Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
À 19 ans, puis après avoir eu mes 20 ans, j'ai eu mon appel de mobilisation. Je me suis présenté, j'ai été à Longueuil qui était Montréal-Sud à l'époque, de l'autre bord du pont Jacques-Cartier. Et puis j'ai rentré dans l'artillerie. Je vais vous dire pourquoi j'ai rentré dans l'artillerie : parce que j'ai travaillé avec des vétérans de 1914-1918 puis on travaillait avant ça dans la construction aussi. On avait bien de la misère là, le boss s'est mis à pelleter de la « garnotte » (pierre concassée), du ¾ de pouce avec une pèle numéro 4 en arrière du mixeur. Il avait une épaule d'argent, il a vait eu du shrapnel (éclats d’obus) en '14–'18 puis il avait une jambe qui avait été fracturée. Ça fait qu'il m'a dit, toi qui aime les chevaux là, il d it, pourquoi est-ce que que tu irais dans l'infanterie, dans l'armée ? Il dit, va donc dans l'artillerie, il dit, tu vas être bien, tu vas être en arrière des lignes. Il dit, tu va coucher chez les paysans. Ça fait que quand j'ai été appelé, j'ai demandé, j'ai passé mon test et puis j'étais bon pour l'artillerie. C'est pour ça que j'étais un des derniers artilleurs qui a été avec le [Royal Canadian] Horse Artillery à Petawawa. Les chevaux, il y avait une grosse montagne de charbon et l'hiver on distribuait le charbon. On distribuait le ravitaillement pour, je ne m'en souviens plus combien de cuisines - il y avait de tout. On ramassait le « swill » (la pâtée) qu'on vendait aux habitants de Mattawa. Ils venaient chercher ça, ils faisaient bouillir ça dans des conteneurs de bois. Il y avait des « boilers » (chaudières). Et puis en hiver on coupait de la glace sur la rivière, et on distribuait la glace pour les glacières. Quand ils se sont débarrassés des chevaux, ils m'ont envoyé directement en Angleterre.
Quand je suis arrivé en Belgique, ils sont venus me chercher. Ils m'ont ramené
dans
une
«
reinforcement
unit
»
(unité de renfort)
. Ils m'ont amené dans le 5e
Régiment
de
Campagne
de
l'artillerie
[5th Field Regiment Artillery]
. J'ai fait
quatre
mois à peu
près de campagne en
Hollande et puis après on a traversé le
R
hin
,
on a été en Allemagne.
Ils nous avaient avertis
, ça va être dangereux, il y a les
SS
[Schutzstaffel], les choses, les
Hitler
jugend
[la jeunesse hitlérienne]
en Allemagne.
Ils ne se
donneront pas. Tout le
contraire, parce qu'on avait fait un «
sweeping
» (balayage) avant de traverser. On avait
fait au-dessus de
cinq
milles
canons
et mortiers, un «
sweeping
». Et là, ça a bien été. Ils
étaient tous camarades quand on rentrait puis je suis allé
...
avec des fusils. Les
camarades se donnaient prisonniers. On a eu des quantités de prisonniers jusqu'au «
ceasefire
»
(cessez-le-feu)
qui était le 8 de mai, en 1945. Après ça, on a fait l'armée
d'occupation.
Je suis
parti
de
la 2e
Division, 5e
Field
. Et puis ils m'ont transféré dans le
«second third
div
», la seconde 3e division
[2/3
e
division de la Force d’occupation de
l’armée canadienne]
avec les patches
[insignes]
gris
avec un petit bar en dessous. La
première division avait juste un patch. On faisait de l'occupation. On faisait des
sweeping
, on ramassait les
SS. Ils nous prenaient quasiment comme pour les libérés
parce que les
SS
les descendaient. Les
SS
n'étaient pas
au
front
line
(sur la ligne de
front);
ils étaient en arrière puis ils les descendaient. Pendant un bout,
les
Américains
avaient beaucoup bombardé,
surtout les
[missiles allemands]
V
-
2. Ils y avaient des places
on ne pouvait plus, où il y avait des milliers de V
-
2, tous
berdassés.
Puis à des places où
on ne pouvait plus
avancer, les
Allemands, les
vieillards,
les femmes, on leur disait
[en
allemand],
Warum
du
viel
arbeit
[Pourquoi vous travaillez beaucoup?]
Elle
dit,
Nicht viel
arbeit
[pas beaucoup travail]
-
Elle
dit,
Ruski,
Ruski!
Elle
m'a
montré; ils avaient peur
des
Russes. Puis ils nous déblayaient la route pour qu'on aille les arrêter. On a délivré les camps de travaillants russes. Quand j'ai traversé, j'étais 14 jours de traverse, 8 jours
de tempête, c'était dur. On avait toujours peur de se faire torpiller, on avait toujours une
ceinture de sauvetage avec une lumière pris après nos épaulettes, une petite lumière
pour
qu’il
s
puissent
nous récupérer dans la nuit, avec des batteries dans nos poches.
Et
notre gourde à eau bien entendu parce que l'eau
salée
ça
ne
se boit pas. Quand on est
revenu, la traversée
a été bien belle. Au lieu de 24 heures par jour, je pense qu'on avait
25-26 heures par rapport
à la
hauteur. Et lors
du
«
Welcome Home Canada
» quand on est
arrivé, on était content.