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Joane Cardinal-Schubert

Joane Cardinal-Schubert, membre de l’Académie royale des arts du Canada, artiste (née en 1942 à Red Deer, en Alberta, décédée le 16 septembre 2009 à Calgary, en Alberta). Joane Cardinal-Schubert, artiste primée de la Première nation Kainaiwa (Blood), connaît en carrière un grand succès et beaucoup d’influence à titre de conservatrice de musée, de conférencière, de poète et de directrice vidéo et de théâtre autochtone. Bon nombre de ses œuvres d’art et de ses écrits portent sur des enjeux politiques contemporains comme la souveraineté des peuples autochtones, l’appropriation culturelle et les préoccupations environnementales. Elle appuie certains autres artistes autochtones en tant que conservatrice et militante et remet en question les méthodes employées pour présenter les œuvres d’art autochtones historiques et contemporaines. Joane Cardinal-Schubert est membre de l’Académie royale des arts du Canada et lauréate de la Médaille du Jubilé de la reine Elizabeth II, de la Médaille commémorative du Canada et du Prix national d’excellence décerné aux Autochtones pour les arts.

Jeunesse et éducation

Le père de Joane Cardinal-Schubert, Joseph Cardinal, est membre de la Première nation Kainai; sa mère, Frances Rach, est d’origine allemande. Quatrième d’une famille de huit enfants, Joane Cardinal-Schubert grandit au sein d’une communauté majoritairement blanche à Red Deer, en Alberta. Elle fréquente le couvent St. Joseph’s, dans le nord de la ville, jusqu’à la 4e année. Là-bas, elle est très peu exposée aux activités culturelles autochtones. S’intéressant de plus en plus à son patrimoine, elle mène des recherches sur l’histoire des Premières nations et l’impact négatif du colonialisme européen sur les peuples autochtones.

Joane Cardinal-Schubert fréquente l’Alberta College of Art (aujourd’hui l’Alberta College of Art and Design) de 1962 à 1964, puis de nouveau en 1966-1967, où elle étudie la peinture, la gravure et le multimédia. Après avoir entamé un programme de baccalauréat à l’ Université de l’Alberta en 1973, elle décide d’effectuer un transfert à l’Université de Calgary la même année. En 1977, elle décroche un baccalauréat en beaux-arts avec spécialisation en peinture et en gravure.

Début de carrière

Joane Cardinal-Schubert présente sa première exposition solo en 1978 à la Muttart Public Art Gallery, établissement alors nouvellement ouvert à Calgary, qui porte aujourd’hui le nom de Calgary Art Gallery. Plus tard la même année, l’artiste présente une exposition à la galerie d’art de l’Université de Calgary, événement intitulé Great Canadian Dream: Canadian Heroes. Réunissant des dessins, de grandes peintures et des installations artistiques de Joane Cardinal-Schubert, cette exposition naît du désir de l’artiste de faire connaître de vrais « héros canadiens  ». On retrouve ainsi dans ses œuvres des personnages comme Emily Carr, Big Bear, Crowfoot, Poundmaker et Red Crow. Vers la fin des années 1970, l’artiste fait la connaissance de Peter Ohler Sr., ancien quart-arrière des Lions de la Colombie-Britannique devenu marchand d’art. Celui-ci, après avoir acheté une douzaine d’œuvres de Joane Cardinal-Schubert, commence à représenter l’artiste par l’intermédiaire de son entreprise Masters Gallery Ltd. établie à Calgary.

En plus de sa peinture et de son écriture, Joane Cardinal-Schubert travaille comme conservatrice adjointe à la galerie d’art de l’Université de Calgary en 1978, puis au musée d’art Nickle de Calgary de 1979 à 1985. Elle démissionne de ce poste en 1985 pour devenir artiste à plein temps. La même année, elle est élue à l’Académie royale des arts du Canada, institution dont elle devient officiellement membre en 1986.

