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Louie Palu

​Louie Palu, photographe, est né le 29 septembre 1968 à Toronto, en Ontario.

Louie Palu, photographe, est né le 29 septembre 1968 à Toronto, en Ontario. Consacré photographe de presse canadien de l’année en 2008, lauréat du Prix du magazine canadien en 2011 et récipiendaire de bourses de la New America Foundation et du Pulitzer Center on Crisis Reporting, Louie Palu a joué un rôle des plus importants en documentant la guerre menée en Afghanistan par le Canada et les États-Unis et les périls du commerce de la drogue au Mexique. Son exposition Kandahar : The Fighting Season a été présentée au Musée canadien de la guerre à Ottawa.

Enfance et éducation

Louie Palu est le fils d’un couple d’Italiens originaire de la Vénétie, au nord-est de l’Italie, ayant immigré à Toronto au milieu des années 1960. Son père, Giuseppe, est maçon, alors que sa mère, Fiorina, est couturière. L’art fait partie intégrante de la maisonnée Palu, malgré les moyens modestes de celle-ci. Il attribue d’ailleurs à ses parents sa culture artistique et son intérêt permanent pour les travailleurs.

« À la maison, dit Louie Palu, il était aussi normal de parler d’art que du temps qu’il fait dehors. Mes parents insistaient toujours pour qu’on aille dans les expositions d’art regarder les peintures du Caravage, de Raphaël, du Titien, de Vinci et de Picasso. »

Il fréquente l’Ontario College of Art and Design University, où il termine ses études avec succès en 1991. Fraîchement diplômé, il commence à photographier les sans-abri de Toronto, un projet sur lequel il travaille encore à ce jour.

« Toute mon œuvre est liée à mes parents, » dit-il, faisant référence à son travail sur ses photos de sans-abri et plus tard sa documentation des mineurs ainsi qu’à son travail en Afghanistan et au Mexique. « Enfant, je les entendais parler de leurs récits de jeunesse, de militantisme, d’Allemands mis à mort, de mon grand-père arrêté par les Allemands et de leur jeunesse dans la pauvreté. Je peux dire sans me tromper que ce qui m’importe dans une histoire, ce n’est pas son importance “journalistique”. Ce qui m’importe, c’est de comprendre ma place dans ce monde et ce que cela signifie par rapport à ma famille. »

Carrière naissante

Louie Palu crée la série de photographies Cage Call, documentant, de 1991 à 2003, la vie des mineurs qui œuvrent dans les galeries souterraines de plus de 20 chantiers miniers aux environs de Cobalt, Timmins et Virginiatown, dans le Nord de l’Ontario. Remontée en 2012 à la Art Gallery of Sudbury, Cage Call est applaudie au Canada, mais aussi aux États-Unies, où le sujet inusité, les travailleurs, ainsi que son traitement en noir et blanc piquent l’intérêt de plusieurs conservateurs. La dynamique volatile des photographies les révèle comme étant bien plus que des œuvres historiques, ce qui n’est pas sans rappeler les iconiques photographes documentaires américains Walker Evans et Dorothea Lange. Alisan Nordström, conservatrice en chef des photographies au George Eastman House de New York, décrit Louie Palu comme « un romantique et un humaniste. Ses photos ne cherchent pas qu’à documenter un sujet, elles vous touchent en plein cœur. »

Mi-carrière

Le travail de Louie Palu dans les mines l’amène à travailler pour le Globe and Mail à l’été 2001, un emploi qu’il garde encore, quatre ans plus tard, lorsqu’il décide de partir en Afghanistan. Son envie de voir les soldats au labeur, en fait, n’est que le prolongement logique de son intérêt pour les travailleurs. Lors de la conférence de presse de juillet 2005, durant laquelle le général des forces armées canadiennes Rick Hillier a décrit les Talibans comme des « meurtriers et des malfrats détestables », Louie Palu dit s’être rappelé « comment quand j’étais enfant je regardais des films sur le Vietnam et lisait des livres sur le sujet et à quel point le dialogue avec les arts a réellement aidé les États-Unis à faire la part des choses. »

Louie Palu commence son travail à Kaboul, Helmand, Farah et Kandahar en tant que photographe intégré, un titre qu’il perd plus tard, malgré sa nécessité pour continuer à être témoin des combats et garder les Afghans à son emploi en sécurité. « On ne peut pas couvrir la violence et les échanges de tirs sans être intégré », dit Louie Palu, précisant que faire autrement, « c’est assurer la mise à mort de votre interprète. »

Le photographe est néanmoins non intégré lorsqu’il couvre son premier attentat suicide à la bombe en 2006 à Kandahar. « Il y avait une tête là, là-bas un bras, un visage. Pendant des jours, je pouvais sentir l’odeur de la chair brûlée dans mon nez. Quand je suis retourné à Toronto, je me rappelle être descendu de l’avion et être allé directement au Globe and Mail pour déposer mes trucs. En quittant l’édifice, je me suis rendu compte que je portais toujours mes bottes de combat. J’ai ensuite bu jusqu’à perdre connaissance. »

En 2006, le Canada chiffre pour la première fois ses victimes dans les deux chiffres : 36 soldats sont victimes, ainsi que le diplomate Glyn Berry. L’année marque aussi un tournant sanglant pour les Forces canadiennes. Bien qu’elles ne perdent aucune bataille et se battent avec courage, elles accumulent des pertes dont Louie Palu est souvent le témoin immédiat. Ce dernier compte d’ailleurs à son actif plus de 150 évacuations médicales en hélicoptère, des centaines de patrouilles à pied culminant souvent en échanges de tirs et autant d’opérations de combat.

