Jouets et jeux
Au XIXe siècle, les Canadiens partagent les vues de l'époque victorienne sur l'éducation des enfants selon lesquelles les enfants constituent un groupe à part et qu'ils ont besoin de jeux et de divertissements tout autant que d'une éducation stricte et d'un enseignement religieux. Cette façon de penser coïncide avec l'introduction des méthodes de production de masse. Les fabricants de jouets en Angleterre, en France, en Allemagne et, après 1850, aux États-Unis répondent à la demande de leurs propres marchés et exportent aussi vers le Canada. Entre 1860 et 1915, quelque 20 entreprises fabriquent des jouets au pays.Les jouets canadiens sont surtout faits de bois, matériau abondant et peu coûteux. À l'époque, comme aujourd'hui, le jeu a pour fonction de préparer l'enfant au monde adulte et, conséquemment, les jouets sont un reflet du monde en miniature. Les premiers jouets de bois sont des meubles, des véhicules et des chevaux. Sur demande spéciale, il arrive que des ébénistes fabriquent des tables, des chaises, des lits, des berceaux, des commodes, des vaisseliers et des buffets miniatures. Dans les années 1860, les fabricants de chaises, de voitures, de chariots et de traîneaux annoncent des modèles format réduit destinés aux enfants; certains offrent aussi des jouets. De 1880 à 1890, la compagnie C.T. Brandon de Toronto ajoute des tomahawks, des chariots, des charrettes et des planches à laver pour enfants à sa liste d'ARTICLES DE BOIS. En 1890, la compagnie Gendron de Toronto, l'un des plus vieux fabricants de jouets au Canada (de 1890 à 1970), offre des voitures, des charrettes et des brouettes pour enfants ainsi que d'autres jouets en bois. Les voitures d'enfants suivent la dernière mode, de même que les voitures jouets. Deux ateliers de poterie annoncent des jouets de terre cuite. En 1851, James Bailey de Bowmanville (Ontario) propose des jouets moulés et, dans les années 1880, la St. John Stone Chinaware de Saint-Jean (Québec) fabrique de la vaisselle de poupée en grès bleue ou blanche.
À l'époque, seulement deux artisans se consacrent exclusivement à la fabrication de jouets. En 1876, Édouard Alfred Martineau, de Montréal, fabrique des jouets en bois jusqu'en 1914, avant de se lancer dans le commerce de détail. En 1881, Mositz Lindner, de Berlin (Kitchener, Ontario), fabrique des chevaux à bascule et des jouets. Cosgrove and Co. (1890-1891) et la Berlin Novelty Works (1899), situées aussi à Berlin, fabriquent des chevaux berçants ou chevaux à bascule, probablement comme production secondaire. Sans doute ces compagnies fabriquent-elles également d'autres jouets populaires comme les chevaux à bascule sur plateforme fixe, les petits chevaux sur roulettes et, pour les tout-petits, le siège berçant constitué de deux planches taillées en forme de cheval, montées sur bascule et jointes par un siège plat.
À la fin du XIXe siècle, on s'adonne aux ÉCHECS, au jeu de dames, au cribbage, au jeu de trictrac ou backgammon, aux dominos, au parchési et on fait des casse-tête (voir JEUX). Le jeu de dames est particulièrement populaire au Québec et les gens fabriquent leurs propres damiers. Le croquet, en vogue aux États-Unis dans les années 1860, se joue beaucoup au Canada. En 1871, deux entreprises torontoises de tournage du bois, Hastings and Peterkin et Leslie and Garden, fabriquent des jeux de croquet pour pelouse ou salon.
Même s'il existe beaucoup de jouets sur le marché, ce ne sont pas tous les enfants qui en profitent. Pour certains, le jeu est un luxe qu'ils ne peuvent se permettre. Les enfants d'agriculteurs doivent accomplir de menus travaux et, dans les villes, des enfants d'à peine 10 ans travaillent parfois 9 heures par jour dans les manufactures, jusqu'à ce qu'une loi provinciale, adoptée en 1880, interdise cette pratique. Pour ces enfants, les jouets sont improvisés ou fabriqués à la maison à partir des matériaux qu'ils ont sous la main.
