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John Douglas Sutherland Campbell, marquis de Lorne

John George Edward Henry Douglas Sutherland Campbell, 9e duc d’Argyll, marquis de Lorne de 1847 à 1900, gouverneur général du Canada de 1878 à 1883 et écrivain, né le 6 août 1845 à Londres, au Royaume-Uni, et décédé le 2 mai 1914 à Cowes, Île de Wight, Royaume-Uni. En tant que gouverneur général du Canada, Lorne fonde l’Académie royale des arts du Canada et le Musée des beaux-arts du Canada. Il entreprend aussi plusieurs voyages dans l’Ouest canadien, proposant les noms Alberta et lac Louise en l’honneur de sa femme, la princesse Louise Caroline Alberta. Son soutien pour les arts canadiens sera imité par ses successeurs au poste de gouverneur général, et ses livres feront connaître l’histoire, la culture et les paysages du Canada à un vaste public international.
Lorne, marquis de
Protecteur dévoué des arts et des lettres, Lorne fonde la Société royale du Canada en 1882, et l'Académie royale des arts du Canada en 1880 (avec la permission des Archives photographiques Notman/Musée McCord).

Jeunesse et famille

Lorne naît à Londres, à Stafford House (désormais appelée Lancaster House), qui appartient alors à ses grands-parents maternels, le duc et la duchesse de Sutherland. Il est l’aîné des 12 enfants de George Douglas Campbell, marquis de Lorne, et lady Elizabeth Georgiana Sutherland-Leveson-Gower, une abolitionniste qui est pendant un temps la maîtresse des robes de la reine Victoria. Quand Lorne a 21 mois, son père devient le 8e duc d’Argyll et rejoint la Chambre des lords. Lorne reçoit le titre de courtoisie de marquis, titre qu’il conserve jusqu’à l’âge de 54 ans lorsqu’il devient duc d’Argyll à la place de son père. Lorne passe la majorité de son enfance entre Argyll Lodge à Londres et Inveraray Castle en Écosse.

Éducation et voyages

Lorne est éduqué par des tuteurs privés jusqu’à son arrivée à l’Edinburgh Academy à l’âge de 13 ans. Après y avoir passé un an, il part ensuite pour le collège d’Eton, où il fait son éducation secondaire. En 1862, il s’inscrit à l’université St Andrews, puis passe ensuite l’année scolaire 1864-1865 au Trinity College de Cambridge. Rendu adulte, Lorne se plaint que son éducation classique ne l’a pas préparé à sa future carrière, écrivant que « Mais la Grande-Bretagne vivante, ses Colonies et ses dépendances, l’action vivante dans les États européens et ailleurs dans le monde; de ces choses, on ne nous a rien enseigné. »

En 1866, Lorne visite le Canada pour la première fois, le pays étant la dernière étape dans une grande tournée de l’Amérique du Nord et des Caraïbes. Il décrit Toronto comme étant « ennuyante à en mourir » mais admire les maisons de pierres et le beau port de Kingston. À Ottawa, il est invité à la table du gouverneur général, le vicomte de Monck.

Un mariage royal

Le 21 mars 1871, Lorne épouse la princesse Louise, quatrième fille de la reine Victoria. La cérémonie a lieu dans la chapelle St George au château de Windsor. Le mariage génère une certaine controverse, étant la première union entre une princesse et un sujet de la Couronne britannique (au lieu d’un membre d’une famille royale étrangère) depuis le mariage entre Mary, sœur du roi Henry VIII, et Charles Brandon, duc de Suffolk, en 1515. La reine Victoria est en faveur du mariage, mais son fils aîné, le futur Edward VII, s’y oppose.

Princesse Louise
La province de l'Alberta et le lac Louise ont tous deux été nommés ainsi en l'honneur de la quatri\u00e8me fille de la Reine Victoria.

À l’époque de ses fiançailles, Lorne écrit à une de ses sœurs que « ce n’est pas un mariage de convenance», et que Louise et lui sont heureux ensemble. Lorne et sa femme n’ont pas d’enfants et vivent séparément pendant de longues périodes. Néanmoins, ils partagent des intérêts communs, notamment les voyages et les arts, Louise étant une artiste amatrice accomplie ayant étudié la sculpture à la National Art Training School (maintenant le Royal College of Art) à Londres. Leur demeure londonienne devient un centre culturel pour artistes et écrivains.

Début de carrière, politique et littérature

En 1868, Lorne est élu député à la Chambre des communes du Royaume-Uni en tant que membre du Parti libéral représentant Argyllshire. Il est aussi le secrétaire particulier de son père, le duc d’Argyll, qui est secrétaire d’État en Inde de 1868 à 1871. Pendant les débats, Lorne parle rarement, et sa carrière de député est jugée plutôt quelconque par d’autres politiciens et la presse de l’époque. Cependant, sa carrière d’écrivain est plus fructueuse. Il publie son premier livre en 1867, intitulé A Trip to the Tropics and Home Through America, débutant une longue carrière d’auteur de mémoires, de littérature de voyage, de fiction et de bibliographie.

Installation du gouverneur général sir John Douglas Campbell, le marquis de Lorne
Photographie multiple.

