Littérature de voyages
Des centaines de livres traitant de voyages au Canada ont été publiés au cours des deux derniers siècles. Ces ouvrages regorgent de détails sur la culture, le climat, les habitants et les lieux. De longs sous-titres viennent préciser les intentions de l'auteur : Forest Scenes and Incidents in the Wilds of North America: being a Diary of a winter's route from Halifax to the Canadas, and during four months' residence in the woods on the borders of Lakes Huron and Simcoe (1829) de George Head. La plupart des titres mentionnés ci-dessous sont abrégés.
Les premiers récits écrits par des Anglais, comme Divers Voyages (1582) et The Principall Navigations (1589, 1598-1600) de Richard Hakluyt, ainsi que Hakluytus Posthumus (1625) de Samuel Purchas, contiennent surtout des descriptions du littoral rocheux. Cependant, à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, des voyageurs français, dont Louis HENNEPIN, L.A. de LAHONTAN et P.F.X. de CHARLEVOIX, et le Suédois Pehr KALM se déplacent vers l'intérieur des terres afin de décrire la vie au Québec.
La culture canadienne-française éveille un grand intérêt chez les écrivains britanniques, notamment chez Isaac Weld (Travels Through the States of North America and the Provinces of Upper and Lower Canada, 1799), George HERIOT (Travels Through the Canadas, 1807), John Lambert (Travels, 1810, illustré de magnifiques aquarelles) et William Teeling (England's French Dominion, 1932).
De nombreux écrivains américains apprécient également le caractère pittoresque des couvents et des citadelles propres à l'ancien monde. Citons à titre d'exemple John Ogden (A Tour, 1799), H.D. Thoreau (A Yankee in Canada, 1866), Walt Whitman (Diary in Canada, 1904), Anson Gard (The Last West, 1906), et Dorothy Duncan (Here's to Canada, 1941). Quelques voyageurs américains, comme John Cozzens dans Acadia (1859), sont attirés par le charme des Maritimes, tandis que d'autres, tel Warburton Pike dans Through the Subarctic Forest (1896), sont fascinés par le Grand Nord canadien.
La vie coloniale et républicaine
Les touristes britanniques s'étonnent de la présence américaine au Canada. Parmi ces Anglais qui profitent de leur voyage en Amérique pour faire un détour au Canada et comparer la vie coloniale et la vie républicaine, mentionnons Basil Hall (Travels, 1829), Frederick Marryat (A Diary in America, 1839), Charles Dickens (American Notes, 1842), Anthony Trollope (North America, 1862) et Basil Newman (American Journey, 1943).
Des militaires écrivent sur la vie de GARNISON, une caractéristique du régime impérial. Les sports de gentlemen, les aventures amoureuses, la construction de routes et les marches militaires agrémentent le style des colonels Richard Levinge (Echoes from the Backwoods, 1846) et J.E. Alexander (L'Acadie, 1849), de George Warburton (Hochelaga, 1846), de sir Richard Bonnycastle (The Canadas in 1841, 1842), ainsi que du lieutenant Francis Duncan qui décrit nos garnisons dans Our Garrisons in the West (1864).
« Emmitouflé dans un chapeau de fourrure »
Partout au Canada, « un visage déjà brûlé par le soleil indien, emmitouflé dans un chapeau de fourrure » ressemble à celui « d'un ami de Chine ou d'Aldershot ». Des officiers et d'autres gentlemen britanniques écrivent souvent sur les plaisirs du sport, notamment le capitaine F. Tolfrey (The Sportsman in Canada, 1845), Campbell Hardy (Sporting Adventures in the New World, 1855), et P.E. Doolittle (Wheel Outings in Canada, 1895).
