Journalisme
Métier consistant à écrire ou à revoir et à modifier des textes d'actualité diffusés par la presse ou les médias électroniques. Les normes libertaires de « liberté de presse », son statut non officiel de « quatrième pouvoir » et la notion selon laquelle la société moderne est grandement influencée par les moyens de communication de masse démontrent que les journalistes jouent un rôle important et privilégié dans la société canadienne. À l'époque où les médias de masse sont administrés par des dirigeants d'entreprises et où les communications électroniques évoluent rapidement, le caractère du journalisme n'est pas facile à définir.
Modèle de professionnalisme
Le journalisme dépend depuis toujours d'une série de contraintes institutionnelles : l'État, le système des partis, les exigences commerciales de la PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS, les changements accomplis par la société (comme l'urbanisation, l'alphabétisation et l'instruction) et l'impact des innovations technologiques. Ces facteurs contribuent à l'évolution du journalisme canadien dans la manière de voir, le style, le statut social et la liberté des journalistes. La professionnalisation du journalisme doit être examinée comme un processus historique pendant lequel les journalistes se sont adaptés à ces contraintes par des stratégies destinées à défendre leur intégrité en tant que groupe. Le processus ne s'est toutefois pas réduit à une simple évolution vers la « liberté de presse ». De fait, l'élimination d'une contrainte institutionnelle en entraîne souvent une autre, habituellement plus subtile et plus difficile à concilier avec un idéal consistant à faire du journalisme une profession.
Journalisme et lien britannique
Colonie de la monarchie centralisée des Bourbon de France, la NOUVELLE-FRANCE ne peut exploiter de presse avant 1760, essentiellement parce que l'administration française s'oppose à la création de presses dans la colonie. La pratique du journalisme commence en Nouvelle-Écosse (1751), au début de l'expédition britannique devant mener à la fondation d'Halifax, et au Québec (1764), après la Conquête britannique. L'édition et la nature même de la société laissent toutefois peu de latitude aux journalistes. La plus grande partie de la population est encore illettrée et les tirages restent limités. Le journaliste type est à la fois éditeur, rédacteur et imprimeur et les gazettes hebdomadaires qui voient le jour à cette époque dépendent du financement gouvernemental. Les journalistes font l'objet d'arrestations arbitraires et doivent souvent s'engager à bien se conduire. Un éditeur peut être inculpé de diffamation criminelle ou séditieuse pour le seul fait d'avoir critiqué des fonctionnaires.
Défenseurs du statu quo
À une époque de révolution à l'étranger et de réaction politique au pays, le journaliste trop franc est associé à la rébellion, à la sédition et à la trahison, impression renforcée par la défection de l'éditeur de journal du Haut-Canada, Joseph WILLCOCKS aux Américains en 1813. L'élite coloniale considère la presse comme une commodité de l'État, autrement intolérable. La fermeture du Canadien, qui entraîne l'emprisonnement de Pierre BÉDARD et de François BLANCHET, en 1810, n'est qu'un exemple de cette intolérance. Cependant, la plupart des journalistes acceptent le népotisme d'État, se plient aux politiques officielles et servent l'oligarchie au pouvoir.
Howe et la liberté d'expression
Le cas de diffamation de Joseph HOWE, en 1835, consacre la presse comme véhicule d'un désaccord légitime au Canada. Agacé par la lenteur des réformes, Howe se sert de son journal, The NOVASCOTIAN, acheté en 1827, pour critiquer les politiques gouvernementales et les magistrats qui les appliquent. Il est emprisonné et inculpé pour diffamation. À son procès, il défend avec passion la liberté de presse et prouve ses allégations. Bien que coupable, puisque le seul point de droit soulevé est d'avoir publié des remarques diffamatoires, il est acquitté par le jury. La menace réelle ou psychologique de diffamation que les régimes coloniaux ont fait peser sur les éditeurs est pour ainsi dire éliminée.
Normes du journalisme partisan jusqu'en 1914
Le commerce, l'alphabétisation et la mécanisation de l'imprimerie continuent à favoriser l'indépendance journalistique. La société coloniale subit de sérieuses tensions qui ouvrent la voie aux partis politiques, d'abord dans le Bas-Canada (après 1800) puis dans le Haut-Canada (vers 1820) et, plus tard, dans les Maritimes. Les conflits politiques offrent beaucoup de possibilités au journal en tant que véhicule de l'opinion dissidente, tout en lui garantissant un public intéressé au journalisme d'opinion et des bailleurs de fonds. Dans ce nouveau contexte, le journalisme prend une tout autre forme. Le principal atout de la presse victorienne est l'opinion, habituellement partisane. Le journaliste victorien, qu'il soit partisan ou non, choisit cette « profession » parce qu'il a des choses à dire, comme William Lyon MACKENZIE qui attaque le PACTE DE FAMILLE ou Egerton RYERSON qui défend la majorité dissidente du Haut-Canada dans le Christian Guardian. Le journalisme « d'opinion » prend un essor remarquable sur ce principe quelque peu instable.
