Tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle, la littérature et la langue anglaise, ainsi que les Humanités, dominent incontestablement les programmes d'études littéraires dans les écoles et dans les universités canadiennes. Cependant, à l'extérieur des institutions scolaires, on prépare le terrain pour une littérature locale.
E.H. Dewart rédige la première anthologie canadienne, Selections from Canadian Poets (1864). Bien qu'il n'y ait aucune certitude que ce livre ait été utilisé dans les écoles, il est le premier d'une série d'anthologies destinées à encourager l'enseignement de la littérature canadienne, à une époque où cette dernière acquiert une certaine reconnaissance. Songs of the Great Dominion (1889) de W.D. Lighthall, est également un livre marquant. La Biographie et l'histoire littéraire font leur apparition avec Bibliotheca canadensis : A Manual of Canadian Literature (1867) de H.J. Morgan. À la fin du XIXe siècle, les noms de Lampman, Carman, Roberts et Scott s'ajoutent à ceux plus connus d'Haliburton, Moodie et Richardson. La préparation d'un livre de référence pour l'enseignement sur les premiers écrivains canadiens se profile à l'horizon.
Les documents relatant les premières tentatives destinés à intégrer la littérature canadienne aux programmes universitaires ne sont pas fiables. En 1924, The Canadian bookman publie les résultats d'une enquête effectuée par la Canadian Authors Association sur la situation de la « littérature canadienne dans le domaine de l'éducation ». La plupart des universités déclarent, tout en restant sur la défensive, qu'elles soutiennent vivement ce projet. Les écoles publiques disent aimer utiliser les auteurs canadiens « afin de répandre un sain sentiment patriotique ». Ce ne sont pourtant que des voeux pieux. D'après Desmond Pacey claims that the first undergraduate course was offered by J.B. Reynolds at Macdonald Inst (voir Université de Guelph) en 1906 et 1907. Les programme de l'U. McGill en 1912-1913 comporte un cours de « littérature américaine et canadienne ». Il semblerait que la titulaire du cours, Susan E. Cameron, ait enseigné cette spécialité dès 1907-1908. Cette combinaison « américano-canadienne » (dont Robertson Davies fait la satire dans Leaven of Malice, 1954) devient vite un expédient pour donner à la littérature canadienne la place qui lui revient. Dans les faits, la littérature américaine domine souvent. Bien que l'U. de Toronto ait attendu longtemps avant de soutenir officiellement les études en littérature canadienne (un programme spécialisé en littérature américaine et canadienne est offert pour la première fois en 1933-1934), elle appuie une série de cours de vulgarisation, mettant l'accent sur les oeuvres canadiennes du tournant du siècle. En 1919-1920, l'U. du Manitoba offre un programme complet de poésie canadienne, sous la direction d'Alexander W. Crawford.
En 1915, John Daniel Logan commence à donner des cours sur la littérature canadienne à l'U. Acadia, devenant ainsi un précurseur dans ce domaine. Il rejoint l'armée en 1916 et revient en 1919 comme « professeur invité et bénévole spécialisé en littérature canadienne ». L'Acadia Bulletin décrit les cours de 1915 comme « le premier cours magistral consacré à la littérature canadienne offert dans une université canadienne ». Le Toronto Globe qualifie les cours donnés par Logan en 1919 « d'innovation d'importance nationale ». La même année, V.B. Rhodenizer offre un demi-cours sur « l'histoire de la littérature canadienne ». Par la suite, Logan condamne Archibald MacMechan et l'U. Dalhousie dans Dalhousie University and Canadian Literature... (1922). Il dénonce le fait qu'ils prétendent être des figures de proue dans le domaine de l'enseignement de la littérature canadienne, parce qu'ils ont offert un demi-cours en 1921-1922.
L'opportunisme et les compromis dominent l'arrivée de la littérature canadienne dans les institutions : des cours non crédités, des cours ne pouvant être inclus dans des programmes avec majeure ou des programmes spécialisés, des demi-cours, ainsi que d'autres cours abordant la littérature canadienne comme le prolongement rebelle de la littérature anglaise ou encore comme un vulgaire complément à la littérature américaine étudiée. Le cours de Carlyle King, à l'U. de la Saskatchewan en 1946-1947, est le premier cours de niveau supérieur entièrement accrédité et reconnu dans ce domaine.
