Écoutez Fort et libre, une baladodiffusion en six parties de Historica Canada, produite par Media Girlfriends. Parce que l'histoire des Noirs c’est l'histoire du Canada.
Au cours des années 1960 et 1970, le Québec a vu un afflux d’immigrants haïtiens fuyant la dictature de François Duvalier. Lorsqu’arrive l'année 1971, des milliers d’Haïtiens ont immigré au Québec, la seule autre société majoritairement francophone de l’Amérique du Nord. Les Haïtiens sont arrivés principalement à Montréal durant la Révolution tranquille, un cadre idéal pour établir leur communauté exilée et combattre le régime de Duvalier à partir de l‘étranger. Leur lutte pour la libération a imprégné la lutte du Québec.
Mais qui sont ces immigrants haïtiens, et que savons-nous vraiment de leur histoire? Nous discutons avec la musicienne Jenny Salgado (alias J Kyll) et l’éducateur et historien Alain Saint-Victor pour en apprendre davantage sur la relation entre Haïti et le Québec, ainsi que sur l'influence qu'a eue la communauté haïtienne sur la belle province.
Josiane Blanc : La communauté haïtienne, c’est l’une des communautés culturelles les plus importantes du Québec : plus de 140 000 Québécois sont d’origine haïtienne.
Des implications politiques aux nombreuses contributions scientifiques et médicales en passant par la littérature, les arts visuels et la scène artistique, impossible d’ignorer leur riche contribution au rayonnement de la belle province autant ici au Canada qu’à l’étranger.
Mais qui sont-ils et que sait-on réellement de leur histoire ?
Jenny Salgado, musicienne, rappeuse et compositrice est l’une de ces personnalités marquantes dont les créations musicales connaissent, depuis son entrée en scène en 1996, beaucoup de succès.
Jenny Salgado : Redessinés, défigurés, mutilés, assassinés, ministrel du cinéma, grosse babines aux mats des bandes dessinées, des gogos, des gogos, des Gaulois, et goal à gogo, nos enfants se regardent dans la glace et se trouvent hideux, crachent dans la face du passé cryogénisé qui rit d'eux. Swag.
JB : Si vous écoutez du rap au Québec, vous connaissez Jenny Salgado sous le nom de J.Kyll, la chanteuse du groupe Muzion.
Pionnier du rap québécois, le premier album de Muzion, Mentalité Moune Morne, sorti en 1999 a fracassé les palmarès et rapidement, leur son unique combinant le français, l'anglais et le créole haïtien, a conquis le Québec.
JS : Pour nous, ce n'était pas un style, ce n'est pas quelque chose qu'on a même créé. C'est quelque chose qui était dans notre intégrité propre. Ce français est un français particulier d’ici, c’est-à-dire, un français montréalais. C'est à ça qui ressemblait. C'est un français qui est hybride, un français montréalais. C’est de Parc-Ex, de Saint-Michel, de Montréal-Nord, de RDP, de Pie IX, ce n’est pas inventé. C’est pas copié. C'est pas calqué, c'est pas réfléchi. C'est comme ça qu’on parle.
JB : L’aspect hybride de la musique de Jenny va bien au-delà du choix des mots. Sa musique est imprégnée de la culture québécoise, mais aussi de la culture haïtienne et de l’histoire des Haïtiens de Montréal. Comme la plupart des Québécois d’origine haïtienne de sa génération, la famille de Jenny a quitté Haïti dans les années 70, fuyant la politique de leur pays.
JS : Mes parents, eux ont pris la décision que… qu’ils ont pas le choix, pour leur sécurité et pour l'avenir, leur avenir et l'avenir de leurs enfants, d'immigrer au Québec pour aller chercher, justement, de meilleures possibilités.
Donc, ça te montre à quel point ce qui s'est passé ailleurs, ce qui s'est passé au passé, influence toute la raison d'être du pourquoi on est là aujourd’hui.
JB : Les parents de Jenny ont choisi Montréal comme foyer, en raison du lien étroit qui existait entre Haïti et le Québec, la seule autre société majoritairement francophone en Amérique du Nord. Je suis aussi quelqu’un qui a grandi au Québec, d’origine d’haïtienne et cette histoire de l’immigration, c’est pas seulement celle de Jenny : c’est un marqueur temporel dans l’histoire de toute la communauté qui s’est bâtie peu à peu ici.
