Pendant la guerre froide, des unités de l’Armée canadienne et de l’Aviation royale canadienne stationnent à l’étranger, pour la première fois en temps de paix. Les soldats et les aviateurs canadiens commencent à arriver en Europe au début des années 1950, peu après le commencement de la guerre froide, et restent jusqu’en 1993, après qu’elle a pris fin. Au total, plus de 100 000 militaires canadiens servent, en France et en Allemagne de l’Ouest, au cours de cette période.
4e Groupe‑brigade mécanisé du Canada
La 27e Brigade d’infanterie canadienne est déployée à Hanovre, en Allemagne de l’Ouest, en 1951, dans le cadre de l’Armée britannique du Rhin. Deux ans plus tard, elle s’installe dans des bases permanentes dans la région de Soest‑Werl‑Iserlohn. Finalement, l’engagement de l’Armée canadienne devient le 4e Groupe‑brigade mécanisé du Canada (4 GBMC). Il s’agit d’une puissante force autonome composée des unités suivantes : un régiment blindé équipé de chars Centurion, un escadron de blindés de reconnaissance Ferret et une troupe héliportée d’observation, un régiment d’artillerie équipé de canons automoteurs de 155 mm et d’avions légers d’observation, une batterie de missiles nucléaires tactiques sol‑sol Honest John, trois bataillons mécanisés d’infanterie, une compagnie antichar de missiles tractés, une unité de génie d’assaut, ainsi que des unités de transmission, médicales, d’approvisionnement, de transport et de maintenance, soit un total d’environ 6 700 soldats. Le 4 GBMC est si bien doté que les Britanniques le désignent sous le nom de « division légère », la division étant la formation venant juste au‑dessus d’une brigade.
À l’arrivée au pouvoir du libéral Pierre Elliott Trudeau, en 1968, le gouvernement analyse la situation du 4 GBMC. Cet examen débouche, en 1970, sur une réduction notable des effectifs, de près de 50 %. Sur les trois escadrons de chars, les trois batteries d’artillerie et les trois bataillons d’infanterie, il n’en reste respectivement que deux, le 4 GBMC perdant également son unité de missiles nucléaires et l’escadron de reconnaissance étant intégré au régiment blindé. Les ressources héliportées sont cependant augmentées, la troupe de reconnaissance étant transférée à un escadron de l’Armée royale canadienne, qui comprend également des hélicoptères de manœuvre. En 1977, les chars Centurion vieillissants de la brigade sont remplacés par des chars Leopard 1. Au lieu de constituer des troupes de première ligne, dans le nord de l’Allemagne, dans le cadre de l’engagement britannique, le 4 GBMC devient une force de réserve de zone arrière soutenant les forces américaines ou allemandes dans le sud de l’Allemagne. Il intègre, en outre, une nouvelle formation, les Forces canadiennes Europe (FCE), qui commandent également des unités de la force aérienne. La brigade est stationnée à Lahr, un bataillon d’infanterie stationnant à Baden‑Soellingen. Le 4 GBMC est dissous en 1993, après la fin de la guerre froide.
Force mobile du CAE (Terre)
Le Canada engage également des groupes‑bataillons d’infanterie dans la Force mobile du Commandement allié en Europe CAE (Terre) ou FMA (T). Il s’agit d’une force de réaction immédiate multinationale, de la taille d’une brigade, créée en 1960, à la disposition du Commandant suprême allié en Europe. Bien que son quartier général permanent soit basé à Heidelberg, en Allemagne de l’Ouest, la FMA (T) est composée de groupes‑bataillons désignés, stationnés sur leur territoire d’origine en temps de paix. En cas d’accroissement des tensions entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, ses unités n’auraient besoin que d’un court préavis pour se déployer, de leur région d’origine à la région cible. En 1964, le Canada engage deux groupes‑bataillons d’infanterie au sein de la FMA (T), un pour le flanc nord et un pour le flanc sud de l’OTAN. À la fin des années 1960, seul le groupe du flanc nord subsiste. Des bataillons canadiens participent à de nombreux exercices de la FMA (T).
