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Le Canada et la guerre en Irak

La guerre en Irak (2003-2011) a été menée par une coalition de 46 pays dirigée par les États-Unis et le Royaume-Uni. La décision d’entrer en guerre reposait en partie sur des renseignements erronés et des présomptions concernant la fabrication et le stockage irakiens d’armes de destruction massive (ADM). La guerre s’est déroulée en deux phases; une brève opération conventionnelle en mars et avril 2003 et une opération de contre-insurrection beaucoup plus longue qui s’est terminée en décembre 2011. Malgré les pressions américaines et britanniques, le premier ministre canadien Jean Chrétien a refusé de soutenir publiquement la guerre. Apparemment, cela serait dû au fait qu’il n’y avait pas de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) autorisant l’opération, bien que plusieurs autres facteurs soient entrés en ligne de compte.

Guerre du golfe Persique

Contexte : guerre du Golfe (1990-1991)

En août 1990, les forces irakiennes envahissent le Koweït voisin. Peu de temps après, l’ONU adopte une résolution condamnant l’Irak et autorisant le recours à la force pour contraindre le pays à se retirer. L’ONU impose également des sanctions économiques contre l’Irak.

Lors du conflit suivant, qui a pour nom de code opération Tempête du Désert, les forces de la coalition, incluant le Canada, vainquent solidement les forces irakiennes. (Voir Guerre du golfe Persique, 1990-1991.) Malgré cette défaite, le président irakien Saddam Hussein est autorisé à rester au pouvoir. Parmi les conditions de paix figure l’élimination de toutes les armes de destruction massive (ADM) en Irak, qu’elles soient nucléaires, biologiques ou chimiques. (Voir aussi Le Canada et les armes de destruction massive.)

Armes de destruction massive irakiennes

Après la guerre du Golfe, l’ONU charge des inspecteurs de confirmer que les armes de destruction massive existantes sont détruites, qu’aucune autre n’est produite et que la recherche sur les armes de destruction massive est interrompue. Le non-respect de ces règles entraînerait le maintien des sanctions économiques.

Les inspecteurs sont des membres soit de la Commission spéciale des Nations Unies (CSNU) pour les armes chimiques et biologiques, ou soit de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour les armes nucléaires. Des spécialistes canadiens sont membres des deux groupes. Dès le début, l’Irak tente de faire obstacle aux inspecteurs. De faux documents sont fabriqués et les programmes d’ADM continuent à opérer en secret.

En décembre 1998, les agences d’inspection retirent leur personnel après que les Irakiens cessent de coopérer avec elles. Peu de temps après, les forces américaines et britanniques mènent des attaques aériennes et des attaques de missiles de croisière durant quatre jours contre des installations irakiennes sous le nom de code opération Desert Fox. Après le bombardement, l’Irak refuse toujours de laisser revenir les inspecteurs de l’ONU.

La menace

En 2002, le président américain George W. Bush annonce que l’Irak demeure une menace pour les États-Unis et que le désarmement de l’Irak est une priorité américaine. Son argumentation repose sur trois points principaux : la vulnérabilité de son pays suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, la prétendue continuation par l’Irak de son programme d’armes de destruction massive, et son soutien aux terroristes qui inclut Al-Qaïda, l’organisation à l’origine des attentats du 11 septembre.

Le 8 novembre 2002, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution exigeant que l’Irak autorise à nouveau les inspecteurs à entrer dans le pays. Bien que l’Irak semble initialement se conformer aux directives de l’ONU, au début de 2003, le président George W. Bush et le premier ministre britannique Tony Blair annoncent que l’Irak continue de faire obstruction aux inspecteurs et de posséder des armes interdites.

Les deux dirigeants tentent d’obtenir une résolution de l’ONU autorisant le recours à la force contre l’Irak en raison du non-respect des directives de l’ONU. Le 5 février, le secrétaire d’État américain Colin Powell fait une présentation au Conseil de sécurité de l’ONU dans laquelle il affirme disposer de « sources solides » pour étayer ses déclarations sur l’existence d’armes de destruction massive irakiennes. Le discours de Colin Powell est cependant largement discrédité, et l’ONU refuse d’approuver une résolution contre l’Irak.

