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Les envois de fonds et la communauté philippine au Canada

L’envoi de fonds se réfère au transfert de fonds, d’argent, ou de produits par un membre d’une communauté de la diaspora à ses proches dans son pays d’origine. Le transfert peut être fait une fois ou sur une base régulière. Le gouvernement des Philippines encourage activement la pratique d’aller travailler à l’étranger pour envoyer de l’argent aux familles qui sont au pays. Les fonds envoyés par la communauté philippine au Canada représentent des milliards de dollars.

Contexte historique

Les envois de fonds sont un résultat direct de la migration qui est au cœur de la culture et de l’histoire des Philippines. Depuis les années 1970, des conditions économiques et politiques spécifiques aux Philippines mènent à une émigration croissante de la main-d’œuvre vers d’autres pays. (Voir Histoire des migrations de la communauté philippine au Canada.)

Dans les années 1970, le président des Philippines, Ferdinand Marcos, commence à mettre en place plusieurs réformes politiques pour encourager l’émigration. Il veut réduire le chômage et assurer des revenus en devises étrangères. Bien que ces politiques soient initialement temporaires, la migration de la main-d’œuvre ne cesse d’augmenter depuis. Ferdinand Marcos fait en sorte qu’il soit obligatoire pour les travailleurs travaillant sous contrat à l’étranger d’envoyer une partie de leurs revenus aux Philippines par le biais des banques. Cette réglementation donne au gouvernement un plus grand accès aux devises étrangères, habituellement en dollars américains, pour financer des activités gouvernementales et payer les dettes du pays. De nombreux ouvriers migrants vont au Moyen-Orient, mais plusieurs des migrants hautement qualifiés sont admis de manière plus permanente dans des pays comme le Canada. (Voir Immigration économique au Canada.)

À partir des années 1980, l’instabilité politique, les catastrophes naturelles, et la crise économique aggravent l’économie des Philippines. Le pays continue de se concentrer sur l’exportation de la main-d’œuvre à l’étranger. De nouveaux ministères et de nouvelles agences sont créés pour gérer, protéger, et représenter les travailleurs à l’étranger. Ces institutions incluent : la Commission of Filipinos Overseas (créée en 1980), la Overseas Filipino Bank (créée 2017), et le Department of Migrant Workers (créé en 2022). Le terme Overseas Filipino Workers (OFWs) devient également un terme officiel pour faire référence à toute personne des Philippines qui travaille dans un pays étranger pour une durée limitée. Ces personnes représentent un sous-ensemble des Philippins à l’étranger et elles sont considérées comme des migrants temporaires.

Les envois de fonds du Canada aux Philippines

Les envois de fonds constituent une source de revenus importante pour les Philippines. Le pays est parfois décrit comme ayant une « économie de transferts de fonds ». Le flux d’envois de fonds peut avoir d’importants impacts sur le revenu disponible, sur la consommation intérieure, et sur les contraintes de crédits des foyers des migrants aux Philippines. En 2017, selon Statistique Canada, les Philippines se sont classées au premier rang des envois de fonds en provenance du Canada, avec 1,2 milliard de dollars envoyés, suivi de l’Inde avec 794 millions de dollars.

Les envois de fonds offrent également du soutien en temps de crise ou suite à des catastrophes naturelles. En 2013, le super typhon Haiyan frappe les Philippines. Au cours des trois mois qui suivent Haiyan, les envois de fonds augmentent pour venir en aide au redressement post-catastrophe du pays. Le gouvernement canadien établit le Fonds de contrepartie pour le typhon Haiyan en réponse aux conséquences du super typhon. Dans l’ensemble, le gouvernement s’engage à un financement de 90,5 millions de dollars, incluant 43 millions de dollars pour égaler les dons des particuliers canadiens.

Durant la pandémie de COVID-19, 1,079 milliard de dollars sont envoyés entre janvier et octobre 2020.