L'indépendance en journalisme est souvent obtenue aux dépens des profits du journal. Avant la Confédération, même les grands quotidiens ont une existence éphémère. Face aux fluctuations du marché et à l'intensité des conflits politiques au sujet du GOUVERNEMENT RESPONSABLE, les journalistes se rallient volontiers aux partis politiques. En 1844, par exemple, le Reform Party encourage George BROWN à fonder le Globe de Toronto (voir GLOBE AND MAIL) dont il se sert comme d'un organe de parti afin d'augmenter le lectorat et, ainsi, d'attirer des revenus publicitaires. L'influence qu'il acquiert en tant qu'éditeur l'aide à consolider sa position de chef du Grit Reform Party reconstitué après 1854, ce qui lui donne par la suite, comme rédacteur, une énorme liberté. D'autres journalistes, comme Edward WHELAN de l'Examiner de Charlottetown et Étienne PARENT du Canadien, exercent une influence et profitent d'une grande liberté rédactionnelle grâce à leur double rôle d'éditeur et de politicien.
Les avantages de ces liens partisans sont bel et bien tangibles : népotisme, accès au pouvoir ou à des fonctions importantes. La révision graduelle des lois sur la diffamation réduisant la responsabilité des journalistes, les conventions de la TRIBUNE DE LA PRESSE PARLEMENTAIRE et les tarifs postaux préférentiels pour les périodiques naissent à l'apogée du journalisme d'opinion qui reste toutefois un journalisme fragilisé. Les éditeurs dissidents sont passibles de représailles financières, de boycottage, de perte de soutien et doivent subir la menace d'un nouveau rival commandité par le parti.
Ce n'est qu'après la Confédération, en 1867, que les journaux d'opinion commencent à revendiquer l'indépendance rédactionnelle, tout en laissant prévaloir les normes partisanes, du moins en apparence, jusqu'en 1914. Pourtant, même dans les jeunes communautés de l'Ouest, des éditeurs partisans comme Nicholas Flood DAVIN, du Leader de Regina, ou Frank OLIVER, du Bulletin d'Edmonton présentent des reportages et des éditoriaux de qualité. En fin de compte, le journalisme d'opinion ne constitue pas un obstacle à de meilleures normes journalistiques.
Montée du journalisme dans les grandes villes
En 1880, une révolution dans la structure concurrentielle entre quotidiens a commencé. Les nouveaux « journaux populaires » prennent de l'essor dans les villes industrielles, où ils visent un large public. Leurs styles varient grandement, mais ils ne s'associent pas à des partis politiques et mettent l'accent sur la nouvelle, en particulier la nouvelle sensationnelle, plutôt que sur l'opinion. Ils entrent en compétition avec des journaux de qualité tels que le Gazette de Montréal et le Mail de Toronto, qui cherchent à s'assurer le soutien de l'élite en présentant des reportages sur la politique et les affaires. Les quotidiens déterminent les fonctions distinctes de journaliste, chef de pupitre, rédacteur local, directeur de l'information et chroniqueur. Ils établissent ainsi, dans une forme embryonnaire, les bases de la carrière journalistique, bien qu'encore très hiérarchisée et exposée à la volonté des propriétaires-éditeurs.
Le personnel journalistique est en train de changer d'autres façons également. Au tournant du XXe siècle, la complexité toujours croissante de la gestion des journaux mène à l'apparition de rédacteurs professionnels, comme John W. DAFOE, du Manitoba Free Press. Le reporter mal payé devient la bête de somme des salles de rédaction du XXe siècle, et seuls les carriéristes peuvent supporter les contraintes de l'emploi. Au TORONTO STAR, Joseph E. Atkinson recrute quelques universitaires. Les femmes, comme Kit COLEMAN au Mail and Empire et Édouardina Lesage (« Colette ») à LA PRESSE, font leur entrée dans le journalisme. Elles amorcent leur carrière en rédigeant les pages « féminines » (voir CANADIAN WOMEN'S PRESS CLUB). Certaines acquièrent une réputation dans d'autres domaines : E. Cora HIND est spécialiste agricole au Manitoba Free Press et Simma Holt, reporter au SUN de Vancouver. Gwen Cash à Vancouver, Lotta Dempsey à Edmonton et Toronto ainsi que Doris ANDERSON, ne sont que quelques noms parmi tant d'autres qui, chaque décennie, s'ajoutent à la liste des pionniers dans le domaine de l'édition de magazines.
