Béatrice La Palme
(Marie Alice) Béatrice (Béatrix) La Palme. Soprano, violoniste, professeure (Beloeil, près Montréal, 27 juillet 1878 - Montréal, 8 janvier 1921). A.R.C.M. 1900. Elle étudia d'abord le violon avec Frantz Jehin-Prume et joua en public avec succès en 1894. Première boursière Strathcona au RCM, elle partit pour Londres en 1895 où elle étudia avec Enrique Fernandez Arbos. Peu après, elle commença l'étude du chant avec Gustave Garcia, et se produisit en public en juillet 1898 lors d'un concert du RCM. Elle se présenta à Montréal en octobre de la même année comme chanteuse et violoniste à la salle Karn, sous le patronage de lord Strathcona.
De retour à Londres, elle suivit les conseils d'Emma Albani qui souhaitait la voir se consacrer exclusivement au chant. Elle travailla alors avec Nelly Rowe, élève de Mathilde Marchesi. À Paris, elle chanta devant Massenet qui, selon Romain Gour, aurait déclaré : « C'est insensé, vous me faites pleurer avec ma propre musique! » Au lendemain d'un concert à la salle Windsor à Montréal (17 octobre 1902), La Presse écrivait : « De voix de soprano plus étendue, plus limpide, plus admirablement belle, on n'en saurait imaginer. » La Palme fit ses débuts à Covent Garden le 18 juillet 1903, remplaçant au pied levé Fritzi Scheff dans le rôle de Musetta de La Boheme, lors d'une représentation de gala en présence d'Édouard VII. La distribution réunissait Melba, Bonci, Scotti, Journet, Gilibert et Dufriche. Elle chanta ensuite Mireille et Micaëla à Lyon (saison 1903-04) puis à Royan (été 1904) où elle interpréta aussi les rôles de Juliette, Mimi et Lakmé. L'un de ses partenaires était le ténor français Salvator (Issaurel) qu'elle épousera à Paris en 1908.
Le 10 septembre 1905, elle débuta à l'Opéra-Comique dans Mireille. Pendant quatre ans, elle y tint de nombreux rôles dont Sophie (Werther), Eurydice (Orphée et Eurydice), Marie (La Fille du régiment), Bettly (Le Chalet d'Adam), Rhodis et Myrtho (Aphrodite d'Erlanger), Mignon, ainsi que Madelon lors de la création mondiale de Fortunio de Messager le 5 juin 1907. Pendant l'été de 1909, on la retrouva à Londres, au Lyric Theatre, comme membre de la compagnie Moody-Manners. Elle chanta en anglais les rôles de Marguerite (Faust), Elsa (Lohengrin), Eva (Les Maîtres-chanteurs) et Leonora (Il Trovatore) à Londres et en tournée.
L'année suivante, Thomas Beecham l'engagea pour sa saison d'été au His Majesty's aux côtés de Maggie Teyte et de Zélie de Lussan. La Palme ouvrit la saison dans Werther, puis chanta Susanna (Les Noces de Figaro), Despina (Così fan tutte), Mlle Silberklang (L'Impresario de Mozart), Adèle (Die Fledermaus), Antonia (Les Contes d'Hoffmann) et Lisa (Summer Night de G.H. Clutsam). Beecham la retint pour sa saison d'automne à Covent Garden. Elle ajouta alors à ses rôles ceux d'Aline (Le Chemineau de Leroux) et de Gretel (Haensel et Gretel). Elle s'affirma également comme interprète du lied et de la mélodie au cours de deux récitals à l'Aoelian Hall en mai et juin 1911.
En juillet, elle se fixa à Montréal avec son mari. Son récital de rentrée, le 2 octobre au Monument national, fut couronné de succès. Avec la Compagnie d'opéra de Montréal, elle débuta au His Majesty's le 9 novembre suivant, dans le rôle de Micaëla, interprétant ensuite Marguerite, Mimi, Juliette et Rosine, puis accompagnant la troupe à Québec, Toronto et Ottawa. En novembre 1912, elle entreprit une deuxième saison avec la troupe, ajoutant à ses rôles Gilda (Rigoletto), Giulietta (Les Contes d'Hoffmann) et les rôles titres de Madame Chrysanthème de Messager et de Cendrillon de Massenet. Engagée à New York par la Century Opera Company, elle débuta fin novembre 1913 à la Century Opera House dans le rôle titre de Thaïs. En 14 semaines, elle chanta 56 représentations d'un répertoire de 15 opéras. En plus de ses rôles habituels, ce furent Manon, Louise, Martha, Nedda, Santuzza et des rôles nouveaux, Nuri (Tiefland d'Eugène d'Albert), Eunice (Quo Vadis? de Jean Nouguès) et Natoma dans l'opéra du même nom de Victor Herbert. Du 27 juin au 6 septembre 1914, La Palme fut à Chicago pour la saison du Ravinia Park. En plus de huit rôles de son répertoire, elle interpréta la comtesse Gil dans Le Secret de Suzanne et Maliella dans Les Joyaux de la Madone, deux opéras de Wolf-Ferrari. « Son art est étonnant » écrivit The Music News (septembre 1914). Mais l'épuisement physique, des difficultés d'ouïe et l'incertitude créée par la Première Guerre mondiale mirent fin prématurément à sa carrière. Des pourparlers avec le Metropolitan n'aboutissant pas, elle revint définitivement à Montréal à la fin de 1914. Elle n'avait que 36 ans mais décida de se consacrer à l'enseignement, partageant avec son mari le studio qu'il avait ouvert en 1911. Elle forma de nombreux élèves dont Camille Bernard, Marie-Anne Couture et Graziella Dumaine. Elle fit sa dernière apparition publique le 14 novembre 1919, lors d'un récital avec son mari à l'hôtel Ritz-Carlton de Montréal.
Après Emma Albani, Béatrice La Palme fut la première cantatrice québécoise à s'illustrer sur les grandes scènes lyriques. Ses dons de chanteuse et d'actrice, sa personnalité et l'étendue de sa voix en ont fait une artiste très en demande. Se souvenant d'elle, sir Thomas Beecham déclarait à Romain Gour (23 avril 1945) : « Chanteuse accomplie, elle était l'une des artistes les plus versatiles de mon temps. » Il n'existe malheureusement pas d'enregistrement connu de la voix de cette cantatrice d'une réelle distinction.