Gouverneur général du Canada

En 1878, le premier ministre britannique, Benjamin Disraeli, offre à Lorne de remplacer lord Dufferin en tant que gouverneur général du Canada. Le 25 novembre 1878, Lorne et Louise arrivent à Halifax et voyagent à Ottawa en passant par Montréal et la ville de Québec, où ils sont accueillis par le premier ministre John A. Macdonald. Le jeune couple (Lorne a 33 ans et Louise 30 ans) font une bonne impression auprès des Canadiens. Le Mail de Toronto remarque que « … possédant de beaux talents naturels, davantage de culture que la plupart des hommes éduqués, avec l’expérience d’un politicien, et avec, en outre, les erreurs et les succès de plusieurs prédécesseurs avant lui, lord Lorne commence sa fonction de vice-roi sous les meilleurs augures ».

Tôt dans sa tenure de gouverneur général, Lorne doit faire face à un problème politique. En 1879, le lieutenant-gouverneur du Québec, Luc Letellier, renvoie un premier ministre qui jouit encore du soutien de la législature provinciale, déclenchant ce qu’on appelle l’affaire Letellier. Lorne demande conseil auprès du gouvernement britannique, puis démet Letellier de ses fonctions comme suggéré par Macdonald. La presse franco-canadienne accuse Lorne d’être un « ennemi de la liberté » et un « obstacle à la justice » pour avoir attendu l’accord de la Grande-Bretagne pour régler une question canadienne.

Vers la fin de sa carrière de gouverneur général, le public voit Lorne sous un jour plus favorable et il est l’objet d’hommages affectueux quand il quitte ses fonctions en 1883. Par exemple, un poème de Frederick Dickson est publié dans le Ottawa Citizen avec les vers suivants : « Ces années qu’ici vous passâtes ne furent pas vaines/Nous savons que votre règne nous a réjouis,/Chaque parole qui de votre bouche sortie/Était empreinte de gentillesse et de sagesse pleine » [traduction libre].

Lorne adopte les loisirs canadiens, organisant des activités de toboggan, de curling et de patinage sur glace. En été, Lorne et Louise pratiquent le camping et la pêche au saumon sur la rivière Cascapédia au Québec. Lorne se sent chez lui au Canada, avouant à Macdonald vers la fin de son terme : « Je voudrais demeurer ici jusqu’à la fin de mes jours ».

Les arts au Canada

Lors de leur séjour au Canada, Lorne et Louise jouent un rôle de premier plan dans la création de l’Académie canadienne des arts et du Musée des beaux-arts du Canada. Lorne rassemble aussi les membres des associations artistiques, tant sur le plan local que provincial, et fait don d’importantes sommes d’argent pour les prix et l’acquisition d’œuvres d’art.

Le 6 mars 1880, l’Académie canadienne des arts tient sa première exposition au Clarendon Hotel à Ottawa. Deux ans plus tard, l’organisation est rebaptisée l’Académie royale canadienne. Lorne écrit dans une lettre à son père que « l’Académie s’est avérée un grand succès. On y expose plusieurs belles images et tout le pays acclame l’initiative d’une telle institution. » Quand le Musée des beaux-arts ouvre son premier édifice à Ottawa, Lorne le visite le jour même, «…faisant remarquer à ses amis les nombreuses beautés des œuvres d’art exposées ».

Lorne commandite aussi la création d’une Société royale du Canada pour la recherche académique. Pendant son voyage dans l’Ouest canadien, Lorne rencontre une équipe muséale du Smithsonian enlevant des artéfacts des Premières Nations, et il prévoit que de la Société royale lancera ses propres expéditions afin d’empêcher ces objets de sortir du Canada.

Voyages au Canada

Lorne fait de nombreux voyages dans l’Ouest canadien. En 1881, il visite les Territoires du Nord-Ouest (qui sont à l’époque beaucoup plus grands) et suggère le nom d’Alberta pour la future province. Louise ne l’accompagne pas, devant se remettre d’un accident de traîneau. Lorne rencontre des chefs des Premières Nations et promet d’aider à améliorer leurs conditions de vie, mais son discours au Manitoba Club de Winnipeg souligne l’importance de la colonisation européenne, car selon lui les Prairies « doivent soutenir une vaste population ».

À l’automne 1882, il se rend en Colombie-Britannique avec Louise, voyageant par train à travers les États-Unis, le chemin de fer du Canadien Pacifique (une entreprise qu’il soutient) étant encore en construction.

Retour en Grande-Bretagne et carrière d’écrivain

Même s’il adore vivre au Canada, Lorne démissionne de son poste de gouverneur général en 1883 et retourne en Grande-Bretagne. Il se relance en politique, devenant un député libéral unioniste représentant Manchester South de 1895 à 1900. En 1900, il succède à son père en tant que duc d’Argyll et hérite aussi de son siège à la Chambre des lords. Lorne est gouverneur du château de Windsor de 1892 à 1914. Il continue aussi d’écrire des livres, dont des réminiscences sur sa vie au Canada tels que Canadian Pictures Drawn with Pen and Pencil (1884) et Yesterday and Today in Canada (1910), contribuant ainsi à construire et à maintenir l’image du Canada comme destination idéale pour les émigrants britanniques et européens. Lorne meurt d’une pneumonie en 1914.

Héritage au Canada

Le Musée des beaux-arts du Canada et l’Académie royale des arts du Canada continuent encore aujourd’hui à fournir des opportunités et des bourses aux artistes canadiens. Son patronage des arts au Canada a servi d’exemple pour les futurs gouverneurs généraux, les encourageant à reconnaître et à promouvoir la culture canadienne, notamment par le biais des prix du Gouverneur général pour la littérature, les arts de la scène, les arts visuels et les arts des médias. Les livres de Lorne sur sa vie au Canada ont fait connaître les paysages, la culture et l’histoire du pays à un grand public international. Port Lorne, Nouvelle-Écosse, et Lorne, Manitoba, sont nommés en son honneur.