D'autres observateurs décrivent la présence, ou l'absence, d'une culture différente à l'extérieur des garnisons, dans les colonies reculées. Sketches of Upper Canada (1821) de John Howison et Observations on Professions, Literature, Manners, and Emigration (1833) d'Isaac Fidler tiennent des propos désenchantés sur la vie limitée et solitaire dans ces régions isolées. L'existence monotone des pionniers est dépeinte par E.A. Talbot dans Five Years' Residence (1824), une parodie des récits enthousiastes des colonisateurs sur les voyages en bateau jusqu'en Ontario; la désillusion se teinte d'amertume dans d'autres textes parmi lesquels figurent The Letters of a Remittance Man (1908) de W.H.P. Jarvis, Blanket-Stiff (1912) de N.P.R. Noel et The Outcasts of Canada (1932) de E.F.G. Fripp.
Cependant, certains textes écrits par des colons qui se sont adaptés à cette vie rude et étrange dégagent une impression plus joyeuse. Samuel Strickland dans Twenty-Seven Years in Canada West donne des conseils aux éventuels immigrants anglais et A.J. Church publie les lettres de ses deux jeunes fils dans l'amusant Making a Start in Canada (1889).
Canadian Women
Dans tous ces récits, les Canadiennes sont décrites comme de jolies demoiselles canadiennes-françaises ou comme des femmes au caractère indomptable vivant dans la solitude des bois. Quelques femmes ayant vécu temporairement au Canada écrivent d'excellents livres sur leur voyage. Entre autres, Anne Jameson (Winter Studies and Summer Rambles in Canada, 1838), lady Monck (My Canadian Leaves, 1873), lady Dufferin (My Canadian Journal,1872-1878,1891), lady Aberdeen (Through Canada With a Kodak, 1893), Marion Cran (A Woman in Canada, 1910), Georgina Binnie-Clark (A Summer on the Canadian Prairie, 1910), et Eva Hasell (Across the Prairie, 1922).
D'autres femmes, des oiseaux de passage, publient également leurs impressions. Parmi elles figurent Isabella Bishop (1856) et la duchesse de Somerset (1890). Elles sont particulièrement sensibles à l'environnement, au froid hivernal, aux moustiques, aux couleurs automnales et aux fleurs sauvages, qu'elles décrivent dans leurs livres. Cependant, elles traitent aussi des conditions sociales. Deux autres écrivaines, utilisant les pseudonymes John Mactaggart (Three Years in Canada, 1929) et John Bigsby (The Shoe and Canoe, 1850), parlent avec beaucoup de sensibilité des dures conditions de vie et de la diversité géographique de cet immense pays.
Les livres de voyage nous renseignent également sur la vie artistique au Canada. Horton Rhys dans A Theatrical Tour for a Wager! (1861) et Peggy Webling dans Peggy (1924) décrivent les tournées en région. T.R. Richman dans Short Notes (1886) rapporte les discussions qu'il a eues avec ses confrères architectes et Marion Cran consacre un chapitre aux artistes et à l'art canadiens.
Dans Wanderings of an Artist (1859), Paul KANE ajoute quelques passages sur la vie des artistes à ses notes sur les Amérindiens, son sujet de prédilection. D'autres voyageurs mettent également l'accent sur les autochtones dans leurs écrits. George SIMPSON commence An Overland Journey Around The World (1847) par un récit sur les grands rassemblements en vue de la signature des traités entre Blancs et Amérindiens. L. Oliphant, dans Minnesota and the Far West (1855), et J.G. Colmer, dans Across Canadian Prairies (1894), relatent l'histoire des Indiens des Prairies. S.P. Day, dans English America (1864), donne un nouveau témoignage sur les rassemblements des Manitoulins. Dans B.C. 1887 (1888), J.A. Lees et W.J. Clutterbuck ajoutent aux qualités de cet ouvrage en traçant un portrait comique et plein de compassion des Indiens de la côte Ouest.
