Jeunesse et formation
La famille de Jordin demeure à Rankin Inlet, au Nunavut, lorsqu’il voit le jour le 2 février 1983. Comme cela se fait régulièrement à l’époque, Rose Tootoo doit se rendre jusqu’à l’hôpital de Churchill pour accoucher. Jordin est le troisième enfant de Rose et Barney Tootoo. Il a une sœur aînée, Corinne Pilakapsi, et un frère aîné, Terence Tootoo.
Enfant, il fréquente l’école élémentaire Leo Ussak à Rankin Inlet. À 13 ans, il quitte la maison pour la première fois pour jouer au hockey et aller à l’école à Fort Providence, dans les Territoires du Nord‑Ouest. En 1997‑1998, il continue à pratiquer ce sport et est scolarisé à Spruce Grove, en Alberta, où il est hébergé dans une famille autochtone. Non seulement il est plus ou moins considéré comme un intrus dans les différentes écoles qu’il fréquente après l’école élémentaire, mais il est également victime d’intimidation, comme Autochtone, à Spruce Grove. Toutefois, c’est un battant, et, comme il le fera plus tard sur la glace, il ne se laisse pas faire et riposte jusqu’à ce que ses agresseurs le laissent tranquille.
Dès son plus jeune âge, il passe du temps dans la nature avec sa famille pour chasser, pêcher et camper. Il attribue les qualités de résistance qu’il a dû mobiliser pour persévérer et atteindre ses objectifs, aussi bien dans le hockey que dans la vie, à la solidité physique et mentale, acquise sur le terrain, dans sa jeunesse, dans la pratique de ces différentes activités. Aujourd’hui, quand il se rend dans des collectivités inuites, il évoque souvent l’importance de préserver la culture et les traditions inuites et de maintenir un lien puissant avec la terre.
Carrière de joueur de hockey
Hockey mineur
Jordin Tootoo passe la plupart de ses années dans le hockey mineur à jouer à des jeux non organisés avec les autres enfants de Rankin Inlet. Sous la houlette de son père, Barney Tootoo, et d’autres entraîneurs, les jeunes jouent, plusieurs fois par semaine, au hockey sur l’aréna local, non chauffé, de glace naturelle, et pratiquent également le hockey de ruelle sur des routes de gravier recouvertes de neige. Durant l’hiver, ils jouent également des parties improvisées sur le lac Williamson situé à proximité. Dans ce cadre, il n’y a pas d’équipe organisée et les règles habituelles du hockey ne s’appliquent pas. Les tournois sont rares. Jordin Tootoo estime que son style de jeu rugueux trouve son origine à Rankin Inlet, lorsque des garçons plus âgés lui ont appris à se battre et à dépasser ses limites mentales et physiques sur la glace.
Hockey junior : le « train Tootoo »
Les Blizzard de la Nation des Cris d’Opaskwayak (NCO), de la Ligue de hockey junior du Manitoba, font signer Jordin Tootoo pour la saison 1998‑1999. Là, il retrouve son frère aîné, Terence, qui a intégré l’équipe en 1997. Les deux frères, qui jouent au sein du même trio d’attaque, vivent à The Pas, au Manitoba. Cette saison sera la dernière au cours de laquelle ils vont jouer ensemble au hockey. En 1999, alors qu’il n’est âgé que de 16 ans et fréquente encore l’école secondaire, Jordin intègre les Wheat Kings de Brandon de la Ligue de hockey de l’Ouest (voir Hockey junior canadien). En quatre saisons, il discute 220 matchs avec les Wheat Kings, accumulant un total de 209 points.
Au cours de sa première année à Brandon, il ne marque que 6 buts en 45 matchs, mais totalise 217 minutes de pénalité. Déjà dans la mire de Hockey Canada depuis ses débuts au hockey mineur en Alberta, il est sélectionné, lors de sa première année dans le hockey junior, pour jouer dans deux équipes faisant partie du programme d’excellence de Hockey Canada : Équipe Ouest et l’équipe du Tournoi des quatre nations.
Chez les Wheat Kings, Jordin Tootoo porte le numéro « 22 », un jeu de mots sur son nom de famille (tootoo = two [2] two [2]). Durant toute sa carrière en LNH, il continuera à porter ce même numéro.
Hockey professionnel
Le 29 mai, les Predators de Nashville sélectionnent Jordin Tootoo en 98e position globale du repêchage d’entrée 2001 de la Ligue nationale de hockey. À l’automne 2001, il participe à son premier entraînement d’intersaison de la LNH avant de retourner jouer au hockey junior pour deux saisons supplémentaires à Brandon. En 2003, les Predators font appel à lui. Lors du lock‑out de la LNH en 2004‑2005, il joue pour les Admirals de Milwaukee, l’équipe‑école des Predators en Ligue américaine de hockey. Au cours de la saison 2005‑2006, il se partage entre l’équipe de Nashville et celle de Milwaukee, avant d’intégrer régulièrement les Predators en LNH lors de la saison 2006‑2007. En 2010‑2011, les Predators continuent de le soutenir tout au long de son programme de traitement de la dépendance à l’alcool (programme de réadaptation) organisé par l’Association des joueurs de la LNH. Il connaît sa meilleure saison en LNH après avoir réintégré l’équipe de Nashville en 2011‑2012, marquant 30 points (6 buts et 24 aides).