Des entrepreneurs individuels créent les premiers quotidiens populaires. Les éditeurs ont encore des choses à dire et bon nombre d'entre eux échouent, justement parce qu'ils font passer le contenu avant les profits et un plan d'affaires bien pensé. Ceux qui trouvent un certain équilibre deviennent des célébrités. Parmi eux, on note Hugh GRAHAM du Montreal Star, E.E. Sheppard du SATURDAY NIGHT, Wilson et Harry Southam du Ottawa Citizen et Joe Atkinson du Toronto Star. Du côté des hebdomadaires de l'Ouest, Robert (Bob) EDWARDS du Eye Opener de Calgary (1902-1922) et Margaret (Ma) MURRAY du News de Bridge River-Lillooet (Colombie-Britannique) acquièrent une renommée nationale.
Les nécessités commerciales se multipliant, les principes de l'ancien journalisme d'opinion se modifient. À Montréal, LA PRESSE (1884) de Trefflé Berthiaume balaie presque tous les quotidiens partisans. Pour survivre, les organes de parti imitent les journaux populaires. Cependant, malgré l'éclat et la diversité de ce nouveau style, se trame une deuxième révolution, plus subtile, qui s'avère un facteur encore plus fondamental dans le destin du journalisme : l'industrialisation des journaux, qui deviennent de grandes entreprises. Face aux coûts croissants et à une compétition féroce, le but principal de tous les journaux est d'élargir leur lectorat et d'attirer le plus de PUBLICITÉ possible. Les journaux qui ne peuvent s'adapter rapidement à ces exigences sont condamnés à disparaître. De 1914 à 1931, les chaînes de journaux et les villes ne comptant qu'un journal représentent la tendance générale. Des éditeurs s'associent à l'élite d'affaires. Le journalisme fondé sur l'éditeur-rédacteur « indépendant » est visiblement dépassé.
Nouvelles normes du journalisme d'affaires
Ironiquement, le métier de journaliste n'échappe au dirigisme des partis que pour se retrouver à la merci d'une grande entreprise d'un nouveau genre. Vers les années 1920, les quotidiens des grandes villes se limitent à leur part du marché et pratiquent un journalisme de manchettes. Les particularités sont progressivement éliminées et les journaux se ressemblent de plus en plus. Pour concurrencer la radio, l'exclusivité, le coup publicitaire et les témoignages remplacent les opinions rédactionnelles. Dans ce contexte, un nouvel idéal d'objectivité ou de reportage définit le fondement du journalisme de carrière, bien que cet idéal ne soit pas atteint de manière plus uniforme que les normes, fondées sur des « principes », du journalisme personnel qu'il remplace.
Le triomphe de l'esprit des affaires dans les quotidiens des grandes villes entraîne toute une variété de stratégies visant à atteindre un nouveau degré de professionnalisme. La Canadian Press Association et son successeur, la Canadian Daily Newspaper Association (CDNA), sont de puissants groupes de pression qui contribuent à rationaliser le côté administratif de l'exploitation des journaux. LA CDNA contribue également à la défense des prérogatives des éditeurs lors de tentatives célèbres de limitation de la liberté de presse, telles que l'arbitraire Alberta Press Act de 1937 (voir ALBERTA PRESS ACT (1938), RENVOI DE L'). L'EDMONTON JOURNAL, dirigé par John M. Imrie, reçoit un prix Pulitzer pour son leadership dans la bataille. Les conseils de presse et les comités de surveillance internes ou protecteurs du citoyen comptent parmi les plus récents exemples des efforts consentis par l'industrie afin de maintenir une ligne de conduite responsable et professionnelle.
