Leone Norwood Farrell, biochimiste et microbiologiste (née le13 avril 1904 à Monkland, en Ontario; morte le 24 septembre 1986 à Toronto). Elle a été une pionnière du développement des vaccins. Elle est particulièrement connue pour sa « méthode de Toronto », qui a rendu possible la production à grande échelle du vaccin contre la polio de Salk au début des années 1950. Son travail en la matière a suivi ses innovations dans la production du vaccin contre la coqueluche et la pénicilline.
Dr. Leone Farrell, c. 1950s.
(courtesy Sanofi Pasteur Canada Archives, Connaught Campus)
Jeunesse et formation
Leone Farrell naît le 13 avril 1904 dans le petit village agricole de Monkland (près d’Ottawa) mais grandit à Toronto. lle obtient son diplôme du Parkdale Collegiate Institute et remporte une bourse en sciences et des prix en anglais et en histoire. Par la suite, elle étudie la chimie au premier cycle à l'Université de Toronto, Elle se penche ensuite sur la zymologie et plus spécifiquement la chimie de la fermentation, et termine sa maîtrise en 1929.
Le travail de maîtrise de Leone Farrell ouvre la porte à un projet de recherche sur la microbiologie du miel mené de 1929 à 1931 à la Ferme expérimentale centrale du Conseil national de recherches du Canada à Ottawa. Après, elle passe un an à la School of Hygiene & Tropical Medicine de Londres, au Royaume-Uni, pour étudier le métabolisme des champignons dans la pénicilline. En 1933, elle revient au Canada pour effectuer son doctorat en biochimie à l’Université de Toronto sous la direction de William Lash Miller, un pionnier international dans le monde de la chimie. Une fois diplômée, Leone Farrell poursuit ses recherches avec lui un an avant de se joindre aux laboratoires Connaught de l’Université en tant qu’assistante de recherche en 1934.
Laboratoires Connaught
En 1914, les laboratoires Connaught sont créés sous le nom d’’Antitoxin Laboratory. Basés au Département d’hygiène de l’école de médecine de l’Université de Toronto ces laboratoires autonomes à la fonction publique ont pour but la préparation de produits biologiques essentiels pour la santé publique dont des antitoxines et des vaccins. La Première Guerre mondiale ntraîne leur expansion. Par la suite, ils sont rebaptisés Connaught Antitoxin Laboratories en l’honneur du duc de Connaught, gouverneur général du Canada de 1911 à 1916. En 1922 et 1923, ils jouent un rôle important dans la mise au point et la production de l'insuline. Au moment où Leone Farrell est engagée par les laboratoires, ceux-ci fournissent déjà de l’insuline et des vaccins partout au Canada et même à l’international.
Anatoxine
Initialement, le travail de Leone Farrell aux laboratoires Connaught est centré sur la mise au point de vaccins à base d’anatoxine pour prévenir le staphylocoque et la dysenterie. Les anatoxines sont préparées à partir des toxines produites par les bactéries causant les maladies. Quand la toxine est exposée à une substance chimique comme le formaldéhyde et à la chaleur avant d’être incubée, elle devient une anatoxine et donc non toxique.Lorsqu’elle est injectée, elle peut stimuler l’immunité contre une maladie, tout comme un vaccin. Du milieu à la fin des années 1920, les laboratoires Connaught sont des pionniers dans la mise au point et les essais de l’anatoxine diphtérique. Le travail de Leone Farrell sur le staphylocoque et la dysenterie se base sur cette expérience.
Production de vaccins contre la coqueluche à l’aide de la « méthode de Toronto » de Dre Farrell, années 1940.
(avec la permission des archives de Sanofi Pasteur Canada, campus de Connaught)
Méthode de Toronto
En 1939 et 1940, le travail de Leone Farrell sur les anatoxines lui permet de créer une nouvelle méthode de « culture profonde », qui deviendra connue sous le nom de « méthode de Toronto ». Elle cultive d’abord les bactéries et les toxines dans de grandes bouteilles et un milieu nutritif liquide semi-synthétique au lieu d’un traditionnel milieu solide. Les cultures liquides sont ensuite soumises à un léger balancement afin d’être constamment en mouvement. L’aération et la chaleur de l’incubation favorisent alors la croissance cellulaire. Au début des années 1940, Leone Farrell adapte la méthode de Toronto pour la production de vaccins contre la coqueluche à grande échelle. Le vaccin pourra désormais être produit pour 0,8 ¢/ml comparativement à 8 ¢/ml auparavant, ce qui le rend beaucoup plus abordable pour les campagnes de vaccination des enfants.
Réplique du prototype de la machine à balancement les bouteilles de cultures de poliovirus utilisée dans le cadre de la « méthode de Toronto », envoyée à l’exposition sur la vaccination contre la polio de la Smithsonian Institution, 1958.
