fait l’expérience de prestations devant public avec certains artisans du free-jazz, y compris John Stevens et Evan Parker. En tant que membre du Spontaneous Music Ensemble et du Globe Unity Orchestra, Wheeler contribue au développement d’un langage contemporain pour la trompette au sein de groupes d’improvisation.

Le free-jazz fait son apparition au Canada par le biais du Artists’ Jazz Band, formé à Toronto en 1962. Le pianiste et bassiste Stuart Broomer dirige ses premiers groupes à Toronto en 1966, alors qu’au même moment à Vancouver, Al Neil passe du bebop à la « new music ». À Montréal, le Quatuor de jazz libre du Québec est fondé en 1967.

Après une période d’accalmie relative, le free-jazz prend de l’ampleur dans plusieurs villes : à Montréal, avec l’Atelier de musique expérimentale, actif entre 1973 et 1975, et l’Ensemble de musique improvisée de Montréal, mis sur pied en 1978; à Toronto, avec le CCMC et plusieurs groupes dirigés par Bill Smith; à London, en Ontario, avec le Nihilist Spasm Band et Eric Stach; à Calgary, avec le Western Music Improvisation Co., et à Vancouver avec le New Orchestra quintette, formé en 1977.

Pianiste à ses débuts, Jane Bunnett se tourne vers le saxophone soprano après avoir développé une tendinite. Elle se distingue rapidement avec sa sonorité approchant celle de Steve Lacy, auprès de qui elle étudie, plutôt que celle de John Coltrane, figure dominante à l’époque. Au cours des années 1980, elle évolue sur la scène internationale grâce à une série d’enregistrements : In Dew Time, New York Duets et Live At Sweet Basil, dans lesquels elle exhibe son talent aux côtés d’artistes américains reconnus, comme le pianiste Don Pullen et le saxophoniste Dewey Redman.

Les autres musiciens de free-jazz (ou d’improvisation libre) actifs à la même époque incluaient les pianistes Broomer, Jean Beaudet, Paul Plimley, Michael Snow, Ajay Heble et Casey Sokol; les saxophonistes Smith, Stach, Maury Coles, Paul Cram, Bruce Freedman (du groupe Chief Feature), Nobuo Kubota (du groupe CCMC), Robert Leriche, Graham Ord (des groupes Free F’All et Garbo’s Hat), John Oswald, Lori Freedman et Richard Underhill; le violiniste David Prentice; les guitaristes Eugene Chadbourne (un musicien américain actif entre 1973 à 1976 à Calgary, où il devint également critique musical pour le Calgary Herald), Lloyd Garber et Randy Hutton; les bassistes Lisle Ellis, George Koller, Clyde Reed et Claude Simard, et les percussionnistes Roger Baird, Richard Bannard, Larry Dubin, John Heward, Claude Ranger, Jesse Stewart et Gregg Simpson. Claude Ranger et Fred Stone dirigent des groupes importants dans ce style musical.

Le terme relatif « avant-garde » en vient à désigner, dans les années 1980, la musique de Tim Brady, la musique actuelle de Jean Derome, Justine et René Lussier, l’approche « harmolodique » de Not King Fudge et de N.O.M.A., la musique harmonique d’Hemispheres et le style fusion-libre de Lunar Adventures.

Pendant que certaines approches contemporaines poursuivent leur lent développement au Canada, le jazz « mainstream », un style mélodique et modéré au point de vue émotif, mélangeant les traditions plus anciennes du swing et du bebop, profite d’une popularité constante. Les musiciens clés de ce mouvement incluent le saxophoniste ténor Eugene Amaro, Peter Appleyard, Ian Bargh, Guido Basso, Ed Bickert, Art Ellefson, Jim Galloway, Oliver Jones, Fraser MacPherson, Rob McConnell, le saxophoniste ténor Richard Parris, Oscar Peterson, le saxophoniste ténor Roy Reynolds, Joe Sealy, Brian Browne et Rick Wilkins, parmi plusieurs autres.

Au cours des années 1980 et 1990, grâce à plusieurs facteurs y compris la présence grandissante de festivals de jazz au Canada et à l’élaboration de programmes académiques de musique jazz aux niveaux collégial et universitaire, un nombre croissant de musiciens fait son entrée au sein de cette communauté. Plusieurs d’entre eux acquièrent leur renommée après avoir déménagé aux États-Unis, comme les pianistes Andy Milne, Jon Ballantyne, John Stetch, Renee Rosnes et D.D. Jackson; la trompettiste Ingrid Jensen; les saxophonistes Seamus Blake, Michael Blake, John Nugent et Andrew Rathbun; le guitariste Kevin Breit; les bassistes Michael Bates et Chris Tarry, ainsi que les batteurs Harris Eisenstadt et Owen Howard.