Les agences de presse se développent grâce aux efforts des éditeurs. La PRESSE CANADIENNE (PC) voit le jour à la suite d'une révolte des journaux de l'Ouest contre la Canadian Pacific Telegraph Co. Vers 1923, la Pc est une coopérative nationale de journaux détenant les droits de diffusion des reportages mondiaux de l'Associated Press. Avec ses concurrents, elle joue un rôle important dans le développement d'un idéal contemporain du reportage objectif. La Tribune de la presse parlementaire qui, vers les années 1920, est un organisme bénévole autogéré, contribue également à l'instauration de normes professionnelles dès le début du siècle. L'admission à la Tribune signifie l'entrée dans une « jungle » compétitive où les journalistes politiques affinent leurs méthodes d'investigation, bien que celles-ci demeurent conditionnées par les traditions et les contacts partisans enracinés.
Avènement du multimédia
Vers le milieu du XXe siècle, les changements surviennent à un rythme accéléré. Le journalisme est transformé par le besoin des journalistes de mettre au point de nouvelles stratégies en vue de définir leur rôle et leur statut et par les pressions des entreprises de communication cherchant des moyens d'attirer des revenus publicitaires, dans un contexte d'évolution rapide de la technologie et de croissance apparemment sans limite du lectorat. Dans les années 1950, avec l'avènement de la télévision, les journaux traditionnels ne peuvent s'assurer une part du marché. Dans le climat d'incertitude qui s'ensuit, les journalistes peuvent prendre plus d'initiatives.
Le DÉBAT SUR LE PIPELINE de 1956 semble être un point critique où la Tribune de la presse commence à jouer le rôle de gardien, critiquant le gouvernement. Le journalisme politique canadien (Jack Scott, Bruce Phillips, Douglas FISHER, Charles LYNCH) redevient soudainement un journalisme d'opinion, mais cette fois comme adversaire des politiciens. À la télé, les émissions d'affaires publiques, telles que le magazine d'information THIS HOUR HAS SEVEN DAYS ou le documentaire spécial Air of Death (1967) tendent à exprimer des opinions sur des injustices sociales. Le calendrier des activités publiques change radicalement, ce qui sape et désoriente les journalistes, habitués à leurs vieilles méthodes de couverture. Les reportages axés sur les injustices, les scandales et l'investigation s'avèrent une formule gagnante pour attirer un nouvel auditoire. Quant aux politiciens haut placés, plutôt que d'enjôler les journalistes dont la partialité semble acquise, ils se servent d'eux et les manipulent au moyen de techniques de relations publiques éprouvées.
Vers de nouveaux standards
Des techniques modernes laissent plus de liberté aux journalistes photographes, cinéastes et ceux de radiotélévision. René LÉVESQUE joue sur la nouveauté de la télévision et devient une vedette médiatique et, ainsi, une personnalité importante de la politique québécoise. Gordon SINCLAIR, par ailleurs, atteint les sommets de célébrité et de richesse personnelle en menant sa carrière dans trois médias différents. Les journalistes exceptionnels qui attirent un auditoire important à cause du sérieux de leurs opinions, de leur intégrité professionnelle et de leur style impeccable, et ce, dans plus d'un média d'information, sont appelés à jouir d'une plus grande latitude. Jack WEBSTER, Allan FOTHERINGHAM, Barbara FRUM, Jeffrey Simpson, Bernard Derome et Judith Jasmin sont quelques exemples d'une génération de journalistes contemporains devenus des atouts trop importants pour qu'un éditeur ou un producteur ose exercer une censure à leur égard. Ils jouissent souvent d'une notoriété plus importante que les personnalités qu'ils interviewent ou analysent.
Les plus grandes possibilités offertes aux journalistes ne se traduisent pas par l'amélioration des conditions de travail. Ils doivent se tourner vers les syndicats pour faire face aux problèmes des salaires insuffisants, de la précarité d'emploi, des heures de travail irrégulières et d'une gestion arbitraire. Le syndicat à connaitre le plus de succès est l'American Newspaper Guild (ANG), qui signe sa première convention collective avec le Toronto Star en 1949. Vers 1960, même si la syndicalisation n'est pas généralisée, les tarifs syndicaux définissent les normes pour l'industrie.
À la suite de la pénible grève du personnel francophone de Radio-Canada, en 1958-1959, les journalistes canadiens-français deviennent les pionniers du militantisme. Le principe fondamental selon lequel les négociations collectives doivent aboutir à l'indépendance rédactionnelle pour les membres du personnel est toutefois battu en brèche lors de la grève à La Presse, en 1964, (voir GRÈVE DE LA PRESSE). Si les contrats de La Presse et du SOLEIL, en 1969, contiennent des « clauses professionnelles », la terminologie juridique les prive de toute substance.
