Littérature jeunesse de langue française
La première moitié du XXe siècle.
C'est dans la revue L'Oiseau bleu, publiée par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qu'on trouve le feuilleton « Les Aventures de Perrine et Charlot », en 1923. Ce récit est considéré être le premier texte québécois écrit d'abord à l'intention des jeunes. C'est donc la presse pour enfants puis ensuite les éditeurs Albert Lévesque, Beauchemin et Granger qui inspireront des talents d'écrivains à Marie-Claire Daveluy, Ernestine Pineault-Léveillé, Eugène Achard, Marie-Rose Turcot, Maxime, Blanche Lamontagne-Beauregard, Marie-Antoinette Grégoire-Coupal et à Harry Bernard.
Cependant, la Deuxième Guerre mondiale contribuera à favoriser l'éclatement de l'édition locale car l'approvisionnement en livres européens se fera de plus en plus difficilement. Les éditions Fides et les éditions Paulines décideront dès lors de publier de nombreux ouvrages pour les jeunes. De nouveaux périodiques paraissent : Stella Maris (1938-1947), JEC des Jeunes (1939-1942), Sais-tu (1945), Hérauts (1944-1965), François (1943-1965), Vie étudiante (1946-1964), Le Front ouvrier (1944-1954). La radio de Radio-Canada met en ondes une première émission jeunesse hebdomadaire avec Lucille Desparois, ''Tante Lucille'' (1948 à 1971). Cet essor se terminera avec la fin de la guerre quand la reprise des activités éditoriales outre-mer entraînera une concurrence que plusieurs éditeurs d'ici ne peuvent soutenir. Retenons cependant le fameux Ristontac (1945) d'Andrée Maillet, un album illustré de grande dimension qui marque les débuts de ce genre pour les petits. En 1948, Béatrice Clément fonde l'Association des écrivains pour la jeunesse et lance de nombreux projets en plus de créer la coopérative les Éditions Jeunesse. Plusieurs prix littéraires sont créés. C'est alors que sont reconnues les Paule Daveluy, Monique Corriveau, Suzanne Martel dont les ouvrages sont toujours disponibles aujourd'hui.
Les contes, les récits biographiques, historiques et naturalistes côtoient la poésie et quelques pièces de théâtre. Pendant quelques décennies, la collection « Connaissances usuelles » publiée par les frères des Écoles Chrétiennes a rendu de fiers services aux bibliothécaires en vue d'aider leurs jeunes usagers à compléter leurs travaux scolaires. La naissance de la télévision a ensuite favorisé le développement des collections de contes écrits à partir de synopsis d'émissions télévisées. On les retrouve principalement dans les collections du « Canoë d'argent » et « Les Albums de l'Érabliére ».
De la Révolution tranquille aux années 80
La Révolution tranquille des années 60 bouleverse la société québécoise dans son ensemble et provoque une crise du livre. En 1963, une commission d'enquête sur le commerce du livre est créée au Québec. Le fameux « rapport Bouchard » recommande la création d'une régie et d'une centrale du livre omniprésente, l'accréditation des librairies, l'approbation par le ministère de l'Éducation du Québec des manuels scolaires ainsi que différentes mesures pour instaurer une véritable politique du livre au Québec. Malheureusement ce rapport stagnera pendant une dizaine d'années; est rompue de plus, la très bonne habitude de remettre des livres comme récompenses en fin d'année scolaire. Ce marché substantiel n'existant plus, les éditeurs hésitent à publier pour un public quasi inexistant. Le déclin s'achèvera en 1969, avec une production de six titres seulement.
En 1971, Communication-Jeunesse naît sous la bonne gouverne de Paule Daveluy. Cette association regroupe différents professionnels du livre et veut revaloriser la littérature jeunesse canadienne-française. Le travail acharné des membres de cette association, les recommandations de leur premier colloque (1972) et celles qu'ils soumettent à la Conférence socio-économique sur les industries culturelles du Québec (1978) portent fruits. Le gouvernement provincial subventionne la littérature jeunesse par différents programmes et le gouvernement fédéral offre aussi son aide par le biais du Conseil des arts du Canada.
Les années 70 verront le début des éditions Le Tamanoir (rebaptisées La courte échelle en 1978) et, avec elles, un nouveau concept d'albums au contenu littéraire et aux illustrations esthétiques. La collection « Théâtre pour enfants » est lancée en 1973 aux éditions Leméac et celle du « Goéland » en 1974 chez Fides présente des romans de grande qualité. Dans un registre plus populaire, la collection « Pour lire avec toi » aux éditions Héritage (1976) se poursuit. Il en est de même pour l'excellente collection des « Deux solitudes, jeunesse » chez Pierre Tisseyre qui traduit des romans canadien-anglais choisis parmi les oeuvres les plus intéressantes au pays. La collection « Jeunesse-pop » (éditions Paulines devenues en 1995 Médiaspaul) présente principalement des romans de science-fiction et des romans fantastiques.