D’autres demeurent au Canada et deviennent des représentants influents au sein de leurs communautés respectives : à Vancouver, le trompettiste Brad Turner, le violoniste Jesse Zubot, la violoncelliste Peggy Lee, les guitaristes Ron Samworth, Gordon Grdina et Tony Wilson, et le batteur Dylan van der Schyff; à Toronto, les trompettistes Kevin Turcotte et Lina Allemano, les saxophonistes Phil Dwyer et Kyle Brenders, les guitaristes Michael Occhipinti et Tim Posgate, les bassistes Kieran Overs, Andrew Downing et Roberto Occhipinti, et les batteurs Nick Fraser et Jean Martin; à Ottawa, le saxophoniste Rob Frayne, le guitariste Roddy Ellias et le bassiste John Geggie; à Montréal, les pianistes Lorraine Desmarais, François Bourassa, Jeff Johnston, Steve Amireault et Marianne Trudel; le trombone Scott Thomson, les saxophonistes Christine Jensen et Joel Miller, le guitariste Bernard Falaise, les bassistes Pierre Cartier et Normand Guilbeault, de même que le batteur Pierre Tanguay.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, plusieurs musiciens nés aux États-Unis s’affirment au sein des communautés de jazz locales et régionales canadiennes, y compris le bassiste et enseignant Steve Kirby à Winnipeg; le pianiste, chanteur et journaliste Bill King, ainsi que le saxophoniste et enseignant David Mott à Toronto; les saxophonistes Billy Robinson et Vernon Isaacs à Ottawa et le batteur et enseignant Jerry Granelli à Halifax.

De manière plus significative, après les années 1990, un style de composition typiquement canadien émerge; il se distingue de la musique créée aux États-Unis par le biais d’une différence sociale caractéristique du Canada et des États-Unis : l’expression d’une mosaïque culturelle, versus celle d’un creuset de cultures. Parmi les pianistes, d’excellents exemples de ce style sont offerts par des artistes comme John Stetch (qui puise certains éléments de son ascendance ukrainienne pour étoffer ses compositions), Marilyn Lerner (qui intègre des motifs de la musique juive klezmer), D.D. Jackson (qui inclut des références aux origines chinoises de sa mère, autant que des éléments liés à l’ascendance Afro-américaine de son père) et Andy Milne (qui se distingue des autres musiciens Afro-américains de New York par son amour des musiciens traditionnels canadiens comme Joni Mitchell, Neil Young et Bruce Cockburn, un reflet de son enfance au sein de sa famille adoptive caucasienne du sud de l’Ontario).

Musique fusion, jazz latin et musique du monde

La fusion des préceptes du jazz, ancrés dans l’improvisation, avec la technologie (par ex. : l’amplification, les synthétiseurs, etc.) et les rythmes du rock et du R&B commence dans les années 1960 avec des groupes comme Blood, Sweat and Tears (voir David Clayton-Thomas). Miles Davis en est le précurseur en 1969 et ce style se diffuse ensuite dans plusieurs directions, porté par ses comparses et d’autres musiciens au cours des années 1970. Le style fusion, qui démontre également l’influence de la musique latine, est le plus populaire des sous-genres du jazz entre les années 1970 et les années 1980. Il est adopté par un bon nombre de groupes et de musiciens au Canada dès l’aube des années 1970, comme en témoignent Pacific Salt à Vancouver, Maneige à Montréal, ainsi que les groupes dirigés par le pianiste et compositeur américain Ted Moses à Toronto.

Trois groupes dominent la scène du jazz fusion au Canada pendant les années 1980 : Manteca, Skywalk et UZEB. Skywalk et UZEB s’inspirent principalement du rock, Manteca des rythmes latins et africains, et les trois groupes incluent les sonorités des plus récents synthétiseurs. Parmi les groupes fusion notoires des années 1980 figurent Barclay Road, les Beards, Five After Four (dirigé par le batteur Vito Rezza), Mélosphere (dirigé par le violiniste Helmut Lipsky), Northland (qui devient plus tard Nortlan), l’Orchestre Sympathique, Quartz, Purple Changes, Strangeness Beauty (voir David Piltch), Synthetic Earth, Tasman, ainsi que les formations de Ron Allen, celles du claviériste Aaron Davis, des guitaristes Brian Hughes, Joey Goldstein, Sylvain Provost et Carlos Lopes, du saxophoniste Earl Seymour, du violoniste Hugh Marsh et du batteur Mathieu Léger.

