Article

Langue et identité canadienne

Trois points de vue prédominent au Canada en matière de politique linguistique en liaison avec l’identité canadienne. Le premier privilégie un Canada officiellement bilingue. Il réaffirme que le pays est le produit de deux « peuples fondateurs ». Une version de cette approche, introduite par le premier ministrePierre Trudeau, souscrit à un bilinguisme officiel, tout en rejetant l’idée selon laquelle il conviendrait d’accorder une reconnaissance particulière aux deux « nations » ou aux deux « peuples » fondateurs. Elle s’articule plutôt sur la nécessité de mettre en avant le multiculturalisme canadien. Partant de cette idée, le deuxième point de vue fait valoir qu’étant donné qu’aucun groupe linguistique ne peut se prévaloir d’un statut particulier, il ne devrait pas y avoir de langues officielles au Canada. Enfin, les tenants d’une troisième théorie estiment que le Canada n’est pas seulement multiculturel, mais également multinational. Selon eux, le français et l’anglais devraient avoir un statut officiel, marquant ainsi le rôle des deux nations fondatrices du pays. Les partisans de cette approche militent également pour que des efforts soient faits en vue de contribuer à la préservation des langues autochtones.

La Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme
La Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, 1963-1971, est créée alors que Lester Pearson est premier ministre pour étudier la dualité culturelle du Canada.

Contexte

En Occident, depuis au moins le début du 16e siècle, les États et les organismes régulateurs se sont régulièrement penchés sur la problématique des politiques linguistiques. Au Canada, ce n’est qu’en 1901 que des questions relatives à la langue commencent à être posées dans le cadre du recensement.

La Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme est créée en 1963. À cette époque, il est devenu de plus en plus patent que la question linguistique joue un rôle central dans le cadre des considérations politiques relatives à l’identité canadienne. De plus en plus, la population canadienne évolue vers ce que l’on appelle les « deux solitudes », c’est‑à‑dire une situation dans laquelle les anglophones et les francophones vivent séparément. Ce terme est tiré du titre d’un roman de Hugh MacLennan traitant des relations entre les deux groupes linguistiques. À l’origine, il désignait les Canadiens ayant des origines françaises d’un côté, et britanniques d’un autre côté. (Il convient également de noter que, jusque récemment, la religion constituait, tout autant que la langue, un élément distinctif entre ces deux groupes.)

« Deux solitudes »

De nos jours, on parle des « deux solitudes » au Canada pour évoquer soit les groupes linguistiques francophone et anglophone, soit les communautés nationales des Québécois francophones et des Canadiens anglais (voir également Relations francophones‑anglophones; Nationalisme francophone au Québec; Anglo‑Québécois.) La désignation de ces deux derniers groupes en tant que « nations » ne fait pas consensus au pays. Toutefois, en ce qui concerne les Québécois, cette étiquette est aujourd’hui devenue bien moins controversée. (En 2006, les Québécois ont, en effet, officiellement été reconnus par la Chambre des communes comme formant une « nation au sein d’un Canada uni ».) Cependant, il est peu fréquent de désigner les Canadiens anglais sous le terme de « nation ». (On appelle « Canadiens anglais » les Canadiens qui s’identifient à la culture canadienne anglaise. On doit les distinguer du groupe plus large des Canadiens anglophones susceptibles de se réclamer d’autres identités ethniques.)

Quoi qu’il en soit, ces ambiguïtés et cette complexité font partie de l’épineuse question de l’identité canadienne, mettant ainsi en évidence les liens de plus en plus étroits que cette dernière entretient avec les considérations politiques linguistiques (voir également Politique linguistique.)

Des agents de la GRC au Grand Prix de Montréal
Des agents de la GRC portent les drapeaux canadien et québécois au Grand Prix de Montréal, le 12 juin 2011.

Trois points de vue sur la politique linguistique au Canada

On peut globalement distinguer trois positions principales concernant la problématique linguistique contemporaine au Canada. La première s’inspire des conclusions de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Elle se prononce en faveur d’un Canada officiellement bilingue, réaffirmant ainsi la thèse historique selon laquelle le pays est le produit de « peuples fondateurs » (voir également Loi sur les langues officielles [1969]). C’est l’ancien premier ministrePierre Trudeau qui a lancé une déclinaison de cette approche qui, tout en faisant sien le bilinguisme officiel, rejette l’idée selon laquelle il conviendrait d’accorder une reconnaissance particulière à ces deux « nations » ou à ces deux « peuples » fondateurs. Elle s’articule, au contraire, sur la nécessité de mettre en avant le caractère multiculturel de la réalité canadienne. Dans un article de 1987, Pierre Trudeau évoque son rêve d’un « Canada uni ». Il formule le vœu qu’un jour, l’ensemble de la population canadienne, et pas seulement le gouvernement fédéral et ses institutions, soit totalement bilingue.

La deuxième position prend sa source dans une approche différente du multiculturalisme. Partant de l’idée qu’aucun groupe linguistique ne mérite un statut particulier, elle estime que le pays ne devrait donc pas avoir de langue officielle. Toutefois, cette position de principe n’empêche pas les tenants de ce point de vue d’estimer que le gouvernement fédéral devrait fonctionner en anglais pour des raisons pratiques, cette langue étant celle d’une majorité de la population. (Selon le Recensement de 2011, 85,6 % des Canadiennes et des Canadiens parlent anglais, cette proportion étant passée à 86,2 % lors du recensement de 2016.)

Enfin, la troisième position découle d’une conception multiculturelle ET multinationale de l’identité canadienne. Selon ceux qui s’en réclament, le français et l’anglais devraient avoir un statut officiel, marquant ainsi le rôle des deux nations fondatrices du pays. Les partisans de cette approche militent également pour que des efforts soient faits en vue de contribuer à la préservation des langues autochtones, certains estimant, toutefois, qu’il serait trop complexe d’imposer au gouvernement fédéral de les utiliser dans ses activités quotidiennes.

Voir également Loi sur les langues officielles (1969); Loi sur les langues officielles (1988); Commissaire aux langues officielles; Politiques linguistiques du Québec; Guide pédagogique : la Loi sur les langues officielles; Biculturalisme; Dualité culturelle.