Longue de plus de 3500 km, la limite territoriale séparant le Québec de Terre-Neuve dans la péninsule du Labrador est la plus longue frontière interprovinciale. Elle n'a pas encore été arpentée et marquée sur le sol. Un conflit à propos de la propriété du Labrador éclate en 1902 lorsque le gouvernement du Québec conteste la délivrance par Terre-Neuve d'un permis de coupe de bois sur le fleuve Churchill.
Deux ans plus tard, le Québec demande à Ottawa de soumettre ce différend au Comité judiciare du Conseil privé, à Londres. Le renvoi à un organisme impartial de l'extérieur est la procédure appropriée puisque ni le Canada ni Terre-Neuve, en tant que membres distincts de l'Empire britannique, ne peuvent régler la question devant leurs propres tribunaux. Seuls le Canada et Terre-Neuve sont parties en cause admissibles, le Québec n'y étant pas directement représenté.
Le conflit s'éternise. En 1922, le Canada et Terre-Neuve s'entendent pour demander au Conseil privé de déterminer uniquement « l'emplacement et la délimitation de la frontière séparant le Canada et Terre-Neuve dans la péninsule du Labrador en vertu des lois, des ordonnances et des proclamations ». Les cinq juges doivent donc s'en tenir à cette demande; ils ne peuvent pas établir de nouvelle frontière ni proposer de compromis territorial. L'affaire repose alors essentiellement sur le sens du mot « côte », en raison de son utilisation dans la description juridique du Labrador.
Terre-Neuve fonde son droit de propriété sur le mandat confié en 1763 au gouverneur Thomas Graves, sa juridiction y étant étendue aux « côtes du Labrador ». De son côté, le Canada affirme que, plus tard la même année, une proclamation royale a seulement placé le territoire sous « la surveillance et la responsabilité » du gouverneur à des fins de pêche.
Le Canada fait valoir qu'en 1774 le Labrador est cédé au Québec par acte législatif, mais il est annexé de nouveau à Terre-Neuve en 1809. Puis, en 1825, la côte du Labrador, située à l'ouest d'une ligne s'étendant droit vers le nord de la baie de Blanc-Sablon jusqu'au 52e parallèle, est remise au Bas-Canada (Québec).
Le Comité judiciaire rejette la prétention du Canada voulant que « côte » signifie une bande de terre large de 1,6 km, située en bordure de la mer, et reconnaît que la preuve appuie les prétentions de Terre-Neuve sur les terres aussi loin que la ligne de partage des eaux ou ligne de crête. La décision rendue par le tribunal en mars 1927 ancre la frontière à son emplacement actuel.
En 1949, lors de l'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération, sa frontière au Labrador est confirmée dans les conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada (devenues la Loi sur Terre-Neuve). Ces stipulations se trouvent enchâssées dans la Loi constitutionnelle de 1982. En 1971, la Commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec, créée par la province de Québec, décide qu'il est inutile de contester le tracé de la frontière tel qu'il a été confirmé en 1927. Dès 1987, même si la province ne considère pas l'affaire close, le dossier est inactif.