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Littérature étrangère de langue française sur le Canada

Jusqu'à l'arrivée des Haïtiens fuyant le régime Duvalier, la majorité des écrits étrangers en langue française sur le Canada proviennent de France.

Littérature étrangère de langue française sur le Canada

Jusqu'à l'arrivée des Haïtiens fuyant le régime Duvalier, la majorité des écrits étrangers en langue française sur le Canada proviennent de France. Même au XVIIe siècle, on trouve dans la littérature des allusions occasionnelles à la Nouvelle-France chez des auteurs qui connaissent des voyageurs ou leurs écrits. Jean de La Fontaine, le plus grand fabuliste français, fait l'éloge des talents de constructeurs des castors « dans un monde non loin du Nord » (« Discours à Madame de la Sablière », 1678). Aussi, on ne connaît que trop bien la formule « quelques arpents de neige » par laquelle Voltaire, dans Candide (1759), rejette le Canada.

Après 1760, les communications entre la France et son ancienne colonie sont restreintes, et l'on mentionne peu le Canada dans les ouvrages français au cours des 50 années suivantes. Cependant, le héros de L'Ingénu (1767), de Voltaire, est un Breton qui a été élevé par des Hurons et qui observe avec ahurissement la corruption et le manque de bons sens de la société « civilisée ». Le premier écrivain français qui vient au Canada est Louis-Joseph-Marie QUESNEL. Il arrive par hasard en 1779, se marie et s'installe à Montréal. Son opéra comique Colas et Colinette (publié en 1808) est le premier à être joué en Amérique du Nord. Il écrit aussi de la poésie et des pièces de théâtre.

Des voyageurs qui livrent leurs impressions

Certains voyageurs, qui souvent combinent une visite au Canada avec un voyage aux États-Unis, consignent leurs impressions. Chateaubriand fait référence au Canada dans son Voyage en Amérique (1827) et dépeint de façon magistrale les chutes Niagara dans Atala (1801), bien qu'il n'ait probablement pas vu grand-chose de ce qu'il décrit. Théodore Pavie, qui a passé une année dans le Nouveau Monde (1829-1830), est l'un des premiers voyageurs de bonne foi à parler de son expérience dans ses Souvenirs atlantiques. Voyage aux États-Unis et au Canada (1851). Xavier Marmier, un globe-trotter érudit, vient au Canada en 1849 et témoigne de ses découvertes dans Lettres sur l'Amérique, Canada, États-Unis, Rio de la Plata (1851). Il publie également Gazida (1860), un roman notamment intéressant en tant que répertoire de légendes et de coutumes autochtones.

À mesure que les contacts entre la France et son ancienne colonie deviennent plus faciles, les voyageurs se font plus nombreux, quoiqu'ils passent souvent plus de temps aux États-Unis qu'au Canada. L'un des plus célèbres, parmi ceux qui racontent leurs voyages, est Maurice Sand, le fils de l'illustre romancière, qui accompagne le prince Napoléon (le futur empereur Napoléon III). À son retour à Paris, il écrit Six Mille Lieues à toute vapeur (1863), dont sa célèbre mère signe la préface. Parmi les autres voyageurs dignes d'intérêt, on retient Henri de Lamothe, auteur de Cinq Mois chez les Français d'Amérique. Voyage au Canada (1879), et Gustave de Molinari, qui publie de nombreuses lettres sur les États-Unis et le Canada dans le Journal des débats. Ces lettres sont réunies plus tard en trois volumes (1876, 1881, 1886).

Pour les romanciers, l'Est aussi bien que l'Ouest constituent une source d'inspiration. En 1841, quatre ans seulement après la publication du premier roman canadien-français, Le Courrier des États-Unis fait paraître La Rebelle, un court récit du baron Philippe-Régis de Trobriand. L'auteur séjourne quelques semaines au Canada à un moment où les blessures de la rébellion de 1837, dont s'inspire le roman, sont encore fraîches. Le plus prolifique des écrivains français ayant des affinités avec le Canada est Henri-Émile Chevalier. Contraint à l'exil par Napoléon III, il vient à Montréal en 1852 et, au cours des huit années qu'il y passe, il fonde La Ruche littéraire, collabore régulièrement à divers périodiques et écrit de longs romans d'aventure qui paraissent principalement dans La Ruche et Le Moniteur canadien. De retour en France en 1860, il continue d'écrire des romans dont 30 se déroulent au Canada. Même si on leur reconnaît peu de qualités littéraires à cause de leurs personnages insipides et de leurs intrigues grotesques, ils renferment de nombreux commentaires sociaux et politiques et un trésor de renseignements sur les coutumes autochtones.