Le style fusion a été tout particulièrement populaire au Québec, en partie grâce à l’influence marquée du groupe UZEB. Vers la fin des années 1980, plusieurs musiciens incluent des éléments du jazz traditionnel dans le style fusion, ce qui donne naissance au style nommé « post-fusion »; au Canada, le bassiste Sylvain Gagnon, le trompettiste John MacLeod, le batteur Barry Romberg et le quintette Creatures of Habit figurent parmi ses représentants.

Vers la fin des années 1990, le style fusion connaît un mouvement de renouveau parmi les jeunes musiciens de la communauté du centre-ville (ou « downtown ») de New York. Simultanément, le quatuor coopératif Metalwood (composé des musiciens Brad Turner, Mike Murley, Chris Tarry et Ian Froman), basé à Vancouver, domine les prix Juno avec des enregistrements consécutifs (de 1998 à 2004).

La fusion de la musique latine et du jazz nait environ vingt ans avant celle du rock et du jazz. Déjà dans les années 1940, les musiciens jazz empruntent les rythmes latins et les groupes de musique latine comprennent des musiciens jazz à qui l’on attribuait des rôles d’improvisation. Le chanteur cubain Chicho Valle dirige des groupes de musique latine (par ex. : Los Cubanos) à Toronto pendant 30 ans, alors que des musiciens jazz forment parfois des groupes à saveur latine (par exemple les groupes jazz comportant une section rythmique élaborée) au cours des années 1960 (par exemple, Émile « Cisco » Normand à Montréal) et des années 1970 (par exemple Guido Basso et le percussionniste Marty Morell à Toronto).

Vers la fin des années 1970, les formations de musique latine commencent à se multiplier. Le percussionniste colombien Guillermo Memo Acevedo présente à Toronto son orchestre de salsa d’envergure variable, le Banda Brava, et devient une figure de proue du développement du jazz latin au Canada. D’autres formations notoires font leur apparition dans les années qui suivent, comme Accento Latino, Coconut Groove et le Montuno Police (toutes deux dirigées par le percussionniste Rick Lazar), l’Orquesta Fantasia et le Ramiro’s Orchestra dirigées par Ramiro Puerta à Toronto; Arôma, Denis Fréchette Ad Lib, Québa, le chanteur et guitariste brésilien Paulo Ramos, et la percussionniste brésilienne Assar Santana et son groupe Chamel #6 à Montréal; Papa Mambo and His Gringos, dirigé par le percussionniste Rodrigo Munoz à Winnipeg, l’Afro Latin Sextet dirigé par la claviériste Kathy Kidd, ainsi que les groupes dirigés par Ray Piper et Salsa Ferreras (dirigé par le percussionniste Salvador Ferreras) à Vancouver.

La percée la plus importante pour la musique latine au Canada arrive en 1982, lorsque la saxophoniste torontoise Jane Bunnett et son conjoint trompettiste Larry Cramer visitent Cuba. Ce voyage modifie l’orientation musicale de Bunnett en l’éloignant du jazz contemporain, vers une exploration des divers genres interprétés sur l’île. Les voyages suivants qu’elle entreprend à Cuba ouvrent la voie à bon nombre de musiciens exceptionnels, tout particulièrement pour les pianistes Hilario Duran et David Virelles, et au batteur Dafnis Prieto, qui sont éventuellement connus au Canada puis aux États-Unis.

L’émergence de la musique du monde, ou « rythmes du monde », comme influence sur la musique populaire de la fin des années 1980 est représentée au Canada par Ron Allen (joueur de shakuhachi, un type de flûte japonaise), le groupe Anoosh (dirigé par Raffi Niziblian, d’origine arménienne-italienne), le Flying Bulgar Klezmer Band (connu plus tard sous le nom de The Flying Bulgars), le pianiste et koriste Daniel Janke, le chanteur El Kady (aussi connu sous le nom de Ricardo Pellegrin, originaire de la Guinée-Bissau), Mecca, le pianiste Lee Pui Ming et le Space Trio, entre autres, qui combinent (ou adoptent) les traditions de leurs musiques traditionnelles respectives avec le jazz.