La Première Guerre mondiale a pour effet de ralentir la fabrication de jouets en Angleterre et en Allemagne et de favoriser l'industrie canadienne. Les planchettes de jeu de croquignoles, les navires de guerre pour enfants et les jeux de construction s'ajoutent aux premiers jouets de bois. Entre 1915 et 1920, on compte 80 entreprises artisanales ou compagnies qui fabriquent des jouets; certaines ne dureront qu'un an, alors que d'autres font faillite en raison de la forte concurrence d'après-guerre. Un plus grand nombre d'entreprises de produits divers fabriquent aussi des jouets en cuivre, en étain, en fer, en plomb ou en caoutchouc. Quelques-unes d'entre elles, comme la compagnie Dominion Toy Manufacturing de Toronto (de 1911 à 1934), fabriquent des poupées et des animaux en peluche. De son côté, l'industrie artisanale, alors en pleine expansion, offre une grande variété de poupées de chiffon. Certaines compagnies, dont la Toy Soldier Novelty (Kitchener, Ontario) et la Beaver Toy Manufacturing Co. (Toronto) fabriquent des soldats de plomb; l'Incandescent Light Co. (Toronto) fabrique des clairons et des trompettes pour enfants. Pour sa part, la Consolidated Rubber (Toronto) fabrique des balles de caoutchouc, des rondelles de hockey, des hochets et des animaux. L'Ideal Bedding (Toronto) offre une ligne de mobilier miniature en cuivre. La Thomas Davidson Manufacturing Co. (Montréal) fabrique de la vaisselle émaillée et de petits coffres. La Macdonald Manufacturing Co. (Toronto) qui, de 1917 à 1942, offre une gamme d'objets décoratifs en étain, met aussi sur le marché des jouets en étain, dont des seaux, des pelles, des tasses, des assiettes et des tirelires. La Coleman Fare Box Co. fabrique des tirelires, tandis que la Belleville Hardware and Lock Manufacturing Co. fait des jouets en fonte. À Toronto, la Manual Construction Co. et la Reliance Toy Co. proposent des jeux de construction en acier. De 1920 à 1929, la Canadian Toys Ltd. de Hamilton (Ontario) fabrique des toupies musicales et des jeux de construction en acier.
L'industrie canadienne du jouet demeure assez modeste. En 1928, seules 10 entreprises se spécialisent dans la fabrication de jouets. L'industrie se concentre en Ontario et au Québec et emploie 129 personnes. La valeur des jouets fabriqués (hormis les voitures et les poupées) est de 465 424 dollars (320 986 dollars pour les jouets en bois); celle des voiturettes s'élève à 394 754 dollars et celle des poupées à 281 393 dollars.
Dans les années 40, le plastique (voir PLASTIQUES, INDUSTRIE DE LA TRANSFORMATION DES MATIÈRES) entre dans la fabrication des hochets et, plus tard, des jouets de plage, des tracteurs, des chariots, des camions et des jeux de construction. Cheerio Toys and Games (Toronto) fabrique des meubles et des portiques de gymnastique miniatures en plastique. L'aluminium et la fibre de verre sont utilisés dans la fabrication des « soucoupes volantes » pour la glissade. Des panoplies de toutes sortes font leur apparition : outils (de jardinier, de menuisier, de mécanicien), ensembles de tir à l'arc, d'imprimerie, de construction, de course automobile, nécessaires de broderie et de couture, services à thé et à café, ustensiles de cuisine et de ménage, nécessaires à repassage, ensembles de table et chaises. En 1942, 17 entreprises (4 à Montréal, 13 à Toronto) emploient 604 personnes et fabriquent exclusivement des jouets. En 1960, des 126 usines qui fabriquent des jouets au Canada, seulement une vingtaine se consacrent entièrement à ce type de produit. Dans les années 60 et 70, plusieurs multinationales se lancent dans la production de jouets (Louis Marx, Mattel, Tonka, Coleco). En 1987, l'industrie du jouet compte 85 entreprises. En 1986, les ventes au détail totalisent 1,2 milliard de dollars, dont 372 millions proviennent des importations. La même année, le Canada exporte pour 56 millions. Même si l'industrie du jouet se concentre au Canada central (plus du tiers de la production est en Ontario et un quart au Québec), un nouvel essor de l'ARTISANAT se développe au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique de 1970 à 1980, et le bois est de nouveau utilisé pour fabriquer les jouets dont on ne se lasse pas.