Jules Verne

Jules Verne, le plus grand auteur français de science-fiction, a passé « 192 heures » sur le continent nord-américain en 1867, mais il n'a rien vu du Canada hormis les chutes Niagara. Pour écrire Le Pays des fourrures (1873), il a puisé ses informations dans des livres. Famile-sans-nom (1889), son seul roman politique, a pour toile de fond la rébellion de 1837 et laisse transparaître sa sympathie pour les Patriotes.

Au tournant du siècle, plusieurs romanciers qui viennent au Canada en qualité de voyageurs, de conférenciers ou d'immigrants y trouvent matière à un ou plusieurs livres. Louis HÉMON écrit MARIA CHAPDELAINE (1916), le plus célèbre roman québécois du terroir. Marie Le Franc vient à Montréal en 1906, où elle vit une vingtaine d'années avant de retourner en France. Elle partage le reste de sa vie entre sa Bretagne natale et son pays d'adoption, éprise de l'une autant que de l'autre. Ses Laurentides bien-aimées et Montréal, qu'elle appelle « ma ville », fournissent le cadre de plusieurs de ses ouvrages. Son roman Grand-Louis l'Innocent (1925) a remporté le prix Fémina. La Rivière solitaire (1934), qui dépeint les souffrances des travailleurs urbains envoyés au Témiscamingue pour défricher les terres, puis Pêcheurs de Gaspésie (1936), qui attire l'attention sur les difficultés des pêcheurs de Gaspé, sont les plus populaires parmi sa douzaine d'ouvrages à teneur canadienne.

Aucun des auteurs français attirés dans l'Ouest par la promesse d'une richesse rapide n'y fait fortune, mais en revanche ils nous ont laissé un portrait saisissant de la vie dans les Prairies. L'un des premiers, Georges Forestier (pseudonyme de Georges Schaeffer), passe sept ans au Manitoba. Son roman La Pointe-aux-Rats (1907) vise à décourager l'immigration, du moins celle des classes moyennes urbaines, tandis que Dans l'Ouest canadien (1915), un recueil posthume de nouvelles, est à la fois émouvant et drôle. Maurice Constantin-Weyer habite 10 ans dans l'Ouest avant de partir pour combattre pendant la Première Guerre mondiale. À son retour en France, il produit un ensemble imposant d'oeuvres (articles, nouvelles, romans, biographies, essais) dont les meilleures sont inspirées de son expérience au Canada. Quinze de ses ouvrages se situent dans l'Ouest. Un homme se penche sur son passé (1928) reçoit le prestigieux prix Goncourt. La critique loue les dons de Constantin-Weyer pour la peinture des paysages et la magnifique représentation du Nord de ce roman en partie autobiographique. Dans Manitoba (1924), Cinq Éclats de silex (1927) et Clairière (1929), il évoque avec éloquence la faune de l'Ouest et ce qu'il appelle le « rythme de la Vie et de la Mort ».

Georges BUGNET vient dans l'Ouest en 1905 et passe en Alberta le reste de ses 101 ans. Il consacre à l'écriture le peu de loisir que lui laisse le travail de la ferme. Ses romans les plus réussis sont Nipsya (1924), qui raconte l'histoire d'une jeune Métisse déchirée entre les modes de vie cri et européen, et La Forêt (1935), qui évoque les efforts d'un couple français qui tente en vain d'exploiter une ferme en Alberta.

Inspirations de la ruée vers l'or

Le meilleur ouvrage inspiré de la ruée vers l'or du Klondike est La Bête errante, roman vécu du Grand Nord canadien (1923), de Louis-Frédéric Rouquette, un homme aux multiples intérêts qui a parcouru le monde. Le Grand Silence blanc, roman vécu d'Alaska (1921), dont l'action est en partie située au Canada, lui vient également de ses expériences dans le Nord-Ouest, tout comme L'Épopée blanche (1926), un essai touchant consacré au travail des missionnaires oblats. Rouquette excelle dans la description du combat de l'homme contre la nature et contre ses semblables. Maurice Genevoix, de l'Académie française, traverse le pays d'est en ouest en 1939 et relate avec vivacité ses expériences dans Canada (1944). Laframboise et Bellehumeur (1944) s'inspire de deux trappeurs qu'il a rencontrés dans l'Est du Canada, tandis qu'Éva Charlebois (1944) traite de la difficile adaptation d'une jeune Québécoise à la vie dans l'Ouest.

Parmi les romanciers moins connus qui ont écrit sur le Canada, on retient Joseph-Émile Poirier, dont le roman Les Arpents de neige (1909) porte sur la rébellion métisse en Saskatchewan, bien que l'auteur n'ait jamais mis les pieds au Canada. Victor Forbin, qui fait plusieurs voyages au Canada, le traversant une fois d'un océan à l'autre, écrit à la fois des romans et des essais à propos du pays. Pierre Hamp, qui s'intéresse aux travailleurs manuels, publie Hormisdas le Canadien (1952) à la suite d'une année passée à Saint-Paul-l'Ermite.