Les vocalistes

Bien qu’historiquement, les vocalistes figurent parmi les musiciens jazz les plus populaires, peu de chanteurs sont reconnus au Canada avant 1990. Eleanor Collins et Phyllis Marshall sont des précurseures, présentées à la radio et la télévision de la CBC au cours des années 1940 et 1950; parmi les vocalistes les mieux connus, Eve Adams, Salome Bey, Don Francks, Anne Marie Moss, Aura (également connue sous le nom d’Aura Rully), Arlene Smith et Eve Smith assurèrent ensuite leur relève.

La chanteuse de jazz populaire torontoise Holly Cole profite d’une popularité sans précédent parmi les vocalistes jazz canadiennes au début des années 1990, grâce à ses albums Girl Talk (1990) et Blame It on My Youth (1992), tous deux produits et diffusés par l’étiquette rock Alert. Parmi les vocalistes actifs au cours de cette même période dans une gamme de styles variés : David Blamires, Joanne Desforges, Trudy Desmond, Francks, Kate Hammett-Vaughan (du groupe Garbo’s Hat), June Katz, Ming Lee, Ranee Lee, Moreen Meriden, Denzil Pinnock, Arlene Smith, Corry Sobol, Tena Palmer et Karen Young.

La visibilité des chanteuses, dans l’ensemble de la communauté du jazz, mais particulièrement au Canada, augmente considérablement suite au succès à grande échelle de la pianiste et chanteuse Diana Krall, originaire de Nanaimo, en Colombie-Britannique. De son passage de l’étiquette canadienne Justin Time à l’étiquette jazz américaine renommée Impulse! (appartenant au conglomérat mondial Universal Music Group) en 1995, jusqu’à ses albums When I Look in Your Eyes (1999), The Look of Love (2001) et Live in Paris (2003) remportant plusieurs prix Grammy et Juno, Diana Krall devient une sorte de phénomène, dont le style est décrit par les médias comme un retour éblouissant vers une époque antérieure. Elle a vendu plus de 15 millions d’albums dans le monde et a atteint un niveau de célébrité sans précédent en tant que musicienne de jazz contemporain.

Suite au succès retentissant de Krall, les étiquettes de disques et les amateurs de jazz se mettent à la recherche de nouveaux talents à encourager; accordant davantage d’attention à des chanteuses canadiennes comme Kellylee Evans, Nikki Yanovsky, Carol Welsman, Amy Cervini, Sophie Milman, Emilie-Claire Barlow, Laila Bialli, Molly Johnson et Jill Barber.

L’influence de Krall se fait également sentir dans la popularité de deux vocalistes masculins : Michael Bublé, qui se mérite l’attention des vétérans de l’industrie musicale canadienne Paul Anka et David Foster, ainsi que Matt Dusk. Bien que ces deux artistes évoluent activement dans la sphère de la musique populaire, leur style révèle l’influence indéniable de chanteurs d’inspiration jazz, comme Tony Bennett et Frank Sinatra.

Les musiciens canadiens à l’étranger

Les musiciens jazz canadiens les plus célèbres sont Diana Krall, Oscar Peterson, Paul Bley, Kenny Wheeler et l’arrangeur-compositeur Gil Evans (né Ian Ernest Gilmore Green), qui acquiert son renom grâce à ses compositions innovatrices pour le Claude Thornhill Orchestra (1941 à 1942, et 1946 à 1948), et à ses collaborations avec Miles Davis (sur Miles Ahead, 1957; Porgy and Bess, 1958; Sketches of Spain, 1959) et avec Cannonball Adderley (sur Pacific Standard Time, 1959).