Des années 1970 à aujourd'hui, le visage du Québec a bien changé et les artistes d’origine haïtienne comme Jenny Salgado, Kaytranada, Dominique Fils-aimé et bien d’autres, ont contribué à ce changement.
L'histoire de l'immigration haïtienne c’est aussi l'histoire du Québec du XXe siècle.
Je m’appelle Josiane Blanc et vous écoutez Fort et libre, une baladodiffusion d’Historica Canada. Parce que l’histoire des Noirs est l’histoire du Canada.
J’ai discuté avec Alain Saint-Victor, un historien qui vient tout juste de publier un livre sur l’histoire de la communauté haïtienne de Montréal. Pour bien comprendre le contexte historique, il faut remonter jusqu’à l’élection de l’ancien président haïtien, François Duvalier.
Alain Saint-Victor : François Duvalier va prendre le pouvoir en 1957 et il va établir graduellement une dictature. Il y a une soi-disant élection. C'est clairement indiqué par les historiens que c'est l'armée qui l'avait mis au pouvoir. Et en 1964, il va s'autoproclamer président à vie et il va commencer à détruire toute forme d'opposition. Donc, Il va commencer à faire des arrestations, des assassinats et aussi même des massacres en quelque sorte.
JB : Toute personne qui osait critiquer le gouvernement était vue comme une opposition. Même le fait d’être neutre était considéré suspect et pouvait vous causer des ennuis.
ASV : Les syndicats étaient interdits, les associations de journalistes interdites, les organisations d'étudiants interdits. Toute forme d'association que le pouvoir ne contrôlait pas était automatiquement ciblée, voyez.
JB : Les Tontons Macoutes, une force paramilitaire qui répondait uniquement au président, s’introduisaient aussi sans prévenir chez les gens.
ASV : Lorsque Duvalier te déclare ennemi de son régime, non seulement on peut disparaître en tant que individu, mais on peut aussi faire disparaître toute ta famille, des enfants. Donc, c’est ce genre d'histoire d'horreur que les gens des années 60 ont vécu.
JB : Cette histoire de terreur, Jenny la connaît bien. Ses grands-parents, des militants qui luttaient contre le duvaliérisme en Haïti, ont eux aussi été ciblés.
JS : Mes deux grands-pères ont été arrêtés par Duvalier, par les Tontons Macoutes, et se sont retrouvés à Fort Dimanche, qui est une prison, qui est la prison mythique justement en Haïti de l’histoire, la prison de Duvalier où tous les dissidents se retrouvaient enfermés-là pour, dieu sait combien de temps.
Puis là on parle des cellules, plus petites qu'une salle de bain. On parle de petites cellules où tu tends les bras puis tu touches les deux murs des deux bords. Ils peuvent entrer quinze personnes là-dedans. Les gars faisaient le tour, dormaient un à la fois parce que c'était impossible de se coucher tout le monde. Des conditions atroces quoi.
Le jour où ma grand-mère était chercher son mari aux portes de Fort Dimanche, arrivait aux portes, on lui a annoncé que son mari était décédé dans l’enceinte de la prison.
C’est un moment de mon histoire personnelle et de l'histoire en générale. C’est du pays et de la communauté qui me touche profondément. Ça reste à vif dans ma pensée, dans ma mémoire et puis dans ce que je représente, aussi.
JB : Et c’est donc la disparition tragique du grand-père, qui amène la famille de Jenny, comme beaucoup d’autres, à prendre la décision de quitter le pays.
ASV : Il va avoir une vague d'Haïtiens qui vont quitter Haïti. Il y a tout une, ce que j’appelle la première vague, beaucoup d'intellectuels, d'écrivains, de professionnels qui vont laisser le pays et qui vont s'établir dans différents pays, principalement au Canada et particulièrement à Montréal.
JB : Il faut savoir qu’il existait déjà une relation de longue date qui s’était établie entre Haïti et le Québec durant les années 1930 et 1940.
ASV : Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il y a beaucoup de religieuses québécoises qui sont entrées en Haïti pour l'enseignement. Elles ont enseigné au primaire et au secondaire aussi.
JB : Réciproquement, des Haïtiens étaient aussi venus au Canada.
ASV : Il y a des étudiants haïtiens qui sont venus ici, les années 1930 par exemple. Il y a un cas comme Philippe Cantave, qui était étudiant dans les années 1930. Il a même fondé une association, il s’appelle l'Association canado-haïtienne.
