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Katherena Vermette

Katherena Vermette, poète métisse, nouvelliste, romancière, cinéaste, enseignante (née le 29 janvier 1977 à Winnipeg, au Manitoba). L’écrivaine Katherena Vermette est une étoile montante de la littérature canadienne. Dans sa poésie, sa prose et son film documentaire, elle aborde des problèmes cruciaux auxquels est confronté le Canada de nos jours : la recherche d’identité et les effets durables des préjugés et de la discrimination historiques et institutionnels. Elle a remporté un Prix littéraire du Gouverneur général en 2013 pour son premier recueil de poèmes, North End Love Songs, et elle est l’autrice du célèbre roman The Break, paru en 2016.

Katherena Vermette

Jeunesse et éducation

Katherena Vermette naît sur le territoire du Traité no 1, au cœur de la nation des Métis de Winnipeg, au Manitoba. Née d’une mère mennonite et d’un père métis, elle grandit dans le North End de Winnipeg, un quartier à forte population autochtone réputé à la fois pour ses hauts taux de criminalité et de pauvreté, mais aussi pour sa culture et sa communauté florissantes.

Le premier recueil de poèmes de l’autrice, North End Love Songs (2012; trad. Ballades d’amour du North End, 2017), reflète sa vie intense et conflictuelle dans ce quartier. « J’ai passé plusieurs années à essayer de m’enfuir, de m’échapper, d’aller ailleurs avant de comprendre que je ne voulais, ni ne pouvais, aller nulle part d’autre », a-t-elle confié en 2013 lors d’une entrevue pour The Walrus. « C’est comme la famille, non? Elle nous exaspère, mais personne ne nous aime ou ne nous connaît plus qu’elle. »

La passion de Katherena Vermette pour la poésie se développe dès l’enfance et la suit tout au long de sa vie. L’écrivaine gagne sa vie en occupant différents emplois, comme enseignante à la maternelle. Elle organise également des ateliers d’écriture, elle contribue à l’alphabétisation des enfants en bas âge, et elle dirige un programme de formation d’artistes et d’embauche pour les Autochtones.

Connaissant un succès grandissant en tant que poète, Katherena Vermette s’inscrit au programme de maîtrise en création littéraire de l’Université de Colombie-Britannique. C’est à l’âge de 35 ans qu’elle publie son premier recueil de poèmes, North End Love Songs (2012, The Muses’ Company).

Poésie

Katherena Vermette voit ses œuvres publiées dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, notamment Canada and Beyond et Manitowapow : Aboriginal Writings from the Land of Water. Son poème « Selkirk Avenue » est inspiré de sa fascination pour les oiseaux et leurs chants, qui l’accompagnent tous les matins. L’autrice utilise leur fragilité et leur beauté comme métaphore pour exprimer l’extrême vulnérabilité physique et émotionnelle des jeunes femmes de Selkirk Avenue, à Winnipeg, et elle dépeint les épreuves que doivent surmonter les sans-abris :

robin
girl stands on
selkirk avenue
head down
her body cries
like a baby alone
paces
a round circle way
too young body squeezed
into too tight clothing
breathes out
with her whole chest
puffed out bright
and red
as if she’s
beautiful
as if she’s
proud

Traduction libre :

rouge-gorge
une fille se tient sur
selkirk avenue
tête baissée
son corps pleure
pareil à un enfant seul
tourne
en rond
son corps trop jeune coincé
dans des vêtements moulants
elle expire l’air
à pleine poitrine
rayonnante
et rouge
comme si elle était
belle
comme si elle était
fière

Le premier recueil de poèmes de Katherena Vermette, North End Love Songs (2012; trad. Ballades d’amour du North End, 2017), est à la fois triste et inspirant, beau et pittoresque. Son poème Lost, par exemple, fait référence à un événement douloureux pour elle et sa famille. Alors qu’elle avait 14 ans, son frère Wayne, âgé de 18 ans, a visité un bar avec des amis et n’a ensuite plus jamais été revu vivant. Très peu de soutien et d’aide ont été apportés à la famille Vermette pour la recherche de Wayne, en raison de ce que la famille percevait comme de l’indifférence de la part de la police. « Son frère est disparu / comme un gant / ou une chaussette / ou un trousseau de clés », écrit Katherena Vermette [traduction libre]. Elle décrit la réponse alors fournie par les policiers, très générique, prenant dans les derniers vers de son poème Indians un ton carrément amer et cynique :

they said
he’ll turn up when
he gets bored
or broke […]
this land floods
with dead indians
this river swells
freezes
breaks open
cold arms of ice
welcomes indians

Traduction libre :

on m’a répondu
qu’il reviendrait,
saisi par l’ennui
ou sans le sou […]
pourtant, cette terre est le tombeau
de tant d’indiens
cette rivière gonfle
gèle
craque
entoure nos indiens
de ses bras glacés