En 2012, il est recruté par les Red Wings de Détroit pour deux saisons. De 2014 à 2016, il joue également pour les Devils du New Jersey, avant de terminer sa carrière en LNH avec les Blackhawks de Chicago en 2016‑2017.
Compétitions internationales
Jordin Tootoo est membre de l’équipe canadienne autochtone des moins de 20 ans nouvellement créée à l’occasion du Universal Players Hockey Tournament de 1999 en Finlande. Toujours en 1999, il est sélectionné pour jouer avec Équipe Ouest lors du Défi mondial de hockey des moins de 17 ans qui se tient à Timmins, en Ontario. En 2000, il est capitaine de l’équipe canadienne des moins de 18 ans du Tournoi des quatre nations (devenu la Coupe Hlinka Gretzky) en Slovaquie. En 2003, il est le premier Inuit à jouer pour Équipe Canada, à l’occasion des Championnats du monde de hockey junior.
Contre toute attente…
Jordin Tootoo réussit à franchir un certain nombre d’obstacles qui semblaient insurmontables : avec son petit gabarit, 1,75 m (5 pi 9 po) pour 90 kg (199 lb), il ne correspond pas à la norme habituelle en la matière en LNH; il ne débute le hockey organisé en compétition qu’à l’adolescence; il vient d’une petite collectivité nordique éloignée présentant un degré élevé de dysfonctionnement, notamment en matière d’alcoolisme et de violence, deux phénomènes qu’il rencontre au sein de sa famille proche; à 13 ans, pour réaliser son rêve de jouer au hockey en compétition, il doit quitter son domicile et s’intégrer dans une autre culture où il est victime du racisme et d’intimidations; en 2002, son frère aîné bien‑aimé, Terence, se suicide après avoir été arrêté pour conduite avec des facultés affaiblies; enfin, il doit affronter ses propres problèmes de dépendance en 2010. N’importe lequel de ces facteurs aurait pu amener le natif de Churchill à renoncer à ses rêves de devenir hockeyeur. Mais il s’est obstiné et a réussi à surmonter tous les obstacles.
Retraite
Le 18 octobre 2018, Jordin Tootoo annonce sa retraite de la LNH à Brandon, au Manitoba, là‑même où il est devenu une vedette du hockey junior en jouant pour les Wheat Kings en LHOu. En 13 saisons en LNH, il a disputé 723 matchs, inscrivant 65 buts et accumulant 1 010 minutes de pénalité. Il faut également ajouter 3 buts et 10 points en 42 matchs en séries éliminatoires de la LNH. En annonçant sa retraite, il explique qu’il a comme projet de s’investir auprès de la communauté autochtone en racontant sa propre histoire, avec pour objectif de mettre l’accent sur la sensibilisation en matière de santé mentale et sur la prévention du suicide (voir Suicide chez les Autochtones au Canada).
Vie de famille
Jordin Tootoo fait partie d’une grande famille très unie, composée des Tootoo et des Hickes, du côté de son père. Ces deux noms sont bien connus dans le monde politique du Nord. En effet, Hunter Tootoo est député à l’Assemblée législative du Nunavut et George Hickes fils, ancien ministre de la Santé, a été nommé, en juin 2018, ministre des Finances du Nunavut (voir Gouvernements territoriaux au Canada). George Hickes père a été, quant à lui, président de l’Assemblée législative du Manitoba. Jordin Tootoo épouse Jennifer Salvaggio en 2014, avec laquelle il a deux filles, Siena (née en 2016) et Avery (née en 2018).
Philanthropie
Jordin Tootoo lance le fonds Team Tootoo en 2011, avec pour objectif de collecter des fonds pour des œuvres caritatives, de sensibiliser les jeunes au suicide et de conduire des actions de prévention en la matière, ainsi que de soutenir les jeunes à risque. Lorsqu’il s’adresse aux jeunes du Nord, il les encourage à maintenir vivantes les traditions inuites.
Importance
La vie de Jordin Tootoo constitue une épopée typiquement canadienne. C’est l’histoire d’un jeune garçon autochtone d’origine inuite qui, contre toute attente, réussit à surmonter toute une série d’obstacles, à jouer 13 saisons en LNH, à devenir un modèle pour les jeunes et les moins jeunes et à s’investir auprès de sa communauté élargie, par le biais d’une fondation caritative, et ce, tout en maintenant des liens étroits avec sa famille, son cercle d’origine et sa culture.
Distinctions
2000- Nommé sportif de l’année au Manitoba
Prix
1998‑1999
- Recrue de l’année, joueur le plus populaire de l’année, Blizzard de la NCO
2001
- Joueur du mois de la LHOu en décembre
- Joueur de la semaine du 23 au 30 décembre
- Sélectionné pour le match des joueurs les plus prometteurs de la LCH/LNH
- Tir le plus puissant lors de l’évaluation des compétences des joueurs les plus prometteurs, avec 154,6 km/h (96,1 mi/h)
2002
- Joueur de la semaine en LHOu du 11 au 17 novembre
- Prix national d’excellence décerné aux Autochtones (aujourd’hui prix Indspire), catégorie Jeunesse
2017
- Médaille du service méritoire (Canada)