JB : En 1937, un congrès de la langue française au Canada est organisé à Québec et une délégation haïtienne est spécialement invitée à y prendre part.
Montréal, métropole francophone des Amériques, était donc une destination prisée par cette première vague qui arrive dès le début des années 60. Dans les premières années, ils sont quelques centaines.
ASV : Mais ils vont s’établir ici en tant d’exilés et ça, c'est important de comprendre ça, ils n'ont pas l'intention de rester ici définitivement. Pour eux, dans leur tête, ils attendent, justement, la chute de la dictature pour pouvoir rentrer dans leur pays.
JB : Ceux-ci s’intègrent sans trop difficulté au marché du travail québécois alors que le Québec est lui aussi en plein changement. Les Haïtiens arrivent en plein cœur de la Révolution tranquille.
ASV : Il y a une transformation assez importante qui a été effectuée à cette époque-là, mais sans effusion de sang, sans bouleversements sociaux, sans un coup de feu a été tiré. C'est pourquoi on appelle ça Révolution tranquille.
JB : C’est une période d’importants changements politiques, économiques, sociaux et culturels qui dure 10 ans, soit de 1960 à 1970. Et pendant cette période…
ASV : L’État Québécois va prendre en main l'objectif d'affirmer, en quelque sorte, le Québec au Canada où l'État québécois, en tant que tel, va prendre en main plusieurs projets économiques.
JB : Ça passe notamment par la nationalisation de l’électricité qui est depuis 1963 gérée à 100% par Hydro-Québec.
ASV : Donc, les femmes québécoises vont s'émanciper aussi dans cette révolution.
JB : Elles revendiquent le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes, obtiennent le droit d’accéder aux études universitaires supérieures au même titre que les hommes et entrent de façon importante sur le marché du travail.
Imaginez, avant la Révolution tranquille, rien de tout ça n’était possible.
ASV : Aussi, l'éducation aussi au Québec était dominée par la religion catholique, par le clergé catholique et l'État va prendre ça en main.
JB : En 1968, on forme le réseau universitaire québécois qui comprend aujourd’hui 10 établissements universitaires. Et puis…
ASV : Il va avoir une ouverture sur d’autres cultures.
Il y a plusieurs affinités qui s'est développées et il y a certains Québécois, même dans le mouvement souverainiste et indépendantiste, qui pensent que, eux aussi, ils comprennent mieux la situation des pays du Tiers-Monde qui essaient de se débarrasser du colonialisme à cette époque-là.
JB : Rêvant de souveraineté, certains Québécois sont solidaires aux dures luttes pour l’indépendance et la démocratie qui sont menées dans certains pays.
ASV : C'est pourquoi, quand les intellectuels haïtiens arrivent à cette époque-là, ils sont très bien reçus, ils sont très bien reçus et ils trouvent leur place.
JB : Malgré la distance qui les séparent de leurs pays d’origine, ils vont continuer à s’impliquer politiquement et dénoncer la dictature qui sévit dans leur pays, et ce tout au long de la Révolution tranquille.
ASV : Effectivement, l'exil a marqué, je dirais, la littérature haïtienne ici au Canada et aussi aux États-Unis, aussi et en France aussi. Je dirais il y a tout un courant littéraire, effectivement, qui était centré sur la dénonciation de la dictature à cette époque, jusque dans les années 80.
JB : En 1971, 14 ans après le début de son règne de terreur, François Duvalier décède. Mais à sa mort, il désigne son fils comme successeur. À seulement 19 ans, Jean-Claude Duvalier devient président à vie à son tour.
ASV : Voyez que la situation dramatique de cette première vague qui voulait rentrer dans leur pays, et surtout vers 1971, impossible, maintenant c’était pratiquement impossible. Ils allaient mourir à l’extérieur parce qu’il n’y avait pas de possibilité de rentrer.
JB : Pendant cette même période, une seconde vague d’Haïtiens commence à arriver au Québec. Même si la dictature sévit toujours en Haïti, ceux-ci ne sont pas considérés comme des exilés politiques mais plutôt comme des immigrants économiques.
ASV : Ils sont très, très nombreux, et cette deuxième vague, il y en a beaucoup qui ont perdu leurs terres, leurs propriétés en Haïti, leurs… enfin, il en a qui travaillent aussi en Haïti mais le chômage aussi va augmenter beaucoup et ils vont venir ici pour, principalement, travailler.