En fait, un nouveau courant de plus en plus fort atteint son point culminant pendant la période qui précède et qui suit la Deuxième Guerre mondiale. Si les programmes d'études n'enregistrent que de minces progrès au cours des années 20 et 30, cette époque est marquée par une prise de conscience générale de la valeur des écrivains et des oeuvres littéraires canadiennes. La Canadian Authors Association (fondée en 1921) incite au nationalisme littéraire et crée la tension nécessaire qui permet, à la fin des années 20, l'émergence d'une poésie canadienne moderne. Soixante-huit anthologies et recueils sont publiés entre 1920 et 1940. Quelques textes, dont Our Canadian Literature (1922), de Watson et Pierce, et A Book of Canadian Prose and Verse (1923), de Broadus et Broadus, sont conçus expressément pour les écoles et les universités. J.D. Logan et D.G. French publient Highways of Canadian Literature (1924), une des six histoires littéraires des années 20. Le fait que la critique de la littérature canadienne passe peu à peu entre les mains d'une nouvelle génération d'universitaires reconnus exerce une profonde influence sur l'enseignement de la littérature nationale. Dans The White Savannahs (1936), W.E. Collin procède à une critique courtoise et sophistiquée de l'oeuvre de certains poètes canadiens. À partir de 1936, E.K. Brown et quelques universitaires d'expérience envoient chaque année des critiques mordantes au supplément « Letters in Canada » du University of Toronto Quarterly.
La publication, en 1943, d'On Canadian Poetry de Brown, la première analyse savante et détaillée de la tradition poétique canadienne, et celle de Book of Canadian Poetry d'A.J.M. Smith, la première anthologie du genre basée sur des principes savants, attestent de la vitalité de la vie littéraire à l'époque. La parution de nouveaux écrits poétiques connaît une recrudescence. Avec les retours des soldats de la guerre, commence une augmentation stupéfiante du nombre d'inscriptions à l'université qui durera pendant plus de 20 ans.
Jusqu'en 1960, les fervents défenseurs des programmes traditionnels des départements d'études anglaises s'opposent à l'établissement de cours à contenu canadien. De plus, la littérature américaine, qui a servi de prétexte pour introduire la littérature canadienne dans l'enseignement, s'avère déjà une menace. Cela est surtout vrai dans les années 60 et 70, époque où le nombre élevé des professeurs américains dans les facultés canadiennes influe sur l'augmentation des cours de littérature américaine.
La mise en place d'un programme de 2e et 3e cycle en littérature canadienne à l'U. de Toronto (1947-1948) constitue une étape importante dans l'évolution de cette discipline. C.T. Bissell et R.L. McDougall figuraient parmi les premiers professeurs. D'une part, ce nouveau développement représente la première étape vers la légitimation de la littérature canadienne en tant que sujet d'études supérieures. D'autre part, il ouvre la voie à la première génération d'universitaires formés dans cette spécialité.
Les 20 années suivantes sont marquées par la création d'importants départements d'études supérieures dans de nombreuses universités : U. Carleton, U. du Nouveau-Brunswick, U. McGill, U. Queen, U. de Western Ontario, U. de l'Alberta et U. de la Colombie-Britannique. Parmi les principaux instigateurs figurent C. Klinck, Malcom Ross, D. Pacey, R.L. McDougall, L. Dudek, R. Watters, F. Cogswell, A. Lucas, G. Roper et J. Matthews. La publication de textes et d'autres matériels critiques alimente le contenu des cours qui engendre lui-même de nouveaux écrits. La Canadian Anthology (1956) de Watters, les rééditions de la New Canadian Library (mise en oeuvre en 1957), l'Histoire littéraire du Canada (1970), et le périodique Canadian Literature (fondé en 1959) sont les publications les plus importantes.
Enfin, des facteurs démographiques, économiques et culturels favorisent une croissance dynamique des cours à contenu canadien et une augmentation de leur taux de fréquentation au cours des années 60. Cette croissance est surtout due à l'entrée à l'université de la nouvelle génération issue du Baby-Boom. L'économie prospère et le désir de cette nouvelle génération d'étudiants de recevoir une éducation « pertinente », en sont également responsables. Le mouvement national de « canadianisation », terme utilisé par Robin Mathews et J. Steele dans leurs nombreux efforts publics pour augmenter le contenu canadien dans le système d'enseignement, alimente cette croissance.
Dès 1970, peu de gens remettent en question la légitimité de la littérature canadienne comme sujet d'enseignement. En 1948, 10 universités offraient des demi-cours de littérature canadienne, deux, des cours complets. En 1972, 38 universités offrent 90 cours complets de premier cycle à plus de 6000 étudiants. En 1948 pratiquement aucun cours n'était offert aux deuxième et troisième cycles, alors qu'en 1972-1973, 30 cours supérieurs sont donnés dans 22 universités, à plus de 200 étudiants. T.H.B. Symons affirme néanmoins dans Se connaître : le rapport sur la Commission sur les études canadiennes (1975), que les cours de premier cycle en littérature canadienne ne représentent que 8 p. 100 de tous les cours offerts par les départements d'études anglaises. La commission constate que le mépris affiché pendant plus de 50 ans à l'égard de la littérature canadienne est loin d'être disparu. D'importantes restrictions budgétaires ont marqué la fin des années 70, obligeant les universités à changer leurs priorités. Les années 80 laissent cependant présager une période de déréglementation qui permettra à la littérature canadienne de prendre la place qui lui revient au sein des programmes d'études anglaises.