L’Initiative Elsie
pour la participation des femmes aux opérations de paix est un projet multilatéral d’origine canadienne visant à intégrer
davantage les femmes dans les opérations de paix. Nommée d’après Elsie
MacGill, ingénieure
et pionnière des droits des femmes, l’initiative est intégrée à la Politique
étrangère féministe du Canada et fait partie de l’engagement d’Affaires
mondiales Canada à l’égard du Programme mondial sur les femmes, la paix et
la sécurité des Nations
Unies (voir Le Canada
et le maintien de la paix).
Contexte : femmes, paix et sécurité aux Nations Unies
En 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1325, qui a comme objectif de prévenir la violation des droits des femmes pendant les conflits et d’augmenter leur participation lors des opérations de paix. Le Canada, alors un membre non permanent du Conseil, contribue largement à faire adopter cette résolution. En 2015, le Conseil adopte la résolution 2242, qui reconnaît l’existence d’une corrélation entre l’engagement des femmes dans les opérations de paix et le maintien de la paix à long terme. La résolution demande aux États membres de doubler le nombre de femmes dans les opérations de paix militaires et policières avant 2020.
Égalité des genres dans les opérations de paix
Lancée en novembre 2017 lors de la Réunion des ministres de la Défense sur le maintien de la paix des Nations Unies à Vancouver, l’Initiative Elsie cherche à réduire les inégalités entre les genres dans les opérations de paix. Le projet est basé sur la croyance que la participation des femmes contribue à une meilleure efficacité de ces opérations. Un énoncé de l’ONU affirme que l’implication significative des femmes rend possibles la prévention et la résolution de conflits, la reconstruction ainsi que la création de solutions durables à long terme.
Dans le cadre de l’Initiative Elsie, le Canada travaille de concert avec les Nations Unies et les États membres ainsi qu’avec les groupes de réflexion et de société civile pour atteindre les objectifs suivants : mener une évaluation globale des obstacles à la participation concrète des femmes dans les opérations de paix; offrir une assistance technique et de la formation à deux pays qui fournissent des contingents militaires et des forces policières aux opérations de paix; établir un fonds mondial pour favoriser le déploiement accru de femmes; fournir une assistance aux missions désignées des Nations Unies en matière de participation des femmes; étudier, suivre et évaluer les méthodologies et approches; créer un élan politique grâce à des relations bilatérales et à un partage d’expertise.
Financement et partenariats
L’un des éléments clés du projet est la création du Fonds de l’Initiative Elsie pour les femmes en uniforme dans les opérations de paix. Lancé pour une période de cinq ans en 2019, le Fonds, coprésidé par ONU Femmes et le Canada, vise à offrir le soutien nécessaire pour « appuyer le déploiement de femmes en uniforme formées et qualifiées ». La contribution initiale du gouvernement canadien au Fonds est de 15 millions de dollars américains.
En 2018, le Canada annonce la mise en place de partenariats d’assistance technique et de formation avec les forces armées du Ghana et le service de police de la Zambie, avançant que ces deux pays ont fait preuve d’égalité des genres dans les opérations de paix. D’un autre côté, puisque les pays africains représentent un ensemble de voix influent aux Nations Unies, il s’agit aussi peut-être d’une tentative d’obtenir du soutien pour la candidature du Canada pour un siège au Conseil de sécurité en 2020. (Le Canada perd l’élection en juin 2020.)
Critique
L’une des principales critiques de l’Initiative Elsie est qu’elle encourage les stéréotypes de genre et les idées essentialistes sur les femmes (voir Égalité des genres). Par exemple, lors du sommet sur le maintien de la paix de Vancouver en 2017, Justin Trudeau affirme que les femmes apportent une perspective unique et précieuse à la résolution de conflits puisqu’elles regardent plus loin que les intérêts des parties en guerre. D’autres défenseurs de l’Initiative avancent quant à eux que la présence accrue des femmes dans les opérations de paix pourrait réduire l’exploitation sexuelle et augmenter l’efficacité des opérations. À l’opposé, certaines personnes condamnent l’utilisation de tels stéréotypes, qui peuvent créer des attentes irréalistes envers les femmes. L’Initiative a également été critiquée pour son manque d’études fondées sur des données et son absence de prise en compte de la perspective des gardiens de la paix.
Les critiques soutiennent que l’augmentation du nombre de femmes doit être accompagnée de diverses stratégies d’intégration de la perspective d’égalité des genres, ce qui générerait des changements culturels et structuraux. L’approche « ajoutez simplement des femmes et remuez » est souvent considérée comme inadéquate puisqu’elle encourage le modèle binaire des genres et ne s’adapte pas aux réalités locales.
En 2018, le Canada est également critiqué par les Nations Unies pour ne pas avoir respecté ses lignes directrices en matière de recrutement et de déploiement, et ce, malgré le fait que le gouvernement de Justin Trudeau en ait fait une priorité. À l’époque, les lignes directrices des Nations Unies indiquent que 15 % des officiers d’état-major et des observateurs militaires des missions d’observation de chaque pays doivent être des femmes, un objectif que le Canada n’a pas réussi à atteindre. Par la suite, le pays se voit menacé en 2018 de se faire retirer ses responsabilités dans le cadre de la mission des Nations Unies au Soudan du Sud et d’être relocalisé.
L’Initiative Elsie et la politique étrangère féministe du Canada sont à nouveau critiquées en 2019 lorsque le gouvernement Trudeau retire ses troupes du Mali. Il est alors accusé d’envoyer un message contradictoire : d’une part, il exprime le besoin de déployer plus de femmes dans les opérations de paix et dans les conflits dangereux; de l’autre, il refuse de fournir de l’aide logistique et des contingents militaires à long terme.