Des déclarations de politique rédactionnelle faites à l'initiative de la direction (comme au Toronto Star) définissent un éventail de normes, mais ne peuvent calmer les tensions entre journalistes et directeurs d'entreprises de communication de masse. En 1973, un sondage mené auprès d'importants quotidiens montre que 50 p. 100 des journalistes interrogés soutiennent que leurs textes sont modifiés de façon significative, avant la publication et sans qu'ils en soient informés. Presque une génération après la tenue de ce sondage, le départ de Linda McQuaig du Globe and Mail de Toronto à la suite d'un conflit causé par l'ingérence rédactionnelle est symptomatique des obstacles continuels que les journalistes peuvent rencontrer au cours de la production de la nouvelle. En revanche, les journalistes syndiqués bénéficient de meilleures conditions de travail, d'horaires et de salaires intéressants et de l'apport de travail engendré par un programme politique et social en constante évolution. Il n'est donc pas surprenant que le journalisme attire dans ses rangs une nouvelle génération de diplômés d'université, dont des femmes.
Après la Deuxième Guerre mondiale, certaines universités canadiennes commencent à donner des cours de journalisme. L'UNIVERSITÉ CARLETON et le RYERSON POLYTECHNIC INSTITUTE (maintenant la Ryerson Polytechnic University) instaurent les premiers baccalauréats complets alors que l'UNIVERSITÉ WESTERN ONTARIO innove avec des séminaires spécialisés et les 2e et 3e cycles destinés aux journalistes professionnels. En 1968, l'UNIVERSITÉ LAVAL introduit un premier programme de journalisme dans le monde universitaire québécois et, vers les années 1970, des dizaines d'universités, de collèges et de CEGEPS offrent diplômes, certificats et licences en communication ou en journalisme. Vers 1985, neuf universités offrent des programmes de 2e et 3e cycles. Dès 1973, les changements au niveau des normes de scolarisation sont devenus évidents : plus de 40 p. 100 des journalistes professionnels détiennent un diplôme universitaire.
Dans les années 1960, les journalistes ont développé un esprit autocritique. Des regroupements de journalistes professionnels, comme la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ou l'Institute for Investigative Journalism, constituent une tribune pour ceux qui désirent développer un sens commun du professionnalisme, tout comme l'ont fait certains magazines « alternatifs » radicaux comme Content. D'autres organisations quasi professionnelles comme la PERIODICAL WRITERS ASSOCIATION OF CANADA (1976) œuvrent plus discrètement afin d'établir des normes et d'améliorer le pouvoir des pigistes face aux éditeurs. Quelques journaux et Radio-Canada (après 1967) offrent des programmes de formation dont l'intérêt est toutefois diminué par ceux des collèges. Certains journaux instituent des écoles de formation estivale pour des étudiants du baccalauréat et, vers les années 1980, on accorde souvent des congés aux journalistes désireux de parfaire leur formation universitaire.
Prétentions du quatrième pouvoir
La syndicalisation, la formation universitaire et le développement professionnel contribuent à susciter un débat sur le rôle et la liberté de la presse. Des critiques répandent une série de clichés visant à rationaliser un nouveau degré d'indépendance professionnelle et à dénoncer le statu quo. Sous l'influence de la théorie des communications, des journalistes, dorénavant mieux nantis, commencent à prendre conscience des distorsions créées par les termes mal utilisés, les clichés, les classes sociales ou la tendance qu'ont différents journalistes à rédiger des textes à peu près identiques sur le même sujet, de leur rôle idéologique de « gardiens » et des effets des médias de masse sur le comportement. Les réformes proposées comprennent le journalisme de plaidoyer, le journalisme d'enquête et les concepts plus radicaux de presse alternative, de démocratie du personnel ou de coopérative de rédacteurs.
Le nouveau journalisme est toutefois beaucoup moins radical que la rhétorique ne le laisse supposer. L'expérience et les critiques plus conservatrices soulèvent le spectre du journalisme de provocation où, pour des fins de journalisme d'enquête, certains pourraient s'attribuer le titre de journaliste de manière injustifiée. Une nouvelle génération de journalistes et d'éditeurs subissent aussi les effets démotivants d'éventuelles poursuites en diffamation. Des compromis normatifs sont rendus possibles par la nature technologique du nouvel environnement des médias. Un journaliste peut effectuer un reportage en une journée de recherche, ce qui lui aurait pris des semaines auparavant. L'utilisation efficace des techniques de collecte de l'information nécessite une grande décentralisation du pouvoir et une indépendance rédactionnelle, du moins pour les journalistes les plus chevronnés. La célébrité médiatique de certains journalistes amène l'équipe des nouvelles et le public à s'attendre à une intégrité professionnelle de leur part, ce qu'ignorent les propriétaires et dirigeants d'affaires, au péril de leur entreprise. De plus, en raison de l'incidence des découvertes technologiques sur le marché et les entreprises, il est nécessaire de trouver de nouvelles façons de présenter l'information pouvant intéresser un auditoire mieux nanti et plus raffiné, mais aussi hétérogène et très peu constant.