Jean Chrétien

Décision canadienne

Le 16 mars 2003, le président George W. Bush donne 24 heures au Conseil de sécurité de l’ONU pour approuver la résolution autorisant une invasion. Lorsqu’il devient évident que la résolution ne sera pas adoptée, les États-Unis la retirent. Cet après-midi-là, après des délibérations et des consultations avec ses principaux conseillers, le premier ministre canadien Jean Chrétien annonce que le Canada ne participera pas à une guerre menée par les États-Unis sans l’approbation de l’ONU.

George W. Bush décide d’attaquer l’Irak malgré tout. Le 19 mars, une coalition dirigée par les États-Unis commence à bombarder l’Irak, suivie d’une invasion terrestre le lendemain. L’opération Iraqi Freedom se déroule rapidement. Bagdad, la capitale irakienne, est prise le 9 avril et George W. Bush déclare « mission accomplie » le 1er mai.

De nombreux Canadiens sont préoccupés par la décision de Jean Chrétien. Certains craignent qu’elle ne marginalise davantage le rôle du pays dans les affaires étrangères, tandis que d’autres pensent qu’elle pourrait affecter les liens économiques avec les États-Unis. Mais en fin de compte, le manque de participation du Canada n’a pas d’effet sur l’économie.

Certains soutiennent que la décision de Jean Chrétien est basée sur l’absence d’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU; toutefois, d’autres soulignent que le premier ministre a déjà approuvé la participation canadienne à d’autres opérations militaires multinationales sans un tel soutien. Celles-ci incluent la campagne de bombardement de 1999 au Kosovo et en Bosnie (voir Casques bleus canadiens dans les Balkans) et l’invasion de l’Afghanistan en 2001.

En fait, la décision de Jean Chrétien repose sur de nombreux facteurs. Il croit que la guerre est inutile parce que l’Irak a été considérablement affaibli après la guerre du Golfe et ne constitue pas une menace imminente pour les États-Unis. Le premier ministre estime également que tout conflit serait contre-productif dans le cadre de la guerre plus vaste contre le terrorisme, ainsi que dans la préservation de la stabilité au Moyen-Orient.

De plus, Jean Chrétien ne croit pas que l’Irak pourrait transférer des armes de destruction massive à Al-Qaïda étant donné l’hostilité entre les deux, qui est fondée sur leurs conceptions opposées de gouvernement. Avec de telles armes, les terroristes pourraient les utiliser contre l’Irak.

Certains suggèrent que la décision de Jean Chrétien est fondée sur des raisons de politique intérieure. À l’exception de l’Alberta, l’opinion publique est fermement opposée à la participation du Canada à la guerre, et seulement 10 % sont en faveur d’une intervention militaire sans l’autorisation de l’ONU. Toutefois, le gouvernement ne prétend jamais que sa décision est basée sur la pression de l’opinion publique.

Guerre en Afghanistan

Participation du Canada

Bien que le président George W. Bush et d’autres Américains font pression sur le Canada pour que le pays soutienne la guerre, à aucun moment les responsables américains de la défense ne demandent au Canada de fournir des troupes. Pourtant, le Canada soutient indirectement l’invasion. En fait, certaines sources affirment que le soutien militaire du Canada dépasse celui de la plupart des membres de la coalition.

Des navires canadiens sont déjà dans la région pour soutenir l’invasion de l’Afghanistan. Bien que la Marine royale canadienne ait reçu comme instruction de ne pas aider les opérations américaines contre l’Irak, il est souvent difficile de distinguer si une mission d’interdiction entreprise par les navires de guerre de la MRC, y compris leurs hélicoptères et équipages de l’ ARC, soutient la guerre en Irak ou en Afghanistan. (Les missions d’interdiction visent à détruire, retarder ou perturber les forces ennemies ou leurs ravitaillements avant qu’ils n’atteignent une zone de combat.) Aucun avion de combat canadien n’est impliqué, mais l’équipage canadien participe à des missions de surveillance qui permettent de diriger des avions d’attaque américains au-dessus de l’Irak. De plus, une centaine d’officiers d’échange canadiens affectés aux forces américaines, britanniques et australiennes sont autorisés à rester avec leurs unités. Parmi eux se trouve le général de brigade Walt Natynczyk (plus tard général et chef d’état-major de la défense) qui aide à planifier l’invasion de l’Irak.

Certaines entreprises canadiennes profitent également de la guerre, qu’il s’agisse de fournir des munitions (SNC Technologies Inc.) ou de reconstruire des réseaux sans fil (Nortel).