Création
Aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, les catholiques sont considérés comme des marginaux, et les immigrants catholiques, en particulier, subissent l’hostilité des nativistes. Plusieurs protestants américains suggèrent que les catholiques sont antirépublicains et qu’ils sont d’une loyauté douteuse envers les États-Unis en raison de leur présumée soumission à l’autorité politique et spirituelle du Pape.
Pour contrer une telle catégorisation désobligeante, un prêtre irlando-américain, père Michael J. McGivney (1852-1890), avec huit laïcs, met sur pied les Chevaliers de Colomb à New Haven, au Connecticut, en 1882. Aujourd’hui, Michael J. McGivney est hautement estimé tant chez les Chevaliers que dans l’Église catholique. En 2008, le Saint-Siège confère le titre de Vénérable à Michael J. McGivney, le rapprochant de la sainteté. Il a lui-même une connexion canadienne : dans sa jeunesse, il étudie au Séminaire de Saint-Hyacintheet passe du temps à titre de séminariste au St. Mary’s College à Montréal. Avec Michael J. McGivney, les premiers Chevaliers choisissent Christophe Colomb comme patron afin de rappeler à leurs détracteurs que l’explorateur du XVe siècle qui a contribué à établir une colonie européenne permanente en Amérique et à y instaurer le christianisme était lui-même catholique. Les Chevaliers soulignent que le catholicisme est inextricablement lié aux fondements de l’histoire américaine et que les catholiques sont de bons citoyens, fidèles à Dieu et au pays.
Adhésion et structure organisationnelle
Pour joindre les rangs des Chevaliers de Colomb, tout homme doit répondre à deux exigences : être âgé d’au moins 18 ans et être un catholique pratiquant qui a bonne réputation auprès de l’Église. Les nouveaux membres se joignent aux conseils locaux, habituellement associés aux paroisses locales. Plusieurs conseils locaux sont regroupés pour former des districts et des conseils d’État qui contribuent à la gestion des activités régionales. Le conseil supérieur supervise tout; il est de sa responsabilité de définir les règles et règlementations des Chevaliers, de promouvoir les valeurs fondamentales de l’organisme et de gérer le programme d’assurance. Bien que les Chevaliers forment une institution autonome, ils se soumettent à la hiérarchie de l’Église et travaillent fréquemment avec des prêtres et des évêques afin d’atteindre des objectifs communs. Les Filles d’Isabelle, qui tiennent leur nom de la reine Isabelle de Castille qui a financé l’expédition de Christophe Colomb en 1492, travaillent en étroite collaboration avec les Chevaliers dans leurs activités sociales et bénévoles. D’abord auxiliaires aux Chevaliers de New Haven en 1897, les Filles d’Isabelle s’incorporent en 1907 et deviennent un organisme indépendant ayant le pouvoir d’adopter sa propre constitution et ses règlements administratifs. Le premier nouveau chapitre à l’extérieur des États-Unis s’établit à Québec en 1924. En 1925, les Chevaliers mettent sur pied les Écuyers colombiens, un organisme qui vise à former le caractère et à préparer les garçons de 10 à 18 ans pour leur entrée dans la chevalerie.
Principes et symboles
Les Chevaliers de Colomb adhèrent à quatre principes fondateurs ou « degrés » dans le jargon de leur ordre : charité, unité, fraternité et patriotisme. Les membres sont tenus de se familiariser avec ces degrés, de les mettre en pratique et de les adopter, progressant grâce à des cérémonies d’initiation qui servent à favoriser l’esprit de communauté fraternelle. L’emblème de l’organisme consiste en un bouclier bleu sur lequel est fixée une ancre (qui reflète l’affiliation avec le navigateur Christophe Colomb), une dague (qui représente le lien avec l’époque médiévale; sur le plan historique, la dague sert à exprimer la volonté de prendre les armes pour combattre l’anticatholicisme) et un faisceau (qui démontre le respect pour l’autorité). En arrière-plan, il y a une croix pattée rouge et blanche. Ensemble, le rouge, le blanc et le bleu de l’emblème symbolisent les couleurs du drapeau américain, mettant ainsi en valeur le patriotisme des Chevaliers.
Croissance et expansion au Canada
Au début du XXe siècle, les Chevaliers de Colomb établissent des conseils partout aux États-Unis. Le Canada est le premier pays à tenir un conseil au-delà des frontières américaines quand, en 1897, le conseil 284 est fondé à Montréal. L’ancien ministre libéralde l’Assemblée législative du Québec et le futur maire de Montréal Dr James John Guerin est élu premier grand chevalier et J.P. Kavanaugh, député de district. De nouveaux conseils s’organisent rapidement : Québec en 1899, Ottawa et Sherbrooke en 1900, Kingston, Cornwall et Peterborough en 1903, Charlottetown en 1903, Saint John en 1904, Sydney en 1905 et Toronto en 1909. Les Chevaliers sont fondés dans toutes les provinces canadiennes et à Terre-Neuve-et-Labrador en 1909. Pourtant, une croissance anticipée n’est pas assurée. Des membres de la hiérarchie catholique, dont les archevêques Paul Bruchési à Montréal et Denis O’Connor à Toronto, ont des réserves au sujet de sociétés secrètes et du nombre d’associations catholiques déjà en opération dans leurs archidiocèses. Les Chevaliers persévèrent malgré les obstacles : Montréal et Toronto ont bientôt les plus importants conseils dans leur province respective. En 1910, il y a quelque 9 000 chevaliers partout au pays. En 1917, le nombre atteint 19 000, en 1939, 33 000 et en 1947, 66 000.