Les voyageurs généralisent à partir d'une expérience très limitée, mais les livres de voyage demeurent malgré tout les meilleurs récits et, pendant nombre de décennies, les seuls écrits sur les relations entre les autochtones et les autres Canadiens. C'est une des nombreuses raisons qui fait de The Great Lone Land (1872) de W.F. BUTLER un ouvrage de la plus grande importance.
À la fin du XIXe siècle, les expéditions qui mènent des Prairies jusqu'aux montagnes Rocheuses, et parfois au-delà de celles-ci, deviennent de plus en plus populaires. Parmi les visiteurs anglais, le comte de Southesk publie un livre sur ses voyages de 1859 à 1860, Saskatchewan and the Rocky Mountains (1875), et W. B. Cheadle et le vicomte Milton dans Northwest Passage by Land (1865) fournissent une bonne description des Prairies. Fraser Rae raconte ses voyages dans Newfoundland to Manitoba (1876), et en 1884, le gouverneur général, le marquis de Lorne, publie Canadian Pictures.
Les écrivains canadiens
Un nombre grandissant d'auteurs canadiens se mettent à écrire des livres de voyages. Citons par exemple G.M. GRANT (Ocean to Ocean, 1873) et Charles HORETZKY (Canada on the Pacific, 1874) qui racontent tous deux leur expérience pendant la pénible expédition qui les a conduit d'un océan à l'autre. Sandford FLEMING, ingénieur en chef et responsable des travaux pour le chemin de fer du Canadien Pacifique, décrit ses voyages dans England and Canada (1884). L'inauguration du chemin de fer transcanadien du Canadien Pacifique en 1885 rend les voyages beaucoup plus rapides et faciles; les livres se multiplient rapidement.
Cette nouvelle façon de voyager se reflète dans des livres comme By Track and Trail (1891) d'Edward Roper et On the Cars and Off (1895) de Douglas Sladen. Parmi les récits de voyages transcontinentaux publiés au XXe siècle, on trouve The Unknown Country (1942) de Bruce Hutchison et Le Canada sans passeport (2 vol., 1967) d'Eugène Cloutier, un Québécois dont le livre laisse percevoir les tensions face au biculturalisme.
Une vision des grands plateaux
Malgré l'attrait qu'exerce l'Ouest canadien, les chutes du Niagara demeurent toutefois le sujet principal des récits de voyage. La plupart des touristes seraient d'accord avec George Warburton lorsqu'il écrit : « Elles étaient telles que je les avais imaginées, mais mes sensations étaient complètement différentes de celles auxquelles je m'attendais. » De tous les écrits sur les chutes du Niagara, le plus intéressant est sans doute Travels in North America (1845) de Charles Lyell. Ce géologue renforce sa théorie sur les fossiles en explorant le relief escarpé et il complète son excellente description des chutes avec un récit de voyage vers le nord dans lequel il décrit les plateaux qui entourent les Grands Lacs et qui s'étendent jusque dans les terres du nord de l'Ontario.
L'avènement du transport aérien a mis fin aux voyages pendant lesquels le voyageur passe progressivement d'une région à l'autre et fait de nombreuses rencontres, éléments de base des livres de voyage canadiens. Peu de voyageurs écrivent maintenant un journal de voyage; encore moins d'éditeurs les publient. Cependant, on a vu l'apparition des poèmes de voyage, comme Ice, Cod, Bell or Stone de Earle Birney (1962), North of Summer: poems from Baffin Island (1967) de Al Purdy et Black Night Window: a collection of new poems (1968) de John Newlove. Ces poèmes ont remplacé les livres de voyage et permettent de construire et de clarifier notre image, au Canada et à l'étranger, et participent à l'édification du pays.
Voir aussi LITTÉRATURE DE LANGUE ANGLAISE SUR LES EXPLORATIONS ET LES VOYAGES; LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE DE LANGUE ANGLAISE SUR LE CANADA; LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE DE LANGUE FRANÇAISE SUR LE CANADA; VOYAGEURS CANADIENS À L'ÉTRANGER.