JB : Des 500 Haïtiens exilés recensés à Montréal en 1967, ils sont plus de 3700 en 1971. La communauté se bâtit peu à peu.
ASV : Et, il va atteindre un apogée en 1973, oui. En 1973, les Haïtiens vont être vraiment, vont occuper la première place parmi les immigrants qui vont entrer ici au Québec.
JB : À cette époque, ils représentent 14,5% de l’immigration au Québec. Un bon nombre d’entre eux rejoignent l’industrie du textile où il y a une grande demande de main-d’œuvre. Mais durant cette même période, le Québec connaît une récession. Le chômage augmente et l’industrie du vêtement se délocalise peu à peu pour s’installer dans des pays en développement où la main-d’œuvre est bon marché. Plusieurs Haïtiens se tournent alors vers d’autres industries notamment le taxi, la restauration et les soins de santé.
ASV : Il va y avoir une réaction de la société québécoise et aussi des employeurs. Donc, et c'est là que le racisme va commencer à paraitre, en quelque sorte, contre ces gens-là. Donc, on va les considérer comme des voleurs de job, par exemple. Ils sont devenus visibles parce qu'ils occupent des emplois qui ne leurs étaient pas destinés au début.
JB : Pendant les années 70 et tout au long des décennies qui vont suivre, plusieurs luttes vont être menées par les Haïtiens au Québec, notamment contre la discrimination, le racisme et la déportation.
Certains Haïtiens de la première vague qui n’ont pas vécu cette discrimination à leur arrivée, vont s’impliquer dans l’intégration de ces nouveaux arrivants. C'est là que voient le jour différents organismes communautaires tels que la Maison d'Haïti et le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal.
ASV : C'est à cette époque-là que la notion de communauté va apparaître. Ce qui a créé la communauté c’est cette deuxième vague aussi, c’est cette deuxième vague qui va amener une présence haïtienne nombreuse et qui va finalement, avec la volonté aussi, la volonté de s'établir. La volonté de s'établir, la volonté de rester, d'éduquer leurs enfants, etc. Dans les deux cas, la volonté de créer une communauté, vous voyez.
Ça c’est important de comprendre ça. Naturellement, la lutte qu'ils vont mener contre le racisme, la lutte qu'ils vont mener pour se faire accepter dans certains emplois. Tout ça aussi va consolider la communauté parce qu’on a une solidarité dans ce but-là.
JB : En 1986, le gouvernement de Jean-Claude Duvalier est renversé en Haïti, mettant fin à 29 années combinées des Duvalier père et fils au pouvoir.
Malgré le désir pour certains exilés de la première vague de pouvoir finalement rentrer dans leur pays, ce retour pour la plupart d’entre eux deviendra, finalement, un rêve impossible.
ASV : Le temps a passé et donc il y a beaucoup de décennies ont passé et finalement, ils ont perdu contact avec la réalité du pays aussi. Aussi bien dans le pays, c’est pas le même pays qu'ils avaient laissé. Ça aussi, c'est un choc pour eux.
JB : Depuis, la communauté n’a cessé de grandir et on compte aujourd’hui plusieurs générations de Québécois d’origine haïtienne étant nés ici au Québec comme moi et ma famille.
Certaines des luttes menées par leurs parents ou grands-parents au cours des années 70, 80 et 90 demeurent toujours bien actives et elles sont d’ailleurs au cœur de la musique que crée Jenny, une musique qui dénonce sans détour les injustices.
JS : Quand on connaît notre histoire, on se rend compte que c'est l'histoire d'une lutte incessante. C’est les communautés noires, les peuples noirs, puis particulièrement la communauté haïtienne.
Mes ancêtres se sont battus pour avoir le droit d'être des hommes à part entière, des êtres humains à part entière. Est-ce que moi, je peux juste cracher sur tout ça ?
Ou est-ce que je constate puis j'accepte le fait que je suis la continuité de ce qui été fait avant moi ? Au final, tu mets toutes les œuvres ensemble, c'est ça que ça raconte.
JB : Lorsqu’on lui demande d’où elle tire son inspiration, sans surprise les musiciens qui ont inspiré Jenny sont nombreux et de styles très variés.
JS : Evidement, c’est que toute la musique qui jouait chez nous, toute la musique haïtienne que mes parents écoutaient m’a influencée. Puis mes parents écoutaient toutes sortes de musiques : la musique troubadour haïtienne jusqu'au Big Band, tu sais, jusqu'aux compas, le blues, le jazz, le reggae, le soul.