(avec la permission des archives de Sanofi Pasteur Canada, campus de Connaught)
Deuxième Guerre mondiale
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Leone Farrell se concentre sur la production de plusieurs produits, dont un vaccin contre le choléra et l’anatoxine dysentérique. Elle donne également des cours à des étudiants de médecine et à des infirmières de la santé publique. Cependant, elle souhaite contribuer plus directement à l’effort de guerre. En 1941, elle se renseigne au sujet d’un poste au service de renseignements de la marine. Rien n’en ressortira toutefois, et elle demeurera aux laboratoires Connaught.
Pénicilline
À la fin des années 1940 et au début des années 1950, Leone Farrell travaille à améliorer la production d’antibiotiques. Son accomplissement le plus remarquable est sa préparation d’une nouvelle souche de pénicilline, Penicillium chrysogenum, qui génère de 20 à 30 fois plus de pénicilline que ne pouvait le faire la souche originale.
Dre Farrell installe une bouteille de cultures du poliovirus sur les grilles d’une machine à balancement de taille complète, 1954.
(avec la permission des archives de Sanofi Pasteur Canada, campus de Connaught)
Mise au point du vaccin contre la polio
Par après, Leone Farrell apporte une contribution novatrice au développement du vaccin contre la polio de Salk principalement par l’adaptation de la « méthode de Toronto » pour la culture du poliovirus à grande échelle.
Son travail repose sur la mise au point de la première solution nutritive entièrement synthétique pour la culture tissulaire, Medium 199, aux laboratoires Connaught (connus comme les laboratoires de recherche médicale Connaught de 1946 à 1972). La solution s’avère idéale pour la culture du poliovirus. Cette découverte permet à Jonas Salk de préparer un vaccin contre la polio sécuritaire pour l’humain, mais il ne peut le faire que dans des éprouvettes. Grâce à la méthode de Leone Farrell, le vaccin peut désormais être produit dans de grandes bouteilles. L’efficacité de celui-ci peut alors être évaluée dans le cadre d’un grand essai sur le terrain qui débute en avril 1954.
Il faut accroître considérablement les capacités de production des laboratoires Connaught pour préparer à temps les 3000 litres de liquide contenant le poliovirus destiné à être converti pour l’essai sur le terrain. Cette « tâche herculéenne », comme l’a plus tard décrite Jonas Salk, dépend entièrement des habiletés scientifiques et du leadership de Leone Farrell. Beaucoup d’espace est requis, des machines destinées au balancement des solutions doivent être construites sur mesure et un équipement considérable doit être acquis. Leone Farrell doit engager et entraîner avec soin de nombreuses personnes qualifiées pour ce travail délicat et potentiellement dangereux. Miraculeusement, comme elle l’écrit plus tard, aucun membre du nombreuxepersonnel travaillant sur le projet n’est infecté par le poliovirus. Elle affirme toutefois : « Je crois que tout le monde a cru au moins une fois qu’il avait contracté la maladie. »
Les résultats des « essais de Salk » sont annoncés le 12 avril 1955 et reçoivent une forte attention médiatique. Les nouvelles surpassent les attentes de Leone Farrell et de ses collègues. Elle affirme plus tard dans plusieurs présentations publiques à propos du lendemain, jour de son anniversaire : « Je ne pouvais pas m’empêcher de sentir que j’avais reçu là un bien beau cadeau. »
Par la suite, Leone Farrell continue d’être à la tête de la production des vaccins contre la polio aux laboratoires Connaught. À un certain point, elle se tourne vers des projets de recherche portant principalement sur divers problèmes touchant encore la production de vaccins et l’élaboration d’une méthode plus efficace pour évaluer l’immunité à la polio et à d’autres maladies. En 1969, après 35 années de service, elle prend sa retraite et quitte les laboratoires de recherche médicale Connaught.
div>Dre Leone Farrell à la réception donnée pour sa retraite, 1969.
(avec la permission des archives de Sanofi Pasteur Canada, campus de Connaught)
Vie personnelle
Leone Farrell, jamais mariée, vit seule. Femme élégante et à la mode, elle a en horreur le travail domestique et préfère manger au restaurant que cuisiner chez elle. À la fin de sa vie, elle souffre de la maladie d’Alzheimer. Elle meurt à Toronto d’un cancer du poumon le 24 septembre 1986.
Héritage
Ses collègues se souviennent de Leone Farrell comme d’une chercheuse classique. Son attention méticuleuse aux détails et sa capacité à transmettre ses techniques et ses idées laissent aux laboratoires Connaught ne tradition d’excellence en formation du personnel. Ses plus grandes contributions sont d’avoir permis d’accélérer la vaccination contre la coqueluche au début des années 1940 et rendu possible la production à grande échelle du vaccin contre la polio de Salk au début des années 1950.
Leone Farrell fait partie d’un petit groupe de femmes de sa génération à obtenir un doctorat en sciences. Elle soutient fermement la présence des femmes dans les laboratoires, mais ne se considère pas comme une féministe.