Alexis de Tocqueville mentionne parfois le Canada dans ses oeuvres. Un économiste, André Siegfried, passe un an au Canada en 1904 pour se familiariser avec sa situation politique. En 1906, il publie Le Canada, les deux races : problèmes politiques contemporains. Un second voyage en 1935 l'amène à publier Le Canada, puissance internationale (1937).

Plus récemment, sans doute en raison des nombreux échanges culturels entre le Québec et la France, le Canada devient une source d'inspiration pour nombre d'écrivains francophones. Le plus illustre d'entre eux est Bernard Clavel, lauréat du prix Goncourt en 1968. Ce romancier populaire et talentueux visite le Québec à plusieurs reprises : il y séjourne deux ans, de 1977 à 1979. L'action de Les Compagnons du Nouveau Monde (1981) se situe en Nouvelle-France au XVIIe siècle. Clavel a terminé une série de six romans, intitulée « Le Royaume du Nord », qui ont pour cadre l'Abitibi. Dans ces romans, d'Harricana (1983) à L'Angélus du soir (1988), il décrit les misères et les joies éparses des colons d'un nouveau village, Saint-Georges d'Harricana. Dans Maudits Sauvages (1989), le dernier roman de la série, il se penche sur la situation critique des autochtones de la baie James, qui voient la technologie détruire leur mode de vie. Les livres de Clavel doivent particulièrement leur succès à son style qui convient de façon remarquable à son sujet épique.

Le Lapin de lune (1982), roman mythique d'Alain Gerbver, se situe probablement au Québec, quoique le texte ne mentionne pas explicitement le lieu où se déroulent les événements. La liste des auteurs contemporains qui ont écrit sur le Canada comprend aussi Michel Desgranges, qui n'a jamais visité le pays, mais dont le roman Manitoba (1981) s'inspire de la vie de Riel; Anne et Serge Golon, dont la populaire héroïne du XVIIe siècle, Angélique, passe un certain temps en Nouvelle-France, en particulier dans Angélique à Québec (1982); ainsi que Roger Buliard, un prêtre et l'auteur d'essais fascinants sur les Inuits et le travail des missionnaires.

Depuis les trois ou quatre dernières décennies, un grand nombre d'immigrants instruits se sont réfugiés au Canada pour fuir des régimes tyranniques. Plus de 100 auteurs figurent dans le répertoire de Denise Helly et Anne Vassal, Romanciers immigrés : biographies et oeuvres publiées au Québec entre 1970 et 1990 (1993). Cet inventaire n'inclut pas les ouvrages parus en Ontario, chez Prise de parole, ou dans l'Ouest, aux Éditions des Plaines ou aux Éditions du Blé. De nombreux écrivains d'origine étrangère, comme les romanciers Jacques Folch-Ribas et Monique Bosco et le dramaturge Robert GURIK, écrivent depuis si longtemps à Montréal qu'on les considère maintenant comme des écrivains québécois.

Les Haïtiens

Les Haïtiens forment probablement le plus remarquable des groupes récemment arrivés. Le poète et romancier Gérard Étienne choisit Montréal comme cadre de ses romans satiriques (Un ambassadeur macoute à Montréal, 1979; Une femme muette, 1983), tandis que les oeuvres d'Émile Ollivier rappellent habituellement le souvenir d'une Haïti torturée (Mère Solitude, 1983; La Discorde aux cent voix, 1986).

Dany Laferrière est le plus populaire de ces écrivains. Il acquiert une notoriété immédiate avec son premier roman, Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer (1985), dont l'adaptation cinématographique est coproduite par la France et le Québec. Éroshima (1988) se déroule également à Montréal, contrairement à L'Odeur du café (1991), suivi de Le goût des jeunes filles (1992), qui évoquent des souvenirs d'Haïti. L'humour et l'érotisme qui sous-tendent le sérieux de ces oeuvres expliquent leur popularité.

Littérature italo-québécoise

Parmi les écrivains d'origine italienne, le plus marquant est le dramaturge Marco Micone, dont les oeuvres Les Gens du silence (1982), Addolorata (1984) et Déjà l'agonie (1982) décrivent les difficultés et les problèmes d'identité d'immigrants italiens qui tentent de s'intégrer à la société québécoise.

L'identité est également le thème principal de La Québécoise (1983), de Régine Robin, née à Paris de parents juifs russes. Le roman est un long monologue intérieur dans lequel la mémoire collective et individuelle empêche l'héroïne de s'adapter à son nouveau pays.

La création de deux périodiques illustre l'importance de la littérature écrite par des immigrants au Québec. Vice Versa, fondée en 1989, se veut une « revue transculturelle », tandis que La Parole métèque, fondée en 1987, publie les textes de femmes qui « vivent dans un pays où elles ne sont pas nées » .