D’autres musiciens originaires du Canada qui connaissent des carrières notoires avant les années 1990 (dont plusieurs, comme Gil Evans, quittent le Canada dans leur enfance) incluent : Georgie Auld, saxophoniste ténor célèbre à l’époque du swing (années 1930 et 1940s); le saxophoniste Ralph Bowen; le pianiste Dave Bowman, qui fut actif de 1937 à 1954 et travailla avec plusieurs géants du dixieland à New York; le vibraphoniste Warren Chiasson; le trompettiste Maynard Ferguson; le bassiste Hal Gaylor, qui déménagea à New York en 1956 et travailla ensuite avec Chico Hamilton, Kai Winding, Paul Bley, Benny Goodman, entre autres; le pianiste et arrangeur Buster Harding, qui composa pour Teddy Wilson, Coleman Hawkins, Count Basie, Earl Hines et plusieurs autres au cours des années 1940; le vibraphoniste Hagood Hardy; le pianiste Lou Hooper; Kenny Kersey, qui joua pour Red Allen, Andy Kirk et prit part aux concerts Jazz at the Philharmonic entre 1946 et 1949; le guitariste Peter Leitch; Al Lucas, bassiste pour Eddie Heywood (de 1943 à 1946 et dans les années 1950), Duke Ellington (en 1946) et Illinois Jacquet (de 1947 à 1953); la chanteuse Anne Marie Moss; le pianiste Hartzell Strathdee (dit « Tiny ») Parham, qui dirigea des formations à Chicago vers la fin des années 1920; Bob Rudd, bassiste pour Noble Sissle, Lucky Thompson et plusieurs autres à Los Angeles au cours des années 1940, et à Montréal après 1950; les trompettistes Herb Spanier et Fred Stone, ainsi que le flûtiste Alexander Zonjic, originaire de Windsor, en Ontario, et actif au sein de la communauté de jazz fusion au cours des années 1980 et au début des années 1990.

D’autres musiciens d’origine canadienne travaillent au sein de grands orchestres américains, dont les saxophonistes Abe Aarons, Gordon Evans, Moe Koffman, Stuart MacKay et Don Palmer, les guitaristes Arnold « Red » McGarvey et Danny Perri, de même que les trompettistes Chico Alvarez, Jimmy Reynolds et Al Stanwyck.

Les musiciens d’origine canadienne qui ont œuvré au sein de la communauté jazz britannique incluent : le saxophoniste Bob Burns, qui travailla au sein de grands orchestres et d’orchestres de studio après les années 1950s; Diz Disley, guitariste pour Stéphane Grappelli pendant les années 1970 et 1980; Art Ellefson; le clarinettiste Wally Fawkes, qui travailla au sein de groupes britanniques « traditionnels » (et qui, comme Diz Disley, fut également un dessinateur de bande dessinée reconnu; il créa la série « Flook » pour le journal londonien Daily Mirror pendant plus de 40 ans); Max Goldberg, le trompettiste soliste le plus demandé des orchestres de danse et de jazz britanniques des années 1930; le trombone Ian McDougall; le compositeur et saxophoniste montréalais John Warren, reconnu pour Tales of the Algonquin (1971), et dont le grand orchestre parcourut l’Europe continentale au cours des années 1970, ainsi que Kenny Wheeler. Les pianistes Wray Downes et Milt Sealey, ainsi que le bassiste Lloyd Thompson, travaillent beaucoup en Europe au milieu des années 1950; le pianiste montréalais Fred Henke et le saxophoniste alto torontois Mike Segal y sont très demandés à la fin des années 1980.

Dans les médias

Le jazz ne profite que d’une exposition limitée à la télévision canadienne. Il y avait les émissions commanditées par la marque Timex diffusées à la télévision de la CBC au cours des années 1950, et plus tard les émissions spéciales de la CBC (y compris celles entièrement consacrées à Mingus et à Ellington), les émissions Oscar Peterson Presents diffusées par la CTV en 1974, l’émission distribuée sous licence Peter Appleyard Presents (de 1977 à 1980), ainsi que la diffusion de spectacles en direct du Festival international de jazz de Montréal au cours des années 1980. En 2000, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) émet une licence à Canwest Media , basé à Winnipeg, pour la mise sur pied de CoolTV, une chaîne de télévision consacrée à la diffusion de vidéos de musique, de spectacles et de films à contenu axé sur le jazz. La chaîne commence à diffuser en 2003, mais met fin à ses opérations en 2008.