1re Division aérienne
La 1re Division aérienne du Canada (DAC), constituant la contribution aérienne du pays à l’OTAN en Europe, avec un QG situé à Metz, en France, est formée en 1951. Elle se compose initialement de quatre escadres de chasseurs de jour, chacune d’entre elles intégrant trois escadrons de F‑86 Sabres. Deux de ces escadres sont stationnées en France (la 1re Escadre à Marville et la 2e Escadre à Grostenquin) et deux en Allemagne (la 3e Escadre à Zweibrucken et la 4e Escadre à Baden‑Soellingen). Lorsque l’OTAN se rend compte qu’elle manque d’intercepteurs « tous temps », le Canada se porte volontaire pour contribuer à combler ce manque. En 1956 et en 1957, un escadron de Sabres par escadre est remplacé par un escadron de CF‑100 Canuck. Puis, à partir de l’automne 1962, les Sabres sont remplacés par des CF‑104 Starfighter et les escadrons de Canuck sont dissous. Avec l’introduction des Starfighter, la 1re DAC change de rôle, passant d’une mission d’interception de jour et « tous temps », à une mission de frappe nucléaire et de reconnaissance.
Cependant, la situation évolue à nouveau, en 1964, après que le gouvernement français exige que toutes les armes nucléaires sur son sol passent sous son commandement. En 1966, la France retire également ses forces de l’OTAN, entraînant des changements majeurs à la 1re DAC. Le quartier général de la Division et la 1re Escadre s’installent à Lahr, tandis que la 2e Escadre est dissoute, ses deux escadrons rejoignant les escadres de Zweibrucken et de Baden‑Soellingen. En 1968, la 3e Escadre est fermée et ses escadrons rejoignent les 1re et 4e escadres, parallèlement au déménagement du 4 GBMC dans le sud de l’Allemagne et à la formation des FCE. La 1re Escadre ferme également, les trois escadrons restants étant renommés 1er Groupe aérien du Canada. Les Starfighter perdent, en outre, leur rôle nucléaire.
Groupe‑brigade canadien transportable par air et par mer
Les alliés du Canada au sein de l’OTAN se montrent critiques vis‑à‑vis de la réduction unilatérale des forces terrestres et aériennes du pays stationnées en Europe et se plaignent du fait que le Canada ne fait pas vraiment sa part du travail. En réponse, le gouvernement canadien propose une nouvelle formation qui serait stationnée au Canada, tout en étant en mesure de se déployer en Norvège, en période de tension, avec un préavis de 30 jours du gouvernement norvégien. Le Groupe‑brigade canadien transportable par air et par mer (CTAM) est créé en 1968. Il se compose de trois bataillons d’infanterie mécanisés, d’un régiment d’artillerie et d’un escadron de reconnaissance blindé, appuyés par deux escadrons de chasseurs CF‑5, représentant quelque 5 000 militaires au total. Le CTAM n’a été déployé en Norvège qu’à une reprise, dans le cadre de l’exercice Brave Lion, d’août à octobre 1986. Bien que le fonctionnement de ses unités s’avère satisfaisant, la logistique de soutien est quant à elle un échec. Sa taille est réduite, puis son rôle actif prend fin, en 1987, son démantèlement ayant lieu en 1989.
Familles
Les familles du personnel militaire (appelées personnes à charge) vivent également en Allemagne et en France. Outre le logement, une gamme complète de services et d’équipements leur est fournie, notamment des écoles, des hôpitaux, des services de magasinage, des installations sportives et récréatives, des cinémas, des banques, des stations de radio et des journaux. Une affectation en Europe offre, en outre, des occasions uniques de voyages et de vacances, sur tout le continent, et au‑delà, pour les militaires en service et pour leurs familles.
Le saviez‑vous?
Avant 1970, lorsque la réglementation a changé, les militaires canadiens et les personnes à leur charge, décédés alors qu’ils étaient stationnés en Allemagne et en France, y étaient enterrés, dans des cimetières civils locaux. Près de 1 400 Canadiens et Canadiennes sont enterrés dans les deux pays, dont 474 à Werl seulement.