Joane Cardinal-Schubert connaît de plus en plus de succès et de reconnaissance entre 1985 et 1989. En 1985, Joane Cardinal-Schubert: This is My History, une exposition d’œuvres réalisées sur papier et sur toile, est mise sur pied par le Thunder Bay National Exhibition Centre and Centre for Indian Art (maintenant connu sous le nom de Thunder Bay Art Gallery).L’année suivante, les œuvres de l’artiste sont incluses dans une exposition collective organisée par la nouvelle Thunder Bay Art Gallery. L’exposition, intitulée Stardusters: New Works by Jane Ash Poitras, Pierre Sioui, Joane Cardinal-Schubert, Edward Poitras et préparée par le conservateur Garry Mainprize, sera par la suite présentée dans différentes autres villes canadiennes.

Tableaux et installations artistiques

Alors que les premières peintures de Joane Cardinal-Schubert des années 1960 sont décrites comme « peu cohésives et de nature expérimentale », son style, quelques décennies plus tard, se caractérise par des couleurs vives combinées à une iconographie autochtone et à des techniques artistiques européennes (bien qu’elle affirmera en 1997 ne jamais avoir voulu reproduire les styles artistiques occidentaux). L’artiste raconte avoir été horrifiée après avoir entendu un critique d’art comparer son utilisation précoce de couleurs à celle du peintre postimpressionniste Paul Gauguin (1848-1903), propos qui l’ont poussée à immédiatement cesser d’utiliser des « couleurs pleinement saturées ».

En 1983, Joane Cardinal-Schubert visite le site de Stonehenge en Angleterre. À son retour au Canada, inspirée par son voyage, elle entame une série de peintures, dont Ancient Voices Beneath the Ground – Stonehenge (1983). L’artiste puise également une grande partie de son inspiration dans les pictogrammes (images peintes sur une surface de pierre lisse) du parc provincial Writing-On-Stone à Milk River, dans le sud de l’Alberta.

L’iconographie autochtone est au cœur du travail artistique de Joane Cardinal-Schubert, qui souhaite s’exprimer politiquement en faisant référence aux connaissances et à la spiritualité autochtones. La conservatrice de musée Deborah Godin note en 1985 que l’un des symboles les plus souvent représentés dans les peintures de Joane Cardinal-Schubert est le dôme de suerie, semblant souvent flotter au-dessus d’autres images, un peu comme s’il encerclait ou protégeait les personnages et les structures se trouvant au-dessous.

Un autre symbole important dans plusieurs des œuvres de Joane Cardinal-Schubert est la tunique de guerre, représentée notamment dans la peinture Warshirt: A Declaration (1986), laquelle incorpore également du texte manuscrit. Les mots prennent au fil du temps de plus en plus de place dans les œuvres de Joane Cardinal-Schubert, non seulement dans ses peintures, mais aussi dans des installations artistiques comme Preservation of the Species: DECONSTRUCTIVISTS (This is the House that Joe Built) (1990)et The Lesson (1989), qui incorporent toutes deux des tableaux noirs et du texte écrit à la craie blanche. L’artiste fait ici allusion à la problématique de l’éducation autochtone, particulièrement – bien que non exclusivement – du point de vue des pensionnats indiens au Canada. Avec ces œuvres, Joane Cardinal-Schubert souhaite rééduquer son auditoire quant aux cultures autochtones et aux effets de la colonisation.

En même temps, Joane Cardinal-Schubert critique sévèrement les pratiques adoptées par les galeries d’art et musées occidentaux, notamment en ce qui concerne leur tendance à faire disparaître les peuples autochtones de leur histoire et de leur culture et à convertir leur art en simples artefacts. On prend ainsi un aspect vital d’une communauté pour lui apposer l’étiquette « autre ». Joane Cardinal-Schubert n’y va pas par quatre chemins pour décrire ces faits : « Quels souvenirs matériels les Autochtones possèdent-ils de leurs grands-parents et arrière-grands-parents? Aucun. Car tous ces objets sont entassés dans des tiroirs des musées d’Ottawa. »

Grandes expositions

DECONSTRUCTIVISTS est inclus dans l’exposition Indigena de 1992, présentant des œuvres d’art autochtones contemporaines et mise sur pied par le Musée canadien des civilisations (aujourd’hui, le Musée canadien de l’histoire). En 1997, le Muttart Public Art Gallery de Calgary présente une rétrospective de la carrière de l’artiste dans le cadre d’une exposition intitulée Joane Cardinal-Schubert: Two Decades.