La CBC réalise un bon nombre d’émissions radiophoniques, dont plusieurs présentent des prestations de musiciens canadiens, enregistrées spécifiquement pour la chaîne. Parmi ces émissions : 1010 Swing Club (de 1941 à 1948), suivie de Jazz Unlimited (1948 à 1965, avec l’animateur Dick MacDougal jusqu’à son décès en 1957, ensuite avec Phil MacKellar); Jazz at Its Best (1950 à 1976, avec Ted Miller à Montréal); Jazz Workshop (1954 à 1965), mettant en vedette des groupes provenant de diverses villes; Jazz Canadiana (1965 à 1971); Jazz Radio-Canada (1974 à 1980), de Winnipeg avec Mary Nelson et Lee Major; After Hours (1993 à 2001), de Winnipeg, avec Ross Porter; Jazz Beat(1983 à 2003), de Montréal, avec Katie Malloch, ainsi que Tonic, initialement animée par Katie Malloch et Tim Tamashiro, en alternance, puis seulement par Tim Tamashiro après la retraite de Katie en 2012. Pendant plusieurs années, l’émission Jazz en liberté diffusée de Montréal par la CBC et produite à l’Ermitage, présente chaque semaine des concerts d’une demi-heure offerts par les meilleurs musiciens locaux.

Dans le secteur privé, Ted O’Reilly (CJRT-FM, à Toronto), Ron Sweetman et Jacques Emond (tous deux à CKCU-FM, à Ottawa) et Len Dobbin (FM 96, à Montréal) animent tous des émissions de jazz pendant plusieurs années. Une chaîne jazz commerciale, CJAZ, connaît une brève période de popularité à Vancouver au cours du début des années 1980. En 2001, la chaîne CJRT-FM de Toronto adopte un format jazz à temps plein qui diffuse sous le nom de JAZZ.FM91; différents musiciens jazz animent l’émission, y compris les chanteurs Heather Bambrick et Jaymz Bee, le pianiste Joe Sealy et le guitariste Jeff Healey. Entre 2003 et 2007, Canwest Media situé à Winnipeg exploite la chaîne CoolFM, en guise d’accompagnement à leur chaîne de télévision câblée CoolTV.

Cinq magazines canadiens se sont consacrés au jazz : Ad Lib(Toronto, 1944 à 1947); Jazz Panorama (Toronto, 1946 à 1948, rédigé par Helen McNamara et Marion Madghett, puis brièvement par Patrick Scott); Coda (Toronto, 1958 à 2009, fondé par John Norris, et rédigé ensuite par Bill Smith, David Lee, Stuart Broomer, Daryl Angier et Andrew Scott); The Jazz Report (Toronto, 1987 à 2006, publié par le pianiste Bill King et rédigé par Greg Sutherland), ainsi que Planet Jazz (Montréal, 1997 à 2003, rédigé par Carol Robertson). Diverses circulaires, bulletins et autres documents éphémères ont été publiés par les communautés de jazz dans l’ensemble du pays, par exemple Looking Ahead du Coastal Jazz and Blues Society, Yardbird Suite Jazz du Edmonton Jazz Society, Dig! de Jazz Winnipeg et JAM Session, de la Jazz Association of Montréal.

Les journalistes et/ou critiques canadiens ayant œuvré au niveau international dans ce domaine incluent : Greg Buium (pour DownBeat), James Hale et Michael Chamberlain (pour DownBeat et Signal To Noise), ainsi que John Kelman (pour AllAboutJazz.com).

Au Canada, les journalistes suivants se sont consacrés au jazz : Bob Smith (Vancouver Sun); Renee Doruyter ( The Province, publié à Vancouver); Alex Varty ( Georgia Straight, publié à Vancouver); James Adams et Roger Levesque (The Edmonton Journal); Peter Stevens (Windsor Star); Helen Palmer, Alex Barris, Patrick Scott, Jack Batten, Mark Miller, Stuart Broomer et J.D. Considine (The Globe and Mail); Peter Goddard, Val Clery et Geoff Chapman (The Toronto Star); Helen McNamara (Telegram, publié à Toronto); Lois Moody, Peter Hum et Doug Fischer (Ottawa Citizen); Len Dobbin, Juan Rodriguez et le journaliste Paul Wells (Gazette de Montréal); Gilles Archambault (Le Devoir, à Montréal); Alain Brunet (La Presse, à Montréal [AM14] ); Andrew Jones (Option, Jazziz); Marc Chenard (Coda, Jazz Podium, etc.), ainsi que Barry Tepperman (Coda, et Eric Dolphy, a Bio-Discography, Washington 1974, rédigé avec Vladimir Simosko). Les journalistes américains Gene Lees et Helen Oakley Dance (originaire de Toronto) furent également prolifiques à titre de critiques et d’auteurs.

