Anna Harriette Edwards Leonowens (née le 6 novembre
1831 à Ahmadnagar, en Inde; décédée le 19 janvier 1915 à Montréal,
au Québec).
Anna Leonowens était une enseignante, auteure et
conférencière qui est devenue célèbre en tant que gouvernante britannique des
épouses et des enfants du roi Mongkut (Rama IV) du Siam (aujourd’hui la
Thaïlande) dans les années 1860. Après avoir quitté le Siam, elle a
émigré au Canada, où elle a milité pour le droit de vote
des femmes, enseigné à l’Université
McGill et contribué à la fondation de ce qui est aujourd’hui le Nova
Scotia College of Art and Design. Elle a été l’inspiration du roman
historique de Margaret Landon, Anna and the King of Siam (1944; trad. Anna
et le roi, 2000), et de la comédie musicale de Rodgers et Hammerstein, The
King and I (1951; v.f. Le roi et moi).
Jeunesse et famille
Anna est la fille cadette du sergent Thomas Edwards, ancien ébéniste de Londres qui s’est engagé comme soldat dans la Compagnie des Indes orientales, et de Mary Anne Glascott, fille d’officier d’origine anglo-indienne. Le père d’Anna décède peu après sa naissance, et sa mère se remarie avec un autre soldat, le caporal Patrick Donahue. Anna et sa sœur aînée, Eliza, font leurs études à l’école de la Bombay Education Society pour les filles métisses de pères militaires décédés ou absents.
Dans ses livres, Anna Leonowens cache sa classe sociale et son origine ethnique. Elle affirme que son père était capitaine et qu’elle est née à Caernarfon, au Pays de Galles, et qu’elle a étudié dans un pensionnat pour jeunes filles. Elle coupe les ponts avec sa famille qui vit en Inde après son mariage et son émigration.
Mariage et enfants
Comme pour sa famille, Anna Leonowens ment au sujet de son mariage, affirmant avoir épousé un certain major Leonowens du commissariat en 1851. Son mari est en réalité le soldat Thomas Leon Owens, un commis payeur de l’armée du comté de Wexford, en Irlande, qu’elle épouse le 25 décembre 1849. Le couple émigre de l’Inde vers l’Australie en passant par Singapour en 1852. De cette union naissent quatre enfants : Selina (1850-1852), Thomas (1853-1854), Avis (1854-1902) et Louis (1856-1919). En 1857, la famille s’installe à Singapour, où Thomas travaille comme hôtelier jusqu’à sa mort en 1859. Désormais veuve, Anna Leonowens ouvre une école pour les enfants d’officiers britanniques à Singapour.
Enseignement au Siam
En 1862, le roi Mongkut du Siam donne à son délégué à Singapour l’instruction d’employer une gouvernante pour ses épouses et ses enfants, y compris son éventuel successeur, le prince Chulalongkorn. Anna Leonowens accepte le poste et s’embarque pour Bangkok avec son fils Louis (Avis est quant à elle envoyée en internat en Angleterre). Le roi Mongkut, un bouddhiste, demande à Anna Leonowens de « faire de son mieux pour transmettre la connaissance de la langue anglaise, de la science et de la littérature, en laissant de côté tout effort de conversion au christianisme ».
Bien qu’Anna Leonowens ait appris plusieurs langues asiatiques, et malgré son admiration de « ce qui est vrai et sage dans la doctrine du Bouddha», elle critique le règne arbitraire du roi, de même que ses nombreuses épouses et la «laideur ignoble de l’esclavage ». En plus de ses fonctions d’enseignante, Anna Leonowens agit comme secrétaire informelle du roi, qu’elle perçoit comme étant « aussi inconstant et irritable qu’il est méfiant et cruel » dans ses relations avec ses épouses, mais « à bien des égards, un souverain capable et vertueux ». Anna et Louis quittent le Siam en 1867 pour un congé et émigrent aux États-Unis après la mort du roi Mongkut en 1868. Là-bas, Anna Leonowens enseigne et travaille comme conférencière, auteure et journaliste.
Anna Leonowens écrit deux livres sur son séjour au Siam: un mémoire intitulé The English Governess at the Siamese Court (1870) et un ouvrage sur les femmes de la famille royale, The Romance of the Harem (1873). Les livres exagèrent son influence à la cour siamoise et relatent certains incidents – dont l’exécution d’une des concubines du roi Mongkut, Tuptim –, qui ne sont corroborés par aucune autre source. Lorsqu’Anna Leonowens revoit Chulalongkorn (maintenant roi Rama V) lors de la visite de ce dernier au Royaume-Uni en 1897, son ancien élève lui demande: « Pourquoi avez-vous écrit un livre aussi cruel sur mon père, le roi Mongkut? Vous l’avez complètement ridiculisé... » Anna Leonowens défend néanmoins l’image que dépeint son livre du roi et de sa cour.