North End Love Songs rend aussi hommage à la beauté de la vie. Family, notamment, est une ode à la puissance de la famille, que le poème compare aux ormes. L’orme d’Amérique, non-indigène au Canada, borde les rues dans le nord de Winnipeg Nord. C’est toutefois l’orme du Canada, poussant près de la rivière, qui captive la jeune Katherena Vermette et l’inspire à composer son œuvre. Les images créées par l’artiste, de même que son recours à la métaphore, élèvent l’orme en apparence ordinaire du banal au mémorable :

elms around us
like aunties
uncles
cousins
all different
but with the same skin […]
her favourites
are the ones by the river
they spread low
and stay close
to the earth
those ones she can
climb into
lean against
the strong dark bark
rest her small body
within their round arms
their sharp leaves
reach out over the river
she watches how
the waves fold
into each other
like family

Traduction libre :

ces ormes qui nous entourent
sont comme nos tantes
nos oncles
nos cousins
ils sont tous différents
mais leur peau est la même
[…] ses préférés
sont les ormes riverains
pas très hauts
ils restent près
de la terre
elle peut
y grimper
s’appuyer
contre l’écorce solide et sombre
laisser son petit corps reposer
entre leurs bras arrondis
leurs feuilles aiguisées
s’avancent au-dessus de la rivière
elle regarde
les vagues
se replier les unes sur les autres
comme une famille

En 2013, North End Love Songs remporte le Prix littéraire du Gouverneur général de poésie de langue anglaise, ce qui attire l’attention du public vers Katherena Vermette. « Ce recueil a une dimension extrêmement personnelle, mais ce n’est rien de nouveau », raconte-t-elle à The Walrus lors d’une entrevue en 2013. « Ça parle d’une jeune fille, ou d’une femme, qui cherche une identité et une place dans le monde. Ça résume assez bien toute “l’expérience canadienne”. C’est aussi une histoire enracinée dans la culture autochtone, et je crois que la population veut vraiment des histoires sur ses premiers habitants. »

Livres

La première carrière de Katherena Vermette, en enseignement à la maternelle, est à l’origine de son désir profond de contribuer à l’éducation des enfants autochtones (voir Éducation des Autochtones). Cette intention se manifeste notamment dans sa collection The Seven Teaching Stories (2014-2015), une série de sept livres destinée aux enfants en bas âge qui traite des sept enseignements sacrés de la tradition anishinaabe tels que l’amour, le respect, le courage et l’honnêteté. Dans The Just Right Gift: A Story of Love, un garçon part à la recherche du cadeau idéal pour sa grand-mère. « Il veut trouver un présent aussi doux que ses baisers et aussi chaleureux que ses sourires. »

En 2016, Katherena Vermette publie son premier roman, The Break (House of Anansi Press). L’histoire commence avec une jeune mère métisse qui voit par sa fenêtre un crime être perpétré. À partir de cet événement, l’histoire évolue à travers différentes perspectives, ce qui mène à une saga intergénérationnelle dépeignant la vie dans le North End de Winnipeg (voir Femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada). The Break reçoit une nomination pour le Prix du Gouverneur général et le prix Rogers Writers' Trust Fiction, en plus d’être finaliste à Canada Reads. En 2017, il remporte le Amazon.ca First Novel Prize, et le prix Burt.

Après The Break, Katherena Vermette poursuit avec l’écriture de deux romans complémentaires, The Strangers en 2021 et The Circle en 2023. En 2021, le livre The Strangers est présélectionné pour le prix Scotiabank Giller, et il remporte le prix Atwood Gibson Writers’ Trust Fiction la même année. Le livre The Circle marque la fin de la trilogie des Strangers.

La même année, Katherena Vermette publie Pemmican Wars, un roman graphique qui est le premier de la série A Girl Called Echo. Illustré par Scott B. Henderson et mis en couleurs par Donovan Yaciuk, le roman graphique raconte les aventures d’une fille métisse de 13 ans, Echo, qui se retrouve transportée dans le passé durant son cours d’histoire à l’école. Faisant des allers-retours dans le passé et le présent, Echo découvre l’histoire et la culture de son peuple alors qu’elle parcourt les routes de l’historique traite des fourrures, explore un camp de chasse métis, et en apprend sur le commerce du pemmican et la chasse au bison.

Films

C’est en 2016 qu’est diffusé pour la première fois this river, le premier documentaire de Katherena Vermette. Coréalisé avec Erika MacPherson et mettant en vedette l’activiste Kyle Kematch, le film this river raconte l’expérience horrible qu’est la recherche d’un être cher disparu. Dans son documentaire, Katherena Vermette parle de la disparition de son frère aîné. Le film this river remporte le prix Écrans canadiens pour le meilleur court métrage documentaire en 2017.

Importance

Jeune femme autochtone à la voix influente, Katherena Vermette est une étoile montante de la littérature canadienne. Dans sa poésie, sa prose et son film documentaire, elle aborde les problèmes cruciaux auxquels le Canada est confronté de nos jours : la recherche d’identité et les effets durables des préjugés et de la discrimination historiques et institutionnels.

Prix et distinctions


Ouvrages publiés

  • North End Love Songs (2012; trad. Ballades d’amour du North End, 2017)
  • The Seven Teaching Stories (2014-2015)
  • The Break (2016)
  • Pemmican Wars : A Girl Called Echo, vol. 1 (2017)
  • The Strangers (2021)
  • The Circle (2023)