Maisons de disques

Peu d’enregistrements commerciaux d’œuvres de musiciens jazz canadiens ont été effectués au Canada avant les années 1980. Seules la maison de disque Sackville Recordings (voir également Coda) et son étiquette affiliée Onari (voir Bill Smith) mettent l’accent sur la musique jazz, mais les artistes représentés par Sackville sont majoritairement américains. D’autres étiquettes canadiennes démontrent un intérêt sporadique envers les musiciens jazz au cours de cette période : Arc Records (Pat Riccio); Attic Records (Boss Brass, pianist Joel Shulman); Capitol Records (Lee Gagnon et le vibraphoniste Yvan Landry); Chateau (Trump Davidson); Canadian Talent Library Trust (CTL) (Norm Amadio, Ron Collier, et plusieurs autres); GRT (Moe Koffman, la formation Dr. Music de Doug Riley); Hallmark Recordings (la formation Imperial Jazz Band, de Mike White), ainsi qu’Umbrella (Boss Brass et Humber College).

L’étiquette jazz basée au New Jersey, PM, produit sept albums d’artistes canadiens entre 1975 et 1979. Plusieurs autres albums réalisés au cours des années 1970 sont financés et produits par les musiciens eux-mêmes. Jusqu’en 1980, la maison de disques RCI possède la plus importante collection d’enregistrements de musique jazz canadienne, comprenant approximativement 500 albums dont 45 de musiciens jazz. La série d’enregistrements sonores LM de la CBC comprend également des albums jazz.

Plusieurs nouvelles étiquettes consacrées au jazz ou à la musique d’improvisation voient le jour au cours des années 1980 : Innovation (1981), Unisson (1985) et Unity (en 1988, voir John MacLeod) à Toronto; Parkwood (1983) à Windsor; Justin Time (1983), Ambiances magnétiques (1985) et Amplitude (qui lance des albums jazz dès 1989) à Montréal, ainsi que Victo (1987), une initiative du Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Quatre étiquettes californiennes démontrent de l’intérêt pour les musiciens canadiens : Concord (voir A & M), sa maison de disque affiliée The Jazz Alliance (lancée en 1991 sous l’égide de Phil Sheridan, anciennement avec Innovation), Nine Winds et Music & Arts. L’étiquette Unity, en particulier, offre aux musiciens l’occasion d’enregistrer sans devoir se conformer au goût du jour.

Inversement, l’étiquette RCI, véritable pilier de l’enregistrement de la musique jazz au Canada pendant de longues années, met un terme à ses activités musicales en 1991 et consacre son dernier album de la série « Anthology of Canadian Music » (Anthologie de la musique canadienne) au jazz; les 51 pistes sont tirées des archives de sa propre étiquette, ainsi que de catalogues commerciaux.

Au début des années 1990, l’adoption massive des technologies numériques favorise la mise sur pied de plusieurs nouvelles étiquettes, dont certaines agissent à titre d’entreprise individuelle consacrée à un seul musicien, ou une seule formation. Alors que les recettes des étiquettes traditionnelles continuent à diminuer en raison du téléchargement numérique, les étiquettes principales voient leurs listes de musiciens jazz raccourcir et un bon nombre de cadres de maisons de disques lancent leurs propres étiquettes de matériel exclusif. Certaines de ces étiquettes parviennent à établir un auditoire international, au moyen de la distribution de contrats de licences ou de livraison numérique. Les étiquettes Songlines, Maximum Jazz, Drip Audio, Cellar Live, Barnyard Records, True North et Cornerstone réussissent à obtenir un certain succès.

La formation en matière de jazz

Souffrant d’un décalage de dix ans au niveau de la croissance comparativement aux États-Unis, les programmes de formation en matière de jazz au secondaire ont été défendus principalement par l’ancien chef d’orchestre Phil Nimmons. Étant lui-même diplômé des programmes de musique classique de la Juilliard School et du Royal Conservatory of Music, Phil Nimmons se joint au pianiste Oscar Peterson et au bassiste Ray Brown en 1960 pour mettre sur pied l’Advanced School of Contemporary Music, exploitée à partir de la résidence torontoise de Peterson.