Aujourd’hui, les envois de fonds demeurent une pratique courante parmi les immigrants canadiens d’origine philippine. En 2022, les envois de fonds représentent 8,9 % du produit intérieur brut des Philippines.

Méthodes de transfert

Il existe des procédures formelles et informelles pour transférer des fonds de l’autre côté des frontières internationales.

Transferts formels

Une procédure de transfert formelle est une méthode légale et autorisée d’envoyer de l’argent ou d’autres biens à travers les frontières. Habituellement, les institutions financières facilitent les transactions. Les types courants de transactions formelles incluent l’usage des banques, des coopératives de crédits, et des opérateurs de transfert d’argent. Les banques et les coopératives de crédit permettent à un expéditeur de transférer des fonds à l’aide d’un compte à partir du pays d’accueil.

En parallèle, les opérateurs de transfert d’argent sont des institutions non traditionnelles qui sont autorisées à exercer des activités bancaires. Les envois de fonds par le biais de ces entreprises peuvent être traités sans que l’expéditeur ait besoin de se créer un compte. Les innovations technologiques comme les systèmes de paiement mobile sont également des plateformes alternatives qui soutiennent le flux des envois de fonds dans le corridor Canada-Philippines.

Un autre exemple d’envois formalisés et réglementés est la boîte balikbayan. Il s’agit de colis envoyés outre-mer principalement par une personne d’origine philippine aux membres de sa famille élargie aux Philippines, et ce sans taxes. Le terme philippin balikbayan fait référence à un Philippin visitant les Philippines ou y retournant après avoir vécu à l’extérieur du pays pendant un certain temps. Ces boîtes, typiquement faites de carton ondulé, sont de toutes tailles et formes et doivent avoir un volume maximal de 200 000 centimètres cubes bruts (7 pieds cubes) selon le Bureau des douanes des Philippines. Une boîte balikbayan peut être envoyée tous les six mois. Le contenu de ces boîtes balikbayan est exempt de taxes aux Philippines. Ces biens sont considérés comme des biens à usage personnel ou des cadeaux. Bien que la coutume d’envoyer ces boîtes soit ancienne, cette pratique semble s’être développée aux États-Unis au cours des années 1990.

Transferts informels

Les méthodes informelles de transfert concernent à peu près tous les systèmes de transfert d’argent qui n’impliquent pas une banque traditionnelle. Ces méthodes informelles étaient auparavant les méthodes les plus populaires pour les immigrants et les travailleurs pour envoyer de l’argent à leurs familles dans leurs pays d’origine. L’un des exemples est la pratique philippine du padala, avec les proches et les amis qui transportent l’argent eux-mêmes. Divers arrangements informels semblables, généralement propres à une culture, existent également : hawala ou hundi parmi les diasporas du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud, et certaines diasporas d’Afrique, fei-ch’ien en Chine, phei kwan en Thaïland, ou chuyển tiền tay ba au Vietnam. Plus récemment, les transferts basés sur la valeur de la cryptomonnaie ont augmenté, mais il est difficile d’observer ces flux. (Voir Le Canada et l’économie numérique.)

Risques et application de la sécurité

Les envois de fonds présentent des risques d’activités frauduleuses. Le blanchiment d’argent dans le secteur des envois de fonds peut parfois être lié à d’autres activités criminelles, comme la fraude, le trafic d’êtres humains, la contrebande, le trafic de drogues, la criminalité économique, et dans certains cas, le financement du terrorisme. Les méthodes informelles de transferts sont parfois utilisées, car elles sont moins réglementées. Par conséquent, ces envois de fonds font l’objet d’une surveillance accrue de la part d’un large éventail d’agences publiques et d’institutions bancaires. Après les attaques du 11 septembre aux États-Unis, un nouvel accent a été mis sur les lois concernant le blanchiment d’argent pour lutter contre le financement du terrorisme. (Voir Le terrorisme et le Canada.)