En plus de ces deux expositions, les œuvres de Joane Cardinal-Schubert sont incluses dans plus de 26 expositions solo au Canada, aux États-Unis et en Europe. Le travail de l’artiste est également incorporé à de nombreuses expositions collectives présentées aux quatre coins du monde. C’est le cas notamment en 1984, lorsqu’elle se rend au Japon et en Corée avec l’Alberta Society of Artists pour participer à l’exposition Sharing Visions.

Ce groupe albertain met également sur pied une rétrospective posthume du travail artistique de Joane Cardinal Schubert, présentant plusieurs de ses estampes dessinées à la main, de ses dessins et de ses œuvres à techniques mixtes. La rétrospective est présentée dans le cadre du programme d’expositions itinérantes de l’Alberta Foundation for the Arts au Red Deer Museum and Art Gallery en 2014.

Vie personnelle

Joane Cardinal-Schubert s’éteint le 16 septembre 2009 après un long combat contre le cancer. Elle laisse dans le deuil Eckehart « Mike » Schubert, qu’elle a rencontré à l’école secondaire et épousé en 1965, et deux fils, Christopher et Justin.

Héritage

La dernière année de sa vie, Joane Cardinal-Schubert, au nom de l’Alberta Foundation for the Arts, sillonne l’Alberta pour rencontrer d’autres artistes des Premières nations et trouver des œuvres d’art de différentes phases de leur carrière qui n’auraient pas été représentées dans la collection de la Fondation. Tout au long de sa carrière, Joane Cardinal-Schubert appuie les artistes autochtones. Pendant plusieurs années, elle travaille comme lobbyiste pour la Society of Canadian Artists of Native Ancestry (SCANA). Ses écrits ont été inclus dans de nombreux catalogues d’expositions et d’autres textes, notamment dans son discours d’ouverture de la conférence Making a Noise! Aboriginal Perspectives on Art, Art History, Critical Writing and Community (2004).

Prix et distinctions

Joane Cardinal-Schubert reçoit en carrière de nombreux prix, la plupart au cours des deux dernières décennies de sa vie d’artiste. En 1986, elle à être nommée membre de l’Académie royale des arts du Canada. En 1993, elle se voit décerner la médaille commémorative pour sa contribution aux arts. En 2002, elle reçoit la Médaille du Jubilé de la reine Elizabeth II, puis, en 2003, elle obtient un doctorat honorifique en droit de l’Université de Calgary. Dans le cadre des célébrations entourant le centenaire de l’Alberta en 2005, le gouvernement provincial remet en cadeau au Musée des beaux-arts du Canada la peinture Song of My Dream, Bed Dance (1995) de Joane Cardinal-Schubert.

En 2006, Joane Cardinal-Schubert se voit décerner un prix d’excellence des anciens du conseil d’administration de l’Alberta College of Art and Design. L’année suivante, elle reçoit le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones (aujourd’hui, Indspire Awards) dans la catégorie des arts. La déclaration lue pour annoncer son prix contient ces propos élogieux : « À la fois écrivaine, conservatrice de musée, conférencière, poète et militante pour les arts autochtones, Joane Cardinal-Schubert encourage les artistes autochtones d’un bout à l’autre du continent à contester l’ordre établi et à se réapproprier leur identité créative. Elle a su donner une place à l’art autochtone au Canada, un art qui est maintenant respecté et apprécié et qui repousse constamment les limites. »

Après avoir reçu le prix national, Joane Cardinal-Schubert est honorée au collège Red Crow de la réserve Kainai, dans le sud de l’Alberta; on lui remet alors une plume d’aigle au nom de la communauté, en reconnaissance du prix de la Fondation dont elle est récipiendaire. On nomme l’école secondaire Joane Cardinal-Schubert à Calgary en l’honneur de l’artiste.