En 1969, Phil Nimmons endosse le poste de directeur du programme de formation en jazz de la University of New Brunswick; l’année suivante, il devient cofondateur, avec Oscar Peterson de l’atelier estival de jazz de la Banff School of Fine Arts (aujourd’hui le Banff Centre for the Arts; le programme s’appelle désormais le Banff International Workshop in Jazz and Creative Music). Par la suite, il commence à enseigner les techniques du jazz à la faculté de musique de la University of Toronto, en 1973. Quarante ans plus tard, il est toujours partiellement actif au sein du programme à titre directeur honoraire du programme de formation en musique jazz, rôle qu’il avait endossé en 1991 peu après que l’université ait commencé à offrir un diplôme en musique jazz. Phil Nimmons met également sur pied un programme de musique jazz à la University of Western Ontario (aujourd’hui la Western University).

À l’aube des années 1990, plusieurs des principales universités canadiennes offraient des cours de musique jazz dans le cadre de leur programme complet de formation musicale, mais le baccalauréat en musique jazz ne devient accessible qu’au cours des années 2000. Cette croissance est encouragée par de nombreux collèges communautaires dont les mandats avaient été modifiés dans le but de les transformer en universités à part entière, y compris le Malaspina College (aujourd’hui la Vancouver Island University) à Nanaimo, le Grant MacEwan College (aujourd’hui la MacEwan University) à Edmonton, et le Ryerson Institute of Technology (aujourd’hui la Ryerson University) à Toronto. D’autres collèges, dont le Capilano College de North Vancouver et le Humber College de Toronto offraient également des programmes avec diplôme qui mettaient l’accent sur les aspects professionnels et techniques de la carrière de musicien jazz.

En 2013, les programmes de jazz de la University of Manitoba, de la York University, de la University of Toronto, de l’Université Concordia et de l’Université McGill (qui offre les programmes menant à un grade les plus reconnus) attirent des étudiants de plusieurs pays, y compris des États-Unis, où les frais de scolarité sont habituellement beaucoup plus élevés.

Salles et festivals de musique jazz

Étant un style musical fondamentalement urbain, le jazz a toujours été appuyé dans la plupart des grandes villes canadiennes. Dès les années 1950, le jazz établit son territoire dans les boîtes de nuit : The Cellar et le Glass Slipper à Vancouver; le Yardbird Suite (dans ses multiples incarnations) à Edmonton; les tavernes Colonial et Town, George’s Spaghetti House, Bourbon Street, le Montréal Bistro, The Rex et Top O’ The Senator à Toronto; Take Five et After Eight à Ottawa; Rockhead’s Paradise, Café St-Michel, La Jazztek, Le Jazz Hot, le Rising Sun et Biddle’s à Montréal, ainsi que l’Hôtel Clarendon à Québec .

La popularité grandissante des médias numériques vers la fin des années 1990 et au début des années 2000 cause une réduction importante de l’auditoire des spectacles en direct, et cette baisse est ressentie par tous les styles musicaux. Parmi toutes les boîtes de nuit populaires des années 1990, seules le Cellar, à Vancouver, le Yardbird Suite à Edmonton et The Rex à Toronto étaient toujours ouvertes en 2013. L’ouverture de nouvelles boîtes de nuit, dont le Jazz Bistro à Toronto, l’Upstairs et l’Astral à Montréal et le Largo à Québec parmi les plus notoires, ne suffit pas à combler le vide laissé par l’échec des anciens établissements.

Les festivals de jazz estivaux prennent de l’ampleur à la fin des années 1970; des évènements se déroulant à Edmonton, à Montréal et à Ottawa sont tous lancés à une année d’intervalle. D’autres festivals s’ajoutent au mouvement, récoltant des niveaux de réussite variables. De loin le plus populaire, le Festival international de jazz de Montréal devient le plus important festival de ce type au monde dès sa première décennie d’existence. De Victoria à Halifax, les huit festivals les plus populaires profitent d’une avancée importante en 2002, lorsque le Groupe financier de la Banque TD leur accorde un financement à long terme (jusqu’en 2014). Cette commandite permet aux festivals déployés dans des marchés plus restreints, comme à Ottawa et à Saskatoon, de profiter des mêmes artistes vedettes que les festivals de Vancouver, Toronto et Montréal. Chacun de ces festivals offre un bon nombre d’occasions de spectacles pour les artistes canadiens; ils débouchent parfois sur des tournées nationales et présentent les artistes à des auditoires plus vastes. Des festivals de plus petite envergure se développèrent également dans des régions moins peuplées, y compris à Pender Harbour en Colombie-Britannique, à Guelph en Ontario, à Rimouski au Québec, ainsi que dans la ville de Québec.

Une version de cet extrait a été publiée initialement dans la « Encyclopedia of Music in Canada ».

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