Bien qu’il y ait des Chevaliers qui parlent français partout au Canada, c’est dans la province de Québec qu’on trouve le plus important contingent de membres francophones. Les catholiques irlandais anglophones constituent d’abord la majorité des membres au Québec (voir Anglo-Québécois), mais dès 1907, les francophones sont beaucoup plus nombreux que les anglophones partout dans la province. Après 1913, les initiations et les congrès d’État se tiennent exclusivement en français. La montée du nationalisme et la renommée croissante des Chevaliers durant la Deuxième Guerre mondiale contribuent à une augmentation des inscriptions au Québec : le nombre passe de 15 000 dans les années 1930 à quelque 70 000 en 1959. En 1953, reconnaissant leur importance, et souhaitant étouffer le mouvement séparatiste, l’organisme des Chevaliers de Colomb du Québec est officiellement rebaptisé l’Ordre des Chevaliers de Colomb.
Activités principales
Les membres canadiens des Chevaliers de Colomb montrent leur engagement et leur soutien envers diverses causes. Leurs plus valeureux efforts – par le passé et à l’heure actuelle – incluent les activités de bienfaisance, le service de l’Église, l’offre de services d’assurance et d’entraide, et la promotion de leur patriotisme catholique. Depuis leur fondation, les Chevaliers offrent du soutien financier aux membres et à leur famille en temps de maladie, et défraient les frais funéraires ou d’inhumation en cas de décès d’un membre. En 2015, avec quelque 100 milliards de dollars en assurance-vie en vigueur, les Chevaliers de Colomb obtiennent leur 40e cote A++ consécutive de AM Best pour leur système d’assurance. D’autres initiatives incluent des levées de fonds pour les établissements scolaires catholiques, l’évangélisation par l’entremise de publications catholiques et des événements caritatifs comme des collectes de nourriture et des repas offerts par l’Église. Plus récemment, les Chevaliers canadiens ont participé à des collectes de sang, à du soutien financier pour ceux et celles qui aspirent à des vocations catholiques, à des projets pédagogiques, à des levées de fonds pour les personnes handicapées (surtout pour les Olympiques spéciaux) et à de l’aide humanitaire.
Les efforts des Chevaliers pour cultiver l’unité et le patriotisme sont notables, voire toujours couronnés de succès. Au cours des premières décennies du XXe siècle, les Chevaliers aident les immigrants européens de confession catholique à s’adapter à la culture canadienne en mettant sur pied un bureau d’aide à l’immigration afin de coordonner la collecte et la diffusion d’information. Certains Chevaliers s’emploient à surmonter les divisions ethnolinguistiques au Canada en organisant des conférences et en contribuant à d’imposants projets. Durant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, les Chevaliers de partout au Canada font la promotion de leur patriotisme en recrutant activement des hommes pour l’enrôlement militaire et en appuyant la réhabilitation des vétérans. Leur fait d’armes le plus célèbre a possiblement lieu en 1917-1918 avec l’établissement de tentes à vocation récréative : ainsi, les troupes ont accès à du divertissement, à de l’hébergement et à des services religieux quand elles ne sont pas en service. Pourtant, en raison de tensions entre francophones et anglophones reliées à la question des écoles de l’Ontario, à la guerre et à la conscription, les Chevaliers demeurent divisés sur le plan linguistique.
Les principes institutionnels des Chevaliers interdisent tout appui direct pour un parti politique. Les membres canadiens font plutôt la promotion de positions politiques qui reflètent l’Église catholique. Par exemple, les Chevaliers ont de tout temps appuyé les efforts anticommunistes car l’idéologie constitue une menace pour la liberté religieuse. Plus récemment, les Chevaliers ont fait la promotion d’un programme socialement conservateur et pro-vie, s’opposant au suicide assisté, à l’euthanasie, au mariage entre personnes de même sexe et à l’avortement.
Aujourd’hui, les Chevaliers de Colomb constituent le plus imposant organisme d’hommes laïcs catholiques du monde avec des membres en Amérique du Nord, en Amérique Centrale, en Europe, en Corée du Sud et aux Philippines. Des quelque deux millions de Chevaliers à travers le monde, 230 000 sont au Canada. Ces hommes déclarent fièrement leur identité nationale et le rôle qu’ont joué les catholiques dans l’histoire de la nation.