Ma mère, elle, de son côté, écoutait beaucoup de musique québécoise, beaucoup de musique française. Donc, tout ça s’est imprégné en moi. C’est venu teinter ma façon, ma façon j’imagine, de créer des mélodies, de créer des rythmes.
Tous les musiciens que j’ai entendus au Québec aussi qui était - c'est autant des Ferland, que des Diane Dufresne, que des poètes, c’est des Gérald Godin, des Michèle Lalonde.
JB : Mais lorsque vient le temps de composer des mélodies, ce sont les sons de la musique haïtienne qui, au fil des ans, lui ont donné sa signature bien à elle.
JS : J'aime beaucoup utiliser des sons de l'arsenal, des instruments de la musique haïtienne. Mais je parle du début, celle qui tend encore la main aux racines africaines. Les tam tams, les shakers qu’on retrouve dans le rara, qu'on retrouve dans la musique vaudou.
Que je viens toujours marier avec des sons de la modernité, avec des sons plus électro électroniques qui fait que je fais une espèce de transmission, de passage, puis de pont entre ce qui a toujours été là avant moi, ce qui est aujourd'hui et ce qui s’en vient après moi.
JB : Plus de 20 ans après la sortie du premier album de Muzion, l’influence de la culture haïtienne au Québec se fait sentir plus que jamais.
Ce parler montréalais qui combine le français, l’anglais et le créole que l’on pouvait entendre à l’époque lorsque l’on tendait l’oreille dans certains quartiers, s’est aujourd’hui répandu dans l’ensemble de la métropole.
« Patnè, sézi, bahay, lakay », quelques exemples de mots créoles qui sont aujourd’hui utilisés par des jeunes montréalais de toute origine. Et en français ça donne quoi ? « Patnè » pour ami, « sézi » pour choquer, « bahay » pour dire chose et « lakay » pour dire maison.
J’ai demandé à Jenny ce qu’elle penser de tout ça.
JS : De réentendre mon parler dans la bouche d'un Québécois de souche, moi, ça me flatte. Je trouve ça vraiment cool. Ça démontre à quel point ce qu'on voulait au départ qui était de sortir de la marge pour pouvoir refaire surface avec l'ensemble. Il y a une évolution, puis ça s’est fait.
JB : Mais pour Jenny, l’utilisation de ces mots vient aussi avec une responsabilité.
JS : Il ne faut pas tomber de l'autre côté, c’est qu’il faut pas maintenant que ce soit réapproprié par la masse ou par n'importe qui sans qu'il y ait une explication de l'origine, sans qu'on soit capable d'expliquer d'où vient ce langage, à qui il appartient et qui réellement l'a créé. Puis à quel point ce langage qui est né à Montréal a pris racine dans l'ailleurs, tu vois ? Qui vient de l'immigration, qui vient du voyage de nos parents. Il y a une explication profonde à honorer, puis à s'assurer que ce soit transmis aussi. Mais je ne veux pas qu'on oublie d'où ça vient.
JB : C’est bien vrai. Ce français qui est si singulier est le reflet de l’histoire et de la présence de la communauté haïtienne au Québec. Jenny le sait, je le sais et maintenant, vous le savez-vous aussi.
Fort et libre est produit par Media Girlfriends et Historica Canada.
Cette série fait partie d’une campagne d’éducation plus large sur l’histoire des noirs par Historica Canada. Pour plus de ressources, visitez le site web historicacanada.ca.
Vous pouvez trouver Fort et libre sur les plateformes de baladodiffusion Apple, Spotify ou partout où vous écoutez vos baladodiffusions.
Cet épisode a été écrit et produit par moi-même, Josiane Blanc.
Les productrices principales sont Garvia Bailey et Hannah Sung.
Conception et mixage sonore : David Moreau et Gabbie Clarke.
L'équipe Media Girlfriends est aussi constituée de Lucius Dechausay, Jeff Woodrow et de Nana aba Duncan, la fondatrice de Media Girlfriends.
Merci à Jenny Salgado, auteur-compositeur-interprète québécoise. Et merci à notre consultant en scénario, Alain Saint-Victor, enseignant et historien.
Merci à Imposs d’avoir permis l’utilisation de sa chanson « Jaco », avec la participation de Jenny Salgado.
Vérification des faits : Cloé Caron.
Mon nom est Josiane Blanc. Merci nous avoir écouté.