L’un des fils du roi Chulalongkorn, le roi Prajadhipok (Rama VII), est le premier monarque étranger à se rendre au Canada pendant son règne. Il visite Banff et Ottawa en1931.
Émigration au Canada
Anna Leonowens s’installe à Halifax en 1878, après que sa fille, Avis, épouse Thomas Fyshe, directeur général de la Banque de Nouvelle-Écosse. Elle assume un rôle de premier plan dans la vie sociale et culturelle de la ville. En l’honneur du jubilé d’or de la reine Victoria en 1887, Anna Leonowens dirige les efforts de collecte de fonds pour une institution officielle de la Victoria School of Art and Design en rédigeant des articles, en donnant une série de conférences et en mettant sur pied une exposition d’art pour soutenir l’école. La Anna Leonowens Gallery d’Halifax, fondée en 1968, souligne le rôle joué par la femme de lettres dans la fondation de ce qui deviendra le Nova Scotia College of Art and Design.
Anna Leonowens défend le droit de vote des femmes au Canada à tous les paliers de gouvernement, des conseils scolaires locaux jusqu’au Parlement. Elle occupe divers postes de direction dans des organisations féminines comme le Halifax Local Council of Women et la Woman’s Suffrage Association, et fait la connaissance de lady Aberdeen, consort vice-royale, en 1897. Dans un discours prononcé devant la Dominion Enfranchisement Association en 1894, Anna Leonowens déclare que, grâce à l’exemple de la reine Victoria, « les femmes ont non seulement prouvé leur capacité à gouverner de grandes nations, mais elles ont également fait preuve d’une merveilleuse compétence dans la gestion des affaires et se sont révélées être de véritables collègues, capables de faire plus que servir et amuser les hommes ». Pendant ses années passées à Halifax, Anna Leonowens voyage régulièrement (notamment en Russie, en Allemagne et au Royaume-Uni) et documente ses expériences.
En 1901, Anna Leonowens s’installe à Montréal pour rejoindre sa fille, son gendre (entre-temps devenu directeur général de la Merchants’ Bank of Canada) et ses petits-enfants. Elle enseigne le sanskrit à l’Université McGill. Elle devient présidente du Montreal Foundling and Baby Hospital et fait en sorte que soit construit un nouveau bâtiment pour l’institution. Elle subit en 1911 un accident vasculaire cérébral qui la rend aveugle. Elle décède quatre ans plus tard. Dans sa notice nécrologique, la Montreal Gazette rend hommage à la « persévérance d’Anna Leonowens dans son travail caritatif, religieux et philanthropique ».
Le roi Mongkut du Siam (aujourd’hui la Thaïlande), en tenue d’apparat, Bangkok. Anna Leonowens était la gouvernante britannique des épouses et des enfants du roi dans les années 1860.
(photo par John Thomson, avec la permission de Wellcome Images, "File: The 1st King of Siam, King Mongkut, in state robes, Bangkok Wellcome L0055542.jpg"sous licence
CC BY4.0)
Le saviez-vous?
Les livres d’Anna Leonowens renferment des photographies de l’Asie du Sud-Est prises par le photographe écossais John Thomson. En 1866, celui-ci devient le premier à photographier le complexe du temple d’Angkor Vat au Cambodge. Le photographe profite du parrainage du roi du Siam, et il est probable qu’Anna Leonowens l’ait rencontré à la cour siamoise. Sa petite-fille, Avis Selina Fyshe, fera ultérieurement don de la collection Anna Leonowens de photographies de John Thomson à l’Université McGill.
Culture populaire
Le roman historique de Margaret Landon, Anna and the King of Siam (trad. Anna et le roi, 2000) paraît en 1944. Il reçoit un accueil positif pour la manière dont il dépeint la protagoniste comme une militante pour les droits des femmes et l’abolitionnisme en Thaïlande. Le roman se vend à plus d’un million d’exemplaires et fait l’objet d’une adaptation de Richard Rodgers et Oscar HammersteinII en 1951, sous forme de comédie musicale The King and I (v.f. Le roi et moi). À l’écran, plusieurs actrices tiendront le rôle d’Anna Leonowens: d’abord, ce sera Irene Dunne dans le drame Anna and the King of Siam (1946; v.f. Anna et le roi de Siam); puis, Deborah Kerr dans le film musical The King and I (1956; v.f. Le roi et moi); enfin, Jodie Foster dans le film biographique Anna and the King (1999; v.f. Anna et le roi).
Les livres d’Anna Leonowens sont disponibles en Thaïlande en langues anglaise et thaïe. En revanche, le roman de Margaret Landon et ses adaptations cinématographiques, considérés comme irrévérencieux envers la monarchie en raison de leur représentation peu favorable du roi Mongkut, sont interdits dans ce pays en vertu des lois strictes qui régissent le crime de lèse-majesté.