Journalisme dans le cyberespace
À la fin du XXe siècle, une multitude d'influences et de défis se présentent à la profession. Les diffuseurs, petits et grands, se tournent vers Internet, pressés d'y assurer une présence pour compléter leur production papier. Les nouvelles sont maintenant offertes 24 heures sur 24, sans le moindre signe de répit, et les gens du métier doivent faire preuve de souplesse et tenir compte du facteur « temps ». Les échéances existent toujours pour la presse écrite, mais le matériel mis en ligne demande constamment à être renouvelé et mis à jour. Dans un environnement d'innovation technologique rapide, renforcée par une idéologie de libre marché, la fusion des médias traditionnels et des technologies de communication interactive modifie la signification et la nature des nouvelles et gomme la frontière entre publicité, nouvelles, divertissement, opinions et plaidoyers particuliers (sans oublier la création littéraire, les images truquées et même le plagiat). De plus, les journalistes font face à une nouvelle génération de propriétaires de médias corporatifs qui tournent l'information à leur avantage et en font une tribune pour leurs propres priorités idéologiques.
Les pratiques du métier changent aussi. Pour attirer et retenir le public, les journalistes commencent à écrire des blogues et à partager les coulisses des nouvelles. Les lecteurs veulent avoir accès aux nouvelles d'une manière immédiate et mieux connaître l'arrière-scène de l'information, mais ils veulent aussi participer au processus journalistique et échanger leurs opinions. Apparaissent alors des citoyens journalistes, des individus qui s'intéressent aux affaires courantes, ont accès à un ordinateur et ont une opinion.
Journalisme 2.0
Le journalise est en constante évolution, au Canada et dans le monde entier. Au moment où le XXIe siècle entre dans son adolescence, les propriétaires de journaux et autres diffuseurs continuent à débattre sur le choix d'un modèle commercial approprié pour leurs opérations. Ils se questionnent et évaluent si l'infrastructure coûteuse qu'ils ont mise en place et qui fonctionnait si bien dans le passé tient le coup face aux alternatives beaucoup plus économiques. Une telle constatation s'accompagne souvent de coupures dans la salle de presse, de fermeture de bureaux et même de collaboration entre d'anciens concurrents.
L'accès plus facile au journalisme par les blogues et les réseaux sociaux permet un rapport plus direct aux nouvelles pour le public, qui peut maintenant vérifier les faits et identifier les lacunes, et donc se concentrer sur la substance et la précision des reportages. Ainsi, les journalistes voient plus que jamais leurs reportages scruter à la loupe et les « nouveaux » journalistes se concentrent sur des allégations de partis pris de droite ou de gauche et sur le plagiat. D'ailleurs, bon nombre de journalistes, dont des journalistes connus, sont forcés de démissionner ou au moins de s'excuser et de se rétracter après avoir été surpris par un collègue ou un citoyen zélé. Mentionnons à ce sujet l'affaire du scandale Wafergate de juillet 2009, où un journaliste du Nouveau-Brunswick prétend que le premier ministre Stephen Harper a mis l'hostie dans sa poche lors de la communion aux funérailles de l'ancien gouverneur général Romeo Leblanc. Les médias s'emparent de l'histoire, mais lorsque les journalistes modifient certains faits après avoir déposé la nouvelle, on s'aperçoit que celle-ci a été faussée. Le journal est forcé de s'excuser auprès du public, du premier ministre et de ses propres journalistes. De plus, le rédacteur en chef et l'éditeur ont été congédiés.
Il est difficile de prédire quelle sera la prochaine étape dans la transformation incessante du journalisme, mais les récents changements semblent orientés vers la liberté de presse, ce qui n'est pas gagné d'avance. Joseph Howe aurait compris que le marché économique n'est pas la seule activité qui a besoin de preneurs de risques pour prospérer.
Voir aussi MAGAZINES; JOURNAUX; MÉDIAS, PROPRIÉTÉ DES; RADIODIFFUSION ET TÉLÉDIFFUSION; PHOTOGRAPHIE; COMMUNICATIONS.