Les mers postglaciaires du Québec
Entre environ 100 000 et 12 000 ans avant aujourd'hui, tout le territoire québécois ainsi qu'une importante partie de l'hémisphère nord sont recouverts d'une épaisse couche de glace. Vers la fin de l'époque du Pléistocène, il y a de cela un peu plus de 12 000 ans, le Québec subit un réchauffement atmosphérique graduel. Son territoire est alors recouvert d'un GLACIER, l'Inlandsis laurentidien, dont l'épaisseur dépasse les deux kilomètres en certains endroits. La force de compression appliquée par cette immense masse en vient à enfoncer la surface terrestre, de manière à ce que les dépressions de relief se retrouvent en dessous du niveau des mers de l'époque. Les régions les plus basses du Québec se retrouvent alors aux abords des grandes baies (Hudson et James) ainsi que dans la région suivant la faille géologique de Logan, soit l'actuel fleuve Saint-Laurent. Ces dépressions demeureront invisibles sous le couvert de glace, jusqu'à ce que ce dernier en libère entièrement la surface.Plusieurs facteurs influencent alors la répartition de la chaleur sur le territoire québécois, mais principalement, l'atmosphère se réchauffe de l'équateur vers les pôles (du sud vers le nord dans l'hémisphère québécois), et des océans (ou des masses d'eau importantes) vers l'intérieur du continent. La région méridionale du fleuve Saint-Laurent, située en dessous du niveau moyen des mers, sera ainsi la première à être libérée de l'Inlandsis. S'en suit la pénétration des eaux salées, par cette nouvelle voie, de l'océan vers l'intérieur du continent nord-américain. La mer de Champlain est ainsi formée il y a de cela environ 12 000 ans, dans la région des basses terres du Saint-Laurent. L'Inlandsis poursuit lentement son retrait vers le nord pour former la mer de Laflamme dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean puis la mer de Goldthwait à l'embouchure du fleuve. Leur formation aura lieu près de 2 000 ans après l'apparition de la mer de Champlain. À environ 7 000 ans d'aujourd'hui, tous les pourtours nordiques du territoire québécois actuels sont libres des glaces et ce n'est qu'à partir de ce moment qu'apparaissent les mers de Tyrrell, en bordure des baies d'Hudson et James, et la mer d'Iberville, située dans la baie d'Ungava.
Par rapport à l'image de la carte du Québec d'aujourd'hui, ces mers ne représentent qu'en fait une extension (ou une superficie aquatique plus importante) des plans d'eau près desquels elles se situent. Par exemple, la mer de Champlain avait une largeur de près de 250 kilomètres à la hauteur de l'île de Montréal et recouvrait entièrement la région des basses terres. En fait, le sol argileux qu'on y retrouve, excellent pour l'agriculture, très riche en minéraux et éléments nutritifs, est lié à la présence de cet ancien plan d'eau. Aussi, la mer de Tyrrell pénétrait en certains endroits à plus de 300 kilomètres à l'intérieur du continent, sur les territoires du Nord-du-Québec alors que la mer de Laflamme, elle, représentait un peu plus du double de superficie que le lac Saint-Jean.
La mer qui avance ainsi vers l'intérieur des terres apporte donc de l'eau salée qui se mélange aux eaux douces de fonte, qui elles, proviennent du glacier. Une part de cette eau douce est aussi apportée par le ruissèlement des précipitations qui alimentent les cours d'eau secondaires, comme les rivières et ruisseaux de l'époque qui viennent se jeter dans les mers. Ce mélange donne des eaux saumâtres à salées, dont le degré de salinité augmente au fur et à mesure que l'on se rapproche des océans.
Au fil des ans, la surface du territoire québécois étant libérée du poids des glaciers subit une décompression verticale, se traduisant par un phénomène appelé « relèvement isostatique ». Encore actif aujourd'hui, ce mouvement vertical de la surface terrestre en est venu à drainer les mers postglaciaires, leur sol parvenant à se retrouver au dessus du niveau moyen des mers. Lors de ce soulèvement, les mers postglaciaires en sont venues à se désaliniser progressivement, suite à une alimentation en eau douce proportionnellement plus importante qu'en eau salée.
Le soulèvement isostatique s'est effectué en étapes plus ou moins progressives. Aujourd'hui, on peut observer la progression du niveau de ces mers de diverses manières. Par exemple, sur l'île de Montréal, on peut observer une succession de terrasses marines sur le pourtour du Mont-Royal qui représentent divers épisodes régressifs de la mer de Champlain. Ces paysages arrondis, lissés par l'action de l'eau, sont aujourd'hui accentués par le réseau de sentiers pédestres du parc. Aussi, suite à des fouilles archéologiques, des fossiles et vestiges d'organismes marins typiques aux milieux salins y ont été retrouvés.
Sur les territoires de la Basse-Côte-Nord, autrefois occupés par la mer de Goldthwait, des sites d'occupation autochtone ont été découverts à une certaine distance de l'actuel Saint-Laurent. Les restes démontrent qu'il s'agissait d'un village situé aux abords du fleuve, dont le niveau dépassait de plus de 5 mètres celui que l'on peut observer aujourd'hui. Pour chacun des territoires qui furent à un moment donné occupés par les mers postglaciaires, les cartes de dépôts de surface représentent aussi des vestiges marins et lacustres.