Le magazine Vidéo-Presse est lancé en 1971 par les éditions Paulines et sera populaire jusqu'à sa dissolution en 1995. Les éditions Héritage publient Hibou, équivalent de la revue canadienne-anglaise Owl et Coulicou (Chickadee). Quant à la revue Passe-Partout, elle a connu le même succès sans précédent que la série télévisée du même nom diffusée à l'antenne de Radio-Québec.
En 1978, deux revues consacrées à la littérature jeunesse paraissent : d'abord Lurelu consacrée exclusivement à la littérature jeunesse québécoise et Des livres et des jeunes qui traite de l'ensemble de la littérature francophone.
À partir de ce moment, les universités québécoises offrent dans leurs cursus des cours en littérature jeunesse. Les bibliothèques publiques sont de plus en plus dynamiques et un poste de conseillère en littérature jeunesse sera créé en 1975, à la Bibliothèque nationale du Canada. En 1979, L'Année internationale de l'enfant, donne lieu à une compagne de promotion de grande envergure avec le spectacle La balade des livres ouverts qui a parcouru toutes les régions du Québec.
Tendances actuelles
Les années 80 marquent un essor considérable dans la production du livre jeunesse qui n'a cessé de s'améliorer au point de devenir souvent plus rentable que l'édition pour adultes. Certaines maisons se spécialisent dans l'édition de livres jeunesse ou y consacrent une part importante de leur production. En plus de ses collections de romans, Québec/Amérique jeunesse crée sa série « Contes pour tous » à partir du scénario des films produits par Rock Demers. Les éditions du Raton Laveur publient des albums aux thèmes amusants ou graves, illustrés avec beaucoup d'humour. Sa passion pour les livres a mené le vétérinaire Michel Quintin à fonder une maison d'édition orientée vers le livre documentaire, le conte, et le roman traitant des animaux et de la nature en général.
Les années 90 consolident une production maintenant viable et prospère. On vise tous les publics et la concurrence est grande et saine. La plupart des universités offrent des cours ou des certificats en littérature jeunesse. Les colloques sont nombreux et les médias accordent maintenant une place assurée dans leur contenu, à la littérature jeunesse. En 1995, la collection « Explorations » chez Québec/Amérique jeunesse se consacre à des ouvrages de documentation servant au choix, à l'analyse et à l'animation du livre jeunesse, preuve incontestable de l'abondance et de la richesse du milieu. De même la présence du livre québécois pour la jeunesse sur la scène internationale est un signe indéniable de sa vitalité. La série-vedette « Caillou » aux éditions Chouette en est une preuve irréfutable avec ses centaines de milliers d'exemplaires et ses traductions offertes dans de nombreux pays. Il en est de même avec les collections de romans très populaires des éditions La courte échelle. Quant à la collection « Plus » chez Hurtubise HMH, elle présente des textes d'auteurs de la francophonie mondiale qu'elle destine à des classes d'immersion, de français langue seconde, d'orthopédagogie ainsi qu'à un public en alphabétisation.
De nouvelles réglementations provinciales sur le développement des entreprises culturelles, les programmes de subventions d'aide à l'édition et la mobilisation du milieu sont autant de facteurs qui ont favorisé l'éclatement de la littérature jeunesse au cours des années 80. Un premier programme universitaire portant spécifiquement sur la littérature jeunesse est offert depuis 1985 à l'Université du Québec à Montréal.
Quant à Communication-Jeunesse, ses campagnes de sensibilisation à la lecture se poursuivent dans ses clubs Livromanie et Livromagie qui remportent énormément de succès auprès des jeunes. L'animation autour du livre se développe de façon exponentielle incluant celle dirigée par les responsables d'édition qui en font un outil de promotion. Les tournées d'auteurs se multiplient, les rencontre avec les écrivains sont populaires dans les salons du livre ou partout ailleurs. De nombreux travailleurs autonomes se découvrent des talents d'animation en lecture.
Les années 2000 ont vu poindre un essor particulier dans le milieu de l'édition pour les jeunes au Québec. Plus d'une cinquantaine de maisons se partagent les 30 à 40% des publications annuelles, plusieurs ayant ajouté à leurs index des ouvrages scolaires. Hors Québec, on retrouve nombre de maisons qui publient des livres pour enfants en langue française, dans le cadre des programmes d'enseignement du français ou d'immersion française. Notons les maisons suivantes: les éditions Annick, les éditions du Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, du Vermillon, de Scholastic, de Toundra et les éditions Prise de Parole en Ontario, éditions d'Acadie au Nouveau-Brunswick et éditions des Plaines au Manitoba.