Les quinze premières batailles documentées par Louie Palu ont lieu en septembre 2006 dans le cadre de l’Opération Medusa, basée à Pashmul, petite agglomération de village au sud-ouest de Kandahar. Pour les soldats canadiens, de dire le photographe, « Pashmul restera l’un des lieux qu’ils n’oublieront jamais. »

En février 2007, convaincu qu’il ne pourra jamais renouer avec ses ambitions artistiques en raison de ses fonctions et des délais contraignants qui les accompagnent, Louie Palu quitte son poste au Globe and Mail. En août et en septembre 2008, il s’intègre aux marines américains postés dans la province de Helmand. Là, il renoue avec sa technique développée pendant Cage Call, où ses sujets regardent un « ailleurs » absent du cadre de la photo. Son travail auprès des Marines culmine en une série de portraits cois, mais troublants présentés dans l’exposition The Fighting Season. Les soldats sont photographiés en gros plan. Hagards et sales, ils fixent l’objectif d’un air taciturne, de telle façon qu’il est impossible de ne pas ressentir la relation qui les lie au photographe. Il s’agit là d’un des signes distinctifs de son œuvre. La photographie « U.S. Marine GySgt. Carlos "OJ" Orjuela, Age 31, Garmsir, Helmand, Afghanistan » est sélectionnée parmi plus d’un million d’autres photos par le Musée des Beaux-Arts de Houston pour sa réputée exposition WAR/PHOTOGRAPHY: Images of Armed Conflict and Its Aftermath.

Une photo particulièrement mémorable de l’exposition Kandahar : The Fighting Season est « Eating Grapes in Pashmul During a Patrol in Zhari District ». Il s’agit du gros plan en noir et blanc d’un soldat casqué de l’armée nationale afghane qui, bien caché dans un buisson au bord de la route, porte à sa bouche moustachue une grappe de raisins verts. Ses yeux sont grands et tourmentés.

La New America Foundation et le Pulitzer Center on Crisis Reporting offrent tous deux à Louie Palu une bourse importante. Son travail en Afghanistan est exposé dans une foule de galeries aux États-Unis, dont à Houston, à New York, à Philadelphie et à Seattle. Il est probable que le photographe continue d’être mieux connu aux É.-U. qu’au Canada, même si Kandahar: The Fighting Season reste pendant 11 mois au Musée canadien de la guerre à Ottawa au cours de l’année 2012-2013.

Projets récents

En raison du retrait imminent du Canada en Afghanistan, Louie Palu quitte le Moyen-Orient (la mission de combat des Forces armées canadiennes à Kandahar cesse en juillet 2011, même si des troupes restent au pays avec un rôle en matière de formation pendant trois ans encore), mais pas à destination d’un endroit plus paisible. Mira Mexico, sa plus récente série exposée en 2013 au Walters Art Museum à Baltimore, aux Kinsman Robinson Galleries de Toronto et sous forme de journaux conceptuels, l’amène en effet le long de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, un territoire qu’il n’hésite pas à décrire comme plus dangereux que l’Afghanistan ne l’était.

Louie Palu part pour le Mexique en 2011. après avoir frôlé la mort une septième fois, lorsqu’une bombe détonne sous l’hélicoptère d’évacuation dans lequel il prend place. « Je sentais vraiment que j’avais atteint ma limite psychologique, dit-il. J’étais au bout de mes forces. Je dormais avec la lumière ouverte. »

Le choix des guerres de la drogue au Mexique, dont on estime qu’elles ont tué près de 80 000 personnes entre 2006 et 2014, paraît un palliatif étrange, mais Louie Palu commente que « le crime organisé et le commerce de la drogue étaient des sujets qui me trottaient dans la tête depuis des années. Pendant longtemps, j’ai pensé traiter du commerce de l’héroïne en Afghanistan, mais je n’étais pas prêt d’y retourner. Je me suis ensuite rendu compte que l’Amérique latine, la guerre de la drogue, le crime organisé et les cartels, tant de sujets qui me fascinaient, se rejoignaient tous au Mexique. »

Depuis 2011, il travaille en collaboration avec le réalisateur Devin Gallagher sur Kandahar Journals, projet financé collectivement (par l’intermédiaire du site Kickstarter) relatant ses expériences en Afghanistan. Louie Palu réside désormais à Washington DC, mais visite régulièrement Toronto pour poursuivre son premier (et pérenne) projet de photographie sur les sans-abri torontois, qui doivent parfois composer avec des températures hivernales allant jusqu’à moins 40 degrés Celcius. Pour ce faire, Louie Palu marche à une bonne cadence, jetant un coup d’œil aux cages d’escaliers et aux ruelles, expliquant que c’est « l’immédiat et le cru » qui l’intéressent (« Si ça te force à t’arrêter, c’est digne d’une photo. »). Il se fait un devoir de ne pas se cacher de ses sujets, traitant de ridicule la notion de « mouche au plafond ».

Prix et honneurs

Louie Palu est lauréat de nombreux prix, dont le Hasselblad Masters Award for Editorial Photography (2008), le prix du photographe canadien de l’année de l’Association des photographes de presse du Canada (2008) et le Prix du magazine canadien pour une couverture du Report on Business Magazine (2011). Il est aussi récipiendaire de bourses prestigieuses comme le Alexia Foundation Photography Grant for World Peace and Cultural Understanding (2010), le Bernard L. Schwarts Fellowship de la New America Foundation à Washington, DC (2011) et le Pulitzer Center on Crisis Reporting Grant, également basé à Washington, DC (2012).